Ingeburge
[Petite précision : ce RP aurait dû être ouvert dans le sous-forum " Chapelle Royale " mais les droits d'écriture y sont limités donc on fait ça ici^^.]
14 juillet jour 1
Le soleil jouait à cache-cache avec les filets de nuage zébrant le ciel à l'azur pâli et en cette matinée de la mi-juillet, l'activité autour du Louvre semblait accrue, l'annonce du trépas de la Reine de France amenant son flot de curieux, de badauds, d'indécis, d'inquiets et de prédicateurs apocalyptiques. Cette presse était néanmoins pour une part respectueuse car à la faune habituelle se mêlaient tous ceux qui désiraient rendre un dernier hommage à leur souveraine. Il y avait bien ceux qui étaient là pour assister à la parade de ces gens en grand deuil, qu'ils fussent nobles ou roturiers, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, se tenant sur les côtés comme ils assisteraient à un spectacle de la foire du Lendit, commentant les mines allongées des uns et les airs hypocrites des autres, se montrant au contraire les pucelles émues par le décès de cette reine si jeune et si enviée; et il y avait, parmi cette masse indistincte, ceux qui s'étaient déplacés pour des motifs plus personnels comme le désir de soutenir cette royauté qui après une abdication était à nouveau secouée sur ses fondations ou ceux présents parce que de près ou de loin, ces trépas avaient une incidence sur leur propre vie. Et, il importait au final de connaître les motivations de cette foule réunie par une perte puisqu'il s'agissait surtout qu'elle fût là et les crieurs, hérauts, messagers, à grands renforts de déclamations avaient poussé le flux vers le château du Louvre.
Le premier châtelet, sis sur le flanc oriental, passé, il s'agissait ensuite de longer le pan septentrional de l'enceinte protégeant le Louvre, le morceau qui longeait la Seine aux eaux assombries et on arrivait au second poste de garde qui en ce jour de recueillement populaire était largement plus ouvert que de coutumes. Çà et là, aux abords de l'ultime point de passage se tenaient des gardes royaux. Et des gardes, encore, quand l'on pénétrait enfin dans la cour du château, après avoir traversé le pont-levis. Il n'y avait ensuite pas à aller bien loin une fois au cur de la forteresse, la chapelle royale, qui ferait office de salle de deuil, se trouvant immédiatement sur la gauche. Du reste, la file des personnes venues prier pour les défunts indiquait de manière certaine où l'on devait tourner ses pas, les gardes et domestiques de la Maison Royale dépêchés dans la cour également. Il fallait donc quelque peu patienter avant que de pénétrer dans l'église castrale et l'on pouvait ainsi remarquer que le château médiéval avait été paré de sa tenue de grand deuil.
Les portes de la chapelle royale étaient largement ouvertes, afin de permettre l'entrée des arrivants et la sortie des partants. Quand l'on y pénétrait enfin, l'on était d'abord saisi par la pénombre zinzoline, causée par les tentures violettes tendues le long des murs, les draps aubergine parant le mobilier et les fanions pourpres accrochés aux vitres peintes d'images pieuses. Tout était occulté, tout était recouvert et le timide soleil estival parvenant à glisser ses rayons faisait délicatement jouer les teintes des étoffes déroulées. La couleur n'était pas le seul motif de saisissement, l'on était aussi pris, dès le narthex, par l'air saturé de senteurs et après s'être habitué à cet assaut odoriférant, l'on pouvait dénoter des notes d'oliban et de myrrhe brûlant dans des encensoirs de vermeille; l'on distinguait les riches effluves de l'iris jaune, devenu la fleur de lys symbole des Rois de France et parsemé dans tout l'édifice en bouquets exubérants; le nez frémissait en percevant l'odeur cireuse des cierges. Des chandelles, il y en avait dans tous les coins de l'endroit et de toutes les tailles, leur scintillement diffus moirait délicatement les tissus prune et elles formaient une trace lumineuse, le long de la nef centrale qui était empruntée par les entrants pour parvenir jusqu'au-devant du chur, destination de tous; les visiteurs, ensuite, se retiraient par les allées latérales.
Là, devant une barrière dorée à la feuille et parée de rubans violets se trouvaient quelques gardes veillant jalousement sur les deux dépouilles. La mise en bière avait eu lieu la veille, après que les personnes autorisées eurent pu, une dernière fois, après retrait des organes, nettoyage et embaumement, voir les visages apaisés des défunts et ainsi se forger des souvenirs pour, si besoin était, témoigner que c'étaient bien Béatrice et Guise que l'on avait placé sur leur dernière couche. Elle, en bleu, ce bleu de la noblesse, ce bleu de la majesté, ce bleu de la France, du Lauragais, du Nivernais; lui en rouge, ce rouge du pouvoir, ce rouge de la passion, ce rouge de la guerre, ce rouge définitivement guiséen. Les cercueils de plomb avaient été scellés, avec les prières des religieux, et avaient ensuite été placés dans des coffres de bois. C'étaient ces coffres, chacun installé en un catafalque, que le peuple était invité à contempler. Sur la gauche, celui de la Reine, enveloppé dans un drap d'azur soutenu et parsemé de fleurs de lys d'or et recouvert en partie d'un poêle de velours noir; sur la droite, celui du Roi, lui entouré d'un drap d'or frappé de l'aigle éployée des von Frayner lui à moitié dissimulé par la sombre étoffe mortuaire. Chaque lit mortuaire était entouré de hauts chandeliers, à chacun des coins et les deux étaient surmontés d'un dais pourpre frangé d'or. Des vasques emplies d'eau bénite se trouvaient contre la barrière séparant le chur du corps de la chapelle et des goupillons avaient été mis à disposition pour que les défunts puissent être bénis. Les visiteurs, enfin, avaient la possibilité de prendre place sur les prie-dieu du premier rang afin de réciter une courte prière.
Aux gardes surveillant la cour, les abords de la chapelle, l'intérieur et enfin leurs souverains, s'ajoutaient les membres des Maisons Civile et Ecclésiastique Royales; des sièges avaient été disposés pour accueillir tous ceux qui viendraient veiller et des prie-dieu pour ceux qui prieraient. Ceux-ci avaient pris place aux abords de l'abside, dans le chur, aux côtés du roi et de la reine. L'on pouvait ainsi apercevoir des religieux psalmodiant aux côtés de dames de la Chambre pieusement recueillies. Il y avait encore les huissiers, en tenue, placés au plus près des bières parés de draps somptueux et des prélats se relayant pour prier et chanter, à mi-voix. Et enfin, grand ordonnateur d'une représentation royale que même la mort et surtout pas elle, au final n'interromprait pas, le Grand Maître des Cérémonies de France, caducée symbole de sa charge en son giron, mains blanches égrenant un chapelet de buis, vêtu de taffetas noir et la tête recouverte d'une guimpe aussi sombre, était assis dans un coin. Il resterait là, tout du long, car là résidaient ses devoirs. Et puis... Les yeux morts d'Ingeburge se portèrent du catafalque d'or et de sable pour gagner un prie-dieu destiné à l'Infant dont on ne savait s'il viendrait. S'il se montrait, elle serait là, comme elle avait été là pour la mère et inconditionnellement, pour le père.
Les cloches sonnèrent le glas. C'était le premier jour consacré à la veillée des dépouilles de la Reine de France Béatrice de Castelmaure et de son époux, Guise von Frayner. L'hommage durerait trois jours et deux nuits.
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14 juillet jour 1
Le soleil jouait à cache-cache avec les filets de nuage zébrant le ciel à l'azur pâli et en cette matinée de la mi-juillet, l'activité autour du Louvre semblait accrue, l'annonce du trépas de la Reine de France amenant son flot de curieux, de badauds, d'indécis, d'inquiets et de prédicateurs apocalyptiques. Cette presse était néanmoins pour une part respectueuse car à la faune habituelle se mêlaient tous ceux qui désiraient rendre un dernier hommage à leur souveraine. Il y avait bien ceux qui étaient là pour assister à la parade de ces gens en grand deuil, qu'ils fussent nobles ou roturiers, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, se tenant sur les côtés comme ils assisteraient à un spectacle de la foire du Lendit, commentant les mines allongées des uns et les airs hypocrites des autres, se montrant au contraire les pucelles émues par le décès de cette reine si jeune et si enviée; et il y avait, parmi cette masse indistincte, ceux qui s'étaient déplacés pour des motifs plus personnels comme le désir de soutenir cette royauté qui après une abdication était à nouveau secouée sur ses fondations ou ceux présents parce que de près ou de loin, ces trépas avaient une incidence sur leur propre vie. Et, il importait au final de connaître les motivations de cette foule réunie par une perte puisqu'il s'agissait surtout qu'elle fût là et les crieurs, hérauts, messagers, à grands renforts de déclamations avaient poussé le flux vers le château du Louvre.
Le premier châtelet, sis sur le flanc oriental, passé, il s'agissait ensuite de longer le pan septentrional de l'enceinte protégeant le Louvre, le morceau qui longeait la Seine aux eaux assombries et on arrivait au second poste de garde qui en ce jour de recueillement populaire était largement plus ouvert que de coutumes. Çà et là, aux abords de l'ultime point de passage se tenaient des gardes royaux. Et des gardes, encore, quand l'on pénétrait enfin dans la cour du château, après avoir traversé le pont-levis. Il n'y avait ensuite pas à aller bien loin une fois au cur de la forteresse, la chapelle royale, qui ferait office de salle de deuil, se trouvant immédiatement sur la gauche. Du reste, la file des personnes venues prier pour les défunts indiquait de manière certaine où l'on devait tourner ses pas, les gardes et domestiques de la Maison Royale dépêchés dans la cour également. Il fallait donc quelque peu patienter avant que de pénétrer dans l'église castrale et l'on pouvait ainsi remarquer que le château médiéval avait été paré de sa tenue de grand deuil.
Les portes de la chapelle royale étaient largement ouvertes, afin de permettre l'entrée des arrivants et la sortie des partants. Quand l'on y pénétrait enfin, l'on était d'abord saisi par la pénombre zinzoline, causée par les tentures violettes tendues le long des murs, les draps aubergine parant le mobilier et les fanions pourpres accrochés aux vitres peintes d'images pieuses. Tout était occulté, tout était recouvert et le timide soleil estival parvenant à glisser ses rayons faisait délicatement jouer les teintes des étoffes déroulées. La couleur n'était pas le seul motif de saisissement, l'on était aussi pris, dès le narthex, par l'air saturé de senteurs et après s'être habitué à cet assaut odoriférant, l'on pouvait dénoter des notes d'oliban et de myrrhe brûlant dans des encensoirs de vermeille; l'on distinguait les riches effluves de l'iris jaune, devenu la fleur de lys symbole des Rois de France et parsemé dans tout l'édifice en bouquets exubérants; le nez frémissait en percevant l'odeur cireuse des cierges. Des chandelles, il y en avait dans tous les coins de l'endroit et de toutes les tailles, leur scintillement diffus moirait délicatement les tissus prune et elles formaient une trace lumineuse, le long de la nef centrale qui était empruntée par les entrants pour parvenir jusqu'au-devant du chur, destination de tous; les visiteurs, ensuite, se retiraient par les allées latérales.
Là, devant une barrière dorée à la feuille et parée de rubans violets se trouvaient quelques gardes veillant jalousement sur les deux dépouilles. La mise en bière avait eu lieu la veille, après que les personnes autorisées eurent pu, une dernière fois, après retrait des organes, nettoyage et embaumement, voir les visages apaisés des défunts et ainsi se forger des souvenirs pour, si besoin était, témoigner que c'étaient bien Béatrice et Guise que l'on avait placé sur leur dernière couche. Elle, en bleu, ce bleu de la noblesse, ce bleu de la majesté, ce bleu de la France, du Lauragais, du Nivernais; lui en rouge, ce rouge du pouvoir, ce rouge de la passion, ce rouge de la guerre, ce rouge définitivement guiséen. Les cercueils de plomb avaient été scellés, avec les prières des religieux, et avaient ensuite été placés dans des coffres de bois. C'étaient ces coffres, chacun installé en un catafalque, que le peuple était invité à contempler. Sur la gauche, celui de la Reine, enveloppé dans un drap d'azur soutenu et parsemé de fleurs de lys d'or et recouvert en partie d'un poêle de velours noir; sur la droite, celui du Roi, lui entouré d'un drap d'or frappé de l'aigle éployée des von Frayner lui à moitié dissimulé par la sombre étoffe mortuaire. Chaque lit mortuaire était entouré de hauts chandeliers, à chacun des coins et les deux étaient surmontés d'un dais pourpre frangé d'or. Des vasques emplies d'eau bénite se trouvaient contre la barrière séparant le chur du corps de la chapelle et des goupillons avaient été mis à disposition pour que les défunts puissent être bénis. Les visiteurs, enfin, avaient la possibilité de prendre place sur les prie-dieu du premier rang afin de réciter une courte prière.
Aux gardes surveillant la cour, les abords de la chapelle, l'intérieur et enfin leurs souverains, s'ajoutaient les membres des Maisons Civile et Ecclésiastique Royales; des sièges avaient été disposés pour accueillir tous ceux qui viendraient veiller et des prie-dieu pour ceux qui prieraient. Ceux-ci avaient pris place aux abords de l'abside, dans le chur, aux côtés du roi et de la reine. L'on pouvait ainsi apercevoir des religieux psalmodiant aux côtés de dames de la Chambre pieusement recueillies. Il y avait encore les huissiers, en tenue, placés au plus près des bières parés de draps somptueux et des prélats se relayant pour prier et chanter, à mi-voix. Et enfin, grand ordonnateur d'une représentation royale que même la mort et surtout pas elle, au final n'interromprait pas, le Grand Maître des Cérémonies de France, caducée symbole de sa charge en son giron, mains blanches égrenant un chapelet de buis, vêtu de taffetas noir et la tête recouverte d'une guimpe aussi sombre, était assis dans un coin. Il resterait là, tout du long, car là résidaient ses devoirs. Et puis... Les yeux morts d'Ingeburge se portèrent du catafalque d'or et de sable pour gagner un prie-dieu destiné à l'Infant dont on ne savait s'il viendrait. S'il se montrait, elle serait là, comme elle avait été là pour la mère et inconditionnellement, pour le père.
Les cloches sonnèrent le glas. C'était le premier jour consacré à la veillée des dépouilles de la Reine de France Béatrice de Castelmaure et de son époux, Guise von Frayner. L'hommage durerait trois jours et deux nuits.
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