Baile
Dire qu'elle remontait dans le nord en trainant les pieds eut été un euphémisme. En fait, elle s'y dirigeait à reculons. Voilà, à reculons, c'était le mot. Encore une fois, elles allaient jouer les potiches, encore une fois elles allaient servir de maréchaussée gratuite au Royaume. Elle n'en avait plus envie.
Mais comment dire non au Grand Ecuyer de France, quand il vous prenait entre quat'zyeux et qu'il vous disait que la France avait encore besoin de vous? Comment lui dire que le désir profond qu'elle avait en cet instant était que la guerre totale éclatât, pour que bougent les choses un peu partout? Un capitaine d'Ordre royal ne pouvait dire cela sans passer pour traitre aux yeux du serment prononcé par son Grand Maitre hein?
Aussi la Baile s'était tue, avait discuté de tout et de rien avec le Flamand, l'avait même provoqué sur un terrain où elle pensait ne jamais aller. Et elle avait pris la direction du nord. Même la traversée du Limousin, Comté aux mille souvenirs aussi divers qu'intenses et importants pour elle, ne la consolait pas.
C'était en Bourgogne qu'elle aurait voulu être... La nouvelle de l'assassinat de la Reine l'avait surprise en pleine cambrousse guyennoise, alors même qu'elle prenait le départ pour cette nouvelle mission. Beatritz était morte, tuée par une main que la Baile aimait, à qui elle avait donné son corps et à qui elle l'aurait donné encore.
Oui, c'était vers la Bourgogne qu'elle brûlait de diriger les pas de son Inflexible monture. Mais elle avait donné sa parole au de Jeneffe, et les Blanches la suivaient. Elle n'était plus seule maintenant, mais bien responsable de ce groupe qu'elle emmenait. Elle espérait simplement que le procès de Sadnezz durerait assez longtemps pour qu'elle puisse revenir, être là pour son inéluctable exécution...
Elle a été d'humeur taciturne pendant toute la première moitié du voyage. Elle avait rêvé de tomber dans une embuscade quelconque. De se battre jusqu'à tuer. De déverser sur quelqu'un la rage malsaine qui l'habitait. Mais rien. Le calme plat. En Guyenne comme en Périgord et comme en Limousin encore. Demain est un autre jour, mais ce soir, c'est ce soir, et c'est maintenant que la Baile voulait tout faire éclater.
Le groupe atteignit Limoges tard dans la nuit, et après avoir trouvé une auberge qui pouvait accueillir toutes les filles, la jeune capitaine sortit sans plus attendre. Tandis qu'elle avançait sans but, sa main errait dans sa besace, cherchant machinalement la fiole qu'elle avait dérobée à la Corleone, il y a quelques semaines à Nevers. Mais elle ne rencontra que le vide.
Grimaçant de frustration au souvenir du flacon balancé dans les mains de la Saint-Just, la veille du départ de la Blanche de Montauban, elle accéléra l'allure. Une taverne. Il lui fallait boire, quitte à en avoir mal. Maintenant. Elle poussa la porte de la première qu'elle rencontra.
_________________
Mais comment dire non au Grand Ecuyer de France, quand il vous prenait entre quat'zyeux et qu'il vous disait que la France avait encore besoin de vous? Comment lui dire que le désir profond qu'elle avait en cet instant était que la guerre totale éclatât, pour que bougent les choses un peu partout? Un capitaine d'Ordre royal ne pouvait dire cela sans passer pour traitre aux yeux du serment prononcé par son Grand Maitre hein?
Aussi la Baile s'était tue, avait discuté de tout et de rien avec le Flamand, l'avait même provoqué sur un terrain où elle pensait ne jamais aller. Et elle avait pris la direction du nord. Même la traversée du Limousin, Comté aux mille souvenirs aussi divers qu'intenses et importants pour elle, ne la consolait pas.
C'était en Bourgogne qu'elle aurait voulu être... La nouvelle de l'assassinat de la Reine l'avait surprise en pleine cambrousse guyennoise, alors même qu'elle prenait le départ pour cette nouvelle mission. Beatritz était morte, tuée par une main que la Baile aimait, à qui elle avait donné son corps et à qui elle l'aurait donné encore.
Oui, c'était vers la Bourgogne qu'elle brûlait de diriger les pas de son Inflexible monture. Mais elle avait donné sa parole au de Jeneffe, et les Blanches la suivaient. Elle n'était plus seule maintenant, mais bien responsable de ce groupe qu'elle emmenait. Elle espérait simplement que le procès de Sadnezz durerait assez longtemps pour qu'elle puisse revenir, être là pour son inéluctable exécution...
Elle a été d'humeur taciturne pendant toute la première moitié du voyage. Elle avait rêvé de tomber dans une embuscade quelconque. De se battre jusqu'à tuer. De déverser sur quelqu'un la rage malsaine qui l'habitait. Mais rien. Le calme plat. En Guyenne comme en Périgord et comme en Limousin encore. Demain est un autre jour, mais ce soir, c'est ce soir, et c'est maintenant que la Baile voulait tout faire éclater.
Le groupe atteignit Limoges tard dans la nuit, et après avoir trouvé une auberge qui pouvait accueillir toutes les filles, la jeune capitaine sortit sans plus attendre. Tandis qu'elle avançait sans but, sa main errait dans sa besace, cherchant machinalement la fiole qu'elle avait dérobée à la Corleone, il y a quelques semaines à Nevers. Mais elle ne rencontra que le vide.
Grimaçant de frustration au souvenir du flacon balancé dans les mains de la Saint-Just, la veille du départ de la Blanche de Montauban, elle accéléra l'allure. Une taverne. Il lui fallait boire, quitte à en avoir mal. Maintenant. Elle poussa la porte de la première qu'elle rencontra.
_________________