--Chimaera
... Ou devant les Murs de Sarlat, Enfin...
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.
Du Bellay
... Ou l'on apprend qui se présente devant les murs, et pourquoi, en partie...
Oyez mon histoire, habitants, Nobles et Manants de la Ville de Sarlat que je vois déjà belle!... Oyez-là bien, car elle comporte quelque mérite et quelque morale, et lorsque ces deux la bien se mélangent, on y trouve généralement quelque motif à distraction.
Celui que vous voyez devant vos murs, de blanc et de bleu vétu, entouré de son escorte, quelque peu poussiéreux, se prénomme Andaevinn. Il est jeune encore, la petite trentaine, la moustache et la barbichette blondes comme les blés. Il se tient campé sur ses bottes, dressé pour mieux observer l'endroit. Son chapeau blanc vissé sur sa tête, et un long estoc pendant à son côté.
Il n'a peut-être pas la carrure athlétique des dieux grecs, mais du haut de son mètre quatre-vingt-dix (je vous fait grâce de compter en pieds et toises, nous ne sommes point sur les bancs de l'école...), il a encore fort belle prestance, et si sa taille n'est point sculptée comme jeu de glace, son ventre n'est pas non plus proéminent. Ses yeux bleus trahissent l'origine Scandinave de ses parents.
Au mitan de sa vie, cet homme vient en Sarlat pour y trouver quelque calme et quelque repos auprès de connaissances qui l'ont ici convié. Et aussi pour fuir un peu l'atmosphère étouffante des lieux ou il réside usuellement. Ou est cela? vous en saurez plus en le lui demandant!
Sa voix est un baryton léger, doux, aux accents policés de ceux dont le français n'est point la langue maternelle mais qui le pratiquent depuis fort longtemps, et il souligne certains de ses mots de petits gestes de ses mains gantées. Ces mêmes mains qui me caressent parfois le dos, ou le plat de la tête, entre les oreilles...
Sa vie n'est pas un modèle de repos jusque ici. Né dans la lointaine Scanie, (ce que nos descendants appeleront plus tard le Royaume de Suède), fils d'un des sept Ducs règnants sur ce royaume, sur l'île d'Åland. Ceci était un début confortable... La suite fut plus agitée, mais si vous voulez la connaître, il faudra la lui demander.
Toujours est-il que notre homme, mon maître, donc, est devenu Duc d'Arlanda, une autre des provinces de Scanie, mais aussi de Montcalm, territoire des provinces Impériales, fief de sa mère. Que je vous rassure tout de suite. Cela ne lui est point monté à la tête. En partie grâce a moi, qui ne manque jamais, par quelques mordillement et coups de pattes, de le ramener à la raison.
Mais qui suis-je, en fait, moi, qui vous parle? Je suis à la fois sa conscience, à notre Andaevinn, mais aussi sa peste, celle qui profite qu'il ait le dos tourné pour manger tout le chocolat, ou pour lui chiper des tartines pendant qu'il est perdu dans les yeux de quelque belle dame.
Je suis une petite bête, toute blanche, de la queue a la tête, excepté le bout de ladite queue, qui lui est noir. Je suis folâtre, aimable, charmeuse, bavarde en diable, mais surtout, je suis une Chimère. Vous ne connaissez-pas les chimères, dans le Sarladais? Eh bien comptez qu'après quelques jours dans ce beau pays, vous saurez tout sur elles, et partant, sur moi.
Mais assez bavardé, il est temps pour notre homme de se présenter lui-même, et pour moi de reprendre mon rôle d'animal de compagnie, dévoué, fidèle, et espiègle si possible...
Votre dévouée,
Chimaera Animalis
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Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.
Du Bellay
... Ou l'on apprend qui se présente devant les murs, et pourquoi, en partie...
Oyez mon histoire, habitants, Nobles et Manants de la Ville de Sarlat que je vois déjà belle!... Oyez-là bien, car elle comporte quelque mérite et quelque morale, et lorsque ces deux la bien se mélangent, on y trouve généralement quelque motif à distraction.
Celui que vous voyez devant vos murs, de blanc et de bleu vétu, entouré de son escorte, quelque peu poussiéreux, se prénomme Andaevinn. Il est jeune encore, la petite trentaine, la moustache et la barbichette blondes comme les blés. Il se tient campé sur ses bottes, dressé pour mieux observer l'endroit. Son chapeau blanc vissé sur sa tête, et un long estoc pendant à son côté.
Il n'a peut-être pas la carrure athlétique des dieux grecs, mais du haut de son mètre quatre-vingt-dix (je vous fait grâce de compter en pieds et toises, nous ne sommes point sur les bancs de l'école...), il a encore fort belle prestance, et si sa taille n'est point sculptée comme jeu de glace, son ventre n'est pas non plus proéminent. Ses yeux bleus trahissent l'origine Scandinave de ses parents.
Au mitan de sa vie, cet homme vient en Sarlat pour y trouver quelque calme et quelque repos auprès de connaissances qui l'ont ici convié. Et aussi pour fuir un peu l'atmosphère étouffante des lieux ou il réside usuellement. Ou est cela? vous en saurez plus en le lui demandant!
Sa voix est un baryton léger, doux, aux accents policés de ceux dont le français n'est point la langue maternelle mais qui le pratiquent depuis fort longtemps, et il souligne certains de ses mots de petits gestes de ses mains gantées. Ces mêmes mains qui me caressent parfois le dos, ou le plat de la tête, entre les oreilles...
Sa vie n'est pas un modèle de repos jusque ici. Né dans la lointaine Scanie, (ce que nos descendants appeleront plus tard le Royaume de Suède), fils d'un des sept Ducs règnants sur ce royaume, sur l'île d'Åland. Ceci était un début confortable... La suite fut plus agitée, mais si vous voulez la connaître, il faudra la lui demander.
Toujours est-il que notre homme, mon maître, donc, est devenu Duc d'Arlanda, une autre des provinces de Scanie, mais aussi de Montcalm, territoire des provinces Impériales, fief de sa mère. Que je vous rassure tout de suite. Cela ne lui est point monté à la tête. En partie grâce a moi, qui ne manque jamais, par quelques mordillement et coups de pattes, de le ramener à la raison.
Mais qui suis-je, en fait, moi, qui vous parle? Je suis à la fois sa conscience, à notre Andaevinn, mais aussi sa peste, celle qui profite qu'il ait le dos tourné pour manger tout le chocolat, ou pour lui chiper des tartines pendant qu'il est perdu dans les yeux de quelque belle dame.
Je suis une petite bête, toute blanche, de la queue a la tête, excepté le bout de ladite queue, qui lui est noir. Je suis folâtre, aimable, charmeuse, bavarde en diable, mais surtout, je suis une Chimère. Vous ne connaissez-pas les chimères, dans le Sarladais? Eh bien comptez qu'après quelques jours dans ce beau pays, vous saurez tout sur elles, et partant, sur moi.
Mais assez bavardé, il est temps pour notre homme de se présenter lui-même, et pour moi de reprendre mon rôle d'animal de compagnie, dévoué, fidèle, et espiègle si possible...
Votre dévouée,
Chimaera Animalis
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