Margot ne disait rien, serrant le cou du renard avec ses petits bras comme une étoile saccroche dans la nuit pour ne pas tomber.
Elle cache son visage dans le creux de son épaule, respirant doucement, recrachant leau qui se glisse dans sa bouche.
Son souffle léger rassure celui qui la soutient et la maintient contre son corps
Contre son âme.
Poupée si petite, si légère quelle nest presque daucun poids et la seule contrainte est quil se porte lui-même, cherchant à se maintenir au dessus des flots.
Les deux se taisent, poursuivant la silhouette dun navire devenu fantôme, priant lespoir dans le tableau noir de leur horizon.
Les vagues sont hautes et forment une danse presque harmonieuse sur lesquelles ils glissent dans une chorégraphie inquiétante.
Ladieu sous la langue comme un oiseau chassé, il saccroche au rideau terne de cet instant tragique.
Il regarde ce petit bout de femme dans son manteau devenu gris à force dessuyer ses larmes.
Il naura pas la force et il gémit, priant pour la petite vie de Margot, offrant la sienne mille fois et son âme avec.
Il la regarde comme un ange recroquevillé contre lui, les yeux fermés pour mieux se retrouver ailleurs, dans un autre lieu.
Tout ceci nest quun mauvais rêve et il le sait. Ils se réveilleront bientôt et elle ira courir dans lherbe grasse de Longueville.
Il entendra son petit rire comme il se souvient, lors de ses rondes sur les hauts parapets.
Elle samusait tout en bas, courant après une feuille, chantant avec le vent.
Cétait une petite silhouette et son énergie était la lumière de ce domaine.
Son rire était la réponse aux oiseaux et le renard lobservait du haut de sa ronde comme on apprécie la seule couleur plaisante à nos rêves.
Il souriait à chaque fois.
Puis il pense à Anya.
Son gémissement se mêle à sa frustration et sa colère qui se décuple autant quil limagine à cet instant.
Que va-t-elle devenir ?
Elle navait pas besoin de ce drame ! Elle qui déjà souffre depuis trop longtemps.
Et lui ! Lui na pas su lui ramener sa petite fée.
Il voulait crier, hurler que
non ! Pitié, pardonne-moi ! Je ne voulais pas ça
Léchec comme à chaque fois, sentiment qui revenait bien trop souvent et le revers de ses idées dans une place quil na jamais pu trouver.
Il na été que lombre de lui-même
Celui quon apprécie et quon souhaite avoir dans son sillage parce quil est différent.
Un renard au caractère mélangé entre lobscurité et la volupté, fort et doux, souriant par respect.
Sa prestance nétait que le réconfort dune présence rassurante
Et il allait la décevoir au plus haut point.
Le vent
Le bruit des vagues.
Les minutes passent et paraissent des heures, Margot ne bouge pas. Seule sa respiration collée à son oreille le rassure.
A lheure où la rage le quitte, il compte sur les fleurs sauvages et relit son sourire sur les vélins de sa mémoire, pour se livrer au délice des images, face au soleil avec un vent léger sur le visage.
Ce monde qui est le sien et dans lequel il a toujours fait son chemin presque seul
Un monde en forme de tanière, tout en couleur ou le renard pouvait rêver en toute quiétude.
Il sy cachait souvent, se dissimulant aux yeux de ses amis. Il se sentait bien.
Sa vision mélange le sel de ses larmes avec celui de la mer et il ne voit pas cette silhouette qui se rapproche deux.
Un morceau de rêve éveillé dans le vacarme des vagues et une ombre dans la pénombre, comme une illusion dans un instant perdu.
Il na plus beaucoup de force et cest avec son dernier souffle quil tire sur ses bras et se dirige vers
Un canot.
Lorsque les dernières forces senfuient et que la fin est proche, on offre le cri de lultime prière.
Plus rien ne compte que cette petite fille quil soulève hors de leau, la présentant du bout de ses bras à la silhouette comme une offrande, tandis quil sétouffe avec cette eau qui écorche son souffle.
Une voix
Celle dun homme.
Il ne sait plus, il nentend plus.
Le poids de la petite fille disparait de ses bras et de sa conscience
Elle est sauve !