Linon
[Tour de Lenay]
Les yeux ronds de stupéfaction, Linon tentait d'assimiler ce que lui racontait le colporteur, sans doute aussi bonimenteur à ses heures.
De quoi? Mais qu'est-ce que vous racontez...? Froncement d'un sourcil Vous avez bu, vous !
Que nenni, que nenni, j'ai rien picolé du tout à c't'heure ! D'ailleurs fait drôlement soif chez vous. J'ai la gorge bien trop sèche pour tout bien me souvenir et répéter.
La jeune femme s'assombrit un instant en constatant qu'encore une fois, les nouvelles fraîches du duché allaient lui coûter un bras.. ou au moins un doigt. Mais toujours pas très désireuse de sortir de chez elle, elle fit signe à l'homme de la suivre, lequel s'empressa d'obéir en abandonnant son barda dans la cour.
Une fois dans la cuisine, il retira son chapeau et s'assit sans plus de manière à la table, comptant bien obtenir le souper sur place. Pendant ce temps, Linon hésitait entre le cidre de son mari et le vin raté de leur cave. Mais voulant mettre l'homme dans de bonnes dispositions, elle sacrifia le cidre de Titi. Tant pis, ça lui donnerait un prétexte pour aller traîner en taverne...
Une fois l'homme servi et elle-même assise en face de lui, la béquille soigneusement posée à portée de main, elle le relança.
Bon allez, redites-moi tout ça.
L'homme fit claquer sa langue, pas mécontent de la boisson réservée au seigneur des lieux, et pour mériter un deuxième verre s'empressa de répondre.
Mais ma bonne dame, vous sortez donc jamais?
Euh non... pas plus loin que Saumur en tout cas.
Mais ça fait le tour de tout le duché ! J'vous dis qu'il y a un breton qui a pris Angers... !
M'enfin c'est pas possible !! Comment vous savez ça?
Ben j'l'ai vu, c'est pas dur... il a traversé toute la ville avec ses troupes et son étendard rouge, là... Même que l'nom est aussi incompréhensible que la langue de ses hommes. Du chinois ou un truc comme ça, c'est bien qu'c'est un breton... un grand costaud blond à l'air pas commode... les femmes se pâment sur son passage ! Tss, z'ont pas plus d'tenue que des chattes en chaleur les bonnes femmes quand elles voient une armure.
Oui bon, on s'en fout...
Ah non, non, on s'en fout pas hein !
...
Moui, bref. Alors ce breton, vous savez ce qu'il fait là? Les tourangeaux sont entrés en Anjou? j'croyais que la Bretagne était là pour eux...
L'homme regarda son verre vide en gardant le silence. Linon suivit le regard et s'empressa de remplir le verre.
Alors?
Alors... j'vous l'donne en mille ! L'Anjou a été vendu à la Bretagne !!
Sidérée, la brune fixa l'homme
Non mais vous débloquez, qu'est-ce que c'est que ces salades? Anjou et Bretagne sont alliés petit grommellement au sujet de cette alliance meurtrière... le Ponant, tout ça...
Ouais ! absolument ! Mais le Ponant a décidé que l'Anjou savait pas s'autogérer, donc la Bretagne l'a annexé. Parce que si la France voulait attaquer... vous vous doutez bien qu'on tiendrait pas deux jours. Vous m'contredirez pas, j'pense...
Légère grimace de Linon qui devait bien reconnaître la logique du raisonnement. Mais pourtant, ça restait difficile à croire...
Mais le duc? Qu'est-ce qu'il a dit?
Qui ça? Thoros?
Mais nooon... ! Le VRAI duc, celui qui a été élu, Kirke ! Et l'conseil alors...? C'est pas possible qu'ils aient accepté...
Ah eux...
L'homme haussa légèrement une épaule et regarda la brune.
Z'êtes vraiment au courant de rien, vous... Ils sont tous morts, une vraie boucherie.
Linon blêmit.
Hein??? Mais qu'est-ce que vous racontez? Ça va pas, non??
Hélas ma pauv'dame, c'est tout c'qu'il y a d'plus vrai... l'hydreux en avait marre, la Bretagne voulait l'Anjou, z'ont fait alliance et l'breton a fait zigouiller tout l'monde... comme ça, s'ra régent.
...
Mais...
...
De plus en plus blanche, Linon fixait l'homme qui détourna le regard, un peu gêné. A toute allure, les visages connus des conseillers défilèrent dans son esprit, certains noms lui échappaient... le choc sans doute.
Mais c'est pas possible, j'ai vu mon filleul, Charles de Raveline il y a... pas longtemps. Et Kilia !! La duchesse Kilia ! je l'ai vue en taverne il y a deux ou trois jours!
Ouais ben je sais pas, sont tous morts j'vous dis. Plus personne les a vus depuis... ouhla... depuis la l'vée d'ban j'crois bien. C'est ça qui a dû agacer. On s'demande pourquoi d'ailleurs... on n'a pas vu arriver un seul noble. Ou en tout cas, pas deux. La seule qui s'est échappée c'est la dame de l'université, la baronne là...
Rose?
Ouais c'est ça. On l'a vue galoper vers le camp des bretons, l'air folle de rage. M'est avis qu'elle voulait les venger... Doit être morte aussi à l'heure qu'il est.
Stupéfaite, Linon cessa de l'écouter. Vacillante, elle se releva et prit mécaniquement sa béquille. Indécise un instant, elle finit par laisser l'homme seul et emprunta le couloir qui menait à une pièce toujours verrouillée. Elle ouvrit la porte à l'aide de son trousseau de clefs, et se retrouva au milieu du trésor de Lenay. Des dizaines d'épées rutilantes et de boucliers neufs étaient sagement disposés là, à côté des coffres plein d'or. De quoi armer et payer plusieurs armées. Elle compta soigneusement 502 écus, puis retourna en cuisine. Sans prêter attention au fait que l'homme avait la bouche pleine de pâté car il s'était servi en son absence, elle lui donna deux écus.
Merci. Vous pouvez partir maintenant.
Sentant qu'il n'aurait rien de plus, le colporteur salua de la tête et retourna à sa charrette pour finir sa tournée.
La jeune femme serra les écus dans le buffet et se mit en quête de son mari.
Titouuuuuuuuuuuuuuuu !!!! Viens vite essayer ta cote de mailles et choisir le nom de ton armée ! Faut que t'ailles raser la Bretagne !!!
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Les yeux ronds de stupéfaction, Linon tentait d'assimiler ce que lui racontait le colporteur, sans doute aussi bonimenteur à ses heures.
De quoi? Mais qu'est-ce que vous racontez...? Froncement d'un sourcil Vous avez bu, vous !
Que nenni, que nenni, j'ai rien picolé du tout à c't'heure ! D'ailleurs fait drôlement soif chez vous. J'ai la gorge bien trop sèche pour tout bien me souvenir et répéter.
La jeune femme s'assombrit un instant en constatant qu'encore une fois, les nouvelles fraîches du duché allaient lui coûter un bras.. ou au moins un doigt. Mais toujours pas très désireuse de sortir de chez elle, elle fit signe à l'homme de la suivre, lequel s'empressa d'obéir en abandonnant son barda dans la cour.
Une fois dans la cuisine, il retira son chapeau et s'assit sans plus de manière à la table, comptant bien obtenir le souper sur place. Pendant ce temps, Linon hésitait entre le cidre de son mari et le vin raté de leur cave. Mais voulant mettre l'homme dans de bonnes dispositions, elle sacrifia le cidre de Titi. Tant pis, ça lui donnerait un prétexte pour aller traîner en taverne...
Une fois l'homme servi et elle-même assise en face de lui, la béquille soigneusement posée à portée de main, elle le relança.
Bon allez, redites-moi tout ça.
L'homme fit claquer sa langue, pas mécontent de la boisson réservée au seigneur des lieux, et pour mériter un deuxième verre s'empressa de répondre.
Mais ma bonne dame, vous sortez donc jamais?
Euh non... pas plus loin que Saumur en tout cas.
Mais ça fait le tour de tout le duché ! J'vous dis qu'il y a un breton qui a pris Angers... !
M'enfin c'est pas possible !! Comment vous savez ça?
Ben j'l'ai vu, c'est pas dur... il a traversé toute la ville avec ses troupes et son étendard rouge, là... Même que l'nom est aussi incompréhensible que la langue de ses hommes. Du chinois ou un truc comme ça, c'est bien qu'c'est un breton... un grand costaud blond à l'air pas commode... les femmes se pâment sur son passage ! Tss, z'ont pas plus d'tenue que des chattes en chaleur les bonnes femmes quand elles voient une armure.
Oui bon, on s'en fout...
Ah non, non, on s'en fout pas hein !
...
Moui, bref. Alors ce breton, vous savez ce qu'il fait là? Les tourangeaux sont entrés en Anjou? j'croyais que la Bretagne était là pour eux...
L'homme regarda son verre vide en gardant le silence. Linon suivit le regard et s'empressa de remplir le verre.
Alors?
Alors... j'vous l'donne en mille ! L'Anjou a été vendu à la Bretagne !!
Sidérée, la brune fixa l'homme
Non mais vous débloquez, qu'est-ce que c'est que ces salades? Anjou et Bretagne sont alliés petit grommellement au sujet de cette alliance meurtrière... le Ponant, tout ça...
Ouais ! absolument ! Mais le Ponant a décidé que l'Anjou savait pas s'autogérer, donc la Bretagne l'a annexé. Parce que si la France voulait attaquer... vous vous doutez bien qu'on tiendrait pas deux jours. Vous m'contredirez pas, j'pense...
Légère grimace de Linon qui devait bien reconnaître la logique du raisonnement. Mais pourtant, ça restait difficile à croire...
Mais le duc? Qu'est-ce qu'il a dit?
Qui ça? Thoros?
Mais nooon... ! Le VRAI duc, celui qui a été élu, Kirke ! Et l'conseil alors...? C'est pas possible qu'ils aient accepté...
Ah eux...
L'homme haussa légèrement une épaule et regarda la brune.
Z'êtes vraiment au courant de rien, vous... Ils sont tous morts, une vraie boucherie.
Linon blêmit.
Hein??? Mais qu'est-ce que vous racontez? Ça va pas, non??
Hélas ma pauv'dame, c'est tout c'qu'il y a d'plus vrai... l'hydreux en avait marre, la Bretagne voulait l'Anjou, z'ont fait alliance et l'breton a fait zigouiller tout l'monde... comme ça, s'ra régent.
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Mais...
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De plus en plus blanche, Linon fixait l'homme qui détourna le regard, un peu gêné. A toute allure, les visages connus des conseillers défilèrent dans son esprit, certains noms lui échappaient... le choc sans doute.
Mais c'est pas possible, j'ai vu mon filleul, Charles de Raveline il y a... pas longtemps. Et Kilia !! La duchesse Kilia ! je l'ai vue en taverne il y a deux ou trois jours!
Ouais ben je sais pas, sont tous morts j'vous dis. Plus personne les a vus depuis... ouhla... depuis la l'vée d'ban j'crois bien. C'est ça qui a dû agacer. On s'demande pourquoi d'ailleurs... on n'a pas vu arriver un seul noble. Ou en tout cas, pas deux. La seule qui s'est échappée c'est la dame de l'université, la baronne là...
Rose?
Ouais c'est ça. On l'a vue galoper vers le camp des bretons, l'air folle de rage. M'est avis qu'elle voulait les venger... Doit être morte aussi à l'heure qu'il est.
Stupéfaite, Linon cessa de l'écouter. Vacillante, elle se releva et prit mécaniquement sa béquille. Indécise un instant, elle finit par laisser l'homme seul et emprunta le couloir qui menait à une pièce toujours verrouillée. Elle ouvrit la porte à l'aide de son trousseau de clefs, et se retrouva au milieu du trésor de Lenay. Des dizaines d'épées rutilantes et de boucliers neufs étaient sagement disposés là, à côté des coffres plein d'or. De quoi armer et payer plusieurs armées. Elle compta soigneusement 502 écus, puis retourna en cuisine. Sans prêter attention au fait que l'homme avait la bouche pleine de pâté car il s'était servi en son absence, elle lui donna deux écus.
Merci. Vous pouvez partir maintenant.
Sentant qu'il n'aurait rien de plus, le colporteur salua de la tête et retourna à sa charrette pour finir sa tournée.
La jeune femme serra les écus dans le buffet et se mit en quête de son mari.
Titouuuuuuuuuuuuuuuu !!!! Viens vite essayer ta cote de mailles et choisir le nom de ton armée ! Faut que t'ailles raser la Bretagne !!!
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