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[RP] La Petite Merveille en Auxerrois

Miguael_enguerrand
Derrière ce titre ambigu, trompeur et même intriguant, se cachait nombre de subtilités que l'auteur serait bien incapable de dévoiler tout de go.
Étrange comme un titre si racoleur et enchanteur peut cacher une histoire si triste. Celle d'un jeune garçon à peine majeur qui se retrouve orphelin, perdu et noyé dans ce monde qui décidément tournait trop vite pour lui. Alors certes, ces temps de barbarie laissaient sur le bord du chemin de la vie un nombre effarant d'orphelins, et bien que les statistiques pourraient considérer cela comme une tendance généralisée et normale, chaque cas individuel s'avérait être un véritable drame.

Ces turpitudes de la vie n'épargnaient pas Miguaël Enguerrand de la Louveterie, jeune garçon qui mariait des origines diverses et variées, du Franchimont maternel à la Bretagne paternelle, en passant par leurs duchés d'adoption respectifs : la Touraine et la Bourgogne. Lui était né dans sur cette terre, et c'était dans ce duché qu'il devait hériter des fiefs paternels.
Il avait perdu sa mère dans sa plus tendre enfance, il n'en gardait d'ailleurs qu'un vague souvenir, une caresse, une tendresse infinie. Aucune image, pas même un visage ne sortait de sa mémoire. Le seul qu'il lui connaissait venait des portraits qui avaient été fait d'elle de son vivant, et bien sûr des descriptions que lui en faisaient son père. Ce père retrouvé mort il ne savait plus quand sur des chemins entre Dijon et Sombernon.
Et de cet abandon, s'en était suivi un exode. Un départ sur les routes de France, il ne savait trop où, une vague idée... Et de belles retrouvailles eurent lieu, le ramenant vers ce duché qu'il avait fui. De ces épisodes, la mort, la solitude, l'affliction, le voyage, il revenait exténué, inhibé, esquinté.

Des lettres qu'il avait envoyées, une en particulier avait une grande importance à ses yeux, et ce fut celle qu'il avait faite porter à celle qu'il allait rencontrer en ce jour. Celle qui était une proche de son Père, évêque de tutelle de celui-ci (il paraitrait ?), héraut ès généalogie de la famille, témoin du mariage de ses parents et sa Marraine devant Aristote et le Très-Haut. Tant de choses regroupées en une telle personne, c'était donc et à tant d'égards celle que Miguaël devait rencontrer, que ce soit pour régler les affaires administratives, familiales, mais aussi et peut-être le plus important pour le jeune homme, le guider et lui apporter ce soutien qui lui faisait tant défaut.
Toutes les histoires qu'il avait pu entendre d'elle la décrivaient comme froide, distante et inhumaine. Pourtant le garçon l'avait toujours connue comme chaleureuse, tendre et proche de lui. Il ne croyait donc absolument pas à ces fadaises et bien que son Père refusait des mois durant avant sa mort de lui parler de sa Marraine, il lui était impossible de juger différemment cette femme qui malgré le peu de rencontres entre eux, il aurait pu considérer comme une mère de substitution.

Il s'était donc défait de ses compagnes de voyage, auxquelles il avait expliqué la situation, pour venir rencontrer Ingeburge qui se trouvait d'après les rumeurs dijonnaises, dans son duché, à Auxerre. Miguaël y était déjà allé, et c'était d'ailleurs l'un des derniers endroits dans lesquels il l'avait rencontrée, un beau souvenir dans l'esprit du garçon.
Le trajet entre Dijon et Auxerre était long, mais au moins il lui laissait le temps de dormir, en effet, vivre en compagnie de Jehanne Elissa -en particulier- n'était pas de tout repos... Et puis... Les rêves étaient encore le seul instant où il parvenait à s'extraire de la triste réalité qui l'accablait, ceux des jours qui suivirent la mort du Père avaient été noirs, mais en ce jour ils n'existaient plus qu'épisodiquement, presque anecdotiquement comparés au chaos qu'était sa vie émotionnelle.

Arrivé dans le duché de sa Marraine, il se fit annoncer.
"Miguaël Enguerrand de Montfort et de la Louveterie." C'était tout, pas de titres, pas de charges, juste les prénoms que lui avaient donnés son père et sa mère et les noms de famille de ses géniteurs.

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Aubin Fichot, incarné par Ingeburge
En cette journée printanière, Aubin Fichot paressait, Aubin Fichot glandait, Aubin Fichot flemmardait, Aubin Fichot musardait, Aubin Fichot cagnardait, bref Aubin Fichot était. Et ce n'était pas l'absence du capitaine du châtelet d'Auxerre Lambert Harserieux en salle des gardes – le bon Morvandiau avait été pressé par une urgence qu'il n'avait pu, lui si consciencieux dans son travail, différer éternellement – qui allait le rendre plus vaillant ou plus actif, bien au contraire. Le chef pas là? Il allait encore moins en ficher, parole de Fichot. Il se tenait donc là, ou plutôt, ne se tenait pas, allongé comme il l'était sur un banc, attendant l'heure de la relève pour quitter son poste, le château et aller se jeter un en taverne avant de regagner son logis. Et, s'il en se montrait pas des plus actifs côté physique, son esprit lui, battait largement la campagne. Il se figurait donc cette soirée dans l'estaminet le plus éloigné du château ducal et s'il soupirait à l'idée de la marche à accomplir, il se consolait en se disant que personne du château n'irait le chercher là. C'est qu'on lui en demandait beaucoup trop à Aubin Fichot, c'était une pitié à avoir à trimer ainsi, c'est vrai quoi, ne pouvait-on pas se contenter de son unique présence? Pourquoi fallait-il qu'on lui demande de s'occuper du portail et des visiteurs qui pourraient s'y présenter, comme là, maintenant?

Là maintenant? Le garde se leva rapidement, aussi rapidement que sa nonchalance et sa désinvolture lui permettaient, il mit donc un pied au sol, puis un autre, se redressa avec lenteur pour s'asseoir, s'étira un brin, se leva en appuyant ses paluches sur ses cuisses, remua son dos avec précautions et finit par être debout tout à fait, épaules voûtées et bras ballants, avant de se souvenir du motif de son lever. Ah oui, un visiteur au portail. Avec la même diligence et le même dynamisme, il s'enquit auprès d'un autre gars du nom du visiteur, n'en comprit pas la moitié, se pencha pour voir de qui il s'agissait, vit un enfant et fit signe pour que le lourd portail de bois fut tiré sans en demander plus. Même Lambert, il en était sûr, n'aurait pas causé de difficultés et aurait laissé entrer le petit friqué, les vêtements le disaient, sans casser les pieds, il pouvait donc faire ouvrir itou. Un gars fut envoyé vers les domestiques pour que l'un prévienne la duchesse, l'autre accompagne son visiteur jusqu'à elle.

Aubin Fichot, lui, fatigué par l'effort surhumain qu'il venait d'accomplir, décida qu'il était temps de reprendre son activité qui avait été fort discourtoisement interrompue, quelle idée avait les gens de venir faire des visites à la duchesse d'Auxerre? Il entreprit donc de se replonger dans son occupation, ahanant sous l'effort, il finit par être à nouveau étendu de tout son long et yeux largement ouverts, réfléchit à la manière de rejoindre la taverne sans avoir à trop marcher.

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Ingeburge
— Miguaël Enguerrand de Montfort et de la Louveterie? En êtes-vous sûr? Avez-vous bien entendu? L'avez-vous su de sa bouche? Qui donc vous a communiqué son nom? Miguaël Enguerrand de Montfort et de la Louveterie?

Le valet qui faisait face à la duchesse d'Auxerre accueillit stoïquement la salve de questions qui suivit, habitué qu'il était aux différentes saillies de sa maîtresse, qui pour déconcertantes qu'elles lui avaient paru au début ne l'émouvaient désormais plus; l'humeur de la Froide était changeante, toute la domesticité auxerroise l'avait fort bien compris et au final, s'avérait plus logique qu'il n'y parût au premier abord. Il répondit donc d'une voix parfaitement calme et avec des manières impeccablement convenables que le visiteur s'appelait bien Miguaël Enguerrand de Montfort et de la Louveterie, affirma ensuite sans trembler qu'il en était sûr, afficha dans le même mouvement et le regard droit qu'il avait fort bien entendu omettant pour autant de rappeler à Sa Grâce qu'elle l'avait un jour complimenté sur la finesse de son ouïe, regretta de ne pas l'avoir su de la bouche du visiteur même indiqua en tempérant son hésitation que c'était le garde assigné au châtelet Aubin Fichot qui lui avait communiqué l'annonce, ledit Aubin Fichot l'ayant recueilli auprès du garde commis au portail et répéta enfin le nom qu'il venait de transmettre.
— Aubin Fichot?
Là, le valet murmura quelques mots indistincts, confus d'être pris en défaut par sa maîtresse car Aubin Fichot n'était pas, tout le monde le savait, un modèle de fiabilité et bien obligé de répondre quelque chose.

— Miguaël...
Et le domestique de baisser les yeux, respectueusement, car la duchesse d'Auxerre montra qu'elle était en proie à une vive émotion. A cela aussi ils étaient habitués ceux qui servaient la Prinzessin, ils voyaient bien plus souvent le visage d'albâtre refléter les sentiments d'Ingeburge que le masque de froideur qu'elle arborait habituellement. C'est qu'elle avait de quoi être émue la Froide, c'était ni plus ni moins son filleul qu'on lui annonçait là. Certes, des filleuls, elle en avait en nombre et ce, pour diverses raisons allant du paroissien esseulé le jour de son baptême aux personnes plus ou moins connues lui demandant cette faveur, mais le petit louveteau était de loin son préféré tant elle l'aimait et tant il avait su la conquérir par ses grâces et son caractère aimable, à toutes ces qualités s'ajoutait qu'elle n'en aimait pas moins le père de l'enfant et qu'elle en respectait tout autant sa mère. Comment, dès lors, ne pas le mettre au premier rang de ses affections?
Ingeburge secoua la tête et leva la main en signe de protestation, repoussant par là les portes de son cœur qu'elle sentait sur le point de s'écarter, elle refusait de s'abandonner à de si doux souvenirs alors qu'elle n'avait aucune certitude – qui pouvait croire Aubin Fichot? – de l'identité de la personne qu'on était en train de lui amener. Elle ne voulait pas être déçue, pas en ce moment, pas aujourd'hui, plus jamais.

Un nouveau geste fut esquissé alors que le valet ouvrait la bouche afin que de reprendre la parole, elle ne voulait pas en entendre plus, elle souhaitait simplement se remettre pour recevoir le visiteur annoncé, elle n'avait pas d'autres choix, elle ne pouvait refuser de paraître. Quelques minutes s'écoulèrent donc durant lesquelles, yeux clos, elle se recomposa un visage présentable, respirant lentement et tâchant de calmer sa nervosité qui se manifestait, comme souvent, par l'habitude qu'elle avait de jouer avec le chaton de ses bagues. Quand elle jugea qu'elle avait suffisamment recouvré d'empire sur elle-même, elle rouvrit les yeux et scruta le visage franc de son valet. Un soupir s'exhala de sa poitrine et l'homme, doucement, demanda en deux mots si le garçon devait être amené à l'aula. Retenant un tressaillement – un garçon? c'était donc bien un enfant qu'on lui amenait, à nouveau elle se sentait fondre, voulant croire que c'était bien Miguaël qui s'approchait, enfilant en ce moment même les corridors du castel –, elle répondit d'un acquiescement de la tête. Suivant alors son serviteur qui s'effaça devant elle une fois le vantail de la porte poussé, elle sortit de sa chambre.

Moins de trois minutes furent nécessaires pour rejoindre l'Aula Magna, vaste salle de réception aux solives du plafond de laquelle pendaient les oriflammes aux armes du duché d'Auxerre et de la famille von Ahlefeldt-Oldenbourg. La duchesse eut à peine le temps de s'installer dans sa cathèdre qu'on lui annonçait déjà Miguaël Enguerrand de Montfort et de la Louveterie. Réfrénant sa curiosité, elle attendit, le visage impassible mais le cœur battant, de voir qui se matérialiserait dans l'encadrement des doubles portes maintenant largement ouvertes...

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Montjoie part en guerre contre les blasons faux, ça va saigner!
Duchesse d'Auxerre & dame d'autres trucs totally awesome, yep!
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Comme les cordonniers sont mal chaussés, les RA ont des blasons tout pétés!
Miguael_enguerrand
Le portail du château Auxerrois lui fut ouvert très rapidement... L'esprit du garçon ne fit qu'un tour : sa Marraine l'attendait. Et sans avoir le temps de se faire prier, il entra dans l'enceinte de la grande cité bourguignonne. Mais une fois à l'intérieur, sa dernière certitude s'ébranla : comment se pouvait-il qu'elle l'attende ? Elle n'avait pas répondu à sa lettre et il ne lui avait pas fait savoir qu'il allait venir à sa rencontre. Peut-être le nom de ses familles était connu ici et considéré comme ami, ou alors sa Marraine était-elle dans la cour et avait-elle ordonné, en entendant son nom, de le faire entrer sans délai.
Cette dernière hypothèse fut bien vite écartée une fois le portail passé, elle n'était pas là. Et la seule âme qui semblait lui donner de l'intérêt était un valet peu loin de l'entrée de la demeure.

Une fois son identité déclinée une seconde fois, il eut le privilège de suivre l'homme dans les corridors du castel. Et à mesure que ses pas le rapprochaient de celle qu'il attendait à présent de voir depuis si longtemps, de celle qui représentait la dernière figure familiale proche -ses sœurs qu'il ne voyait guère souvent aujourd'hui mises à part-, de celle qui avait été la seule à lui donner autant de tendresse que cette mère qu'il ne connaissait guère, Miguaël était habité de sentiments contradictoires. A l'aune de l'image qu'il s'en faisait, il était résolument logique de penser que le jeune garçon ressentait une impatience et une vive joie à la rencontrer. Mais tant de parasites venaient gêner ce tableau idyllique que lui-même cherchait à sauvegarder, d'une part entre leur dernière rencontre et ce jour, il y avait une un événement d'importance, et c'était un euphémisme : son père était mort. L'absence de réponse à sa lettre déstabilisait aussi le garçon. N'avait-il pas eu énormément besoin d'elle dans les jours qui avaient suivi la mort de son paternel ?

Mais une fois les doubles portes passées, le jeune garçon aux cheveux auburn et aux yeux verts avait oublié les quelques griefs qu'il aurait pu retenir contre cette femme qui l'attendait. Miguaël ne fondait certes pas comme sa Marraine, mais la joie qu'il ressentait annihilait toute forme de sentiment malheureux ou simplement contradictoire avec cette bonne humeur communicative.
La première et seule chose qui lui vint à l'idée n'était donc pas de lui faire savoir qu'il avait été peiné de son absence et de celle de sa réponse, mais bien de courir vers elle. De courir pour réduire au plus vite cette distance qui les séparait, courir pour ne pas avoir à se faire prier, courir parce que cette impatience l'y poussait irrésistiblement.
Et pendant cette course durant laquelle ses pieds manquèrent au moins deux fois de s'emmêler, des larmes coulèrent le long de ses joues. Des larmes pour toute cette frustration, pour l'attente, pour toute la peine qu'il n'arrivait pas à évacuer malgré des pleurs fréquents mais aussi des pleurs pour la joie de ces retrouvailles.
On lui avait appris à être digne et à ne pas pleurer devant autrui, mais d'une part il n'était pas avec n'importe qui, et d'autre part, quelle dignité existait il après la mort d'un père ?
Il aurait bien aimé lui dire qu'il l'aimait, qu'elle lui avait manqué et qu'il voulait rester avec elle à présent, mais rien de tout ceci ne put sortir de sa gorge nouée par des sanglots qui ne voulaient pas s'évacuer.

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Ingeburge
Les yeux fébrilement posés sur les doubles portes, l'esprit aux aguets, l'oreille à l'affut, elle tentait de percevoir les premières manifestations de la présence de son visiteur. Tout son être était tendu vers les lourds vantaux de bois, toute son attention s'y reportait et elle cherchait à pénétrer le silence sépulcral de son château, pour se rendre compte s'il était aussi plein et total qu'il semblait désespérément être. Elle n'entendait rien et prête à se laisser aller à cette peine qui ne demandait qu'à la submerger tant elle ne pouvait croire que c'était Miguaël qui lui était amené, tant elle ne voulait pas s'abandonner à ce fol espoir de le revoir et tant elle craignait que la nouvelle se révélât en fait une illusion, elle perçut finalement comme un écho renvoyé par les vieilles pierres du castel. Le silence revint et elle crut sur le moment avoir rêvé mais cette croyance fut aussitôt démentie par les nouveaux bruits qu'elle entendait. Des pas, c'était des bruits de pas, elle en était sûre et l'intensité allant en s'accroissant, elle ne pouvait désormais plus douter. Des chuchotements vinrent compléter le tableau sonore et elle hésita durant un instant à se lever et à s'avancer, afin de réduire la distance qu'il y avait entre elle et le seuil. Mais son élan fut coupé par la crainte qui s'empara à nouveau d'elle, celle de se tromper, celle de faire fausse route et et par sa pudeur naturelle et à se présenter aussi peu formellement à celui qui s'avançait et qui pourrait, s'il n'était pas Miguaël, s'étonner de la voir ainsi, debout, comme éperdue. Elle réfréna donc son envie et alors que ses mains baguées enserraient avec force les accoudoirs ouvragés comme pour affermir sa volonté de ne pas céder à son espérance, son regard fut à nouveau attiré par les portes largement ouvertes à la proximité desquelles il y avait du mouvement. Un valet s'effaçait pour laisser passer le visiteur et ce fut à cet instant précis que toute la peur d'être déçue qui l'avait habitée la quitta sans laisser de trace, comme si elle n'avait jamais existé. C'était lui, c'était indéniable, cela ne pouvait qu'être lui, elle le voyait, il était là, et trop d'émotions déferlaient en elle pour qu'elle eut le loisir d'apposer un nom dessus. Il lui semblait que c'était lui, à quelques signes qui la renseignaient en ce sens mais elle se méfiait tout de même, et à juste titre, car il avait grandi, ses traits s'étaient affinés, sa démarche avait évolué, laissant derrière lui le petit garçonnet qu'elle avait connu et même si elle n'avait plus peur, même si elle le voyait tel qu'il avait été et tel qu'il était sans le reconnaître tout à fait, durant un moment, ce fut l'appréhension qui domina. L'enfant eut alors un geste qu'il avait toujours eu, ce geste qu'il esquissait avant de courir vers elle et quand elle le perçut,justement, il courait déjà et ce fut dans cet élan impérieux qu'il eut vers elle, cette attitude de sa petite enfance qui se rappelait si opportunément à eux qu'elle sut sans plus aucune barrière; il était changé mais toujours le même. L'appréhension fut alors balayée par la joie et elle retint un petit cri quand elle le vit trébucher, ne sachant si elle devait ce réjouir de cette impatience ou la contenir. Mais, elle était aussi impatiente maintenant qu'elle avait la pleine certitude que c'était lui et alors, elle ouvrit largement les bras, tendit gracieusement les mains, avec la même irrépressible ferveur, avec le même pressant transport et quand il parvint à elle, elle reçut en son giron pour l'envelopper de sa chaleur et de son corps .

Elle le garda contre elle et ne le lâcha plus, comme s'ils étaient seuls au monde. Pas un mot ne vint briser l'étreinte, pas un chuchotement ne vint gâcher l'instant alors que pourtant, il y avait tellement de choses qu'elle avait envie de lui dire, tellement de choses qu'elle voulait lui faire connaître. Qu'elle savait, oh, oui, elle savait.
Je sais. Il est parti, il n'est plus là et il t'a quitté. Et non seulement il est parti mais il l'est pour rejoindre ta mère, elle aussi disparue alors que tu étais si jeune et comme elle, comme elle avec qui il est désormais, il t'a été enlevé de la plus brutale des façons, alors qu'il était dans la fleur de l'âge, en pleine possession de ses moyens. Je sais que tu es orphelin, je sais que désormais que tu es seul.
Je sais. Tu l'es d'autant plus que tes sœurs sont loin de toi. Elles l'étaient déjà avant, par leur âge et leurs préoccupations, et elles le sont d'autant plus qu'elles sont ailleurs. Ellesya en Touraine, terrée à Amboise; Esyltt en Limousin, donnant un nouveau sens à sa courte vie. Etre orphelin ne suffisait visiblement pas, il a en plus fallu que ta famille proche te soit hors de portée. Et que dire des autres? Quand ils ne sont pas morts, ils sont loin comme Rhuyzar, Anthoyne, Graoully, Gaïlen, Fagnard, Aldur...
Je sais. Moi qui aurais pu être là ne l'ai pas été, moi qui aurais dû être là ne me suis pas manifestée. Je ne t'ai pas écrit, je ne t'ai pas invité, je n'ai pas cherché à prendre de tes nouvelles. Et pire que cela encore, je n'ai répondu à rien quand tu as pris sur toi d'entrer en contact avec moi. Quelle excuse pourrais-je te servir? Quel motif pourrais-je bien avancer hormis celui t'indiquant que je sais?
Je sais. Parce que moi aussi, même si le lien que j'avais avec lui n'était pas le même que celui que vous entreteniez tous les deux, je l'ai perdu.

A quoi bon lui dire maintenant qu'elle savait? A quoi cela allait-il lui servir désormais? C'était avant qu'il aurait eu besoin de ces paroles réconfortantes, c'était avant qu'il aurait eu besoin d'entendre que l'on pouvait s'en sortir.
Alors, yeux clos, tandis qu'elle le pressait contre son cœur, tandis que ses lèvres s'égaraient dans ses boucles châtain aux reflets roux, tandis qu'elle le berçait doucement, sa bouche s'ouvrit finalement et elle parla, enfin. Il n'y eut que trois mots, trois mots pour qu'il ne soit plus seul, trois mots pour tenter de réparer ce qui s'était brisé, trois mots prodigués comme un baume sur une brûlure :

— Je suis là.

Seulement trois mots mais tout un monde de possibles.
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Miguael_enguerrand
Elle l'avait rattrapé alors qu'il était proche de la chute, entrainé par toute cette frustration qui s'évacuait si rapidement. Elle l'avait rattrapé mais comment aurait-il pu en être autrement pour le jeune garçon ? Comment aurait-il pu simplement croire qu'elle l'esquiverait ? Cela lui était seulement impensable, il ne l'imaginait même pas, cette idée n'approchait même pas l'étendue de son imagination. Miguaël était conquis. De ses émotions s'étaient écartées la colère, la peur et l'appréhension pour laisser place large à l'espoir, à la délivrance et à l'amour. Et ce cocktail détonnant entrainait un flot de grosses larmes glissant sur ses joues et venant s'écraser sur les vêtements que portaient sa Marraine. Et pour s'assurer de bien mouiller comme il convenait lesdits habits, le jeune orphelin se serrait contre le giron d'Ingeburge. Et il la serrait de ses bras d'autant plus forts qu'il ne voulait pas qu'elle parte, qu'il ne voulait pas s'éloigner d'elle et que même balayée, la peur de se retrouver seul une fois de plus le guettait tel un oiseau de mauvais augure. Il la serrait fermement parce que cela éloignait d'autant la résurgence de tous ces sentiments dont il venait de se séparer.
Une parole vint déchirer l'étrange mélodie des sanglots difficilement contenus par cette gorge qui s'asséchait toujours davantage : « — Je suis là. ».
Une somme de réaction était possible en cet instant. L'effroyable sentiment d'abandon et de solitude qu'il avait ressenti consécutivement à la perte de son père aurait pu le conduire à faire ressortir la légitime colère mêlée d'incompréhension. « Pourquoi n'étais-tu pas là ? Je me suis retrouvé seul face au cadavre de mon père. Je me suis senti si désemparé, si seul. Où étais-tu ? Même lorsque je t'ai envoyé un courrier, tu ne m'as pas donné réponse. J'avais et j'ai toujours tant besoin de toi. J'ai dû me rendre à Rome seul pour récupérer ce qui devait lui être remis. Je me suis retrouvé face à toutes ces personnes interrogatives, face à toute cette suspicion. J'ai dû parcourir la moitié de l'Europe pour trouver enfin une personne que mon cas intéressait. Pourquoi n'étais-tu pas là ? ». Mais la joie des retrouvailles pouvait aussi très bien éclater comme marquant la fin d'une période triste et le début d'une ère de bonheur retrouvé. « Oh je suis si heureux de te retrouver ! Tu m'as tant manqué. Ne me quittes plus jamais. Je suis si heureux d'être avec toi. ». Cette réaction ne serait certes pas vraisemblable pour n'importe qui, mais pour Miguaël, ce jeune homme plein de gratitudes et toujours prompt à étaler sa joie, elle l'était.
Le garçon n'était pas capable d'un quelconque calcul à cet instant, il lui était impossible de réfléchir à quelle serait la meilleure réaction ou la phrase la plus efficace pour parvenir à oublier le plus vite possible ce triste évènement. Il était juste guidé par la spontanéité, s'il ne parlait pas c'est qu'il ne pouvait rien dire, étouffé par ses sanglots, et s'il parlait, c'était la simple expression de ce qu'il avait sur le cœur à l'instant présent.
Et c'est entre deux sanglots qu'il réussit à répondre la voix chargée de pleurs :


Ne me laisses plus jamais seul.

C'était l'expression du sentiment le plus fort qui l'avait marqué. Et même si la lettre qu'il avait pu lui écrire ne le laissait pas présager, c'était du fait d'une part de l'ébêtement consécutif au drame et d'autre part parce que derrière une plume, les émotions ne transparaissaient jamais aussi bien que corporellement.

Ne sachant que dire et ayant l'envie de rester ainsi dans ses bras aussi longtemps qu'il le pourrait pour combler ce manque d'affection terrible qu'il avait vécu tout ce temps, il eut pour seule action de poser le côté de sa tête sur le ventre de sa Marraine. Doucement, sa respiration revenait à mesure que les sanglots s'en allaient.

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Ingeburge
Que de force dans ses petits bras! Il la tenait fermement, la serrait énergiquement et il était bien décidé à ne pas la lâcher. Et du reste, elle ne fit rien pour l'éloigner, elle qui avait tant en horreur le moindre contact, elle qui ne supportait pas qu'on la touchât ni même que l'on se trouvât dans sa proximité. Mais Miguaël faisait partie du cercle comme d'autres personnes qui avaient été autorisées au mieux à la frôler en dehors des soins qu'elle recevait des chambrières et des contacts forcés dus à sa dignité de cardinal; la première était Haerindor en ce qu'il était son Præfectus Prætorio et qu'il veillait à ce titre à sa sécurité; la deuxième, Aelith-Anna de Chambertin qui avait pu, après des mois de rapports plus ou moins continus, percer son intimité, la troisième, Theudbald de Malhuys sur qui elle se reposait tant pour les affaires auxerroises et les autrescomme Thomas de Clérel, Chlodwig et Guise von Frayner, Namaycush Salmo Salar, ses amis, ses seuls amis. Si pour tous ces gens, il avait fallu du temps et du courage, aussi loin qu'elle pouvait s'en souvenir, il en avait toujours été autrement avec Miguaël, tout ce qui lui revenait attestait de cette proximité qui avait toujours été la leur. Pourtant, elle entretenait des rapports plus que délicats avec les enfants, elle avait tout simplement du mal à les supporter tant il lui semblait remuants, bruyants et salissants. Rien de tel avec Miguaël dont elle était devenue la marraine, à la demande d'Asdrubael et Morgwen, rien de tel avec cet enfançon qu'elle n'avait ni porté ni nourri et auquel elle était lié par un lien puissant, rien de tel avec ce petit garçon qui semblait toujours ravi de la voir et le faisait savoir de la plus bouleversante des façons. Comme là, présentement.

Que de force dans ses mots! Elle en eut le souffle coupé, comme elle avait déjà été frappée de la force de l'élan qui avait entraîné le Louveteau vers elle quand il avait fait son apparition sur le seuil de l'Aula Magna. La phrase était limpide et claire, les mots la composant simples et dénués d'artifice et tout cet ensemble en fut d'autant plus déroutant. Par lui, Miguaël faisait état de sa volonté, de son désir, de ses ordres, elle n'avait pas le droit de l'en empêcher, il le lui interdisait. Elle aurait voulu lui répondre que jamais elle ne l'éloignerait d'elle et que jamais elle ne se séparerait de lui mais elle ne se sentait pas en mesure de lui promettre une telle chose, elle ne savait que trop combien la vie pouvait receler de surprises qui douloureuses ou non, entraînaient des choix qui ne manquaient pas de bouleverser projets et serments. En outre, elle ne se sentait pas en position de professer pareille assurance, elle n'avait pas été là au moment critique, elle avait été absente quand il avait eu besoin d'être entouré, que vaudrait sa parole, que vaudrait une telle promesse? Elle ne dit donc rien sur le moment, se contentant de le bercer puis de poser sa main sur cette tête qu'il appuyait contre elle.

Que de force dans sa douceur! Cet abandon acheva de la bouleverser. Il était redevenu silencieux, ses sanglots semblaient se tarir et il reprenait son souffle, enfin. Ce comportement était encore plus déroutant que celui semblable à ses souvenirs et de ne plus l'entendre ni exiger ni sangloter finissait de l'attendrir tout à fait. Miguaël, par sa bonté, son amabilité et sa tendresse se révélait plus redoutable encore. Comment dès lors ne pas fondre? Comment résister à l'envie de se soumettre à sa volonté et même, d'aller au-delà? Demeurant mutique, elle réfléchit, combattant son cœur lui dictant de lâcher prise et repoussant sa raison lui intimant de ne rien en faire. Elle avait déjà connu ce paradoxe, avec le père même du jeune Montfort, cette envie d'être elle-même sans pour autant être sûre que ce fût approprié. La conscience l'emporta finalement, rendue plus incisive par le souvenir d'Asdrubael et plus appropriée car si celui-ci avait déjà pris des coups dans la vie, Miguaël, malgré les drames vécus, demeurait tout de même innocent.

Doucement, elle le fit se redresser afin de pouvoir bien observer son visage, puis, elle extirpa de la manche de sa houppelande un mouchoir parfumé au Lys de Florence pour essuyer délicatement la petite figure maculée de larmes. Elle put ainsi le nettoyer et détailler dans le même temps ses traits, y cherchant des traces d'un passé révolu et les signes d'un couple aimé et disparu. La toilette improvisée achevée, elle fit asseoir à ses côtés et lui prit la main. Quelques secondes s'écoulèrent encore et elle les mit à profit pour rassembler ses idées et son courage. Beaucoup de choses devaient être dites, il n'était pas seulement question de savourer des retrouvailles plus aisées qu'elle ne l'aurait cru.
Elle répéta :

— Je suis là.
Puis :
— Et je serai là aussi longtemps que vous...
Une hésitation, sa pudeur naturelle se disputait avec son affection. Elle se lança, finalement :
— Tu es chez toi à Auxerre et partout où je me trouverai. Tu n'es pas seul, je suis là, avec toi, maintenant et plus tard, dès lors que tu en ressentiras le besoin. Aujourd'hui, je suis là, sois-en assuré, je ne vais pas te quitter.

Non, pas aujourd'hui, ni dans les jours à venir car la souffrance ne s'apaisera pas. Ingeburge n'est pas que la marraine du Louveteau, elle est aussi celle qui détient le testament du défunt duc d'Amboise. Comment aborder le sujet? Comment ne pas laisser accroire à de l'indélicatesse et à de l'insensibilité? Sans promettre mais en donnant des gages.
— Je suis là, pour tout et je serai à tes côtés quand te sera remis le testament de ton père dès lors que tu voudras en prendre connaissance.

La main baguée de la duchesse serra davantage celle de la Petite Merveille alors que l'autre saisit le menton de l'enfant. Plantant son regard opalin dans celui de son filleul, elle répéta, comme une conjuration des douloureuses réminiscences qui les environnaient tous deux :
— Je suis là.
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Montjoie part en guerre contre les blasons faux, ça va saigner!
Duchesse d'Auxerre & dame d'autres trucs totally awesome, yep!
Armes en révision!
Comme les cordonniers sont mal chaussés, les RA ont des blasons tout pétés!
Miguael_enguerrand, incarné par Ingeburge



L'attitude protectrice et bienveillante qu'elle avait à son égard que ce qu'elle était pour lui l'avait aidé à sécher ses larmes. Cela faisait tant de temps qu'il n'avait pas reçu de gestes affectueux que celui-ci était d'autant plus appréciable ; il lui semblait même que c'était Ingeburge elle-même qui en avait été l'auteur. Son père quant à lui n'en usait jamais, bien qu'il pouvait montrer son affection pour le garçon de bien d'autres manières, Miguaël n'avait l'impression quelques temps après son décès qu'il n'avait été pour lui depuis aussi loin qu'il se souvenait que d'un maître, d'un enseignant très proche, à l'écoute et très investi par l'éducation de son héritier, mais de proximité physique, point. A mesure qu'elle lui prodiguait des paroles réconfortantes et qu'elle lui assurait avec toujours plus de fermeté qu'elle le soutiendrait toujours et qu'il pouvait compter sur elle, Miguaël était rasséréné, plus sûr de lui.

Et lorsqu'elle lui tint le menton, il reconquit sur lui-même une partie de la mine souriante qui avait été son quotidien. Il hochait la tête en réponse à ses paroles, il y adhérait totalement. Et quoiqu'elle aurait pu dire, il se serait senti incapable de refuser, de nier ou de contredire tant ses émotions et son entendement étaient sans cette protection qui permettait à chaque homme de pouvoir réfléchir, juger et réagir en fonction de ce qu'il entendait. Son libre-arbitre l'avait fuit en ces instants de grâce.

La seule réaction qu'il fut capable de faire éclater, ce furent quelques mots :


Oh Marraine ! Comme tu m'as manqué !

Et de sa petite main, il attrapa doucement celle qui lui agrippait le menton pour la baisser au niveau de l'autre.

Mais comme une vague connait un instant de tranquillité entre le flux et le reflux, les sentiments de Miguaël retombèrent rapidement dans les abysses. Cette irrésistible descente pouvait se lire sur les traits du visage du garçon qu'on aurait pu croire lunatique. Passant de la colère, à l'envie, à la tendresse, à l'amour, à la joie et enfin à l'affliction en l'espace de quelques minutes.
L'idée qui venait de lui repasser par la tête, c'était l'une de celles qui hantaient ses nuits et visiblement il se trouvait dans un état proche de l'onirisme. C'était celle de sa fuite, celle de ce corps transpercé d'une flèche, de cette vie qui était enlevée à la tête et de tous ces doutes quant à l'avenir de cette âme. Peut-être ces idées avaient un enchainement logiques, peut-être suivaient-elles un ordre chronologique. Il ne le savait pas et la torpeur dans laquelle il s'était enfermée ne lui permettait pas d'y réfléchir.

Il prononça quelques mots, couverts de sanglots, tenant toujours la main de sa Marraine bien serrée dans la sienne :


Il est parti... je suis parti... sans moi... il me disait qu'il ne fallait jamais fuir...

Miguaël avait l'impression d'être comme enfermé dans une bulle, mais celle-ci se retrouva rapidement crevée lorsque ses yeux rencontrèrent le visage d'Ingeburge. La prunelle de ses yeux verts semblait être et en toutes circonstances la seule issue à ses évasions séquestrantes et psychédéliques. Son étreinte sur la main de la Duchesse en venait presque à lui crisper le métacarpe. Bien que sa faible force n'ait pas dû faire grand mal à l'auxerroise, il s'excusa d'un regard torturé et lança les quelques phrases qui achevèrent le reflux de ses sentiments :

Je... je voudrais savoir ce qu'il pensait de moi avant de mourir. Je voudrais voir au plus vite ce testament. Marraine je ne sais pas si tu comprends...

La fin de sa phrase fut coupée par un sanglot et il se retrouva bête. A le voir ces dernières minutes, on aurait pu le croire schizophrène ce qu'il n'était pas au demeurant. Il n'était qu'un enfant toujours pas adulte au regard de la société qui avait vécu ce drame de retrouver son père mort transpercé d'une flèche, coupé de toute famille et d'amis pendant un bon mois, qu'il avait passé sur les routes pour échapper à cette triste réalité. Oh il aurait aimé lui parler des beaux sentiments qu'il ressentait à l'égard de la jeune Goupil qui l'avait presque recueillie mais la première occasion de parler qui se présentait était monopolisée par cette peine qui s'était mue en colère et en désarroi.
Il était bête et ne savait que faire.

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Ingeburge
Aux larmes succéda le sourire et celui que lui adressa Miguaël fut éclatant et bouleversant, il balayait les larmes et écartait les regrets. Ce sourire était la promesse d'un renouveau, il était l'espoir d'une relation ressuscitée – ne venait-il pas lui faire aveu de son manque, c'est qu'il se rendait compte lui aussi. Elle se crut alors à Amboise, dans les jardins, en compagnie du duc, d'Esyllt et de Miguaël, elle revoyait avec acuité la promenade, elle se remémorait les dialogues et ce fut la quiétude ambacienne qui les environna, durant un temps.

Durant un temps car la mine joyeuse de l'enfant se brouillait maintenant et affolée par ce changement subit, elle le fixait de ses yeux agrandis par le désarroi, cherchant à comprendre ce qui avait causé cette variation avant même qu'il n'eût prononcé un mot. Bien sûr, il y avait la peine, c'était évident et elle-même savait que cette affliction ne partirait pas du jour au lendemain, elle ne partirait jamais d'ailleurs, elle ne ferait que s'atténuer. Il était donc tout naturel qu'il s'effondrât ainsi, sans parole ou événement particulier, et elle fut d'autant plus frappée par ses mots quand il s'exprima enfin. Il évoquait, sans en donner des détails, la mort d'Asdrubael et elle ne voyait où il voulait en venir, se rendant simplement compte qu'il s'accusait de quelque chose. Préoccupée, elle ne répondit rien, ne souhaitant pas en cherchant à provoquer des confidences, qu'il se refermât sur lui-même. Il lui parlerait, quand la confiance serait pleinement revenue, car pour l'heure, ce n'était qu'une impression, qu'un leurre causés par leurs retrouvailles. Viendraient pour lui l'heure du doute et pour elle l'heure des remords; ce n'est qu'une fois débarrassés des oripeaux d'un passé bien trop douloureux qu'ils pourraient échanger sans retenue.

Elle ne reprit la parole que lorsqu'il pleura à nouveau, sa voix se brisant en un ultime effort consenti pour exprimer sa requête. Mais elle ne s'adressa d'abord pas à lui, se tournant vers un valet :

— Demandez ma reliure de cuir noir à Irenaus et portez-la moi prestement.
Puis, séchant à nouveau les larmes de son mouchoir, elle dit au Louveteau :
— Bien sûr que je comprends. Faisons cela dès maintenant mais tranquillement, il est temps.

Le silence revint, seulement ponctué des soupirs de la duchesse d'Auxerre qui accueillit avec soulagement le retour du domestique lesté du portefeuille; elle lâcha la main de Miguaël. De quelques mots, elle congédia toute la valetaille de faction, désireuse d'être vraiment seul avec son filleul et le temps que les serviteurs se retirent, elle fouilla dans la pochette, à la recherche d'un morceau de parchemin bien particulier. Elle le trouva, au bout de quelques secondes et délaissant le reste de la liasse, elle brisa le cachet frappé fermant le vélin; c'était elle qui avait contresigné et contrescellé le testament du duc d'Amboise, c'était elle qui le dévoilait désormais, en ôtant sa marque de cire incrusté du lion léopardé de la famille von Ahlefeldt-Oldenbourg. Le document fut déplié avec soin, étalé, et finalement déposé entre les mains de l'enfant :
Asdrubaelvect a écrit:

Citation:
      Testament d'Asdrubael de Montfort et de la Louveterie,

      Duc d'Amboise et de Luynes, Vicomte d'Avallon, de Montbazon et de Sombernon, Baron de Vouvray,
      Premier Archidiacre de Lyon, Inquisiteur , Préfet de l'Index ainsi que porteur de la Toison d'Or.

      Anciennement Duc de Bourgogne,
      Régent, Commissaire au Commerce, Général, Bailli, Porte-Parole, Connétable et Consultant de Bourgogne ainsi que maire de Joinville.


    En ce vingt-sixième jour du mois d'octobre de l'an 1458, sain de corps et d'esprit, nous, Asdrubael, souhaitons faire connaître nos dernières volontés lorsque le Très-Haut nous rappellera à lui. Nous désignons nos enfants comme exécuteurs du présent testament.


      De nos terres & titres,


    Que conformément aux volontés de feue notre tendre épouse, seule notre fille Ellesya de la Louveterie pourra porter les titres tourangeaux que nous légua Morgwen.

    Que notre vicomté de mérite de Sombernon ainsi que notre vicomté de retraite d'Avallon reviennent à notre seul héritier, Miguaël de la Louveterie.
    Nous désignons ses deux sœurs, Ellesya et Esyllt comme ses tutrices héraldiques.


      De notre dépouille,


    Que nous soyons enterré aux côtés de feue notre épouse dans la crypte de la Collégiale Saint-Bynarr d'Amboise représente notre vœu le plus cher. Nous laissons le soin à nos enfants et à nos proches du choix de la date, du lieu et des officiants pour nos funérailles, puissent-ils autant que possible respecter notre statut et l'histoire de notre famille.
    Nous souhaitons reposer notre alliance à l'annulaire ainsi que notre épée, fidèle dans la bataille comme dans la vie, à notre côté.


      De nos volontés, messages et legs,


    A Ellesya, notre fille adoptive et ainée, nous offrons le soin de veiller seule sur la Maison de la Louveterie qu'elle gérait déjà bien trop seule. Nous nous excusons de notre manque de présence à ses côtés pour gérer les affaires de notre Maison et de n'avoir pu être d'un réconfort suffisant lorsque de terribles deuils la touchèrent.
    Nous lui offrons notre livre d'heures, ouvragé par l'un des meilleurs artisans bourguignons.
    Qu'elle nous excuse de n'avoir su lui trouver un époux comme sa mère nous en avait chargé. Nous lui assurons que la beauté, l'esprit et la pugnacité qu'elle tient de sa mère l'aideront dans sa recherche d'un bon parti. Qu'elle ne doute point de ses qualités car nous lui assurons et le Très-Haut nous en est témoin qu'elle en est emplie.
    Que nous lui confions également les secrets de feue sa mère. Qu'elle en prenne connaissance et choisisse en son âme et conscience si elle souhaite les conserver, les divulguer ou les détruire -choix que nous n'avons jamais su faire.
    Puisse t-elle veiller avec attention sur sa fratrie.
    Enfin, nous la prions de vivre pleinement sa vie car il est du devoir de tout être humain de tendre vers le bonheur.

    A Esyllt Catarina, fille que nous avons élevée et aimée comme notre propre fille, nous conseillons de ne jamais s'éloigner du Droit Chemin que nous lui avons inculqué. Qu'elle nous excuse une fois de plus de ne pouvoir hériter d'aucune terre appartenant à sa famille, qu'elle sache cependant l'immense fierté que nous avons ressenti en la voyant prendre en main son destin tout juste sortie de l'enfance. Qu'elle nous excuse de n'avoir pu conclure un quelconque contrat de mariage, mais nous ne doutons guère qu'elle saura trouver un époux digne de sa condition et de sa dignité.
    Nous lui offrons notre Toison d'Or ainsi que notre Livre des Vertus personnel, aussi simple et personnel que doit l'être la Foi. Il nous accompagna tout au long de notre vie et ce fut lui qui nous guida lorsque nos yeux ne le purent plus.
    Nous lui laissons également le soin de veiller sur les terres bourguignonnes de notre famille, sur son jeune frère ainsi que sur la réputation que nous avons su adjoindre à notre famille -n'en déplaise aux esprits chagrins- : la piété, l'abnégation, le travail et une fidélité sans borne à la Bourgogne, à sa souveraineté et à la grandeur de son peuple.
    Nous espérons avoir pu lui donner les outils suffisants pour affronter la vie et la prions d'être heureuse car c'est là l'essence même de la vie aristotélicienne.

    A notre héritier, Miguaël Enguerrand, en sus de nos terres âprement acquises, nous confions toute notre correspondance et en particulier celle échangée avec feue sa mère. Puisse t-elle lui permettre de connaître un petit peu celle qui fut notre chère et tendre épouse et qui aurait tant et tant aimé le voir grandir. Nous lui assurons tout l'Amour de ses parents, sur Terre comme au Soleil. Nous veillerons sur lui éternellement.
    Nous lui offrons de même l'intégralité de nos documents et de nos travaux. Puisse t-il toujours être droit et fidèle aux principes aristotéliciens, que cela lui coûte la vie ou ses privilèges. Il n'est d'autre jugement qui doit lui importer que celui du Très-Haut.
    Puissent ses sœurs veiller sur lui et le guider du mieux qu'elles le peuvent vers l'âge adulte.


    A Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg, celle qui fut notre témoine de mariage, la marraine d'Ellesya ainsi que de notre héritier, nous destinons une croix ouvragée qui nous fut léguée par Kirah qui la tenait elle-même de Kreuz car nous connaissons -en partie- les liens qu'elle entretenait avec feu le cardinal. Nous la prions de croire que nous ressentons toujours une forte amitié pour elle bien que les circonstances nous ont éloignés bien plus que nous ne l'aurions souhaité. Nous lui assurons bien que la dernière lettre que nous lui avons envoyée était le reflet sincère et franc de nos sentiments les plus profonds.
    Nous ne souhaitons guère l'accabler de responsabilités qui lui pèseraient mais lui assurons simplement que nous serions heureux si elle veillait sur nos enfants et en particulier participait ou même prenait en charge à l'éducation de Miguaël Enguerrand.
    Nous sommes entièrement affligé de n'avoir pu renouer les liens d'une amitié franche et nous lui prions de croire que cela sera l'un des pires chagrins que nous emporterons avec nous lorsque notre heure sonnera.
    Si elle venait à croire de nouveau en notre amitié, nous lui assurons que rien ne nous ferait plus plaisir que de la voir sourire et être heureuse à nouveau. Vœu pieux et illusoire s'il en est, l'espoir nous étreint.

    A Cyril Kad d'Azayes, notre ami en de maints projets, nous offrons un doigt du célèbre hérésiarque de Penthièvre que nous avons tué sur une route non loin de nos terres de Sombernon. Nous pouvons lui suggérer de le conserver près de lui afin de pouvoir, lorsque l'envie s'en fera sentir, se défouler sur celui-ci.
    Nous lui assurons de notre amitié et le prions s'il y consent -et qu'il y trouve le temps car Dieu cela que celui ci lui manque cruellement- de veiller à ce que nos enfants apprennent à haïr et à traquer les hérétiques et les athées.

    A Gabrielle de Hennefield, notre filleule devant Aristote, nous offrons la correspondance et les souvenirs que nous avons noté quant à ses parents qui étaient nos proches amis. Puisse t-elle également recevoir l'un de nos exemplaires du Livre de Vertus enluminé. Nous nous excusons auprès d'elle de n'avoir pu suffisamment la connaître et de la laisser ainsi privée de parrain et de marraine.
    Nous lui assurons que nos enfants lui feront toujours bon accueil au sein de leurs terres respectives, celles-là même que ses parrains et marraines ont obtenues par leur travail acharné et leur vie consacrée à leur Duché.

    Que notre amie Jusoor reçoive une croix que nous portions durant notre adolescence avec l'assurance de notre sincère amitié. Elle pourra l'offrir à son fils si telle est son envie et nous tenons à lui affirmer que tout Homme doit être élevé et vivre sa vie dans la religion aristotélicienne, seule voie possible vers le bonheur et le Soleil.

    A notre amie Bilichilde, nous offrons notre écritoire de campagne qui nous permit maintes et maintes fois de lui écrire alors que nous étions engagés dans des voyages ou bien dans des campagnes militaires. Nous lui assurons qu'elle fut d'une excellente compagnie et que ses lignes nous mirent du baume au cœur de nombreuses fois.
    Nous prions notre fils Miguaël Enguerrand de l'inviter un jour sur les terres de Sombernon afin de lui offrir un fût de ce bon et précieux vin que nous produisons.

    A notre amie Juliette, malgré des relations parfois conflictuelles mais toujours respectueuses qui se sont mues en une sincère amitié, nous rendons sa jarretière que nous avions gagnée lors de la joute donnée en l'honneur de son mariage. Nous lui assurons par la même de notre franche amitié et de souvenirs amusés en repensant à ses quelques frasques.

    A nos amis Armoria et Erikdejosselinière, nous offrons à chacun un fût de nos caves. Une apparente similitude de leurs parcours et de notre relation avec eux ne peut me conduire qu'à une conclusion : malgré nos avis contraires quant à la place de la Bourgogne, notre travail commun fut toujours un franc succès et nous en venons à désespérer que jamais vous n'ayez été partisan d'une Bourgogne souveraine et fière d'elle-même. En dépit donc de relations parfois difficiles en fonction des sujets, sachez que tous deux conservez mon amitié ainsi que ma profonde considération à votre égard.

    A notre jeune amie Jehanne Elissa, laquelle nous ne connaissons que peu mais en qui nous croyons fermement, nous offrons notre croix aristotélicienne. Nous lui assurons que la lutte -même armée- contre les hérétiques n'est en rien un pêché, c'est le seul moyen d'éviter à l'Humanité le sort qu'elle connut déjà à Oanylone.
    Nous l'invitons à développer encore l'esprit dont elle ne manque déjà pas et invitons nos enfants à l'accueillir en nos terres. Nous lui souhaitons de même une vie heureuse et emplie d'agréables surprises. Que le Très-Haut la protège.

    A Angelyque, nous exprimons notre incompréhension quant à son comportement dernier à notre égard, il nous a profondément surpris et atterré. Nous lui avons longtemps fait confiance au cours de nos différentes responsabilités et elle nous le rendit bien. Mais ce soudain revers fut un choc.
    Nous ne lui demandons rien pour nous, simplement de ne pas cracher sur notre mémoire, notre famille et sur nos faits ainsi que d'apprendre à connaître notre fils.

    A Sorane, une amie fidèle bien que jamais si proche que nous aurions pu le souhaiter, nous confions un jeune destrier qui n'a encore vu que trop peu de batailles et que nous tentions d'élever à la noble condition de cheval de guerre. Nous lui assurons que malgré les critiques dont elle fait presque incessamment l'objet, nous la considérons comme l'une des grandes personnes que la Bourgogne ait connu. Son engagement et son abnégation à la tâche souvent trop discrets sont des plus admirables.

    A Maathis, notre bon ami avec qui nous avons partagé des aventures aussi diverses et variées que la lutte pour la souveraineté bourguignonne ou encore des campagnes contre les Lions de Juda, nous offrons une étoffe portant la croix de Bourgogne avec laquelle nous nous sommes à plusieurs reprises battu dans l'espoir qu'un jour notre cher Duché soit ce pour quoi il a été fait par Dieu. Un Duché souverain, puissant, fier de lui-même et de son histoire. Cher ami, puisses-tu continuer à te battre pour cet idéal.


    A tous ceux que je n'ai point cité, qui sont encore en vie ou même trépassés et avec qui j'ai apprécié vivre, travailler ou encore me quereller, je les recommande à Dieu ou suis heureux de les rejoindre à présent : Ann, Coluche, Senael, Rampa, Kerowynn, Gédéon, Morkail, Samsha, Saxaltesse, Saxotenor, Gaborn, Djemilée, Cardinal, Biquette, Jehan, Elfyn, Persan, Faft, Erwyndyll, Vaxilart, Zaina, Casanier, Théognis, Clothylde, Stam et tant et tant d'autres.

    Quant à ceux qui nous ont trahi, menti ou qui ont par divers moyens sali notre mémoire ou ont porté atteinte à notre personne ou à notre famille, bien que nous les maudissions de notre vivant, nous souhaitons de notre mort que le Très-Haut ait pitié de leur âme.

    Enfin, nous demandons à tous nos proches de ne point trop pleurer notre mort car elle n'est qu'une étape vers -nous l'espérons- le Soleil dans lequel nous pourrons retrouver notre chère et tendre épouse, ce que nous espérions depuis tout ce temps passé loin d'Elle et durant lequel nous n'avons cessé de la chérir et l'aimer.






Et comme si elle prêtait serment, elle répéta :
— Je suis là.
Sa main blanche et baguée revint trouver celle de Miguaël.
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Miguael_enguerrand, incarné par Ingeburge



Ainsi vint le moment tant attendu. Annoncée avec discrétion par le départ de tous les valets de la pièce, l'apparition du testament scellé par Ingeburge -ainsi l'avait elle déjà lu- fut pour le jeune garçon un soulagement certain. Il avait déjà maintes fois spéculé sur le contenu de celui-ci, bien qu'il en connaisse les prémices en cela qu'il avait trouvé dans les documents de son père des ébauches des testaments. Et pourtant, rien qui ne soit relatif à lui-même. Les essais trouvés n'avaient trait qu'à des amis qu'il ne connaissait même pas, parfois juste de nom, parfois pas du tout.

Sa Marraine lui déposa le précieux document dans les mains. Avant d'aller plus loin que le titre, il expira longuement comme pour chasser ses démons. Tout le début n'avait trait qu'à des banalités mais elles n'étaient pas n'importe lesquelles, c'étaient celles de son défunt père et c'est pourquoi il les lisait tantôt avec une attention soutenue, tantôt avec une légère distance liée aux relants d'appréhension sur ce que pourrait bien en être la suite. A mesure qu'il lisait des choses qu'il connaissait déjà, il lui prenait l'envie de sauter des paragraphes pour trouver directement ceux dans lesquels il trouverait son nom. Mais la rectitude morale qu'on lui avait apprise, cette obligation qu'il avait intériorisée à force de l'entendre, de l'apprendre et de l'appliquer le poussa à lire dans l'ordre. C'était comme une barrière morale, bien que cela puisse être sans conséquence de sauter un paragraphe pour y revenir plus tard, la rigueur avait été la qualité première de son éducation et, poussée à un tel point qu'elle devenait infranchissable.

Les larmes coulaient sur ses joues à mesure qu'il avançait dans sa lecture, mais elles n'étaient pas dûes à la colère mais plutôt à une douce peine, à une nostalgie qui le meutrissait avec aménité. C'était la résurgence de la fierté d'appartenir à toute cette famille. Et bien qu'il n'en ait jamais connue aucune autre, c'était celle-là dans laquelle il vivait et pour rien au monde il n'en aurait changé.

Mais après les mots pour ses soeurs et le lot de doux sentiments qu'ils charriaient vint son tour. Peu de mots, moins que pour les autres mais de leur force ils balayaient la peur et l'appréhension pour laisser place à deux sentiments contradictoires. D'un côté la fierté et le poids des responsabilités qu'il lui laissait, et de l'autre un implacable sentiment de culpabilité. Celle qu'il avait déjà exprimée quelques minutes auparavant par quelques mots bien maladroits. Il avait déjà failli, il n'avait pas été droit et avait fui. Etait-il digne de sa condition et de toute la fierté qu'il ressentait?
C'était les questions qu'il allait poser à sa Marraine à la fin du paragraphe qui lui était consacré mais avant même qu'il n'ait eu le temps de lever la tête, les mots suivant attirèrent son regard : « A Ingeburge... ».

Qu'aurait-il pu faire d'autre que de lire ? Bien que la rectitude voulut qu'il fasse les choses dans l'ordre. Et l'ordre était de commencer par poser les questions qui l'assaillaient dors et déjà avant de continuer sa lecture. Mais l'attraction du nom de celle qui était près de lui était trop forte. Que pensait donc son père de sa Marraine ? Pourquoi ne l'avait pas vue depuis des lustres alors que les deux adultes étaient censés être proches ? Jamais personne n'avait voulu lui en dire mot. Peut-être personne ne le savait-il ou peut-être était-ce un secret de polichinelle ?
Il espérait que les lignes qui suivaient lui donnerait l'occasion de tout savoir.

Il n'en était rien et les mots posés sur le vélin n'avaient fait que confirmer son impression et ses constats. Il y avait quelque chose. Un épisode avait été rayé de l'histoire, la cause n'apparaissait pas et ne lui avait jamais été dévoilée. Seule la conséquence subsistait de par les écrits et les mémoires qu'il avait pu interroger. Et cette lettre ? Quelle était-elle ? Il ne l'avait pas trouvée par sa première recherche dans les affaires de son père. Sûrement était-elle bien cachée.
Devait-il l'interroger ou se taire ? Devait-il donner l'illusion de n'avoir rien lu ou au contraire de tout savoir ? Tout cela n'avait pas existé longtemps dans l'esprit de Miguaël et la question primordiale était à cet instant de poser la bonne question. Ou du moins, de la formuler avec intelligence.

La tête relevée vers Ingeburge et le testament posé avec douceur sur ses propres genoux, la Petite Merveille essuya ses larmes. D'un geste de manche délicat il écartait autant les larmes que les cheveux qui avaient l'audace de coller sur la peau de ses tempes ou de son front. Et d'une fois à demi affirmée.


L'as-tu lue ?

Bien qu'il put paraître clair que Miguaël ne parlait pas du testament en lui-même mais de la lettre qu'évoquait son père... Peut-être même parlait-il en deuxième lieu du paragraphe qui traitait d'Ingeburge. Et pour qu'aucune ambiguité ne persiste, du moins l'espérait-il, il reprit plus clairement.

Marraine, dis-moi, que se passait-il ?

Il ne savait guère à quelle réaction s'attendre parce qu'il n'avait pu faire que spéculations et divagations autour de la relation qu'entretenait la Duchesse d'Auxerre et le Duc d'Amboise. Il était dans l'expectative, dans l'espérance... dans l'attente.
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Ingeburge
— Bien sûr que j'ai lu ce testament.

L'affirmation avait été énoncée avec un ton neutre, usuel, même si la question lui paraissait hautement incongrue. Doutait-il de ses compétences? C'était pourtant là son devoir en tant que généalogiste, elle n'avait pas le choix, elle devait prendre connaissance de ce qu'on lui remettait et bien souvent, sa pudeur était heurtée car elle découvrait, de ce fait, nombre de détails privés et avait l'impression de violer l'intimité des nobles lui remettant leurs dernières volontés. Mais c'était le contrat tacite, elle était la gardienne des derniers mots que les défunts à venir voudraient diffuser et ils s'ouvraient à elle, indirectement bien sûr, mais ils s'ouvraient à elle et elle retrouvait dans cet acte le même mouvement que celui qui préludait aux confessions qu'elle recevait par ailleurs. En ce qui concerne le testament d'Asdrubael, elle n'avait pas eu besoin d'aller plus loin que le paragraphe relatif aux terres et aux titres et pour cause :
— Je suis en devoir de vérifier la validité des testaments que l'on me confie, je dois étudier les dispositions prises quant aux terres et vérifier que le texte a bien été daté, signé et scellé.

C'est d'ailleurs pourquoi, après avoir lu ce premier paragraphe, elle était allée directement allée en bas du vélin, pour examiner ce qui était incrusté dans la galette de cire verte. Le duc d'Amboise s'était montré des plus pratiques en classant ses volontés et elle avait loué la forme de l'écrit qu'il lui avait été remis, regrettant que tous n'agissent pas ainsi, ce qui pourrait lui permettre d'éviter ce qu'elle assimilait à des confidences dont elle devait rien savoir. Elle l'avait donc lu ce testament, la généalogiste l'avait parcouru, pour le reste, elle avait tâché de ne pas y poser les yeux, craignant tour à tour d'y découvrir avec appréhension son prénom et d'apercevoir avec dépit qu'elle n'était même pas évoquée. Cela, elle le tut, car, à son sens, cela ne regardait en rien le garçonnet.

D'un geste prévenant, elle essuya les traces que les nouvelles larmes versées avaient laissé, son cœur s'était serré quand elle avait vu sa petite Merveille sangloter à nouveau. Mais il était peut-être mieux de tout déballer tout de suite, une bonne fois pour toute et différer la publicité du testament aurait été une erreur. Et du même geste, en quelque part, elle écarta la question posée par Miguaël. Elle n'était pas certaine de comprendre là où il voulait en venir et elle ne voulait pas voir ses craintes se matérialiser d'autant plus qu'une nouvelle fois, elle jugeait que son filleul n'était pas concerné. Il était bien trop jeune et surtout, le duc d'Amboise avait entraîné avec lui dans la tombe les restes d'une relation détériorée. Remuer les cendres ne servirait de rien, elle ne le voulait de toute façon pas.

Avec une prévenance qu'elle n'eut pas besoin de jouer, elle s'exclama :

— Nous parlons, nous parlons mais je n'ai même pas pensé songer à te faire servir une collation! Je ne sais même pas d'où tu arrives mais ton voyage a dû t'épuiser et t'affamer. Que veux-tu? Dis-le moi, je donnerai des ordres en ce sens.
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Montjoie part en guerre contre les blasons faux, ça va saigner!
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Miguael_enguerrand
Ainsi elle avait esquivé la question. Elle venait de confirmer qu'elle avait lu le testament et elle ne lui répondait pas. Qu'il doive savoir lui paraissait être une évidence absolue. D'ailleurs, pourrait-il se reconstruire sur un tel silence ? Il était en manque de repères et l'un des seuls êtres qui était assez proche de lui pour lui en rendre basait leur relation sur un silence. Il n'avait pas dit son dernier mot et ré-essaierait. Quand ? Il ne le savait encore.

Ses larmes avaient été essuyée et sa marraine s'était enquise de son état et en particulier de sa faim.
Rester sur un sentiment d'âpreté ne lui était pas permis et malgré ce délicat revers, il retrouvait à mesure de l'entrevue sa sensibilité naturelle. C'est donc en toute simplicité qu'il sourit.


Je veux bien du pain d'épices s'il te plait. C'était ce que notre mère donnait à mes sœurs et que celles-ci me donnent lorsque je les rencontre.

Parler de nourriture lui avait ouvert un appétit qui lui avait paru impensable et même inapproprié jusqu'à présent.
Alors que son ventre commençait à s'agiter, il répondit à ce qu'il avait entendu comme étant une question indirecte.


Je viens de Dijon... Nous avons été reçu il y a peu de temps par le Duc. Oh je crois que ce n'était pas pour me voir qu'il nous a invité mais qu'importe, nous avons bien mangé là bas.

Et sa phrase se termina dans un haussement d'épaules accompagné d'un éclat de rire discret : amusé mais chargé du poids des circonstances.

Miguaël chassait du bout de ses doigts fin les quelques larmes qui restaient, ces signes du comportement lunatique charrié par le choc émotionnel qu'il subissait venaient juste de rencontrer le sourire qui fleurissait sur ses lèvres.

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Ingeburge
Quel que soit l'âge, quel que soit le sexe, quel que soit le statut, l'appel du ventre est toujours souverain. Bien que dénuée de calcul et nullement posée dans le but de se dérober, la question d'Ingeburge avait été un trait de génie puisque Miguaël semblait abandonner ses interrogations et se montrait visiblement plus à l'aise; elle l'aurait voulu qu'elle n'aurait pu mieux parvenir à ses fins. Car le fait est qu'elle n'était pas en posture favorable et qu'elle ne voulait plus s'étendre sur un sujet qui lui était bien trop douloureux. La mort d'Asdrubael avait mis un terme aux confrontations mais elle n'avait certainement pas été le point d'arrêt des regrets, bien au contraire, jamais plus ce qui aurait dû être réglé ne le serait. Maintenant, elle devrait faire face au fils qui, sous ses airs angéliques, montrait la même détermination que ses deux parents. Mais pour l'heure, collation, et ordres furent donnés pour que l'on servît à la Petite Merveille tout ce dont elle avait envie.

Le temps que tout fût préparé, la duchesse revint sur un détail mentionné par Miguaël.

— Oh, chez le duc, à Dijon? Tu n'es donc pas descendu dans l'hôtel particulier de ta famille?
La bâtisse lui était connue, elle était sise non loin du palais des ducs.

Tant l'invitation mentionnée que le " nous " l'interpelèrent aussi, elle n'avait nulle idée du motif de cette invite qui la rendait soupçonneuse et à qui ce pronom pluriel il faisait allusion. Elle hésita un instant à interroger le garçonnet plus avant. Quelque chose lui disait qu'il ne s'agissait pas d'Ellesya, auquel quel cas celle-ci aurait été présente à Auxerre... enfin, elle l'espérait; la fille de la Louve avait elle aussi été négligée. Sa pudeur et son désir de ne pas froisser le garçonnet la poussèrent à ne pas chercher à connaître les détails, elle ne savait trop comment lui parler sans le heurter elle qui, à ses yeux, avait perdu tout droit de regard sur sa vie.

La collation proposée et acceptée fut servie, le Louveteau bénéficia des largesses des servantes conquises par sa bonne mine et par ses manières qui adoucissaient manifestement leur maîtresse. Les domestiques avaient d'ailleurs songé à servir de l'eau de fraises au petit et Ingeburge se promit de les en féliciter elle qui pas plus qu'elle ne savait comment se comporter avec un enfant avait idée de ce qu'il pouvait bien ingérer. Le service achevé, elle se risqua finalement à demander

— Et quels sont les projets de tes sœurs pour toi? La Touraine avec Ellesya ou le Limousin avec Esyllt?
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Montjoie part en guerre contre les blasons faux, ça va saigner!
Duchesse d'Auxerre & dame d'autres trucs totally awesome, yep!
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Comme les cordonniers sont mal chaussés, les RA ont des blasons tout pétés!
Miguael_enguerrand
Contrairement à sa marraine, Miguaël n'avait pas un sens de la pudeur et de la dérobade très développé. Oh certes, il n'était pas garçon à parler de tout à tout le monde mais Ingeburge n'était pas tout le monde pour lui. Les sentiments de la nature humaine ne lui étaient pas encore tous familier, il n'avait grandi qu'entouré de sa famille proche et dans ce cocon il n'y avait jamais eu que franchise.

J'ai voyagé depuis le Languedoc où je me suis... perdu avec deux vicomtesses que j'avais rencontrées à une réception entre jeunes nobles.
Elles s'appellent Jehanne Elissa et Eilinn Melani. Je suppose que tu les connais, de nom au moins.


Le jeune garçon avait anticipé la non-question d'Ingeburge. Sûrement aurait-elle voulu le savoir mais aurait-elle posé la question ? Rien n'est moins sûr.

Les projets de mes sœurs ? Je crois n'en avoir aucune idée. En réalité cela fait quelques temps que je n'ai pas eu de nouvelles d'elles. Je compte me rendre à Amboise bientôt pour y retrouver Ellesya. Quant à m'installer... Je serai vassal de Bourgogne sous peu, est-il envisageable que je m'en éloigne ?


La conversation continua bon train, mais jamais n'effleura pas de nouveau les relations conflictuelles entre la marraine et le père. La Petite Merveille avait semble t-il commencé à découvrir un sentiment humain jusque là inconnu et qui lui était assez désagréable. Mais du caractère issu de ses parents -de sa mère surtout, c'est vrai- ressortie une volonté accrue de savoir la vérité, de persévérer pour le savoir. Peut-être lui faudra t-il autre chose que rechercher la bonne volonté d'Ingeburge, un coup du destin par exemple ? Il n'en savait rien.
Une fois rentré, il allait rechercher dans le courrier de son père, il allait s'approprier les lettres qui, par testament, lui revenaient. Des nuits blanches se profilaient devant le garçon, mais elles lui étaient aussi nécessaires que les fondations d'un hôtel, que les racines d'un arbre.
Il avait tant de choses à construire, mais cela ne pourrait pas se faire sur un non-dit, sur la méconnaissance d'une chose qui lui paraissait fondamentale. L'était-elle objectivement ? Peu importait en fait ! La seule donnée qui compte pour la construction d'un jeune garçon, ce sont ses sentiments, c'est la manière dont il ressent le monde et celle dont il est perçu. Après quelques autres hallucinations psychopédagogiques, Miguaël avisa sa Marraine :


Je crains que la course du Paradis ne s'arrête bientôt et que celle de l'Enfer ne commence.
Oh Marraine ! J'ai encore tant de choses à savoir ! Pourrais-je revenir ?

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Ingeburge
L'accord fut spontanément donné, de bonne grâce et avec une joie sincère, augmenté de la précision qu'il n'était pas nécessaire de demander car il serait à Auxerre comme chez lui. Et puis, Avallon n'était pas éloigné, le fief se situait à quelques lieues au sud d'Auxerre, cinq tout au plus, ce serait l'affaire d'une demi-journée de voyage, voire moins car il était raisonnable de penser que les écuries du défunt duc d'Amboise renfermaient des trésors de vélocité. Elle ajouta, alors qu'une félicité rarement atteinte roulait, houle implacable, jusqu'à son cœur, qu'il pouvait donc venir sans se faire annoncer, tout en pensant tout de même à savoir si elle était bien à Auxerre et qu'il pouvait venir sans avoir à présenter de motif. Déjà, alors qu'elle lui répondait posément, elle songeait qu'il lui faudrait consulter la gouvernante pour faire installer, en un coin du logis seigneurial, de quoi accueillir le Louveteau lors de ses visites en Auxerrois et elle imaginait les commandes à passer pour rendre les séjours ardemment souhaités confortables et agréables.

Et c'est ainsi que la conversation roula, encore et encore, la duchesse d'Auxerre se libérant peu à peu de ses hésitations, non sans, pourtant, toujours ce fond de culpabilité qui la retenait d'être tout à fait sereine. Il lui faudrait du temps pour ne plus penser à ses manquements comme il lui faudrait du temps pour se faire à l'idée que son filleul réclamait sa pleine et entière attention. Et puis, viendrait le jour où les interrogations posées seraient réitérées et où d'autres questions seraient formulées. Durant un instant, ce fut comme si elle avait été placée au bord d'un précipice. Mais très vite, grignotant un morceau de pain d'épices pour se donner une contenance, elle écarta la dérangeante perspective. On verrait, plus tard. Pour le moment, elle retrouvait la petite Merveille, sa petite Merveille.

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