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[RP] Une gargouille à trois pattes visite le Poitou

Poppie
RP ouvert à tous ceux qui le veulent. J'vous connais pas, mais j'vous aime déjà !
Poppie ne vous connaît pas non plus, mais je ne garantis pas son amour...

[Le 29 de juillet de l'an de grâce 1459]

Quelque chose s'avançait sur le chemin à la frontière du Poitou.
De loin, ça paraissait plutôt laid. Ça avait l'air tordu, informe et poussiéreux.
Et ça marchait sur trois pattes.

De près (zoomez, mes pauvres, vous verrez rien sinon !), on s'apercevait qu'en effet, c'était laid.
Ça avait une face difforme et grumeleuse et un corps tout aussi bancal quoique heureusement caché par des haillons raidis par la crasse.
On y distinguait à peine les vagues reliefs féminins sur ce corps mal fichu : un œil aux longs cils, une mèche de cheveux soyeux par-là. Peu de choses qui indiquaient la nature de la chose.

C'était une lépreuse.
Et pour la troisième patte, c'est qu'elle boitillait en s'accrochant à son bâton
.

Boudiou d'm...! Fatiguée d'marcher sans cesse !

Poppie avisa un gros rocher un peu à l'ombre sur le bord de la route et s'y laisse lourdement tomber.
Elle lâcha un soupir gigantesque et planta son bâton dans la terre
.

Et tout ce chemin pour une bourrique ! Nounou me l'avait bien dit, quand j'étais qu'une marmaille, que mes caprices allaient m'achever !

La vagabonde avait accepté son récent statut de gueuse. Mais quitte à faire partie de la fange, autant l'être avec classe.
Et l'âne était le glorieux destrier des bouseux.
Et l'âne à poils longs était l'âne parmi les ânes.
Et où trouvait-on ces fameuses bestioles...? Au Poitou !
C'était la raison de la visite de Poppie en ces lieux.

Une fois ses pieds reposés et son souffle reprit, la lépreuse se leva, empoigna son bâton, tira et...
Resta sur place. Le bâton, qu'elle avait trop bien enfoncé, ne voulait plus se déloger.
Poppie s'arc-bouta, tira de nouveau...
Encore et encore.

Rien à faire !
Accrochée à son bâton comme une tique sur un chien, la lépreuse fulminait.


Saleté ! Tu finiras en petit-bois dès que je t'aurais arraché de là ! Espèce de chiure d'arbre malade !

Se tournant vers la route :

Hého ! Personne pour m'aider ?!
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Cerdanne
Elle, elle arpente les bois depuis de nombreuses lunes.
Des rondes et jaunes, des gibbeuses et des noires.
Et là, là, elle se repose..
En Poitou, y a que ça à faire. Dormir…

L’endroit parfait pour se refaire une santé.
L’endroit parfait pour se faire..chi…

Mais bon, elle regarde l’Anjou au loin, soupire un peu, parce qu’elle a quelques potes là bas chez les fous…
M’enfin… ici maintenant et pas ailleurs et fallait faire avec..

Alors un appel dans la foret, aussi fort, aussi vindicatif, ça vous sort de la léthargie.
Un œil après l’autre. Faut pas pousser.
Mais la Provençale s’étire et se réveille. Et même pas de mauvaise humeur.

Le temps de mettre le nez dans la direction de l’appel.
Que les jambes suivent et elle voit un espèce de machin tout moche, comme un vieux tronc noueux ..

Sa main masse soigneusement sa nuque, histoire de vérifier (Non , non je ne dors pas ) et Cerdanne s’avance encore un peu sur le chemin…
Une souche qui parle.
Faut qu’elle vérifie.


Y a moi….

_________________
Poppie
La lépreuse se retourna en direction de la voix.
Sincèrement étonnée. Elle n'avait pas pensé que quelqu'un l'entende.
Elle loucha un long moment sur la nouvelle venue. La jaugeant du regard.
Bon. Pas l'air agressive. Un peu endormie, visiblement.
Pas de danger.


Ah, c'est une femme, fit-elle. J'aurais préféré un homme, c'est plus costaud à la tâche, tiens...

Poppie avait pris la mauvaise habitude de se parler à voix haute, à force d'aller seule sur les chemins.
Pourtant, sa voix rocailleuse n'était pas des plus plaisantes à entendre.
Elle haussa les épaules.


Mais deux femmes en valent bien un, après tout !

Un sourire aimable crevassa le visage accidenté de la gueuse.

Mon bâton est pris dans la terre et je n'arrive pas à le déloger seule, expliqua-t-elle à l'inconnue. Voyez, depuis que mon pied a pourri, je ne peux marcher sans...

Elle baissa machinalement les yeux vers ses jambes pudiquement bandées puis se tourna de nouveau vers la femme.
Secoua le manche solidement enfoncé dans le sol.


Vous me donneriez un coup de main ?

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Cerdanne
Elle parle la souche.
Une voix de souche c’est particulièrement …particulier.
Comme sortie d’une tombe.
Pour le coup, elle est bien réveillée la Provençale.
Réveillée mais méfiante.
Un pas de plus pour vérifier les dires de la silhouette recroquevillé.
Et sans vergogne, elle observe, détaille.
Marmonne enfin d’une voix sourde


Un coup de main…Faut voir…

La brune pointa un doigt long et accusateur vers la forme qui se fendait d’un sourire.

T’as pas une tête qui donne envie, j’aime autant te le dire.
Et j’ai pas l’âme charitable.


Et le doigt de continuer à s’agiter autour d’elle.

T’es drôlement abimée.
C’est quoi ton problème ?
C’est pas des blessures de guerre ça…


Et d’avancer un pas de plus vers la forme informe…

Enlève tes pattes de là…

Et de reluquer les mains de la vagabonde avant de s’avancer davantage.

Recule...
Pose donc tes fesses sur le rocher.
T’as vraiment pas l’air en forme.


Les deux mains posées sur le bois mort, un œil sur sa soit disant propriétaire,
elle s’arc-boute fermement et tente à son tour de déloger le dit-bâton, qui résiste méchamment.


Bien évidemment c’est CE Bâton que tu veux, hein ??
On est dans la forêt la plus merdique du royaume, des bois en veux- tu en voilà, et toi, toi...
Tu veux ce bâton et pas un autre…


Et de secouer, tirer à son tour en jurant…

T’es sure que c’est toi qui l’a planté là ??...
_________________
Poppie
La lépreuse observa l'autre approcher. Circonspecte. On n'est jamais trop sûr.
Si la femme n'avait pas l'air agressif, elle ne paraissait pas non plus particulièrement amicale.
Mais elle semblait bien vouloir donner un coup de main.
Déjà ça.

Poppie resta cramponnée à son seul bien tandis que l'inconnue s'avançait.


Qu'est-ce que ma tête peut bien vous faire ? Grinça-t-elle.

La gueuse eut une bouffée de mauvaise humeur envers son interlocutrice.
Elle arrivait encore à se vexer là-dessus.
Toujours dur d'accepter une tronche pareille.


C'est la faute à Aristote, tout ça. On m'a déclarée morte tant et si bien que mon corps l'a cru aussi ! Allez comprendre...

Ses mains tordues se crispèrent davantage sur le bois noueux tandis que l'autre s'y agrippaient aussi.
Et si elle venait le lui voler, hein ? Pour la battre avec ?
C'était un rapide moyen de se débarrasser de la vermine, et beaucoup n'auraient pas hésité.

Valait mieux faire profil bas, que la brune au ton bourru n'y pense pas.
Poppie se laissa à contrecoeur virer comme une malpropre de son précieux piquet.
Observa la femme s'échiner à le tirer.


Et pis vous plaignez pas !
Z'êtes pas obligée d'aider, aussi, hein !


Nan mais oh.
Elle avait forcé personne, la Poppie.
Fallait encore qu'on lui râle dessus !

Elle loucha sur un caillou plat à côté de celui sur lequel on l'avait consignée.
L'attrapa.


Continuez à tirer, proposa-t-elle. J'vais faire levier.

La gargouille s'agenouilla, mimant le fait d'insérer la pierre plat contre le bâton.
Puis, par ce qui pouvait vaguement passer pour de la reconnaissance :


Poussez-vous, que je me mette sous le vent. Paraît que vous avez moins de chances de choper la lèpre, comme ça.
_________________
Cerdanne
Elle donne des ordres en plus !!
La lèpre ?!!!


Les deux mains de la brune se détachent du maudit bâton et virevoltent déjà vers la dague pendue à sa hanche.

Bordel de….
Le Poitou seul n’y suffisait pas !
Fallait en plus que je fade une LEPREUSE !!!


Elle hésite devant la loque qui s’accroche à son bout de bois.
Laisse tomber l’idée de répandre du sang tout vicié sur ses menottes et se concentre sur « Le Problème »du moment.

Les mains retrouvent l’écorce noueuse et suivent attentivement celles de la loqueteuse posées sur le caillou.
Instinctivement, la Provençale recula non sans tirer avec une hargne décuplée par la rage.
Le bâton, vrai piquet à la con résistait toujours..
.

Grumpfffff….

Dans un crissement, le vulgaire morceau de bois céda à la manœuvre.
Emporté par l’élan, Cerdanne recula, les deux mains bien serrées autour du manche lépreux…
Un sourire mauvais éclaira son visage une fraction de seconde. Lourde hésitation.
Le bâton fend l’air …
Direction la tête déjà abimée ou pas….
La brune joua un moment avec tout en regardant sa propriétaire et finit par l’envoyer à ses pieds.


Tu vas ou comme ça…

Elle l’observa en silence, cherchant à croiser son regard.
Faisant fi des vilaines excroissances qui pullulent.
Pas la première lépreuse qu’elle croise.
Mais pas non plus prête à partager son repas…


Tu vas ou ?
À trainer ta misère dans les bois ??...


Cerdanne laissa son regard trainer sur le sentier.

On m’attend au nord…

Les bottes raclent la terre labourée par leur acharnement et le regard clair se pose sur elle.

On m’appelle Cerdanne...

Les yeux se plissèrent davantage.

Gaffe à toi bout de femme.
Les gens ici sont pas causants…l’est temps que je me barre de là…
Avec la gouaille que tu trimballes t’as une chance de t’en sortir…


La provençale se recula dans le chemin, regard fixé sur les bouts de chiffons…

[Ravie de t'avoir croisée et au plaisir de partager un peu d'encre avec toi... Cloisonnement de forum oblige...demain je serais loin.... Bon jeu bonne route à toi...]

_________________
Poppie
Iiiirk !
La lépreuse avait aperçu une lame du coin de l'œil.
Et une main un peu trop proche de ladite lame.
Elle se carapata vivement à quatre pattes.

Poppie ne craignait pas la douleur.
C'était une des marques de la lèpre.
Ni douleur. Ni chaleur. Ni froidure.
Mais si la souffrance est absente, une blessure peut être mortelle, sans même qu'on s'en rende compte.

Heureusement, l'inconnue sembla changer d'avis.
Une girouette, celle-là.
Je t'aide, mais j'veux pas... J'pourrais t'achever, mais j'le fais pas...
Poppie la garda à portée de mirettes en reprenant son travail.
Sait-on jamais...


Rendez-le-moi ! Gronda-t-elle alors que l'autre eut déterré le bâton.

La gueuse s'y agrippa en dénudant les dents, curieusement blanches et saines dans cette forêt de nodules malsains, quand son bien lui fut rendu.
Elle se leva immédiatement, rassurée de reprendre à la fois son unique arme et seule béquille.


Où voulez-vous que j'aille ? "Traîner ma misère", comme vous dites... Ici ou ailleurs, ça ne change rien !

La lépreuse lâcha un petit rire rauque comme une vilaine toux.
Elle rendit son regard à la brune voyageuse.
Hocha la tête.


Bonne route à vous, Cerdanne. Et merci pour lui.

Elle secoua la canne de marche, bien en sécurité dans sa main tordue.
Perturbant de remercier quelqu'un qui a tenté de vous tuer, ou du moins y a pensé très fort.
Mais sans le bâton, la gargouille n'aurait pas survécu plus longtemps, à ramper dans les bois.

Puis, les mains en porte-voix, comme l'autre s'éloignait :


Et si l'esprit charitable vous vient un jour, priez pour la pauvre Poppie !
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--Zolan


[L'ÂNE N'EST PAS FORCÉMENT CELUI QUI EST MONTÉ]



Un drôle d'équipage traversait la forêt.
Jambes écartées pour que ses pieds ne traînent pas sur le sol,
un homme chevauchant un baudet chantait à tue tête en agitant les bras.
Visiblement il était très inspiré. Sa voix de ténor éclata en apothéose à la fin de sa chanson dans un grand éclat de rire.

La mia bella ragazza ... hum, tu m'as bien eu.

Zolan sourit en coin au souvenir pendable que lui avait joué sa dernière conquête, en échangeant au petit matin sa fière monture contre un bourricot.
Les jolies femmes faisaient sa force autant que sa faiblesse, et comme il était d'un naturel facile,
il ne tint pas rigueur à la blondinette qui s'était évaporée aux aurores avec son cheval.
Il en volerait un autre.
Il déboucha la calebasse qu'il avait en bandoulière pour faire couler dans sa gorge, asséchée d'avoir braillé, une bonne rasade de vin.
Son clan ne devait pas être loin. Habitué à ses frasques et ses absences, ils devaient tous l'attendre dans la prochaine ville.
Zolan entendait déjà le rire moqueur de son frère Paco, lorsque il le verrait arriver sur sa drôle de monture.
C'était la deuxième fois qu'ils traversaient le Poitou.
Le gitan avait une petite idée du lieu où il emprunterait sûrement un cheval avant que son idiot de frère ameute tout le clan avec ses éclats de rire.

Ses sourcils se froncèrent en apercevant sur le chemin une forme courbée s'appuyant sur un bâton.
Ses jambes frappèrent la panse de sa piètre monture pour en accélérer le pas afin de rejoindre celle qu'il prit pour une vieille femme.

Hola grande madre. [ Hola grand mère ]

Quand il fut à sa portée et que son regard se posa sur la femme , il grimaça en se signant.

Santa Maria, le seigneur ne vous a pas raté !
Poppie
La voyageuse brune avait disparu de la vue de Poppie depuis un moment...
Pourtant, il sembla à la lépreuse qu'elle n'était déjà plus seule sur la route.
Quelqu'un braillait au loin, tant et si bien que les braiments qui entrecoupaient la voix paraissaient d'une douceur exquise.

De quoi...?
Des braiments ?
Un âne ?!
Mais c'était exactement ce que la gueuse cherchait !
Elle s'arrêta, attendant le mystérieux gueulard.
Peut-être pouvait-il lui vendre sa bourrique ?
Ou alors Poppie s'arrangerait pour l'en persuader d'un coup de bâton sur la nuque...
Suffisait de se cacher derrière un arbre, et...

Trop tard pour l'option 2.
L'homme l'avait vue et lui baragouinait quelque chose.
Poppie fronça les excroissances boutonneuses qui avaient noyé ses sourcils.
Narincompri, la lépreuse.
Heureusement, sans quoi elle se serait vexée.


Qu'est-ce qu'il raconte, lui ?

La vagabonde jeta un regard de haut à l'homme qui, bien que juché sur une monture riquiqui, était plus grand qu'elle.
Regard typique de la péquenaude face à quelqu'un bizarre et inférieur à elle puisque étranger.


Comment ça, "pas ratée" ?!
Grinça la lépreuse de sa voix rauque. Et vous, alors...? Vous...

Nouveau coup d'oeil au type.
Zut. Un bel homme.
Rien à dire sur le physique
.

Vous avez l'air ridicule avec vos pattes qui pendouillent sur les côtés d'votre bidet...hum... baudet !
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--Zolan


Zolan éclate de rire à la réflexion bougonne de la femme puis s'étire nonchalamment en se pourfendant d'un grand sourire moqueur.

Peut-être mia bella. Mais le ridicule ne fatigue pas, car j'ai une monture moi!

Agilement le gitan passe une jambe par-dessus le bourricot et toujours à distance d'un bâton de la lépreuse se tient debout sur ses longues jambes , lui mangeant facilement une tête .
C'est alors qu'il découvre vraiment l'état de la femme en guenille, en regardant son visage déformé par des ulcérations et des protubérances.
Il n'arrive même pas à lui donner d' âge.
Pensivement en passant la main sur son menton , le regard du gitan se perd au loin vers l'unique chemin qui s'enfonce dans la forêt.

Y a encore pas mal de route à faire.
Son regard sombre se pose sur la lépreuse.
Je ne refuserais pas un peu de compagnie.
On va passer un accord. J'aime assez écouter les histoires.
Mon âne pour votre pauvre carcasse fatiguée contre une histoire.... la votre.

Un sourire provocateur sous un sourcil qui se hausse il poursuit.

Ma attenzione, si vous toussez, crachez ou éternuez vers moi, je n'hésiterais pas à vous trancher la gorge.
Je connais le mal qui vous ronge.


S'écartant de son âne il ajoute:

Alora mia bella ? Tentée ?
Poppie
Poppie lorgna méchamment le gitan qui descendait de son âne.
Mais c'est qu'il se moquait d'elle, en plus !


« J'ai une monture, moi ! », ronchonna la lépreuse pour elle-même en imitant l'autre. Pff ! Une bourrique et ça se croit tout permis !

La gueuse eut un geste hautain et négligent de la main.
La maladie, en la prenant, n'avait pas calmé son égo chatouilleux.
Poppie crut que l'homme allait repartir, maintenant qu'il avait eu l'occasion de la faire bisquer.
Mais non, il paraissait d'humeur bavarde.


La route ? Vous prendriez la route... avec une lépreuse...?

Nouveau froncement de simili-sourcils.

… Juste pour une histoire ? Z'êtes un original, vous !

Méfiance.
Mais, un âne ?
Marcher des lieues en boitillant cramponnée à un bâton, c'est crevant.
Un bourricot, ça changerait tout. Et un récit, ce n'est pas cher payé.


Soit, fit la lépreuse en se tournant vers le gitan.

Ses lèvres boursouflées par les nodules s'écartèrent pour former un sourire prudent.
Puis la face de gargouille reprit un air neutre, ou du moins aussi neutre que peut présenter une telle bouillie humaine.


Mais attention, la moindre entourloupe et je me fais un devoir de vous cracher à la face ! Je n'ai pas peur des menaces.

Menteuse.

Poppie boitilla quelques mètres pour aller poser une main sur le garrot de l'âne. Vrai, elle peut ?
Difficilement et avec un manque de grâce prodigieux, elle se hissa sur le dos de la bête.
Flatta l'encolure.


On y va ? L'histoire risque d'être longue.

Longue inspiration rugueuse.
Grattement de nuque gênée.
Pas évident, en fait, de raconter sa vie.


Hum. J'me lance... (la voix rauque de la lépreuse se fit moins assurée). J'ai pas toujours été lépreuse, ni même gueuse. Je suis née noble. Sacrée chute depuis, hein ?
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--Zolan


Le gitan sourit en la voyant s'agiter et râler.
C'est qu'elle avait du caractère la pt'ite mère!
Il crut bon d'ajouter quand même pour la petite précision et avec une pointe d'humour.

Rassurez-vous, votre vertu restera intacte !
J'dis pas que si vous n'aviez pas été une jolie blonde pulpeuse,
j'aurais pas tenté un petit rapprochement hein.


Pensivement il regarde la lépreuse sans âge en se demandant quel aurait bien été son visage sans cette maladie qui lui bouffait les chairs.
Comment- était-elle avant ?
Juchée sur l'âne après y avoir grimpé laborieusement,
elle se décide à jouer le jeu en acceptant de parler d'elle.
Malgré son air bougon , Zolan se doute bien que ça ne sera pas facile pour elle.
Un petit sourire presque tendre sur les lèvres, il la regarde ouvrir les rideaux du théâtre de sa vie.

Non pt'ite mère, c'est pas vraiment ce qui saute aux yeux à première vue.
En tout cas, y a pas de risque que vous fassiez une autre chute... de ce canasson du moins.


Une petite claque sur l'arrière train du baudet et les voilà en route.
Elle avec l'histoire de sa vie à conter, le fessier bien installé sur le bourricot,
et lui allongeant tranquillement le pas, tout à son écoute.
Poppie
Poppie se calait tant bien que mal sur la bourrique.
Pas facile d’y faire tenir son baluchon et son bâton.
Le long du flanc de la bestiole pour le bâton, hein, parce qu’en travers du garrot, le gitan se le prendrait dans les dents.
Pas sûr qu’il apprécie…


Ma vertu ? Ah ça, c’est bien la dernière chose pour laquelle je m’inquiète !

Rire rauque.
Ben oui, ça elle le sait qu’elle est vilaine, la lépreuse.
Tordue comme une erreur de la nature !
Même si elle s’en vexe. C’est qu’elle a eu l’habitude d’être traitée en belle dame.


Mais vous moquez pas. Si vous m’aviez vue quelques années plus tôt…


La gueuse tira une langue blessée et boursouflée (ben quand on ne sent plus la douleur, c’est dur de se rendre compte qu’on s’est mordu la langue…) à l’homme.
U ne lueur de moquerie passa dans ses yeux gris pâle, derniers vestiges de sa beauté.
Tout le reste, visage en cœur et nez mutin… C’était à présent noyé sous les plaies et les nodules.
Un instant, Poppie se fit songeuse, se demandant ce qu’elle avait bien fait au Très-Haut pour perdre tout cela.


Enfin, bref ! Reprit-elle vaguement gênée. J’en étais… j’en étais à ma noble naissance. J’ai toujours été une bonne gamine. L’enfance sans histoire. Sage. On me l’avait appris depuis toute petite : sois belle et tais-toi, tu feras un bon mariage.

La lépreuse se tut un instant pour reprendre son assiette sur le baudet et rattraper son baluchon avant qu’il ne fasse le plongeon.
Ça tanguait pas mal, là-dessus.


C’est comme ça que je me suis mariée à quatorze ans. Un noble, lui aussi, et bien plus riche que ma famille. J’avais bien appris la leçon, voyez. J’ai gagné le gros lot. Le bon parti. Plutôt jeune et pas trop laid, en prime. C’était simple : moi j’avais le luxe et lui un héritier. Nous avons tous deux rempli notre part du contrat.

Poppie loucha sur le gitan qui marchait à ses côtés, pour voir s’il écoutait.
Ou du moins pour savoir s’il ne profitait pas de son inattention narrative pour barboter son baluchon…
Voire aiguisait un couteau pour lui planter dans le dos.
Mais maintenant qu’elle était lancée…


C’est à partir des taches blanches que tout a commencé à se gâter. J’en avais partout. J’ai d’abord cru que c’était rien. Mais je devenais de plus en plus maladroite. Mes doigts devenaient gourds, je faisais tomber les objets et me blessais sans arrêt. Un jour, j’ai posé la main sur un tisonnier chaud que la servante avait laissé traîner. J’avais la peau rouge et pleine de cloques. Mais… (hésitation dans la voix éraillée) je ne m’en étais pas rendue compte. C’est quand les premiers boutons sont apparus que mon mari a appelé le prêtre.

Silence.
La suite de l’histoire dérangeait la boiteuse. Mauvais souvenirs.
Fallait-il en dire autant pour avoir le mal de mer sur le dos d’un âne ?


Hé, parlez un peu, vous aussi !
Lâcha-t-elle brusquement d’un ton bougon. J’veux bien vous raconter ma vie, m’enfin quoi…
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--Zolan


Malgré son sourire qui peut paraître moqueur, son regard sombre qui parcourt le chemin,
Il est attentif le gitan.
Il sourit même à cette vilaine langue qu'elle tire, en lui trouvant un air de gamine.
Tous les mots que la femme prononce ensuite de sa voix rauque et souvent rocailleuse, avec une certaine pudeur, il entend.
Peu à peu son histoire remplit les pages du livre qu'elle écrit.
Des pages avec des images, un destin tout tracé.

Zolan se tourne vers la lépreuse en sentant son regard sur lui.

Un pli marque son front en écoutant le récit de l'apparition de la maladie.
Et son sourire apparaît à nouveau sur le ton ronchon de la femme.

Bah, je vous écoute p'tite mère. Comme un bambino tout sage.
Vrai qu'à ce niveau du récit je me pose des questions.


Il penche la tête un peu de côté . La regarde attentivement.
Quand vous avez pu mettre un nom sur cette saleté de maladie, comment ont réagi les vôtres ?
C'est vous qui avez décidé de vous éloigner d'eux pour pas les contaminer où on vous a fortement conseillé de mettre les voiles?
Pourquoi vous êtes pas resté dans un coin à vous faire soigner si vous en aviez les moyens?
... fin soigner c'est pas vraiment le mot. Disons que vous auriez été mieux que sur les routes.


Le gitan ferme un oeil comme si la prochaine question lui demandait une concentration accrue, et lui lance.

Et c'est quoi votre p'tit nom?
Poppie
Poppie, en interpellant l'homme, avait espéré qu'il parlerait de lui, du beau temps, de n'importe quoi du moment qu'on y oubliait son précédent récit.
Peine perdue. Le gitan était un sacré curieux.


En quoi ça vous intéresse autant, la vie des autres ? Lança-t-elle.

Pas d'agressivité dans la question.
Une légère réserve toutefois.
Puis, un ricanement rauque.


Comment ont réagi les miens ? Eh béh, j'y viens !

Non, non, on y vient pas. C'est surtout pas par là que je veux y venir...!
Mais la tentative de se plaindre est trop forte. La rancœur, aussi.
La voix de la lépreuse change. Moins hésitante, plus amère.


Quand le prêtre est venu, il y a eu une longue procession. Tous en noir, qu'ils étaient. Le prêtre, mon mari, mon mioche, les domestiques, les vilains du domaine... Et moi j'étais au milieu. On est allé jusqu'au cimetière. Ils s'y sont mis à trois pour me flanquer dans le trou, voyez ?


Les mâchoires serrées, la lépreuse sifflait méchamment entre ses dents plus qu'elle ne parlait, à présent.

Et puis il y a eu la cérémonie. Tellement loooongue ! Et que vous êtes morte ! Et que vous ne faites plus partie des brebis d'Aristote ! Et que votre nom et votre titre sont morts avec vous ! (Poppie imitait la voix soporifique de l'homme d'église avec force mimiques exagérées) Je n'ai pas pris la peine de tout écouter. J'étais folle furieuse. Après ça, le prêtre a pris une pelle et... il m'a balancé une pelleté de terre à la figure.

Pour le coup, la gueuse se tut un long moment.
Rumine, rumine. Peste, râle, grogne. Pleure.
Intérieurement, bien sûr.

La terre, c'était le coup de trop.
C'est lourd, sale, ça vous rentre dans la bouche quand vous criez, ça a un goût de mort.


Bref.

La voix rauque brisa le silence que la lépreuse elle-même avait instauré.

J'ai été placée en léproserie, par la suite. C'était moche et puant. Le bâtiment était presque entièrement écroulé, et tous les malades étaient parqués dans la même salle. On crevait de faim dans notre meerde, j'étais traitée comme la dernière des gueuses. J'y suis bien restée deux ans. Et l'établissement a fermé ; plus assez de malades, comprenez ? J'ai été une des premières foutues à la porte, avec quelques hardes et une crécelle en bois. Paraît que j'étais la plus insupportable du lot !


Foutaises.
Douce comme un ange qu'elle était, Poppie.
Mais il n'y avait qu'elle pour le reconnaître.


Voilà. Le récit vous a plu ? (elle se tourna vers l'autre avant d'ajouter :) Et sachez que je ne donne pas mon nom au premier gitan venu dont je ne connais pas le sien – de nom – surtout quand celui-ci aborde effrontément les jeunes filles au bord du chemin !

La lépreuse se redressa avec hauteur sur sa monture malingre.
Son dédain était faux, plus moquerie qu'autre chose.
Ça lui apprendra, au gus, à l'appeler "p'tite mère" à tout bout de champ !
Elle était pas si vieille !

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