Rhea_de_lisenne
[Un seul hêtre vous manque et tout est peuplier]
La brune assise dans la taverne de la belle Niortaise, dans un état étrange d'élève en tailleur écoutant la douleur pour apprendre la vie, et les choses du coeur.
Atroce comme des brûlures de feu lancinantes, elles n'en finissent pas, ne tarissent pas ces flammes d'un coeur serré, torturé par un doute secret, et s'il elle s'était trompée sur toute la ligne?
Et si elle avait surévalué ses capacités, et si elle avait sous-estimé ses sentiments, et si et si et si..tellement de "scie"s qu'elle se réfugie dans son enfance, elle en sentirait presque les bras tendres de sa grand-père la serrer et lui parler d'un temps déchu, et lointain, lui rappelant incessement qu'elle devait tout garder en elle, car elle était la dernière survivante de Lisenne. Ce petit hameau qu'un drame rendit célèbre.
Mais à des heures troubles, on songe à la mort, quand on longe les remparts et que les silhouettes sombres de brigands rôdent et emplissent la ville,et elle se saisit d'un écritoire et d'un vélin qu'elle noircit, y apposant peu à peu l'histoire qui lui fut contée, et que beaucoup de vélins ne suffiraient point à tout y coucher.
Une jeune femme entre, que Rhea soupçonne seulement être parmi le groupe de brigand qui siège à Niort, venus dispersés, et contre lesquels toute une défense secrètement s'organisait. Apaisée par les caisses à l'abri, elle peut se permettre de parler aux gens, les abordant avec un sourire sincère, curieuse de chacun, sondant leur âme du bleu de ses yeux.
Son fils Arthur l'accompagne, et la curiosité de la jeune femme fit sourire Rhea.
Laissant son parchemin de côté elle décide de leur conter leur histoire, celle de Lisenne, celle là même qu'elle aimait enfant puisqu'elle éveillait dans ses yeux des lueurs mystérieuses.
La jeune femme s'éclaircit donc la voix et entonne doucement, devant un feu qui crépite, car Rhea avait anormalement froid.
N'avons nous pas tous un arbre dans nos souvenirs?
Le mien était un figuier, pas du tout droit, au tronc marqué par les caprices du temps, des vents, des hommes peut être..il a poussé difforme à la base, assez court, branches ramifiées et légèrement penchées sur le bord de cette route qui menait chez moi, isolé il n'avait eu besoin de personne pour pousser là.
Elles étaient chargées chaque été de fruits ronds et doux comme des seins éclatés que ma grand mère appelait "cou de pigeon" pour leur couleur nacrée variant entre vert et mauve.
L'arbre embaumait le "frais sucré", la méditerranée qu'un oiseau migrateur avait éloigné de chez lui, et poussant dans le microclimat doux de Lisenne, il embaumait le soleil chaque été comme si chaque fruit en était un, gorgé de miel, et il les tendait là, les offrant généreusement aux passants pour le plus grand bonheur des enfants qui se bousculaient pour le dépouiller, assis sur ses branchages qui parfois craquaient sous leurs pieds maladroits et avides...
je le voyais bienveillant édulcorer leurs rires de chenapans..
je le voyais partager sa sève chaque année sans que personne d'eux n'aie pensé à l'arroser..
Pourtant les années sont passées, et un jour revenant du champs mon coeur a saigné quand j'ai vu ce figuier noirci par une vague de froid, de verglas, et la foudre qui l'a achevé..je l'ai pleuré à chaudes larmes sans un bruit essayant d'être aussi digne que lui, elles coulaient aussi généreusement qu'il avait , lui, fait couler chaque année la salive d'oiseaux et d'humains...
Regardant Arthur, elle prit une gorgée d'infusion, fermant un instant les yeux avant de continuer dans une voix douce et meurtrie, rien d'autre en elle ne trahissait une quelconque peine..
Pendant les guerres les Hommes se cachent parfois dans les tranchées..moi c'est dans un arbre que je rêve d'hiberner, petite j'en embrassais le tronc, le caressais, je lui parlais longuement, il me semblait si sage, si posé, si dignement érigé malgré les nuds et les fêlures..ne se plaignant jamais et pourtant le temps l'avait fustigié..ils ne sont pas tous beaux loin de là, le temps les encombre de branches mortes, le vent les secoue, arrache chaque automne un peu d'eux..
pleurent ils quand les feuilles mortes qu'ils ont vu danser sur leurs branches..flétrissent, jaunissent et se détachent lentement se laissant tomber ? Je ne supportais pas l'automne, il me rappelait que chaque chose avait une fin, que les êtres chers allaient tout comme ces feuilles quitter les branches et s'en aller..loin nourrir la terre de leur humus tout comme ces feuilles..mais jamais, ô jamais, je n'avais pu imaginer la douleur d'un tel détachement quand un jour c'est ma grand mère qui m'a élevée devait s'en aller..
La voix de la brune s'éteint doucement, reprenant son souffle, se demandant si elle pouvait oser continuer plus loin..
La brune assise dans la taverne de la belle Niortaise, dans un état étrange d'élève en tailleur écoutant la douleur pour apprendre la vie, et les choses du coeur.
Atroce comme des brûlures de feu lancinantes, elles n'en finissent pas, ne tarissent pas ces flammes d'un coeur serré, torturé par un doute secret, et s'il elle s'était trompée sur toute la ligne?
Et si elle avait surévalué ses capacités, et si elle avait sous-estimé ses sentiments, et si et si et si..tellement de "scie"s qu'elle se réfugie dans son enfance, elle en sentirait presque les bras tendres de sa grand-père la serrer et lui parler d'un temps déchu, et lointain, lui rappelant incessement qu'elle devait tout garder en elle, car elle était la dernière survivante de Lisenne. Ce petit hameau qu'un drame rendit célèbre.
Mais à des heures troubles, on songe à la mort, quand on longe les remparts et que les silhouettes sombres de brigands rôdent et emplissent la ville,et elle se saisit d'un écritoire et d'un vélin qu'elle noircit, y apposant peu à peu l'histoire qui lui fut contée, et que beaucoup de vélins ne suffiraient point à tout y coucher.
Une jeune femme entre, que Rhea soupçonne seulement être parmi le groupe de brigand qui siège à Niort, venus dispersés, et contre lesquels toute une défense secrètement s'organisait. Apaisée par les caisses à l'abri, elle peut se permettre de parler aux gens, les abordant avec un sourire sincère, curieuse de chacun, sondant leur âme du bleu de ses yeux.
Son fils Arthur l'accompagne, et la curiosité de la jeune femme fit sourire Rhea.
Laissant son parchemin de côté elle décide de leur conter leur histoire, celle de Lisenne, celle là même qu'elle aimait enfant puisqu'elle éveillait dans ses yeux des lueurs mystérieuses.
La jeune femme s'éclaircit donc la voix et entonne doucement, devant un feu qui crépite, car Rhea avait anormalement froid.
N'avons nous pas tous un arbre dans nos souvenirs?
Le mien était un figuier, pas du tout droit, au tronc marqué par les caprices du temps, des vents, des hommes peut être..il a poussé difforme à la base, assez court, branches ramifiées et légèrement penchées sur le bord de cette route qui menait chez moi, isolé il n'avait eu besoin de personne pour pousser là.
Elles étaient chargées chaque été de fruits ronds et doux comme des seins éclatés que ma grand mère appelait "cou de pigeon" pour leur couleur nacrée variant entre vert et mauve.
L'arbre embaumait le "frais sucré", la méditerranée qu'un oiseau migrateur avait éloigné de chez lui, et poussant dans le microclimat doux de Lisenne, il embaumait le soleil chaque été comme si chaque fruit en était un, gorgé de miel, et il les tendait là, les offrant généreusement aux passants pour le plus grand bonheur des enfants qui se bousculaient pour le dépouiller, assis sur ses branchages qui parfois craquaient sous leurs pieds maladroits et avides...
je le voyais bienveillant édulcorer leurs rires de chenapans..
je le voyais partager sa sève chaque année sans que personne d'eux n'aie pensé à l'arroser..
Pourtant les années sont passées, et un jour revenant du champs mon coeur a saigné quand j'ai vu ce figuier noirci par une vague de froid, de verglas, et la foudre qui l'a achevé..je l'ai pleuré à chaudes larmes sans un bruit essayant d'être aussi digne que lui, elles coulaient aussi généreusement qu'il avait , lui, fait couler chaque année la salive d'oiseaux et d'humains...
Regardant Arthur, elle prit une gorgée d'infusion, fermant un instant les yeux avant de continuer dans une voix douce et meurtrie, rien d'autre en elle ne trahissait une quelconque peine..
Pendant les guerres les Hommes se cachent parfois dans les tranchées..moi c'est dans un arbre que je rêve d'hiberner, petite j'en embrassais le tronc, le caressais, je lui parlais longuement, il me semblait si sage, si posé, si dignement érigé malgré les nuds et les fêlures..ne se plaignant jamais et pourtant le temps l'avait fustigié..ils ne sont pas tous beaux loin de là, le temps les encombre de branches mortes, le vent les secoue, arrache chaque automne un peu d'eux..
pleurent ils quand les feuilles mortes qu'ils ont vu danser sur leurs branches..flétrissent, jaunissent et se détachent lentement se laissant tomber ? Je ne supportais pas l'automne, il me rappelait que chaque chose avait une fin, que les êtres chers allaient tout comme ces feuilles quitter les branches et s'en aller..loin nourrir la terre de leur humus tout comme ces feuilles..mais jamais, ô jamais, je n'avais pu imaginer la douleur d'un tel détachement quand un jour c'est ma grand mère qui m'a élevée devait s'en aller..
La voix de la brune s'éteint doucement, reprenant son souffle, se demandant si elle pouvait oser continuer plus loin..