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[RP] Ca mousse, entre toi et moi.

Griotte
Vicomté de Digoine, la salle d'eau était témoin d'une inspection en règle.

Plantée devant le miroir en étain, la Griotte s'observait sous toutes les coutures. Ses cheveux soigneusement peignés s’écoulaient en cascade sur ses épaules. Ils traçaient d’élégantes rivières d’ébène sur sa peau dénudée, qu’on devinait aussi douce qu’une caresse. Les arabesques sombres rehaussaient la pâleur de son teint, qui n'était plus halé par de longues journées de marche au soleil. Ses hanches prenaient des courbes délicates et sa poitrine semblait même avoir gagné en rondeurs. Sa taille n'était plus marquée par les cotes saillantes des affamés. Et là, était-ce un léger renflement qui commençait à gonfler son bidon ?

La bâtarde posa une main fraiche sur son ventre. L'ancienne vagabonde qu'elle était se portait comme un cœur depuis qu'elle était entrée dans le nid de son Balbuzard de père. Elle avait beau lui reprocher d'être trop souvent absent, il avait tout de même le mérite de pourvoir aux besoins de ses enfants, et parfois même, plus que de raison.


J'me suis pas empattée !

Moue mutine. Les transformations de son corps semblaient indiquer le contraire, pourtant.

Tu dis ça pacque ch'suis plus belle que toi et qu't'es jalouse, c'est tout.

Délaissant son reflet dans le miroir, la jeune fille se tourna vers la rouquine maigrichonne qui se prélassait dans un baquet d'eau fumante, dont elle s'approcha pour enjamber le rebord avec précaution. D'abord un pied, puis l'autre. La morveuse avait horreur de se baigner, mais l'heure n'était pas au chichi, sinon Ygerne se rirait bien d'elle.

Range tes jambes ! Tu prends toute la place.

Et sans plus de cérémonie, la brune se laissa glisser dans l'eau.
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Ygerne
Allongée dans un baquet rempli d’eau délicieusement chaude et parfumée, la rouquine laissa un vague soupir de bien être passer ses lèvres. Tête appuyée contre le rebord laissant ses longs cheveux roux choir à l’extérieur de la cuve, elle lorgnait tout de même le corps de son amie.

Nul doute que la Griottine avait changé et, malgré ses mines boudeuses, elle ne tromperait pas la vigilance d’Ygerne. La jeune servante connaissait suffisamment la brunette pour constater qu’elle s’était arrondie. Elle était devenue plus femme, plus ronde, plus désirable pour la gente masculine.

T’a grossi ! T’fais moins d’exercice, t’manges trop… Va falloir qu’t’fasse gaffe si t’veux pas ressembler à une vache.

Le ton de la rouquine laissait poindre un peu de jalousie. Elle-même avait beau manger mieux, elle en était toujours réduite à mettre des plumes dans son décolleté pour mettre en avant ce qui se laissait à peine deviner. Un coup d’œil à son torse, une grimace rapidement effacée, confirma ses peurs, elle restait désespérément maigre.


A moins qu’le blond soit la cause de ces formes… t’sais, j’connais bien ces choses là…

La rouquine savait que c’était un terrain glissant. Mais, consciemment, elle voulait blesser son amie. Griotte s’était trouvé un fiancé titré, riche et potable. Un jour, elle ferait officiellement partie du beau monde. Pas certains que dans de telle condition, la vie d’une servante importe encore la jeune Blanc-Combaz.

La rouquine ramena, en ronchonnant, ses jambes fines contre elle pour laisser un peu de place dans le bac d’eau.


Si t’lui fais un bâtard, t’pourras jamais épouser un bon parti et ça sera le déshonneur pour ta famille… t’devrai faire gaffe.


Ses yeux parcoururent la brunette et, malgré ses ressentis, la jeune fille laissa un sourire illuminer son visage. L’une et l’autre venaient de monde bien différent, pourtant beaucoup les rapprochaient.
Griotte
Le blond, encore et toujours le blond. Pourquoi la moindre conversation finissait-elle toujours par tourner autour de lui ? Griotte avait pris un peu de poids, et alors ? Les gens auraient du se réjouir de voir qu'elle se portait bien et qu'elle mangeait enfin à sa faim, mais au lieu de ça, ils préféraient croire qu'elle s'était fait engrossée par le baron coureur de jupons. Alaaalaaa ! La pauvre jeune fille innocente qui s'est fait berner par le vilain noble libertain. Il est vrai que ça a un coté tellement plus dramatique...

Mais qu'est-c'que vous vous imaginez tous ? Ch'uis pas enceinte.

La morveuse éclaboussa son amie d'un geste de la main.

Combien de fois vais-je encore devoir le répéter ? Le Vaisneau m'touchera pas avant que nous ne soyons mariés. Il me l'a assuré et ça me convient parfaitement. Je lui fais confiance, contrairement à certains !

Confortablement adossée contre le rebord du baquet, la jeune fille prit ses aises et déploya ses jambes en callant négligement un pied contre chaque hanche de la rouquine.

Ygerne, oublirais-tu que je suis moi-même bâtarde ? Je n'infligerai pas ce statut à mes enfants. Si tant est que j'en ai un jour...

Les mirettes verdoyantes dévisageant son amie, elle poursuivit d'un ton amusé :

D'ailleurs, t'as intéret à t'marier avec mon frère avant que vous n'vous entrainiez à faire des bébés. Pas d'autres bâtards dans la famille ça compte aussi pour lui !

Ou l'Art et la manière de détourner la conversation à son avantage.
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Ygerne
Rooo ça va ! Faut pas t’vexer… je discute simplement quoi.

Le sourire fut rapidement remplacé par un visage froid marquant une fausse indifférence.

T’fais ce que t’veux avec le Vainsneau… j’suis pas ta mère.


Non mais c’est vrai quoi ! On propose son aide et on s’fait recevoir comme la première des arrivistes. Elle s’en fiche de son blond à l’autre pimbêche. Elle va pas le lui piquer après ce qu’il lui a infligé. Ah ça ce vaurien ! Même pas en rêve.

D’un geste vengeur, elle laissa retomber sa main dans l’eau, giclant par inadvertance Griotte qu’elle bouda avec application.


D'ailleurs, t'as intérêt à t'marier avec mon frère avant que vous n'vous entrainiez à faire des bébés. Pas d'autres bâtards dans la famille ça compte aussi pour lui !

T’sais aussi bien qu’moi que l’on s’mariera pas avec Cassian, c’est pas possible… même que j’l’aime pas vraiment…


Et pourtant… le souvenir du baiser échangé la veille fit rougir ses joues piquetées de tâches de rousseurs. Elle avait beau se répéter : Ygerne, c’était qu’un jeu ! T’sais très bien que lui il s’en fiche… Va pas t’imaginer des choses. Même qu’il a sûrement déjà oublié… Et si c’était pas le cas ? Et si… ?

Un rire nerveux raisonna dans la salle d’eau…


T’crois quoi ? Qu’ce jeune arrogant, têtu, vantard et puceau… t’aurai du voir la tête qu’il faisait hier ! Il me dit que c’est faux mais j’suis sûre que c’était la première fois qu’il embrassait une fille… t’crois quand même pas qu’il va m’intéresser ?

Mouai… la voix un peu tremblotante trahissait pourtant des sentiments qu’elle ne voulait pas s’avouer. Quelques secondes de silences qu’elle mit à profit pour choper le pied de son amie qu’elle s’amusa à masser pour calmer le tremblement de ses mains.
Doucement elle ajouta pourtant :


Pourquoi tu crois ça ? t’a dit quelques choses Cassian ? ça s’rait fichtrement drôle qu’il s’imagine que…alors que...


Elle préféra se taire. Ses mains s’étaient figées sur les pieds de son amie. Elle reprit donc le massage et d’un air faussement détaché annonça à la brunette.

Mais t’sais… moi j’sais comment faire pour éviter d’avoir des bâtards… alors si ça t’intéresse, j’peux te dire c’est quoi le truc.
Griotte
Ygerne et Cassian, une pièce dramatique dans laquelle la servante fluette jouait le rôle de l'héroïne principal. Un amour interdit entre une chambrière et un noble arrogant. Une romance idéalisée par une jeune fille en fleur possédant un véritable coeur d'artichaut qu'elle cultivait en l'arrosant de ses larmes après ses multiples désillusion amoureuses, et celle qui s'annonçait n'était pas prête à tarir le flot qui sillonnerait une fois de plus son minois parsemé de taches de rousseur. Ouvre les yeux, ma jolie !

Cassian et Ygerne, c'était l'histoire d'un blondinet inexpérimenté qui s'essayait à l'Art de la séduction avec une rouquine trop naïve, dont il brisera le coeur dès qu'il se sera lassé de ce petit jeu. Tu es si insignifiante à ses yeux. Tu vas te brûler les ailes, car il ne peut qu'en être ainsi quand on tombe amoureuse d'un égoïste !

Telles étaient les pensées qui prenaient forme dans l'esprit de la bâtarde alors qu'elle observait son amie, dont les sentiments se devinaient facilement au travers de ses pommettes empourprées et des ses gestes mal assurés. Silencieuse, la Blanc-Combaz écoutait la voix tremblotante qui ne pouvait leurrer personne. Devait-elle noyer cet amour naissant ? Il était probablement trop tard pour le faire. Autant laisser couler...

Mutisme donc, tandis que la rouquine lui massait le pied en jacassant. Se prélassant dans la chaleur qui les englobait, la morveuse écoutait d'une oreille. Elle avait noté dans un coin de son esprit qu'il lui faudrait faire la morale à son frère au sujet de ce baiser échangé, mais déjà cette préoccupation semblait bien lointaine. Le bien être commençait à engourdir la morveuse. Elle se serait endormie si la pipelette ne s'était soudain tu, laissant planer un silence en attente de réponse.


Comment faire pour éviter d’avoir des bâtards ?

La jeune fille se redressa un peu et replia ses jambes vers elle.

S'il existait un moyen de n'pas avoir de bâtards, tu crois que ch'rais ici ?
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Ygerne
Douce Ygerne, jeune naïve, ta vie aurait du t’apprendre, tes expériences auraient du t’endurcir… Non les princes, les ducs et nobles ne sont pas fait pour toi… les vagabondes ne deviennent jamais princesses, les chambrières encore moins.
Ta gentillesse, ton cœur tendre sans cesse meurtri deviendra froid un jour. Ces hommes pour qui tu n’es rien auront tué la flamme qui illumine ton regard et t’auront pris ta jeunesse… Grandis, jeune fille, grandis et sors de ce rêve qui à petit feu te détruit.

Mais la jeune rouquine n’entend pas. Elle rêve la donzelle, elle s’dit que c’est le bon, elle s’dit qu’il est différent, que son cœur est bon…
Elle devrait voir la gamine, elle devrait lire dans le regard de son amie, qu’elle a tout faux, qu’un mirage cache ce qui n’est pas beau.

Mais rêveuse, amoureuse, ses doigts courent sur la peau de la brunette, dansent et délassent les membres de son amie. Ces gestes minutieux, ces mouvements sans cessent répétés, lui offrent une échappatoire tant désirée.

Et malgré l’agréable sensation de laisser le chaud apaiser son corps et libérer les tensions, le moment de jouer carte sur table est arrivé.


J’sais que l’moyen est pas infaillible… n’empêche que jamais m’suis retrouvée grosse alors j’y crois moi.


Oui des hommes, des gueux, des nobles, des gentils, des violents, avaient souvent retroussés ses jupes, mais jamais l’une de ces étreintes n’avait créé de nouvelle vie.


Moi j’pense qu’si t’fais gaffe t’peux éviter de te retrouver grosse… Après s’tu préfère attendre c’est toi qui sait…


Ses mains quittèrent la plante du pied de la griotte pour se reposer sur son propre ventre. Se laissant aller en arrière contre la paroi du baquet, elle laissa jaillir une jambe qu’elle balança négligemment à l’extérieure de la cuve. Songeuse, somnolente, elle resta silencieuse quelques instants avant de rétorquer.

T’l’aime ton blond ? t’es sure de ce que t’fais et c’est pas seulement pour te révolter contre ton père ? Parce que quand t’auras dit oui à l’autre baron, t’vas lui appartenir… Penses-y…
Griotte
Une moue dubitative se dessina sur les lèvres de la bâtarde. Pourquoi aurait-elle besoin d'une recette de grand-mère pour éviter de se faire engrosser ? Elle n'était pas du tout pressée de batifoler avec le jeune baron, bien au contraire. Elle craignait de se faire toucher par un homme depuis qu'elle avait été violentée. Qu'elle soit amoureuse du blondinet ne changeait rien à ses peurs. Qui sait comment il serait amené à réagir lorsque le feu de la passion le consumera de l'intérieur ?

Gégerne, t’as pas plutôt un moyen de rendre le baron impuissant ou de tuer son désir dans l’œuf ? Ce serait tellement plus simple s'il n'éprouvait pas l'envie de poser les mains sur moi.

Oh mon Dieu ! Ces paroles s'étaient-elles vraiment échappées de ses lèvres ? A peine les avait-elle prononcées qu'elle porta une main mouillée à sa bouche en lâchant un petit rire nerveux.

Hé hé hé ! Eeeuh... j'déconnais hein. C'était une boutade ! Evidemment que je l'aime. Jamais y m'viendrait à l'idée de porter atteinte à sa virilité, hein. Hu hu hu ! C'était vraiment une blaguounette de très mauvais goût...

La culpabilité faisant rougir ses joues pâles, elle s'empressa de se pencher par dessus le rebord du baquet pour attraper un chiffon, qu'elle plongea aussitôt dans l'eau. Commençant à se frotter avec la pièce de tissu, elle mit un soin tout particulier à éviter le regard de son amie.
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Ygerne
La gamine n’était pas née de la dernière pluie, elle avait bien sentit que la Griotte n’avait pas lâché cet aveux uniquement pour « rire ». Ygerne rouvrit ses yeux et fixa son amie qui soudain semblait préoccupée. Elle ramena la jambe dans l’eau et se redressant, chopa la main de la brunette pour qu’enfin Griotte lève ses yeux sur elle.

M’dit pas qu’t’as peur ? T’es encore pucelle ?

Il est vrai qu’une fille de noble avait tout intérêt à ne pas se donner au premier joli minois venu… Paraît que c’était une question d’honneur. Ygerne avait parfois tendance à l’oublier. Elle-même, venant de la rue, ne s’était pas trop posé de questions quand c’était arrivé. Fallait bien y passer.

La rouquine détailla la jeune fille en face d’elle. Griotte n’avait pas toujours vécu dans un château, elle était bâtarde et fille de catins… il était improbable qu’elle ne connaisse rien à la chose.


T’sais… s’il t’aime, il ira lentement. Et puis s’il est pas trop mauvais ça peut même être agréable…

Elle relâcha la main de son amie, se pinça le nez et se laissa glisser au fond du baquet. Ses jambes bousculèrent la brunette sans ménagement et Ygerne ressortit la tête en riant. Elle ramena en arrière ses cheveux roux dégoulinant d’eau et reprit un ton sérieux.

Pi, si c’que tu dis c’est vrai et qu’il t’aime… il attendra. Au pire, il s’prendra une maîtresse et tu seras tranquille.
Griotte
Il est vrai que les appréhensions de la Blanc-Combaz pouvaient laisser croire qu’elle était toujours pucelle, et bien que cela ne soit plus le cas depuis sa rencontre avec un Basque violant, elle se contenta d’acquiescer timidement à la question de la rouquine. Le hochement de tête silencieux qu’elle lui accorda ne servait qu’à dissimuler l’affreuse vérité au sujet de laquelle la bâtarde n’avait pas envie de s’épancher une nouvelle fois, au risque de voir ressurgir les cauchemars d’un passé encore trop présent.

La chaleur de cette main dans la sienne et les paroles réconfortantes de son amie atténuèrent légèrement les appréhensions de la jeune fille. Elle se surprit même à esquisser le fantôme d’un sourire à l’idée que son corps entremêlé à celui de son amant puisse être source de plaisir et non pas de souffrance.

La mine songeuse, Griotte recommença à se frictionner avec le chiffon qu’elle avait trempé dans l’eau. Elle râla pour la forme, lorsque la rouquine la bouscula pour se plonger la tête sous l’eau, ratatinant la bâtarde contre le rebord du baquet.


Hééé ! T’envahis mon espace vital, là !

Eclaboussant son amie d’un revers de main vengeur, elle se laissa gagner par le rire d’Ygerne. Le retour au sérieux de son amie ne parvint pas à effacer le sourire qui s’était dessiné sur ses lèvres.

Une maitresse ? On va lui trouver une grosse vache 'vec une poitrine aussi rondouillarde qu'celle d'la Mamelue. Ch'uis sure qu'la vue d’une femme 'vec des seins qui lui pendent jusqu’au nombril lui fera apprécier mes petites pommes menues à leur juste valeur !

C’est ainsi que les deux jeunes filles se mirent à comploter contre le baron en lui imaginant des maitresses plus laides les unes que les autres. Elles finirent de se laver dans la joie et la bonne humeur, la salle d’eau résonnant aux bruits des éclaboussures et de leurs rires espiègles.
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