Ingeburge
Sans impatience, la duchesse d'Auxerre, dardant ses yeux morts sur sa suzeraine, attendait la réponse à son serment. Il n'y avait aucune raison que celui-ci fût refusé, il était correct, elle le savait, elle était héraut et c'était le même qu'elle prononçait, invariablement, depuis quelques temps. Non, rien ne viendrait contrecarrer la suite des événements, rien du tout, ni personne... qu'ils essaient un peu. C'est pourquoi elle se fit ainsi surprendre car elle n'avait pas songé, à un seul moment, que l'assaut pût venir d'Armoria.
Celle-ci pourtant, au début, s'était comportée de façon normale, en répondant de façon normale. Bon, l'allusion à Saint Bynarr avait quelque peu troublé notre Ingeburge nationale, tant cette invocation, en ce jour, trouvait un écho particulier en elle. Rien, à compter de ce jour, ne serait plus pareil. Elle aurait donc dû se méfier même si ça aussi, ça lui paraissait hautement normal de la part de la Vanillée mais sa défiance venait d'être endormie puisqu'elle songeait à nouveau à ce qu'elle venait de faire, en la Cathédrale.
Il y eut un choc. Ingeburge écarquilla les yeux, sentit sa respiration se couper et déglutit avec effort. Ces mains, sur ses épaules, à elles, c'était tout bonnement un choc. La Prinzessin ne supportait pas d'être approchée de trop près, c'est d'ailleurs bien pour cela qu'elle était restée à distance honorable du trône quand elle s'était présentée au-devant d'Armoria; alors, qu'on la touche, c'était juste monter d'un degré dans l'horreur... ce n'était pas pour rien qu'elle avait placé ses mains dans son dos. Sans qu'elle pût contrôler son mouvement, ses épaules partirent vers l'arrière tandis que ses menton s'affaissait et il lui fallut toute sa maîtrise et bien plus encore elle enfonçait ses ongles dans ses paumes pour qu'elle ne reculât pas de quelques pas. Et il n'y eut pas que ce contact qui pour innocent qu'il fût était effroyable. Malgré sa perte de lucidité, elle pouvait reconnaître qu'Armoria ne voulait pas mal faire mais c'était pourtant le cas [et ce qu'elle dit ensuite acheva de la perturber tout à fait. L'allusion fut perdue pour une Ingeburge bien troublée, comme elle l'aurait de toute façon été car elle n'en aurait pas compris le sens.
Quelqu'un d'autre vint près d'elle et cette fois-ci, là où auparavant seule Armoria avait été le témoin de son malaise, tous purent voir le mouvement de recul qu'elle accomplit, peu désireuse qu'elle était de voir à nouveau son espace envahi. C'était une domestique qui venait à sa rencontre, elle put le noter et sourcils froncés, elle considéra la fille, ne comprenant pas le sens de cette approche. Celle-ci lui tendit quelque chose et prévenant le mouvement, la duchesse présenta une de ses paumes meurtries, afin de recueillir l'objet, de loin, sans qu'il fût nécessaire à l'accorte servante de s'approcher davantage et de la toucher. La main blanche se referma sur le médaillon et durant quelques secondes, tête penchée, elle observa le présent qui lui était fait. Doucement, elle dit :
D'azur, semé de billettes d'argent, au lion du même armé et lampassé de gueules, brochant sur le tout.
Qui est d'Auxerre.
L'agitation qui s'était emparée d'elle commença de se calmer. Auxerre. C'était là qu'elle devait se rendre, tout de suite, et elle s'y enfermerait, à l'abri de tout, de tous, de ce monde auquel elle n'avait jamais appartenu. Redevenue elle-même, elle salua la duchesse de Bourgogne d'un profond mouvement du chef :
Votre Altesse, merci à vous. Que le Très-Haut vous garde.
Puis en adressa un, plus léger, à la bonne :
Et merci.
Sans s'attarder davantage, elle recula encore et tourna les talons et sans perdre plus de temps, elle se dirigea vers les portes de la Salle du Trône. En partant, elle croisa Maud et Cassian mais elle ne fit pas attention à eux, tendue vers son but Auxerre là où elle pourrait se terrer et y songer à loisir que c'était le deuxième cadeau qu'elle recevait à l'occasion d'une cérémonie héraldique en peu de jours; une semaine auparavant, durant une autre session d'hommages, il était venu, il avait pris sa main dans les siennes et il lui avait confié ce collier qu'elle ne pouvait porter mais qui ne la quittait pourtant pas.
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Celle-ci pourtant, au début, s'était comportée de façon normale, en répondant de façon normale. Bon, l'allusion à Saint Bynarr avait quelque peu troublé notre Ingeburge nationale, tant cette invocation, en ce jour, trouvait un écho particulier en elle. Rien, à compter de ce jour, ne serait plus pareil. Elle aurait donc dû se méfier même si ça aussi, ça lui paraissait hautement normal de la part de la Vanillée mais sa défiance venait d'être endormie puisqu'elle songeait à nouveau à ce qu'elle venait de faire, en la Cathédrale.
Il y eut un choc. Ingeburge écarquilla les yeux, sentit sa respiration se couper et déglutit avec effort. Ces mains, sur ses épaules, à elles, c'était tout bonnement un choc. La Prinzessin ne supportait pas d'être approchée de trop près, c'est d'ailleurs bien pour cela qu'elle était restée à distance honorable du trône quand elle s'était présentée au-devant d'Armoria; alors, qu'on la touche, c'était juste monter d'un degré dans l'horreur... ce n'était pas pour rien qu'elle avait placé ses mains dans son dos. Sans qu'elle pût contrôler son mouvement, ses épaules partirent vers l'arrière tandis que ses menton s'affaissait et il lui fallut toute sa maîtrise et bien plus encore elle enfonçait ses ongles dans ses paumes pour qu'elle ne reculât pas de quelques pas. Et il n'y eut pas que ce contact qui pour innocent qu'il fût était effroyable. Malgré sa perte de lucidité, elle pouvait reconnaître qu'Armoria ne voulait pas mal faire mais c'était pourtant le cas [et ce qu'elle dit ensuite acheva de la perturber tout à fait. L'allusion fut perdue pour une Ingeburge bien troublée, comme elle l'aurait de toute façon été car elle n'en aurait pas compris le sens.
Quelqu'un d'autre vint près d'elle et cette fois-ci, là où auparavant seule Armoria avait été le témoin de son malaise, tous purent voir le mouvement de recul qu'elle accomplit, peu désireuse qu'elle était de voir à nouveau son espace envahi. C'était une domestique qui venait à sa rencontre, elle put le noter et sourcils froncés, elle considéra la fille, ne comprenant pas le sens de cette approche. Celle-ci lui tendit quelque chose et prévenant le mouvement, la duchesse présenta une de ses paumes meurtries, afin de recueillir l'objet, de loin, sans qu'il fût nécessaire à l'accorte servante de s'approcher davantage et de la toucher. La main blanche se referma sur le médaillon et durant quelques secondes, tête penchée, elle observa le présent qui lui était fait. Doucement, elle dit :
D'azur, semé de billettes d'argent, au lion du même armé et lampassé de gueules, brochant sur le tout.
Qui est d'Auxerre.
L'agitation qui s'était emparée d'elle commença de se calmer. Auxerre. C'était là qu'elle devait se rendre, tout de suite, et elle s'y enfermerait, à l'abri de tout, de tous, de ce monde auquel elle n'avait jamais appartenu. Redevenue elle-même, elle salua la duchesse de Bourgogne d'un profond mouvement du chef :
Votre Altesse, merci à vous. Que le Très-Haut vous garde.
Puis en adressa un, plus léger, à la bonne :
Et merci.
Sans s'attarder davantage, elle recula encore et tourna les talons et sans perdre plus de temps, elle se dirigea vers les portes de la Salle du Trône. En partant, elle croisa Maud et Cassian mais elle ne fit pas attention à eux, tendue vers son but Auxerre là où elle pourrait se terrer et y songer à loisir que c'était le deuxième cadeau qu'elle recevait à l'occasion d'une cérémonie héraldique en peu de jours; une semaine auparavant, durant une autre session d'hommages, il était venu, il avait pris sa main dans les siennes et il lui avait confié ce collier qu'elle ne pouvait porter mais qui ne la quittait pourtant pas.
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