Thufthuf
Excusez mon impertinence Monsieur le Baron, mais... Les roturiers de ma sorte n'ont pas de scel, ni même de raison ou de droit d'en posséder un... Alors je ne comprends pas comment les gens de ma sorte pourraient officialiser quoi que ce soit.
Et par ailleurs, qui peut dire que le bulletin que j'ai déposé dans le tonneau est bien à mon nom? J'aurai pu tricher et mettre celui d'un autre... Quelle légitimité supplémentaire mon vote a-t-il sur un eux par procuration?
Quant au bruit de la canne... Il m'importune bien moins que le simple fait de devoir m'en servir. Peut-être Monsieur le Baron s'en rendra-t-il compte le jour où lui-même devra se reposer sur un tel ustensile. Mais bien entendu, je ne le lui souhaite pas! S'empressa-t-il d'ajouter avec un sourire gêné.
Après encore quelques détours et ruelles, les voici enfin devant la taverne ciblée par ThufThuf. Elle ne payait pas de mine, mais le picrate n'y était pas vinaigre et il était possible de toucher le mobilier sans se salir. Le minimum pour y emmener un Noble, somme toute.
Poussant la porte, il laissa passer le Baron devant lui et, pendant qu'ils se dirigeaient vers une table isolée dans une alcôve, fit signe au tavernier de leur amener du vin.
Une fois installé, il reprit la parole.
Maintenant que nous sommes seuls, Monsieur le Baron, je tiens à m'excuser...
Thufthuf
Aaaaah, qu'il est bon d'amener l'autre à se contredire en lui retournant ses arguments. La vie est tout de même bien faite, qui amène parfois des petites joies dans le quotidien. ThufThuf aurait bien continué la discussion pour le plaisir d'en entendre la conclusion mais son but premier n'était pas là. Il en était même loin.
Souriant face aux manières du Baron, il se délecta de l'effet de surprise qui se dessina sur son visage quand il décida de tomber le masque. Sûrement, l'effet eût été le même sur lui si les rôles avaient été inversés. Mais pour l'heure c'était lui qui menait la barque et, comme il l'avait voulu, elle était maintenant arrêtée au milieu du lac, loin des oreilles indiscrètes et des yeux fureteurs.
Le sourire toujours vissé aux lèvres, il enchaîna.
Oui, je vous dois des excuses pour la comédie que je vous ai jouée. Bien que roturier à l'heure actuelle, je ne l'ai pas toujours été... Et de mes expériences passées, j'ai gardé le goût des discours et des intrigues. Par ailleurs, je suis depuis assez longtemps en Provence pour savoir que si l'on veut éloigner les participants indésirables d'une discussion, il vaut mieux l'entamer loin des regards.
Le regard franc et pétillant, il laissa le Baron intégrer les nouvelles données pendant qu'il servait généreusement les deux gobelets que le tavernier venait d'apporter en même temps que le cruchon de vin, puis il reprit le fil de son discours.
Vous aurez compris maintenant que pinailler sur la légitimité ou non de certains votes n'était pas mon but premier. Nous savons d'ailleurs tous les deux que cette discussion n'aurait de fondement que si les votes des Provençaux en voyage étaient légaux... or, les statuts du Marquisat sont clairs: seuls les présents ont le droit de participer.
Ceci étant dit, vous souvenez-vous de moi, Baron?
Thufthuf
De piquant, la situation ne manquait pas. Et le spectacle du Baron qui se décomposait devant lui était des plus drôles. Aaaaah, la Noblesse... Tellement habituée à ne fréquenter qu'elle-même qu'elle en oublie les autres. Quoique dans le cas présent c'était peut-être différent, la réputation d'étourderie du Baron d'Orange n'étant plus à faire.
Toujours souriant, ThufThuf imita son interlocuteur en vidant son godet, avant de les servir à nouveau. Il appréciait beaucoup de voir reconnaître que son intellect ne frisait pas le zéro absolu et savoura la nouvelle perte de moyens du Baron quand il lui rappela qu'ils s'étaient déjà croisés. Tenté de le laisser mariner dans ses interrogations, il préféra éviter de le troubler davantage et se décida à éclairer sa lanterne.
C'est tout à fait normal, Baron. Avec le portrait de vous que l'on m'a dépeint et les circonstances de notre rencontre, je ne m'attendais pas une réponse positive. Et ce d'autant plus que votre superbe épouse venait de me couvrir de tous vos effets sans même m'accorder un regard... C'était à Fayence, lors de la cérémonie d'anoblissement de la Dame de Callas.
Quoi qu'il en soit, je me présente: ThufThuf, citoyen Lorrain en exil volontaire, et présentement ravi d'enfin pouvoir vous parler. Auriez-vous un peu de temps à me consacrer pour parler de l'avenir du Marquisat?
Il devait être vraiment abasourdi, le Seigneur de Lorgues, pour laisser un pécore lui parler sans lui donner du "Monsieur" et en oubliant la moitié de son titre.
Thufthuf
Le Noble ne e souvenait pas de lui: normal, il ne s'étaient croisés que deux fois le jour en question. Lors de la première, le Baron donnait de grands coups de pieds dans l'herbe et lors de la seconde, ThufThuf était recouvert des effets du couple.
Souriant toujours, notre éclopé laissa passer et prit le temps de mûrir la réponse qu'il allait faire à propos de ce qu'il savait sur lui et se contenta finalement de quelques mots (après une nouvelle gorgée de vin, bien évidemment).
Eh bien disons, Baron, que l'on n'a cessé de me répéter que la seule chose en Provence qui égale votre intelligence est.... votre distraction. Sachant à quel point la première est développée, je ne doute pas de la portée de la seconde.
Quant au Marquisat, si vraiment vous n'avez pas le temps, peut-être pourrions-nous convenir d'un rendez-vous ultérieur? D'autant que, si je ne m'abuse, je vous ai forcé à délaisser votre si délicieuse épouse ? Sachez tout de même que si j'ai voulu vous parler, ce n'est pas par hasard... Et que je suis bien décidé à creuser le sujet, dusse-je faire le siège de votre château!
Petit rire pour empêcher le médecin de trop prendre au sérieux sa dernière assertion et attente de sa réponse.
Thufthuf
[Me revoilà, toutes mes excuses à nos fidèles et attentifs lecteurs]
Hum, à la vitesse à laquelle le Baron et lui vidaient leurs verres, la conversation risquait de tourner court. Mais ne pas resservir le Noble aurait certainement le même résultat. Aaaah, que la vie est parfois compliquée! En plus, malgré les différents indices que ThufThuf avait laissé échapper tout au long de leur discussion, son interlocuteur semblait ne pas comprendre où il voulait en venir.
Peste soit de ce distrait soiffard, se dit-il avant de verser la fin du cruchon dans leurs gobelets. Le broc reposé sur la table, maintient encore un instant de silence pour se ménager le temps de peser ses mots et de réfléchir au ton à employer, puis...
Par la Malemort, Baron, êtes-vous donc encore plus idiot que vous n'êtes distrait?!
Bah oui! ThufThuf aime bien jouer avec les mots et couper les cheveux en quatre, mais faut pas trop le chercher quand même. Il reste un homme de la terre avant tout donc, parfois... Il explose. Et ce n'est pas parce qu'il a assez d'écus en réserve pour tenir une année sans rien faire qu'il doit arroser ses interlocuteurs pendant des heures, namého! Et de toutes façons, il semblerait que secouer le Baron soit la seule manière pour le faire réfléchir, voire réagir. N'empêche qu'il lui laisse tout de même le temps de se remettre du choc avant de poursuivre.
Vous avez en face de vous un Impérial qui vous a traîné dans un endroit discret, il vous dit qu'il vous a choisi pour discuter du Marquisat et de son avenir, et vous, tout ce que vous trouvez à répondre c'est que vous pensez qu'il est... funeste? Peut-être aurai-je obtenu réaction plus vive si j'avais courtisé votre femme sous votre nez, au final...
Aaaah si la Marquise avait déjà été enlevée, il en aurait eu des choses à rajouter. Mais foin encore d'enlèvement, le dépouillement des votes n'ayant même pas encore commencé. Dommage pour vous, lecteurs, et tant mieux pour le Baron. Et éventuellement pour ThufThuf. Mais bref, laissons-les à leur discussion...
Thufthuf
Zut !, Zut !, Zut ! et re Zut! Question réaction, il n'avait pas été déçu, le ThufThuf. Au lieu de le réveiller, il avait éjecté le Baron de son lit. Et ce dernier ne semblait pas du tout avoir envie d'y retourner. Après s'être demandé pendant un moment si un second pichet lui permettrait de ramener le noble à de meilleurs dispositions, il préféra le laisser à ses délires pour le moment. Il trouverait bien un autre moyen de l'approcher, et surtout de l'amener à parler sérieusement. Car il était maintenant certain qu'il ne l'avait suivi que pour profiter d'un cruchon gratuit.
Se contenant pour éviter de céder à la tentation de faire ravaler ses insultes et ses distractions au Seigneur de Lorgues, il préféra vider lui aussi son gobelet avant de répondre.
Non, vous ne pourriez pas. Mais je veux bien croire que vous en ayez envie.
Notant lui aussi les regards qu'ils avaient attiré, il sourit à nouveau et pointa la botte du canard provençal avec sa canne avant d'ajouter:
Avant de partir, pensez tout de même à nettoyer l'étron accroché à votre semelle, Baron. J'ai cru remarquer que son odeur vous incommodait depuis un moment.
Se dirigeant vers la porte après s'être levé il la franchit après une dernière et courtoise saillie: "A très bientôt, Mon Seigneur. Car vous savez aussi bien que moi que nous serons amenés à nous revoir."