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Aout 1459

[RP] L'infame solitude ...

Mersyeu.
... Qui persiste et dévore les boyaux du monstre enchainé que l'esprit fait fulminer. Non sans une goutte d'eau sur l'azur de ses yeux, il aurait beau faire une chaleur à voir les charognes des moutons se faire dévorer des loups, elle n'aurait désiré qu'aucune fois , une quelconque fraicheur ne lui vienne épancher le front. L'air était encore doux, un ciel qui ne présageait rien de douloureux, rien d'irrespirable, tout allait bien. Calme endolorie qui se gavait d'un plaisir, celui de l'ennui parasite, ou la seule décision d'un changement, ou enfin l'intérêt d'un réel exploit eut changer la donne ... Mais rien.

A chaque fois que la lumière du matin pouvait enfin annoncer le glas d'une chute, que les corps gisant se faisaient pleurer, à chaque fois l'espoir renaissait. Mais à chaque audit, elle comprenait rapidement que l'affolement n'était qu'un prétexte, car derrière, jamais rien ne se dessinait, tout revenait au statut quo. À quoi bon attendre ? Peut-être suivre la masse et s'adjuger et pseudo connaissance qui de toute façon sera erronée, car les paroles à ses oreilles ne seraient jamais les réalités des plans ... Quelle utilité ? Attendre, se jouer en pleine perdition, croire qu'un matin l'éclat sera intéressant, pour n'avoir que deux résultats, l'ennui ou la mort. La première mènera bien assez tôt à la seconde, alors autant s'éviter une peine qui durera encore un millénaire.

Chose avait été prise en main, quelques allés et venues, juste de quoi contenter les gens, oubliant tout le mépris qu'on aurait eut à porter à son égard. De toute manière, elle s'en moquait, tout comme elle se moquait de ce qu'il se passait, du moment que le temps change, l'avenir en serait peut-être radieux. Les journées passent, les chemins sont secs, mais le fruit est mûrs et sa recette est certaine; le ciel toujours auréolé d'une beauté indissociable de la saison, mais l'épaisse brune invisible venait ternir ce qui pouvait s'entrevoir comme une belle journée.

Ponton de Saumur, la berge de la Loire, l'eau s'écoule et on ne dit mot, on garde son sang froid, les affaires ont été réalisées, il ne reste plus qu'à rentrer. Un retour au bercail, d'autres besognes pour se contenter, s'offrir une maigre recette, le tout repartira bien assez vite au commanditaire. Heureusement pour elle, son frère ne s'en était pas chargé ... Heureusement pour elle ... Jusqu'aux habits elle en aurait été dépouillé, mais la foy lui serait restée, bien maigre consolation, même que la croyance est notre dernier recours.

La blonde, regard vagabonde va s'asseoir sur un poteau, bois bien épais, du chêne peut être, mais qu'en savait-elle ? L'éducation n'avait été si disparate dans les matières, elle avait tout juste le temps d'apprendre l'art et la manière ... La matière ? Ceci, seul l'expérience lui en aura apporté ... Et encore.

Chevelure tressé qui s'écrase entre ses épaules et ses coudes, les mains jointes, bien reposés sur ses genoux, elle irait presque en arborer un sourire. Après tout, ceci pouvait aussi être une vie ... non ? À quoi bon vouloir du palpitant, servir sans attendre en retour est déjà un commandement qui fait de soi une âme charitable. Saphir tout juste égayé par cette propice vie qu'elle pouvait tenir, la tête venait déjà de se retourner, une main qui glisse sur sa hanche, l'autre blême attend le retour de sa jumelle. Derrière elle, la foule, le monde vie, bien préoccupé par ses heures, ils ne comprennent pas tout ce qui leur arrive, bien qu'ils soient endoctriné à y croire dur comme faire. Il n'y a au fond aucune raison de les en sortir. Mersyeu détourne son visage de la foule et vient à nouveau perdre ses pensées sur l'eau qui s'écoule.

Un soupire ... Un seul. C'était bien assez pour cet été maussade.

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Mersyeu de Louvelle-Hatzfeld
Maison Louvelle

~~ Die Ente und Forelle, silber auf blau, Louvois unser Land, Louvelle werden wir ! ~~
Karyl
Après des mois passés sur les routes, la vie à la ferme avait finalement reprit pour le petit gamin des rues. Retour à Saumur, à cette vie simple et tranquille rythmée par le labourage des champs, les ensemencements et les récoltes, les petits boulots et les parties de pêche. Rien ne semblait avoir changé, même la vieille marguerite était toujours là à donner son lait chaque matin. Et pourtant, il était loin le temps où Karyl s’amusait à courir après les poules pour les effrayer sous les remontrances du vieux George excédé. Ils étaient loin aujourd’hui ces jeux d’enfant, les parties de cache-cache et les entrainements au lancer de dagues au fond du champ de la mère Lucette. Aussi, bien qu’il restait un petit moulin à paroles avide d’aventures extraordinaires, le petit blond avait bien grandit.

Suffisamment en tous les cas pour s’insurger d’être traité tel un enfant. Lui, tellement habitué à se débrouiller seul pour survivre avait bien du mal à se faire à l’autorité et plus encore à se voir interdire certaines choses en raison son jeune âge. Préférant de loin faire ce qu’il voulait quand bon lui semblait, il lui arrivait alors bien souvent de n’en faire qu’à sa tête. Mais cette fois-ci, les choses étaient bien différentes et l’ordre reçu loin d’être anodin. C’est que sa mère avait su jouer sur la corde sensible lui assurant que s’il était aussi mature qu’il le prétendait, alors il ne contesterait pas sa décision. Fierté mise à mal, l’enfant avait promis : Il se tiendrait loin des combats qui secouaient l’Anjou.

Bien décidé à prouver à sa mère qu’il devenait un homme, le petit blond avait alors passé plus d’une semaine à s’occuper des champs et de la ferme respectant minutieusement les consignes maternelles. Petit homme modèle, il avait même trouvé le temps de s’occuper de quelques travaux et de se faire porteur d’eau en échange de quelques piécettes. Seul son regard laissait transparaitre sa déception, ce sentiment de trahison qui lui nouait le ventre alors qu’il entendait chaque soir sa mère et doko quitter ensemble la bâtisse familiale. Félina avait en effet rejoint les forces combattantes de même que les autres membres de ce qui formait autre fois la Zoko ad eternam. Tous combattaient pour l’Anjou, tous sauf lui…


« La zoko passera toujours avant toi… »

Et si finalement rien n’avait changé depuis ce temps ? Il la savait combattante, il ne pouvait ignorer combien quitter la troupe de mercenaires avait été un sacrifice pour elle. Il se doutait depuis longtemps de son envie de reprendre du service. Mais après tout ce qu’ils avaient traversé ensemble, après le Périgord et la Bourgogne, il avait oublié qu’elle le laisserait surement de côté le moment venu. Et le moment était arrivé avec la venue d’un barbu sur leur lieu de pêche habituel… Karyl avait alors compris.

Piégé par une promesse, il n’avait d’autres choix depuis lors que d’attendre chaque nuit que l’aube veuille bien se lever et lui ramener ses parents. L’attente, l’angoisse, la peur de voir s’écrouler le rêve de famille qu’il frôlait enfin du bout des doigts l’empêchait de trouver le sommeil… Il les savait heureux sur le champ de bataille, lui avait donc choisit de taire ses craintes. Mais se doutaient-ils seulement de l’enfer qu’ils lui faisaient traverser ? Félina comprenait-elle qu’elle lui faisait endurer ce qu’elle-même refusait de vivre ? Non, elle ne saurait jamais que chaque nuit durant son absence, les larmes d’un petit blond perlaient sur ses joues brisant sa frêle voix qui s’envolait en prière vers le vieux George l’exhortant d’intercéder auprès d’Aristote pour qu’il les protège.

Elle ne verrait pas plus, l’horreur dans l’onyx, à l’annonce de ses blessures. Elle oublierait tout pour veiller son amant grièvement blessé dont elle ne quitterait plus le chevet. Et elle oublierait qu’elle-même venait de trahir sa promesse…

Karyl crut alors comprendre que pour faire la fierté de sa mère, pour qu’elle porte sur lui le même regard que celui qu’elle pouvait porter sur Doko et les autres mercenaires, pour partager un peu de ses centres d’intérêts et ainsi pouvoir se rapprocher d'elle, il devait lui montrer bien plus que le fait qu’il devenait un homme, il devait prouver que lui aussi pouvait se battre. Et lui, le petit blond au cœur pur qui avait toujours le sourire aux lèvres et une histoire à raconter, avait alors prit la décision de demander son incorporation à l’armée de Thouars dans le plus grand des secrets. S’il fallait être guerrier pour être un homme alors il leur prouverait à tous qu’il pouvait y arriver.

Demain, il deviendrait soldat d’une Armée…
Demain, il allait venger ses parents...

Alors ce soir là, seule dans sa chambre, alors que Félina veillait toujours doko, le petit blond fit l’inventaire de son attirail : un bouclier de bois, deux dagues, un casque bien trop grand pour lui, un plastron, des chausses trouées, une flaque pour la soif et son bâton de bois... Parfait! Essayant de ne rien oublier, il laissa son regard vagabonder dans la pièce avec nostalgie comme s’il présentait qu’une page de sa vie allait se tourner. Une page oui, mais pas un chapitre et lorsque l’onyx se posa sur sa canne a pêche un sourire se dessina sur les traits juvéniles. Si demain soir il devenait un grand guerrier et donc un « homme pour de vrai de vrai », il avait bien le droit à une dernière partie de pêche.



[Le jour J, ponton saumurois]


Tôt ce matin là, le mioche c’était donc armé non pas d’une épée mais d’une canne à pêche pour traverser Saumur. L’air toujours aussi dépenaillé qu’à son habitude avec ses long cheveux bonds en bataille, ses vêtements de toile certes neufs mais pourtant déjà sales et déchirés, le gosse arrivait en vue de son lieu de pêche favoris à cette heure. Non pas qu’il soit le plus poissonneux, mais il n’y avait pas meilleur endroit pour observer l’agitation de Saumur et notamment des ses pêcheurs.
Il aurait alors surement vu la blonde bien plus tôt s’il n’avait pas été distrait pas sa boite de proies qui tentait de se faire la malle et d’éparpiller au sol son précieux contenu. Et ce n’est que quelques mètres plus tard, relevant enfin la tête qu’il s'aperçue de la présence féminine. Moue boudeuse sur le visage, il détailla l’intruse se demandant bien ce qu’elle était en train de fabriquer et à sa place en plus ! Elle n’avait même pas de canne à pêche, ah les bonnes femmes j’vous jure !

Finalement intrigué bien plus que contrarié, Karyl vit en cette femme, une formidable occasion de démontrer ses grands talents de pêcheur, s’approchant un peu plus il décida alors d’entamer la conversation avec courtoisie et politesse comme il savait si bien le faire :


- Pourquoi t’es là ?
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un simple gamin des rues...
Mersyeu.
Perle fluviale qui vole, ça s'agite dans les bas fonds. Deux ou trois ombres, peut être un poisson, peut être un marin engloutit au matin par un remoud inattendu de la Loire ? Il aurait de toute manière était trop tard pour tenter un quelconque sauvetage, tout au plus un vers lancé, si ça mort, c'est la poiscaille, si cela ne frétille pas plus, on pourra noter un nouveau décès en ville. L'histoire actuelle n'était plus à une perte près, pêcheur, marin ou soldat, le monde s'en foutait bien, car tout continuerait comme s'il ne s'était jamais rien passé dans cette contrée ... D'ailleurs que se passait-il vraiment ?

Une main qui remonte dans la blonde chevelure, des doigts qui viennent caresser les mèches, un peu comme une balade dans les champs de blé. En plus, c'est l'été ! Certes un peu rouge, mais les récoltes n'en seraient pas moins abondantes, au mieux seront elles plus juteuses pour le paysan et encore ... Le mensonge et la ténacité dans la bêtise était une vertu pour se faire accepter comme l'une des leurs. À trop vouloir résonner, à juste avoir la réflexion d'imposer un minimum la réalité, on en devenait une paria et voilà comment on en était mené à ce ponton.

Les doigts descendent le long de ses mèches, toujours plus fin, encore plus brillant, on s'approche doucement de la fin. Devant Mersyeu, les vagues, quelques pêcheurs et au delà l'autre rive, celle qu'elle irait tantôt à nouveau passer, rentrer chez elle, ramener le fruit de son triste labeur. Aujourd'hui, certain se battent, d'autres restent bien aux frais à l'arrière, faisant croire au monde entier qu'ils sont en combat et elle ... Elle ? Elle ne faisait que passer, rendre service avec son impitoyable manière, sa technique bien propre, si chaleureusement accueilli par les indigènes. Elle n'était pas angevine, d'ailleurs, de son sang et de sa patrie, elle aurait bien plus à faire de l'autre côté du front, qui plus est lorsque l'on pouvait entendre les murmures de réflexion à son sujet. Mais ces murmures étaient trompeurs et n'annonçaient même pas une vraie raison comme celle de son appartenance, mais juste de sa volonté bien différentes des mœurs locales, cette volonté d'aide, qui faisait d'elle une disgraciée.

Être Louvelle, être au service de l'Anjou pour un temps ... Pouvait-on trouver plus incongru comme idée ? Non, et les faits le prouvait bien, car bientôt, tout ceci toucherait à la fin et elle partira, le cœur léger ... La bourse un peu moins, en tout cas, elle l'espérait. Et là, alors que ses projets qui interviendront bien assez vite dans ses tendres espoirs, là arrive un homme. Un homme, vite dit, un gamin peut être encore ... Mais l'âge depuis un temps était tout relatif.

Il semblait la saluer. Enfin c'est ce que l'on pouvait croire à travers sa présence et à sa question. Ou bien était-il l'envoyé de la maréchaussée ? Une affaire à laquelle la mainoise aurait été impliqué à travers son commerce surement. Un maréchal de cet âge ? En d'autres temps, on en aurait été surpris, mais aujourd'hui il faut vivre avec son temps ... Des gamins qui bégayent et marche tout juste sur leur quatre pattes dirige une ville et des pauvres filles de race noble dépassant la quinzaine encore estimé comme de jeune pucelle ... Elle qui avait déjà bien amorcé la vie à cet âge arrivait bien à se demander comment le monde à put ainsi changer en une vingtaine d'année.

Enfin bref, il n'était pas question de passer des heures à tergiverser pour répondre, surtout s'il était mandaté par les autorités. Oui, il faut toujours prévoir la pire situation, rien de catastrophique, mais la plus gênante et indésirable qui soit ... Car elle arrivait tous les quatre matins ... Soit, on est le soir, mais c'est la même histoire !


- J't'attendais ...

Une vois douce, mais sèche, un regard presque mielleux mais avec une pointe de sévérité. Les deux mains s'étaient à nouveau rejoints sur ses genoux, elle restait ainsi prostrée devant l'être blond qui venait entamer la discussion. Et avec la réplique qu'elle lui offrait, tout pouvait porter à croire que la suite pouvait s'annoncer joviale, car oui, elle aimait bien taquiner, se moquer, mépriser les gens ... Rien de mieux pour ne pas devoir se découvrir tel qu'elle était.
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Mersyeu de Louvelle-Hatzfeld
Maison Louvelle

~~ Die Ente und Forelle, silber auf blau, Louvois unser Land, Louvelle werden wir ! ~~
Karyl
Pour sure que le gamin ne s’attendait pas à telle réponse. Surpris il se retourna même comme pour être certain que cette réponse lui était bien destinée. Mais aux alentours immédiats du ponton, il n’y avait nulle autre âme qui vive, Elle l’attendait donc… En d’autres circonstances, Karyl aurait été ravi de cette nouvelle et aurait immédiatement sauté sur l’occasion pour faire connaissance et entamer l’un de ces monologues habituels sans chercher à en savoir plus, mais cette fois-ci, sa réaction fut toute autre. Silencieux, le petit blond resta planté devant l’intrigante qu’il détailla de pied en cap avec cette moue suspicieuse qu’il arborait lorsqu’il soupçonnait quelque chose de tourner carré !

Se pourrait-il que….
Non, elle n’aurait pas osé…

Une pensée saugrenue venait de lui traverser la caboche. Se pourrait-il que sa mère ait engagé quelqu’un pour le surveiller pendant le temps qu’elle passait à l’Hôtel Dieu ? Cette blonde à l’air taquin, pas tellement plus vieille que lui, serait-elle une espionne au service maternel ? Sa présence signifiait-elle qu’elle avait eu vent de ses projets ? Allait-elle alors tenter de le dissuader ou pire, allait-elle le livrer en pâture aux griffes féliniennes en échange de quelques écus sonnants et trébuchants ?

Un frisson parcouru l’échine du môme qui s’ébroua comme s’il était transit de froid. La simple idée d’affronter le courroux maternel alors même qu’il n’avait encore rien pu montrer de sa bravoure et de ses talents de combattant lui glaça le sang. Pour sure que la Féline allait l’enfermer à vie dans sa chambre et s’en serait alors finit de lui et de ses rêves. Milles idées s’entrechoquèrent alors entre ses oreilles pour tenter d’échapper à cette situation plus que redoutée. Prendre ses jambes à son cou ? Avouer la faute commise et jouer la carte de l’apitoiement ? La défier ? Incapable d’avoir réponses à ses questions par la seule étude vestimentaire et comportementale de la demoiselle, Karyl opta pour une stratégie qui avait longtemps fait ses preuves : Nier tout en bloc !


Ah … ? Se contenta-t-il alors de répondre. Puis la curiosité reprenant le dessus il poursuivit : Tu me connais de où ? Comment tu as su que j’allais être là ce matin ? Moi je trouve pas que c’est très bien d’espionner les gens hein ! En plus je fais juste de la pêche et c’est du truc de garçons et toi t’as même pas de canne à pêche. Voilà qui était dit ! Mais les doutes concernant les motivations de son interlocutrice persistant il ajouta en tentant de prendre une posture viril : Et si tu es venu me faire du mal je te préviens que je sais me défendre alors c’est toi qui auras mal hein ! Alors il vaut mieux que tu fais pas mais je veux bien que tu me regarde faire la pêche pour que après tu sais faire toi aussi.

Ceci fait, le gosse s’assit à son tour sur le ponton prenant tout son temps pour déballer consciencieusement ses affaires. C’est qu’on ne rigole pas avec la pêche ! Hameçon en place, proie posée et ligne lancée, le gamin qui n’avait pas vraiment écouté ce qu’avait pu lui répondre sa voisine reprit :

Tu t’appelles comment ? Alors, tu me dis pourquoi tu veux me voir ? Je vais pas deviner hein !


Levant le nez pour la regarder droit dans les yeux, le gamin cherchait encore à décrypter ses intentions. Après tout, sa mère n’avait aucune preuve et se serait sa parole contre celle de la blonde. Félina n’irait tout de même pas croire une inconnue plutôt que son propre fils ? Pour le moment il s’estima donc en sécurité loin des foudres de sa mère. Restait donc à savoir ce que cette femme lui voulait. Il parviendrait bien à lui fausser compagnie plus tard si la situation l’exigeait. Mais pour l’heure, il fallait s’occuper du diner, les poissons n’attendent pas !

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un simple gamin des rues...
Mersyeu.
Il était prolixe. Une simple pique, tout juste une idée détournée et voilà que la machine pré-pubère se mettait en route, comme un cheval qui n'attendait que l'heure pour déchainer ses galops. Peut être que son vis à vis était gêné, cherchait-il le pourquoi de sa réponse ? Ce qui était sûr, c'est qu'il avait du répondant. Pas toujours très juste, même dès fois un peu inutile ou presque offusquant, mais ce n'était surement que la frénésie de la réaction qui s'était déclenché.

Et c'est une pointe sur le bout des lèvres, un sourire mielleux et moqueur qui s'élevait sur la face de l'héritière du comte brigand. Amusé par ce gamin, voir à quel point il pouvait tomber dans les sévisses mental dans lesquelles Mersyeu s'adorait à plonger les gens. Enfin ici, il ne s'agissait que d'un enfant ... Déjà bien fier de lui, mais encore qu'une larve qui voulait détruire son cocon pour s'envoler de ses propres ailes. Elle n'allait tout de même pas le torturer par on ne sait quelle autre idiotie encore et décida donc simplement de répondre à ses questions.


- Mersyeu ... Je me nomme Mersyeu.

Un léger silence, de quoi laisser au gamin le temps de ce souvenir de ce nom quelque peu alambiqué. Qui sait, du haut de ses trois pommes et de innocence qui le guettait comprendrait-il l'humour de son père de l'avoir affublé de ce nom si cher à sa famille

- Et je suis ici ce jour ... Car je savais que tu viendrais. Comme viennent tout ces pêcheurs pour trouver de quoi s'offrir leur repas et ceux de leurs familles.

Elle tourne légèrement la tête, aux abords de la berge, d'autre pêcheur. Un peu moins jeune que le gamin, mais tout aussi émoustillé à l'idée de voir pendre une truite au bout de la ligne.


- Et non, je ne viens pas te faire de mal ... C'est toi qui vient en faire à ce que je vois ...
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Mersyeu de Louvelle-Hatzfeld
Maison Louvelle

~~ Die Ente und Forelle, silber auf blau, Louvois unser Land, Louvelle werden wir ! ~~
Karyl
-Ben moi c’est karyl, j’ai 10 ans et je suis le meilleur pêcheur de Saumur. Tu veux savoir comment je sais que j’ai dix ans? C’est parce que le papa de mon copain Louis il fait une marque dans un arbre à chaque fois que Louis il passe l’hiver, il parait que ça porte chance et maintenant y en a dix alors ça veut dire que Louis il a dix ans et comme moi je fais la même taille que Lui et ben ça veut dire que j’ai 10 ans. Toi par contre tu es beaucoup plus vieille…

Le regard plein de malice le petit homme se mit à rire. Taquiner les filles, voilà un sport qui plaisait tout particulièrement a ce jeune homme qui, loin d’être décontenancé par l’explication fumeuse que lui fournit la blonde sur sa présence sur ce ponton reprit : Y a pleins de fois où je viens pas pêcher là parce que on trouve pas assez de poissons. Alors t’as surtout eu la chance de me trouver. Moi je préfère aller de l’autre côté du lac parce que c’est plus tranquille mais aujourd’hui y a mon copain Marcel qui fait aussi la pêche sur sa barque là-bas alors moi je viens ici pour l’attendre comme ça et ben on peut aller au marché tous les deux après. Et tu sais quoi ? Et ben des fois j’ai même le droit de faire dans sa boutique avec les clients et tout seul en plus ! En plus, le frère de Marcel et ben il a plus que une jambe à cause de la guerre et il connait pleins d’histoires avec les soldats. Si tu veux je peux te les raconter parce que moi je les connais par cœur hein…

Et voilà Karyl repartit à raconter son flot d’histoires tout en continuant à pêcher. Occupé à surveiller le poisson autant qu’à expliquer en long en large et en travers les histoires de Marcel et de son frère c’est à peine s’il faisait attention au fait que sa vis-à-vis l’écoutait. Lui, aimait tellement parler, parler, parler…. qu’il était naturellement persuadé que les autres aiment l’écouter, l’écouter, l’écouter…
Meyrseu eut alors droit à tous les classiques : sa rencontre avec la Zoko, avec les Licorneux, ses voyages en Bourgogne, son baptême… un flot ininterrompu de paroles qui pouvait se résumer à peut près à : bla bla bla bla bla… bla bla bla bla bla… Pauvre blonde !

A un moment toute fois, le petit homme posa sa canne près de lui et se retourna vers son interlocutrice et lui demanda d’un air soucieux :
Alors tu crois que faut que je vais aider pour la guerre même si maman a dit non ? C’est de la grande mercenaire, moi je veux lui ressembler ! Tu crois que c’est de la bonne idée pour lui montrer que je suis fort ? Voilà des interrogations qui intéressaient tout particulièrement le bonhomme ce jour là. Et si quelqu’un lui posait la question, il répondrait surement que c’était bien Aristote qui avait mit cette blonde sur sa route pour obtenir des réponses…

Voulant appuyer son propos d’une gestuelle virile pour la convaincre de répondre un grand "oui" à sa question -ce qui lui donnerait, vous l'avez comprit, bien meilleure conscience pour désobéir à sa mère - le gamin décida de se lever afin de pouvoir regarder la blonde droit dans les yeux. Plus préoccupé alors à fixer le minois de la jeune femme qu’à regarder où il mettait les pieds, le mioche marcha sur sa canne à pêche qui roula sous son pied et le déséquilibra. Surprit, il chercha de quoi s’agripper et ne trouva rien de mieux que le bras de son interlocutrice avant d’heurter le ponton tête la première et de tomber à l’eau... Joli! Plongeon très réussi!

Mission « J’suis assez grand pour faire la guerre hein ? » parfaitement réussie, n’est-il pas ?

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un simple gamin des rues...
Mersyeu.
On lisait en certaines personnes comme dans un livre ouvert. Une phrase que l'on sort souvent à tort et à travers, pour dénoncer la nature des gens à faire des actes ou à prononcer des paroles systématiques. Avec le petit pêcheur blond, cette ancestrale citation n'en est même plus utile, car il ne s'agit plus de lire en lui, mais de l'écouter conter, de l'entendre narrer sa vie, ses connaissances, ses doctrines, le moindre fait qui pouvait retenir votre attention.

Les sujets n'étaient certes pas toujours des plus palpitants, on aurait même affirmé qu'ils avaient le bon gout d'être monotone par certaine, que les récits n'étaient pas une grande liturgie et que les gens citées n'avaient d'exceptionnel que ce que le garçon leur accordait. Mais la blonde aimer à écouter ce marasme d'information, sans doute bien inutile, très futile même, mais elle s'en moquait, car inconsciemment, cela lui faisait bien plaisir de voir qu'une personne dans cette province était capable de lui offrir plus que trois phrase et le tout sans mépris mais juste par plaisir.

Le jeune homme -si la définition pouvait lui être accordé- en allait même jusqu'à tendre sur certaines réflexions quasi philosophique des choix à faire dans sa petite vie. Il était amusant de voir l'inconscience faire jouir chez ce petit être l'envie d'aller vers ce qui l'admirait alors que pour la moins jeune Louvelle, il n'y avait rien d'exceptionnel, pour ne pas dire carrément sans importance des existences à laquelle il aurait voulu mêler la sienne.

Et c'est dans le marasme des mots, sous le flot de question que Karyl vint à se lever. Mais comme un vulgaire paon qui veut se dresser droit, il arriva naturellement à se faire humilier par la prétention qu'on aurait put attendre. Une canne qui roule, un gamin qui cherche désespérément à quoi se raccrocher, un frêle bras féminin qui traine par la ... Et voilà que l'azur nébuleux de Saumur trouvait deux épis de blé qui nageait sur son eau.

Le regard ciel de la blonde qui s'ouvre et comme unique sensation, un grand floue. Une respiration incertaine, une bouche qui s'ouvre grandement et la voilà qui suffoque avant de voir réapparaitre le soleil si haut. Elle remonte à la surface, crache tout ce que ses poumons avaient put s'ingurgiter et chercha son bourreau du regard.

A quelques mètres de la, le pêcheur voguait sur les flots, lui aussi tout imbibé du fleuve qu'ils étaient entrain de visiter. Deux, trois brasses en sa direction et alors que les autres pêcheurs et promeneur du jour s'approchèrent de la scène de l'incident, l'héritière déchue attrapa un bras de son tourmenteur.


Avant de savoir se battre, faudrait déjà savoir marcher !

Et le voilà qu'elle le tire vers la berge. Des bras sont tendus, tout prêt à secourir les deux baigneurs.
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Mersyeu de Louvelle-Hatzfeld
Maison Louvelle

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Cymoril
Sur les mêmes berges, autre jour...


"Tantôt m'abandonnant à ma douleur muette,
Et tantôt de mon cœur laissant éclore un chant,
Toujours seul, vers l'endroit où le Fantôme attend,
Qui sous un manteau noir couvre sa pâle tête..."*


C’est l’un de ces instants lourds qui précèdent les orages d’été.
Sur les berges, tout devient silence. La nature se retire. Les castors disparaissent sous l’eau pour se réfugier dans leurs gîtes, tandis que le vent se lève soudainement et met le ciel en mouvement.
Le pas léger longe la rive pour atteindre un petit promontoire naturel.
Etrange panorama que ce ciel qui s’obscurcit de nuages noirs qui s’assombrissent plus encore dans le lointain.

La Loire, comme un miroir, reflète le décor en éclats verts et bleus.
Par moments, des éclairs blancs déchirent le ciel obscur, éclairant les murs des bâtisses saumuroises et les toits d’ardoise se dessinent brièvement.
Autour d’elle, des bourrasques violentes décoiffent les arbres ; branches et feuilles ploient et résistent péniblement aux éléments déchaînés.
Plus loin, dans un rayon de lumière blafarde, se découpent les pointes de l’église romane derrière laquelle semblent s’enfuir les nuages. Tandis que dans le fond de l’horizon, elle devine la plaine plus qu’elle ne la voit. L’esprit recompose même avec précision la taverne Cartel, avant qu’un souffle sinistre ne lui fasse parvenir les voix des morts tombés là bas.

L’écho des défunts se joint au sifflement lugubre du vent, faisant frémir la petite carcasse. Combien de vies volées ? Combien encore cette guerre en emportera-t-elle avant que le calme ne revienne ?
Le vent continue, implacable, tempêtant et grondant toujours plus dans les cieux embrasés, chassant dans les airs les corbeaux repus du carnage passé.
Les bourrasques tournent et charrient l’odeur désagréable des corps à l’abandon qui continuent de se décomposer.
Ou peut-être les odeurs ne sont-elles, comme les voix, le fruit de son imagination… Les paupières pâles se ferment lentement pour que l’esprit se concentre et fasse taire le tumulte qui provoque des éruptions de violence dans ses tempes.
Ses longs cheveux noirs flottent dans le vent autour de sa silhouette diaphane, jusqu’à ce que seuls le silence et le vent ne soient les compagnons discrets de sa solitude et son enfermement…

Elle qui ne sort d’ordinaire qu’à la faveur de l’ombre, voudrait soudain retrouver la caresse voluptueuse d’un soleil d’été. Offrir une fois sa peau à la morsure des rayons brûlants… Ou plus raisonnablement marcher dans les dunes de sable, enfoncer ses pieds nus dans le parterre cuisant… Oublier l’espace d’un instant d’être la fille austère et stoïque qu’elle était devenue…
Puis reviennent les cris, les sabots des chevaux lancés au galop, le choc des fers, le bruit sourd des corps morts. Un vacarme assourdissant, de fer contre fer, fer contre chair, douleur et agonie. Le bruit de la guerre en écho dans son crâne.

Les paupières se soulèvent et le regard se pose sur l’onde agitée par les premières gouttes qui s’écrasent et viennent froisser la surface lisse, en cercles qui s’élargissent à l’infini avant de se briser les uns contre les autres et s’éteindre ; toujours plus nombreuses, formant un voile torrentiel dense. Les gouttes claquent sur son visage, imprègnent les vêtements pour ruisseler jusque dans ses bottes.
Elle ne fait pourtant aucun mouvement ; les yeux clos, le minois tendu vers le ciel en furie, à peine une main fine qui vient chasser une mèche noire collée à son front, se laissant parcourir par l’eau froide en tremblant doucement. Comme si elle espérait que la pluie, en ruisselant, allait emporter avec elle tout ce qui peuplait sa tête et effacer ses peurs. Tellement concentrée qu’elle ne prête aucune attention aux pêcheurs dans le lointain, qui ramènent leurs filets prestement sous la pluie qui fait rage, avant de regagner les pontons pour y abandonner leurs barques et se mettre à l’abri.

La pluie pour purifier le sol, faire profondément pénétrer tout ce sang versé afin qu’il en nourrisse la Terre toujours plus... La pluie pour effacer les traces séchées sur les toiles de tente des campements.. La pluie pour noyer les larmes et tenter de se dissoudre comme une bulle de savon et disparaître sans bruit… Puisque l’avenir n’est qu’un vaste désert blanc, sans fin ni horizon. Miroir infini de ses peurs et de ses doutes. Puisqu’il n’y a rien ni personne qui accompagne ses pas. Rien que le vide et l’angoisse.
Elle reste là ; telle une statue de marbre posée, laissant voler autour de son corps menu les pans de sa robe trempée qui claquent sous les rafales. Noirs comme la nuit. Silhouette d’ivoire et de jais, d’ébène et d’albâtre. Comme avant. Comme toujours.



Elle était amoureuse, avec cette violence incongrue qui fait tout la beauté d’un amour vrai et pur, comme pour la première fois. De cette ardeur qui fait frémir le cœur. Ce cœur qui battait à tout rompre, ces mains qui tremblaient légèrement, ces yeux qui brillaient d’une flamme intense étaient siens… Tout son corps criait, son âme même s’inclinait devant un sourire, un regard, au son d’une voix…
Elle apportait l’amour, lui la mort. Ces deux seules choses qui s’opposent et s’unissent dans un même lit. Ces extrêmes qui s’attirent et s’annulent, s’emmêlent et se déchirent. A jamais.
Ironie du sort, elle effleurait un bonheur qui serait toujours imparfait, amputé de ne rien savoir apporter, et c’était là la plus grande torture que son cœur ait jamais subi. Mais jamais il n’entendrait la plainte secrète, la beauté sotte de sa condition. Elle resterait voilée.



*In Memoriam - TENNYSON

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