--Espineux
En ce dix-huitième jour du règne de Natale-le-Muet, courtisans et conseillers décidèrent d'imiter leur maitre, et entrèrent dans un mutisme total. Reposant silence venant du chateau n'était troublé que par le cri des gorets égorgés par le Bailli, des prisonniers torturés par le Prévot, et des écus tombant dans l'escarcelle du Juge.
Espineux, chroniqueur, flânant pour tuer le temps car il ne pouvait point relater en la chronique discours brillant ou valeureuses actions n'ayant point eu lieu, eut rumeur d'une esclandre publique tenue en l'estrade des criées par des opposants au Comte. N'eussent ils point été opposants, ils se seraient tus comme il se doit, et s'en seraient allés compter les gabarres lourdement chargées sur la Garonne, se demandant ce que le Comté pouvait bien vendre au voisin Guyennois.
En l'estrade des criées avait lieu fort divertissante joute verbale sur moults sujets économiques ayant trait à l'engorgement des marchés du Comté. Femme au nom de pierrerie appelait en vain et à grands cris invisibles autorités commerciales compétentes, se plaignant avoir mis tant de temps à vendre quelques quartiers de cochon que les vers s'y étaient logés, et qu'elle avait du les brader à un prix anormalement bas pour personne ne pactisant point avec le Sans-Nom. Poing fut levé en hurlant le nom de Gotetdeb, Commissaire au Commerce, qui laissait pourrir à dessein avec la complicité des maires les denrées sur les marchés du Comté. Prix étaient baissés par les plus pauvres, marchandise bradée était acquise par la mairie qui faisait gras bénéfices en revendant les fruits du labeur du peuple à de riches marchands de passage, ou au comté vorace.
Rumeur fut faite que les denrées restaient tant sur les marchés que le pain était rassis, le lait caillé, le poisson fort peu frais, la viande grouillante de vers, le blé envahi de charançon et ne donnant plus que 4 sacs pour un arpent de terre. Epidémies suivraient sous peu, et médecins en robe noire menés par le même Gotetdeb, feraient boire inefficaces et couteuses potions aux malades, avant qu'ils ne périssent des traitements infligés.
Rumeur fut faite que pareil complot était ourdi et soigneusement organisé par les autorités économiques, qui savaient qu'un peuple indigent et mal nourri n'a point force pour se rebeller contre l'oppresseur. Nécessité se faisant maintenant de trouver un bouc émissaire à défaut d'une solution à cette surproduction orchestrée, doigt accusateur fut pointé vers les Spinozistes, connus pour être la racine de bien des maux, la preuve en était la rudesse de l'hiver qui avait accompagné la présence de l'un des leurs au conseil, et les catastrophes innombrables qui entachaient le comté à chaque fois qu'un crédule les rejoignait, se détournant de la vraie foy. Rumeur fut faite que grand exorcisme serait organisé en les marchés du Comté afin de chasser vers et surproduction. Défilé serait mené par évêques suivi de prêtres, diacres, enfants de choeur et fidèles des bonnes villes afin que due prospérité revienne en Toulousain.