Thorn
- -«Comment la fin justifierait-elle les moyens ? Il n'y pas de fin, seulement des moyens à perpétuité.» René Char - 1965
[ Le Mans, 8 Aout 1459 ]
Une épée était là, par terre. Et à côté d'elle, un bouclier tanguait au rythme du vent. Au centre de l'écu trônait un loup blanc, blanc comme le marbre, comme la neige. Il hurlait. Mais de quoi? Sans doute était ce le cerf d'azur, brodé sur une lourde houppelande qui gisait elle aussi au sol, aiguisant sa faim, réveillant linstinct bestial. Bientôt les deux bêtes se livreraient une lutte. Ils lutteraient pour survivre, pour régner quelques temps encore sur les terres qui étaient leurs. Manger ou être mangé. La loi du plus fort, la loi du talion. Peut importe le nom qu'on lui donnait, c'est elle et elle seule qui régit le monde des hommes. Elle le régit et régira, l'homme est cupide, l'homme est avide de pouvoir. L'homme est l'homme. Mais l'instant s'estompa, les opposants furent séparés. Un valet dans en un élan ramassa ce qui demeurait sur le sol tiède de l'été et l'attacha aux sacs de selles d'une des quatre montures. Et ce sont des cavaliers qui rejoignirent les chevaux. Un des destriers était blanc, lui aussi. Le cheval blanc d'un blond, Épine, compagnon de toujours.
En avant.
A ces mots, prononcés avec froideur, une presque tristesse, le Wolback, son écuyer et ses deux valets mirent en route les chevaux. Ou allaient-ils ? Le blond Baron répondait «Combattre l'engeance du Ponant». Mais outre le désir de mettre son épée au service de la cause qui était juste à ses yeux, ce sont bien des choses qui se dessineraient sur les champs de batailles. Angevins, Bretons, Berrichons, Tourangeaux, Poitevins, Orléannais... Des peuples si proches et si différents à la fois se faisaient la guerre. Tel le loup et le cerf, chacun luttait pour sa survie et celle de ses idéaux. Le Royaume se brisait, chaque larme, chaque blessure, chaque mort, creusait encore plus le fossé désormais béant qui morcelait la France.
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