Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, 4, 5   >   >>

[RP] d'un pèlerinage en terre brûlée

Anthony_ercibald
Anthony-Ercibald avait chevauché comme un beau diable jusque Saumur, cette fameuse rumeur persistante en tête. Pourtant peu habitué à prendre en considération les ouie-dire, cette fois, son coeur sentait bien que les détails qu'il avait entendus dans ce camp transposaient une réalité qu'il se refusait bien à considérer. Il était même complètement perdu, à vrai dire. Il ne voulait pas croire que cette fameuse rousse angevine pouvait être sa mère... mère qu'il n'avait que trop peu connu, certes, mais pour laquelle son amour de fils était encore bien vivace. Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir...

Mais au préalable, il devait prévenir son Père de la situation. Il aurait certainement des informations plus fiables... Peut-être même qu'il était déjà auprès de sa Mère et que tout cela n'était qu'une coïncidence... Pourvu que cela soit... Dès qu'il fut arrivé à destination, il alla rédigé un courrier à destination du Comte d'Isle Jourdain qu'il qu'il confia à une estafette. Il lui donna rendez-vous à Beaucouze, le domaine maternel, afin de tirer au clair cette sinistre inquiétude.

_________________
Clelia
[Quelques jours plus tard]

Le temps du désespoir était passé, la phase du long chagrin persistant arrivait.

Dans son coeur résonnait encore les paroles du Maréchal d'armes de France. Phylogène avait produit une forte impression sur la jeune fille. Digne, grave, cérémonieuse, elle avait su quoi faire au bon moment, préservant le repos de sa mère auprès d'Aristote en lui administrant les derniers sacrements. Qu'importe s'il y avait une cérémonie religieuse, voulue par l'ancienne Duchesse elle-même, elle n'aurait jamais la beauté de ce moment-là, ce moment volé à la mort, dans une douce parenthèse de calme et de plénitude. Moment grave, moment émouvant au possible, un adieu qu'elle n'aurait elle-même jamais su faire, les dernières précautions d'usage mais qui lui étaient si étrangères.

Seule elle vivait son deuil. Par choix d'abord. Par un sentiment d'obligation. La dernière des De la Croix de Bramafan avait certes hérité de certaines qualités de ses parents mais il y avait un revers à tout cela et c'était un caractère buté, colérique même parfois. L'héritage paternel pouvait être difficile à porter alors même que l'incompréhension du père et de la fille ne trouvait sa raison que dans cette troublante similitude de caractère.
Même dans le deuil, elle n'avait pas baissé les armes. Bien au contraire, elle avait trouvé dans le chagrin la force supplémentaire pour déchaîner ses foudres contre son Ours de paternel. Elle avait subtilisé des documents familiaux quand les querelles du père et de la fille étaient à leur paroxysme et s'était retrouvée à la porte du Domaine de la Croix de Bramafan, trop contente de ne plus avoir à y mettre les pieds.
Elle préparait ses armes pour une autre manche, dirigeant cette fois-ci sa colère contre son frère également.
Les torts étaient partagés et les deux soeurs ainées regardaient la petite dernière et le patriarche de la maison s'entredéchirer avec tristesse et incompréhension.

Reprendre le cours de sa vie...
Seulement, le testament avait changé beaucoup de choses. Il n'était plus question d'aller rejoindre les lunes maintenant. Plus question de les suivre dans leur périple espagnol, à l'assaut des châteaux, des mairies, une épopée qui faisaient déjà naître des étoiles dans les yeux de la jeune fille. A chaque courrier qu'elle recevait du corbeau, une boule de chagrin lui serrait la gorge pendant quelques secondes. Elle savait que s'installer en Anjou avait été la plus mauvaise idée qu'elle avait jamais eu, elle n'avait réussi à en repartir.

Aujourd'hui, à l'aube d'hériter des titres de Vicomtesse de Romfort, Vicomtesse du Grand-Lucé et de Baronne de Beaucouzé, elle ne s'était jamais sentie autant au mauvais endroit au mauvais moment. Que dire à ceux qui lui écrivait, à ceux à qui elle écrivait depuis qu'elle avait quitté son fameux groupe. Fort heureusement, pendant son court mandat de procureur, elle n'avait pas eu à entamer de procès contre de soi-disant brigands. Elle se rappelait encore de la réaction des Lunes quand, petite, elle avait voulu porter plainte contre un groupe qui l'avait soulagée de ses maigres écus. Code d'honneur...
Mais comment annoncer qu'elle était maintenant piégée par non pas un titre, mais des titres qu'elle se devait de conserver, par respect au souvenir de sa mère. Il fallait faire fructifier l'héritage de Fifounijoli et la tâche lui paraissait trop difficile.

Alors qu'elle continuait de sillonner les routes d'Anjou pour apporter des marchandises ici et là, qu'elle pleurait dans les bras de Jchris à Craon, de Killijo à Angers, d'Alatariel à Saumur, elle savait au fond d'elle-même qu'à ce moment, il fallait qu'elle porte le deuil avec sa famille. C'était ce que sa mère aurait voulu. Elle écrivait tous les matins à sa soeur Ayerin, la pressant de venir la retrouver, la pressant, même au péril de sa vie.

Elle s'était réfugiée à Beaucouzé, son havre de paix, là où elle était toujours passée quand elle venait en Anjou. Le château était triste et silencieux, les domestiques prenant soin de ne pas gêner, ne pas perturber leur future jeune nouvelle maîtresse des lieux. Tous les soirs, les mêmes gestes, quand elle se couchait. Enlever son pendentif en forme de demi-lune, mettre la dague de Jaja sous son oreiller, puis céder au chagrin pour se laisser emporter par la fatigue au milieu de la nuit. Tous les matins, ce même espoir en rouvrant les yeux, que tous les cauchemars qui avaient hantés sa nuit n'aient été qu'un "rêve". Mais non, toujours le même silence dans le château qui lui semblait immense à présent.

Ainsi passaient les jours à Beaucouzé pour la trop jeune et trop fragile future Baronne. Elle ne sortait que pour aller au conseil, travailler, encore. Rentrait en passant par une taverne où elle pleurait un petit peu, annonçant à tous ceux qu'elle voyait le triste décès qui la minait.

Comme s'il n'y avait que la parole pour exorciser les plus grandes peines, pour donner corps à ce vide qui chaque jour se faisait plus persistant. Plus jamais de chevelure rousse rassurante ne serait penchée sur elle le matin au réveil. Plus personne ne passerait de main dans ses cheveux comme seule sa mère savait le faire. Il y avait bien Sauvane, mais elle semblait se complaire depuis maintenant plus de trois mois dans le silence d'un monastère.

Ainsi passaient les jours, dans le silence, la résignation, la tristesse...

_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
Anthony_ercibald
Depuis quelques jours déjà, le jeune Seigneur de Montéléger n'avait plus de goût à grand chose. En fait, il n'était pas difficile d'observer, même pour le plus profane, qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même. Son corps avait beau se mouvoir, faire et refaire les gestes les plus élémentaires, entreprendre les tâches les plus habituelles, son esprit, lui, vagabondait bien au-delà des sphères présentes, comme s'il cherchait à s'échapper de la folie des hommes, ou comme s'il cherchait une présence... certainement celle qui l'avait "abandonné" bien trop tôt, sans qu'il n'ait eu le temps de la connaitre vraiment... Pourtant Aristote savait bien que c'était là l'un de ses plus chers désirs... Lui, l'ainé Anthony-Ercibald, héritier des domaines de la Croix de Bramafan, docile vassal de son Père, en retrait volontaire depuis des années des récurrentes déchirures familiales, était devenu par le jeu de la Fatalité, orphelin d'une mère qu'il aimait comme un fils peut aimer sa mère, mais qui n'aurait pas eu le temps de le lui démontrer à sa juste valeur.

Au plus profond de sa mélancolie, il allait chevaucher de longues heures à travers le domaine de Beaucouze, le domaine maternel où il avait vu le jour... celui aussi d'où il était parti, arraché aux douceurs de l'enfance pour aller affronter très – trop – jeune une réalité contre laquelle il n'avait su que se rebeller. C'était l'ultime lien qui l'associait à sa mère, dont il avait hérité la douceur, la timidité et la discrétion. A bien y réfléchir, Anthony-Ercibald était le fruit de l'étrange alchimie du feu et de l'eau.

Seul, à travers cet écrin de verdure, il se recueillait, cherchant ça et là une trace d'elle, un signe peut-être... Et son regard se posa sur les bâtiments alentours... Jusqu'à présent, il n'avait pas encore osé en franchir le seuil. Non pas qu'il redoutait d'y croiser un fantôme, mais plutôt d'y retrouver sa jumelle. Il y avait eu trop de passif familial ces dernières années pour devoir en rajouter inutilement à présent. Malgré ses réticences, son instinct fraternel insistait de plus en plus à renouer ce lien distendu depuis trop d'années... Il aurait pu s'en détourner, repartir loin de cet Anjou destructeur, oublier et reconstruire quelquechose ailleurs... mais rien n'y faisait, il ne pouvait s'y résoudre. L'amour était encore là, il ne demandait juste qu'une simple petit étincelle pour repartir tel qu'il était en ces douces années d’insouciance...

A cet instant là, il se trouvait sur le parvis... encore quelques pas, et il en franchirait le seuil...

_________________
Clelia
Le temps avait changé, premières brises automnales, premières feuilles tombées. Des fenêtres du château, elle observait la nature changer de couleur, une nouvelle saison commencer...

Une nouvelle saison que sa mère ne verrait pas, une nouvelle saison marquée par le deuil, par la tristesse. Elle savait que la chapelle du domaine des De la Croix de Bramafan avait pris ses habits de deuil, elle aussi. Mais elle en avait été mise à la porte et elle n'avait pas l'intention d'y remettre les pieds avant longtemps. Par fierté tout d'abord, oui, la fierté qu'elle partageait aussi avec son Ours de père. Et elle savait que l'Anjou était le seul endroit où porter le deuil avait un sens, c'est ici que sa mère aurait voulu être enterrée, c'est ici qu'il allait falloir organiser ce genre de cérémonie.

Néanmoins, il lui manquait quelque chose, depuis bien trop longtemps. Une partie d'elle qu'elle avait renié, comme elle avait renié le nom de son patriarche, le nom de ses soeurs pour ne porter que celui qu'elle avait hérité de sa mère.

Pour occuper ses journées, elle se mettait à la broderie, s'astreignant à passer de longues heures à essayer de faire prendre corps à une image de chat sur laquelle elle passait quelques fils. Le travail avançait bien, à sa plus grande satisfaction. Ainsi, elle ne pensait plus à grand chose d'autre. Demander à ses gens tel ou tel coloris, faire chercher les plus jolis dégradés en ville était devenu son passe-temps favori.
Elle se rendait au conseil, faisait quelques contrats, comme il le fallait, mais même de cela elle avait perdu le goût. Les remontrances continuelles, la mauvaise humeur de certains alors même qu'elle devait trouver la force de se rendre en ces lieux autrefois habités par sa mère, où elle avait tant donné à l'Anjou... Cela lui pesait de plus en plus et chaque matin, elle peaufinait avec soin la lettre de démission qu'elle gardait soigneusement dans son petit secrétaire fermé à clé.

On vint l'avertir, quelqu'un approchait du château. Que faisait-on? Comment le recevoir?

Ses gens étaient déjà armés, prêts à en découdre avec cet étranger. Tous respectaient leur jeune maîtresse des lieux à qui les titres n'avaient pas encore fait tourner la tête. Tous connaissaient son passé, ses débarquements en pleine nuit, dans les tenues les plus étranges, parfois avec les larmes aux yeux. Chacun savait que le luxe et la richesse n'étaient pas le but premier recherché par la jeune fille. Et cela, ils le respectaient tout autant que le deuil rigide qu'elle s'imposait.

Elle sortit de ses pensées pour se diriger vers une fenêtre, d'où elle put voir le jeune homme s'approcher. Il ne lui fallut que quelques secondes pour qu'elle sache qui c'était.

D'un hochement de tête, elle répondit : "Ne faites rien, cela va aller. Retournez à vos occupations". Et chacun de se demander qui pouvait être cet homme qui arrivait. Mais son air grave et soucieux les fit repartir vite au travail sans plus se poser de questions.

Restée seule, à la fenêtre, elle le regarda quelques secondes de loin. Oui, l'amour était encore là, elle sentait son coeur se serrer à mesure que les pas du jeune homme avançaient vers le parvis. Son coeur battait la chamade, son souffle devenait plus rapide et saccadé. Prise d'un vertige, elle se rattrapa de ses deux mains à un mur. Il arrivait, il était là..

Alors, pour une fois, elle écouta son coeur.
Elle dévala à une vitesse folle les escaliers qui la séparaient de l'entrée du château. En quelques secondes, elle était arrivée derrière la porte et entendait ses bottes claquer sur les marches qui menaient au parvis. Un coup d'oeil à un miroir, elle grimaça en voyant les cernes qui indiquaient de longues nuits sans sommeil. Elle avait un peu grandi, le deuil avait affiné sa silhouette. Elle portait toujours au cou ce pendentif en forme de demi-lune, mais ne portait plus la bague, la fameuse bague de fiançailles... Aujourd'hui, elle avait même pris le temps de coiffer ses cheveux, ce qui n'était pas une habitude chez elle auparavant.

Mais de tout cela finalement, elle s'en fichait pas mal, l'important étant d'avoir quelques minutes de répit avant le grand saut dans l'inconnu.

Un, deux, trois! Elle ouvrit la porte, se précipita dehors et se jeta dans les bras du jeune homme qui arrivait, fermant les yeux sous l'effet de l'émotion, ne voulant sentir que sa présence chaude et rassurante à ce moment là.


Anthony.. Anthony... je t'aime!
_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
Anthony_ercibald
Juste avant que la porte ne s'ouvre, il avait hésité, une ultime fois. A mesure qu'il s'était approché, une foule de sentiments se bousculaient dans son esprit. Quelques images aussi lui revenaient : la froideur de sa soeur lorsqu'il lui présenta la première femme de son coeur, son visage fermé, ses yeux endurcis à ce moment là... contrastant étonnamment avec la chaleur des 'je t'aime' qu'elle lui envoyait en Lyonnais-Dauphiné... Comment diable en étaient-ils arrivés à se tenir aussi longtemps éloignés l'un de l'autre. C'était d'ailleurs le plus grand paradoxe de la Maison de la Croix de Bramafan : autant de personnes qui s'aiment et pourtant se déchirent... Et la perte de cette mère, peut-être absente physiquement, mais jamais autant présente dans l'esprit des siens, était le point culminant de tout ce gâchis.

Et pourtant... le jeune Seigneur de Montéléger ne renierait en rien son appartenance familiale, tant parce que sa maternité est tout aussi vivace en lui que sa paternité, que tant parce qu'aujourd'hui, il était temps de tourner la page des déchirures passées et d'en réécrire d'autres, sous le signe de l'amour et la solidarité. S'il devait néanmoins échouer, alors il aurait essayé...

C'est cette dernière pensée qui lui insuffla la force d'aller ouvrir cette porte. Mais il n'en n'eut pas le temps, car cette dernière s'effaça soudain devant une présence qui fondit sur le jeune homme. Tout se passa si vite qu'il n'eut que le temps d'entendre ces mots qui vinrent résonner comme des cloches battant à tout rompre. La surprise à peine passée, il se trouvait là, debout, sa soeur dans les bras, ce qu'il n'espérait plus... Tout cela fut si soudain et si inattendu qu'Anthony-Ercibald demeura sans réaction pendant quelques secondes, ne sachant que faire sur le moment. Mais ce court instant suffit à faire s'effondrer toutes ses défenses. Ces quelques secondes le transportèrent vers leur tendre enfance, où l'amour et la complicité fraternelles les rendaient indissociables.

Et dans ces moments très particuliers où l'esprit conscient se fige, c'est l'instinct qui reprend le dessus. Les bras du jeune Anthony-Ercibald se refermèrent alors sur sa soeur, la serrant aussi fort qu'il le pouvait. Réchauffé d'un coup par ses mots, il posa sa tête sur la sienne, expirant longuement et profondément, comme s'il expulsait définitivement tous les malheurs qui pesaient sur ses épaules.


- Clélia, ma soeur...

Comment trouver les mots justes quand l'émotion vous submerge à vous rendre aphone... Et pourtant, ces trois mots là résumaient la force de ce lien qui venaient de réunir les jumeaux terribles de Charles de la Croix de Bramafan et Lisa-Marie de Penthièvre.
_________________
Strakastre
Strakastre a écrit:

    A toutes celles et ceux qui liront ceci et/ou qui le feront savoir,

      Par la présente, moi, Charles de la Croix de Bramafan, dict Strakastre, Comte de l'Isle Jourdain, Baron de Montmeyran, Chevalier de France, Seigneur de Savigny-Sur-Orge, Seigneur de Claveyson, vous informe du décès tragique de Lisa-Marie de Penthièvre, Vicomtesse du Grand Lucé et de Romfort, Baronne de Beaucouzé, Dame de Russé, en ce jour du premier octobre de l'An Mil Quatre Cent Cinquante-Neuf, à la suite de ses trop nombreuses blessures reçues sur le champ d'honneur d'Anjou.

      Qu'il soit su qu'une chapelle ardente est désormais ouverte, en la chapelle familiale consacrée de Saint-Lescure-le-Conciliant. Tout visiteur pour un dernier hommage y sera accueilli avec respect et dignité par les membres de la Maison de la Croix de Bramafan. Un registre de condoléances y sera également à disposition pour un ultime hommage envers une grande dame de convictions comme de coeur, discrète mais pas moins aimante envers les siens.

    Rédigé en les domaines de la Maison de la Croix de Bramafan, le Treizième d'Octobre de l'An Mil Quatre Cent Cinquante Neuf.


_________________
Clelia
[Beaucouzé]

Toujours seule dans la grande demeure maternelle.
Son frère était parti, elle aussi avait essayé mais cela s'était révélé, pour une fois, imprudent.

Elle s'en était retournée avec de multiples contusions, une cheville enflée et douloureuse qui l'empêchait de bouger et une fatigue persistante qui s'insinuait en elle. La mésaventure aurait pu la décourager tout à fait mais au contraire, elle lui permettait pour une fois de se reposer un peu et de rester au même endroit, un peu plus longtemps que d'habitude.

Les jours passaient de nouveau lentement quand, au beau milieu d'un après-midi, on vint lui apporter une missive provenant de la Maison familiale. Elle la déplia et lut.

Elle déglutit rapidement, serrant chaque muscle de son visage pour ne pas pleurer. Ce n'était pas le moment de se laisser abattre et si les vannes s'ouvraient, elle n'allait pas réussir à les refermer. Trop de choses prises sur elle, trop de non-dits, trop d'obligations, trop de tentations d'aller voir ailleurs, trop d'envies de rester ici.

Ce fut la journée des missives. Après celle qui lui glaça le sang, une autre la réchauffa. C'était de Van, son meilleur ami. Comme d'habitude, formule laconique.. Mais quelques mots suffisent pour réveiller dans ses yeux la flamme qui s'éteint petit à petit en Anjou. Pas qu'elle soit malheureuse.. mais si, un peu peut-être, pas qu'elle n'aime pas les gens, pas qu'elle ne s'y amuse pas, pas qu'elle n'y soit pas attachée... C'était ça et tant d'autres choses à la fois. De la lassitude peut-être. De la fatigue sûrement.

Et tous les projets qu'elle faisait était en train d'être remis en cause, réduits à néant par cette envie irrépressible de partir. Partir.. pour les rejoindre... elle avait attendu ici, attendu plus que de raison... et en attendant, elle s'était distraite comme elle avait pu, et elle continuait. Et puis, elle avait réussi son coup d'éclat, avec brio, avec joie. Mais finalement, ça aussi avait perdu de sa saveur et elle ne comprenait pas pourquoi.

Elle regarda sa jambe, fit une grimace en se demandant combien de temps elle allait devoir rester là, comme figée sur place. Elle continuait d'être active tout de même, son poignet droit commençait à ressentir les effets des nombreux contrats qu'elle devait rédiger, non sans laisser traîner quelques coquilles ça et là. Et puis, il allait falloir se rendre à la "grande grande" présentation de la liste. Probablement que ça aussi, ça la déprimait un peu d'avance.

Mais pour l'heure, pour se changer les idées, elle répondit à son meilleur ami sur son hypothétique descente dans le Sud. Dans la foulée, elle écrivit à Colin pour lui faire part de ce projet. Elle connaissait ses goûts, savait qu'il s'ennuyait alors pourquoi pas. Le voyage pourrait être divertissant.

Et puis.. elle se décida.. enfin...


Citation:
Au Comte de l'Isle-Jourdain,

Mon Père,
je réside actuellement à Beaucouzé où je me remets d'une agression d'une armée mainoise.
Anthony m'a fait le plaisir et le bonheur de m'aider dans ma lourde tâche, je lui en suis infiniment reconnaissante.
On m'a dit que vous étiez encore à Angers, venez donc à Beaucouzé, je pense que nous devrions avoir quelques choses à nous dire.

En l'attente d'une réponse, en l'attente de vous voir,

Votre Fille,
Clélia


Missive expédiée à l'Ours, elle reprit ses activités en silence, comme à son habitude. Un poids sur le coeur lui pesait chaque jour davantage. Mais ça, elle savait pourquoi. "Tu vois Cle, c'est rien tout ça, l'important c'est l'aventure!"...

L'aventure, oui!

_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
Strakastre
- Humm hummm...

C'était là le plus avenant des sons émis par un Ours concentré sur la missive que sa fille Clelia venait de lui faire parvenir... Un esprit chagrin aurait pu y ressentir dans ces lignes une forme de "convocation"... mais qui serait assez inconscient pour oser croire que Charles de la Croix de Bramafan s'astreint à toute forme de "convocation" ?... Mais point d'esprit chagrin en cet instant... juste un Père plutôt rassuré de lire les mots de sa fille, signe d'une bonne santé, même si toute relative. Alors, il se fit apprêter tenue et équipage pour se rendre ensuite vers le Domaine de Beaucouze... Sensation étrange d'ailleurs que d'y remettre les pieds... presque en terre inconnue... Était-ce parce que feue son épouse l'avait transmise directement à Clelia ? Était-ce parce que Fifou disparue, cette terre n'avait plus le même attrait ? Beaucoup de questions encore...

Le Comte d'Isle Jourdain ne se fit pas annoncer pour autant. Si tout à chacun ne savait le reconnaître, tant pis pour lui... Il n'arrivait pas pour autant en terrain conquis, mais nul ne saurait faire l'intermédiaire, voire s'interposer, entre lui et sa fille. Puisque cette dernière semblait animée d'un feu paternel en la matière, alors le dit Père préférait en mesurer l'intensité de lui-même...

Une fois sur place, on l'amena à elle. Quand il observa son état, il lui fit un sourire strakastrien très approprié.


- Bien ! Je vois qu'en terme de bras cassés, nous observons quelques similitudes de circonstance...
_________________
Clelia
S'il ne s'annonça pas, elle le vit arriver tout de même par une fenêtre.

Fébrile soudain, elle se rappela leur dernier entretien qui s'était terminé avec une magistrale gifle appliqué avec violence et froideur sur sa joue. Hormis la trace, passagère, qu'elle avait laissé sur sa peau, cette violence avait temporairement fermé le coeur de la jeune fille à son père.
Hasard de la vie, ce jour-là, elle venait de rentrer de Touraine, à la hâte, pour échapper à deux procès où une procureur totalement azimutée réclamait la peine de mort comme sentence. En chemin, elle avait été malmenée, déjà ; entre La Flêche et Angers, déjà ; pour transporter du pain, encore.
C'est que la vie s'amusait parfois à ce genre d'ironie.
Sauf que cette fois-ci, elle était bien plus mal en point. Sauf que cette fois-ci, sa mère n'était pas là pour panser ses blessures, blessures physiques, blessures de coeur. C'était fini, elle ne serait plus jamais là.

Un pas décidé se fit entendre. Quelques exclamations étouffées. Son père était donc entré. Elle respira un grand coup, se disant que la missive avait fait l'effet escompté et plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru.

La porte s'ouvre, son père est introduit. Réflexe naturel, elle cherche à se lever mais doit s'y reprendre à deux fois, s'accoude au fauteuil, ne pouvant plus s'appuyer sur une de ses deux chevilles. Une légère ombre bleue teinte encore le haut de sa joue droite.

Sourire strakastrien, pique oursonnique. Froncement de sourcils de la jeune fille.


Similitudes certes, mais pour des raisons opposées je suppose... une fuite avortée? Sinon que ferait un chevalier de France ici?

"Fuite".. le mot était destiné à faire réagir son père, ou pas. Ultime bravade en réponse à son entrée en matière un peu abrupte.

Elle s'arrêta, le regarda quelques secondes. Allait-elle se reprendre une gifle comme la dernière fois?

Puis elle enchaîna, ne se posant pas davantage de questions. Elle fut tentée de regretter cette réponse hâtive et agressive qui ne dénotait que trop bien à quel point elle était sur la défensive, à quel point elle n'était pas à l'aise en présence de Strakastre.


Il faudrait que nous organisions les funérailles...

Elle s'arrête, respire, le mot est encore difficile à prononcer, la chose difficile à envisager, la perte encore trop proche pour pouvoir en prendre vraiment conscience. Elle sent ses yeux commencer à piquer, signe que les larmes ne sont pas loin. Elle enchaîne tout de suite.

Je souhaite partir dans le Rouergue après cela.

Elle n'eut pas besoin d'ajouter pourquoi elle voulait partir là-bas. Pourquoi aller dans le Sud comme ça sur un coup de tête? Il n'y avait pas besoin d'expliquer que l'attrait des Lunes commençait à reprendre doucement le dessus. Il y avait de nouveau dans ses yeux cette petite flamme qui illuminait son regard depuis que Van lui avait écrit. Elle avait attendu, trop attendu ici en Anjou. Il était temps de tourner la page.
Et maintenant que sa mère n'y était plus, elle n'avait plus personne à soutenir, plus personne contre qui se battre pour qu'elle reprenne goût à la vie. L'Anjou lui avait donné une mère formidable, et la lui avait reprise.
Les amis on les retrouve, elle le savait.
Mais il faut savoir aussi, à un moment, partir.

_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
Clelia
On frappa à la porte. "Entrez". On déposa une missive entre ses mains.

"Par le présent parchemin je vous informe qu'un office religieux sera célébré pour la mémoire de votre défunte Mère. Nous avons la permission de votre Père sa Grandeur le Comte de l'Isle Jourdain."

C'était signé Cassandres De Sigognac. Sa mère lui en avait parlé, une des nombreuses amantes de son coureur de père.
Ah, elle était belle la cohésion familiale, la communication si chère soi-disant au coeur de son père. Tous ces beaux principes, balayés du revers de la main, en quelques secondes.
Ainsi donc, elle était si peu dans sa famille pour que son père lui-même ne le lui annonce pas cela directement. Pour qu'on lui annonce les funérailles de sa mère, par un billet. Juste un billet. Par une étrangère en plus. Une femme qu'elle n'avait pas connu.

Si elle avait encore eu un infime soupçon de calme en elle, elle aurait ri. Oui, elle aurait ri tellement cette situation lui semblait loufoque et totalement surréaliste.

Avec cette missive, s'évanouissait cette seconde chance qu'elle pensait accorder à son père.
Elle la prit, la désigna à son père, la fit tomber à ses pieds et cracha dessus avec mépris.


Vous voyez? ce que je fais de.. de ce tissu.. d'irrespect total.. jusque dans la mort de ma mère.. vous ne respectez rien, rien du tout... il n'y a que vous, comme toujours... Aucune communication possible.. aucune décision familiale...
Et en plus, par cette.. cette... Oh non, je ne dirais rien.. juste que ma mère m'a dit quelle relation vous aviez.. que vous êtes revenu ici à la fois pour essayer de reconquérir ma mère mais pour reconquérir combien d'autres femmes?

Mais je m'en fiche, du moment que je ne le sais pas. Et je ne veux pas le savoir..

Seulement ça... Je vous proposais d'en parler avec vous, mais ça y est, c'est tout décidé à ce que je vois. C'est bien, bravo. Félicitations. Trop content d'enterrer votre femme puisque vous avez montré à tout le monde à l'hérauderie un certificat de décès de votre propre main... Trop content de pouvoir lorgner sur un héritage que de toute façon vous méprisez parce qu'il est angevin.. encore que le Maine pourrait avoir grâce à vos yeux hein? En plus, vous fixez une date d'office sans m'en avertir.

Comme c'est étrange, cela me rappelle l'annoblissement de mon frère et de ma petite soeur. "Quoi, mais tu étais invitée Clélia, bien sur"... bin voyons.. commencer la cérémonie sans moi, la terminer même, cela ne vous a pas gêné.. je n'aurai même pas été au courant de cette cérémonie si Mali n'avait pas succombé sur le perron à je ne sais quoi.

Et après, vous venez me parler de "famille", quand même dans le deuil, vous n'arrivez pas à respecter la tristesse et la douleur d'une fille? Que vous savez que j'ai certains impératifs en ce moment au vu de la situation en Anjou et que vous choisissez ce moment-là pour m'imposer une cérémonie?

Ah non! Non, non, non!!!

Vous êtes...

Décevant.. infiniment.


Elle tourna les talons, aussi vite que sa cheville le lui permettait et sortit en claquant la porte. Elle descendit dans le jardin qui entourait la propriété. Une fois qu'elle fut assez loin et sûre qu'on ne pouvait voir ce qu'elle faisait, elle s'effondra en larmes contre un arbre.

Pas de la colère cette fois. De déception.

_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
Strakastre
Au fond de lui, Charles était heureux de la revoir, même en ces pénibles circonstances... Il aura fallu une énième tempête pour qu'ils s'accordent enfin, tous deux, le répit qu'il appelait depuis longtemps de ses voeux. Lorsqu'il la vit lui faire face cependant, il observa bien qu'elle n'était plus aussi vaillante que la dernière fois... Physiquement s'entendait... parce que vocalement, c'était une autre affaire.

- Je ne suis guère du genre à fuir, ma chère fille... auquel cas je ne serai guère dans cet état, ni même ici d'ailleurs...

Il commençait à avoir une certaine lecture comportementale de sa chère et tendre fille, dont le fond caractériel se nourrissait du même terroir que le sien... Et si cela avait pu les opposer, et les opposerait peut-être encore qui sait, en cet instant précis, le Comte d'Isle Jourdain n'était animé que par une seule volonté bien précise. Il combla rapidement le vide qui les séparait encore et la prit dans ses bras, une première depuis des temps immémoriaux... Et tout en la serrant aussi délicatement que possible, il soupira longuement, comme soulagé de pouvoir enfin lui exprimer ce sentiment trop longtemps refoulé.

- Si tu savais à quel point...

Ses derniers mots lui restèrent dans la gorge... Et oui, même pour un Ours que l'on qualifie des pires maux qui soient, une émotion soudaine et non contenue vient à bout de bien des mots. Mais cependant, Clelia ne sembla pas aussi réceptive à cette marque d'affection, enchaînant rapidement sur un sujet particulièrement sensible...

- En effet oui... D'ailleurs à ce propos, j'ai commencé à envoyer des missives dans les différentes provinces où nous avons nos intérêts... La Chapelle familiale a été apprêtée en chapelle ardente et un registre des condoléances est d’ores et déjà accessible. Concernant la cérémonie...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'on vint les déranger par l'arrivée d'une missive... qui déclencha un nouvel emportement cleliesque, sans qu'il en sache réellement les raisons, ni même qu'il ait le temps de pouvoir répondre... D'ailleurs sur certains points jetés à la figure, était-il réellement opportun de répondre d'ailleurs...
Si Clelia reprochait (trop) souvent à son père de ne pas avoir été présent pendant son enfance, à l'inverse, la jeune femme ne connaissait en rien, ni même n'avait pris le temps de le connaitre, le passé de son géniteur, ni même ses fractures ou ses paradoxes... Et ce qui avait nourrit son rejet de l'Ours ne lui avait été concocté souvent avec de bien mauvais ingrédients... Tandis que lui, patiemment, tentait de resserrer un lien distendu, quitte à essuyer colères et incompréhensions, apparemment, du côté de sa fille, la moindre étincelle suffisait à embraser un feu intérieur bien mal canalisé.

Long soupir de nouveau, mais cette fois d'incompréhension totale... Quand sa tempétueuse fille fut sortie, il s'abaissa pour prendre la fameuse lettre... et comprit alors... Cette fois, ce fut à Charles d'être passablement en colère... sans l'être tout à fait du reste... autre paradoxe strakastrien...

Loin, bien loin d'être la maîtresse de l'Ours, Cassandre de Sigognac a toujours été une femme passionnée et entreprenante... parfois jusque l'excès, comme ici présentement... mais cela dénotait davantage une volonté de bien faire, une envie de soutenir la famille de son Suzerain, connaissant les longueurs de l'Eglise, souvent par carence d'officiants. En tant que Pèlerin de la Paix, elle s'était proposée comme telle justement, et naturellement, le Comte d'Isle Jourdain avait accepté... sauf qu'il ne s'attendait pas à autant de diligence de la part de sa vassale... ce qui en soit ne serait pas si grave si le sujet ne revêtait pas une extrême sensibilité chez Clelia... Certes, Charles aurait largement préféré en faire l'annonce lui-même. Après tout, en tant qu'époux, c'est à lui que revenait la prérogative de préparer ce dernier hommage à celle qu'il avait épousée, et qu'il avait réellement aimée, malgré tous les ouie-dire contradictoires.

Mais à l'écoute, la patience et la confiance, on préférait encore les reproches, les invectives et autres négativités du genre... Après une ultime longue expiration de désespérance, Charles se remit en mouvement, décidé de retrouver sa fuyarde de fille... Il n'avait pas fait tout ce chemin depuis les Flandres, attendu, subi et souffert pour finalement abandonner aussi près du but... Ah ça non, hors de question.

Il mit un certain temps à la retrouver... Il s'approcha d'elle doucement et lorsqu'il fut à portée, il pose une main affectueuse sur l'épaule.


- C'est une souffrance pour chacun d'entre nous... Le seul héritage qui me reste, et que je revendique, c'est Anthony et toi...
_________________
Clelia
Ecoeurée, elle était tout simplement écoeurée par le comportement de cette femme venue d'elle ne savait où, d'une femme qui en plus allait rendre les derniers hommages à sa mère, d'une femme qu'elle allait devoir souffrir devant elle, parce qu'il était hors de question qu'elle n'aille pas assister à ces funérailles.

Cette femme qui, sans retenue aucune, la "convoquait" en quelques sortes à ce qui allait être une grande épreuve pour elle et sa famille.. la convoquer... C'était odieux. Sans la connaître, elle la détestait déjà, elle, qui venait d'abattre un épais nuage de colère et d'indignation alors même que le père et la fille se retrouvaient après de longues années de séparation et de guerres répétées. Il y avait eu Mali, il y avait eu le mariage, il y avait eu la volonté de son père de divorcer, il y avait eu Anthony pour qui son père avait toujours eu infiniment d'indulgence, il y avait eu Lexy, il y avait eu, enfin, ce testament.. et maintenant, il y avait ça...

Ridicule, risible, totalement impensable... Les mots venaient à lui manquer, même dans sa tête, tandis qu'elle dévalait les escaliers et sortait à la hâte.

Tout contre son arbre, elle pleurait doucement.

Elle n'aurait jamais imaginé son père pouvoir faire un pas vers elle de la sorte, pouvoir la chercher malgré ce qu'elle venait de lui lancer à la figure, la retrouver, enfin, et au lieu de lui asséner ce qu'il avait fait quelques mois auparavant lors de son retour de Vendôme, user de gentillesse plutôt que de violence.

Elle tressaillit quand il posa sa main sur son épaule.
Relevant la tête, elle avait peur de ce qu'il allait se passer après. Une confrontation, encore?

Mais non, il enchaîna bien vite. Rendue muette à son tour, elle le regardait tristement, plongeant ses yeux baignés de larmes dans les siens. Dans son regard, pas de traces de colère, pas de ressentiment, non, rien de tout cela. Peut-être un peu de lassitude, et encore.

Alors, quittant son arbre, ce fut dans les bras de son père qu'elle se réfugia pour pleurer, comme elle le faisait avant avec sa mère. Elle le serra contre elle, le plus fort possible, laissant passer entre ses sanglots quelques mots.


Elle...
Me manque...
Je n'en.. peux plus...
Je suis fatiguée...
Papa... je t'aime... j'ai besoin de toi, ne me laisse pas...


A ce moment-là, seul son Ours de père pouvait mesurer l'importance des derniers mots qu'elle avait pu prononcer. Sûrement parce qu'elle ne les avait jamais dits. Parce qu'on lui avait appris au cours de ses jeunes années à ne pas parler de ce genre de choses. Mais aussi parce que dans la relation complexe et paradoxale du père et de la fille, ce n'était qu'un va et vient de rejet et d'excuses.

Aujourd'hui, le deuil de Lisa-Marie était un enfer pour la jeune fille, absence qui se soulignait chaque jour un peu plus. Si dans un premier temps, cela ne s'était pas remarqué, sa mère n'étant pas très présente. Petit à petit, son absence se rappelait, en des moments particuliers, quand Clélia était fragilisée par quelque chose et qu'elle cherchait soutien et réconfort. C'était là qu'elle se rendait compte qu'elle avait perdu le cocon maternel. Beaucouzé, son havre de paix, avait bien changé, ne lui semblait plus aussi accueillant maintenant que la Rouquine Penthiévrique s'en était allée.

L'Anjou aussi, n'était plus la même.. avait perdu de sa magie depuis que sa mère n'était plus. Pourquoi l'Anjou plutôt qu'un autre endroit?

Elle se tut, les sanglots s'espacèrent et elle resta là, sans bouger.. les yeux fermés, tout contre son père, pour la première fois depuis longtemps.

_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
Strakastre
En quelques mots simples, elle lui avait fait oublier en un instant toutes les tensions et autres déchirures qui les avaient séparés depuis toutes ces années. A présent qu'il l'avait dans ses bras, Charles ne pouvait que laisser libre court à l'immense affection jusque là réfrénée. Et qu'il était bon de sentir enfin sa chaleur contre la sienne... imprimant les contours de son corps de ses caresses aimantes, partage silencieux d'une peine au-delà des mots. Ces gestes simples, combien de fois il aurait aimé les lui prodiguer... Il ferma les yeux et posa sa tête contre la sienne.

- Je t'aime tant aussi, ma Clelia... J'ai besoin de toi aussi tu sais...

Difficile d'exprimer tout ce qu'on souhaiterait en pareille situation... L'instant présent était suspendu à cette longue étreinte, comme cataplasme de leurs blessures respectives... Charles s'écarta alors légèrement, releva le visage de sa fille et le fixa intensément, posant la main sur sa joue, le regard aussi embué que le sien.

- Nous sommes réunis maintenant...

En l'observant ainsi, le vieil Ours arriva enfin à esquisser un léger sourire.

- Tu es aussi jolie que ta mère, sais tu ?
_________________
Clelia
Tout contre lui, elle aurait voulu que ce moment ne s'arrête jamais.

Comme lui, cela faisait des années qu'elle attendait ce moment. Parce que son père l'intimidait beaucoup plus qu'elle ne l'avouerait jamais, parce qu'elle restait imperméable en apparence à toutes les extravagances cléliesque dont il avait fait les frais, parce qu'il était son père et qu'ils se ressemblaient tellement...

Sa tête tout contre lui, leurs respirations s'accordèrent pendant quelques minutes.

Père et fille se ré-apprivoisaient.. tout doucement..

C'est alors qu'une idée qui ne l'avait même pas effleurée avant germa dans son esprit. Partir dans le Sud, pourquoi ne pas partir en Armagnac? Donner une nouvelle chance à sa famille.. vivre comme ils ne l'avaient jamais été, unis, tous ensemble.. rencontrer enfin, le neveu qui était né en Flandres, loin d'elle, serrer Cerise dans ses bras, rencontrer Guy.

La main de son père se posa sur son visage, remontant tout doucement son menton. Elle vit la même émotion dans les yeux de son père.

A sa remarque, elle ne put que sourire, ne trouvant pas les mots pour répondre.

Un soupir, et elle se réfugia de nouveau dans les bras de son père.
"Nous voilà réunis" se répétait-elle. Mais elle savait au fond d'elle-même que cela ne serait que passager, elle n'était pas de ces enfants qui restent près de leurs parents, elle n'était pas de ceux qui restent longtemps au même endroit. Son séjour en Anjou commençait à être trop long à son goût.


Papa, excuses-moi pour mon emportement...

Tout était dit et par cet aveu de faiblesse, tout était accepté sur ce qui allait suivre. La cérémonie, la monstrueuse Cassandres et tout le reste..
_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
Clelia
[Pendant la retraite d'un Big Daddy Ours... ]

Beaucouzé encore, Beaucouzé toujours. Beaucouzé retrouvait peu à peu sa beauté, sa quiétude, son allure d'antan. L'ouvrage de broderie qu'elle avait commencé trônait toujours dans sa chambre, toujours aussi peu avancé. Le pauvre petit chat roux qui y siégeait ne prenait pas beaucoup de relief, pas beaucoup de couleurs.

Elle avait vu la fameuse Cassandres, qu'elle avait haï quelques semaines plus tôt. Calmée, elle avait retrouvée ses esprits et elle allait même se faire baptiser par cette femme. Pour un futur mariage, mais ça, ça viendrait quand ça viendrait. Une nouvelle fois la bague au doigt, fallait pas non plus trop pousser...

De son petit secrétaire, elle choisit d'écrire une missive, de la plus haute importance.


Citation:
Ma chère Gwen,


je sais que tu es repartie en guerre après ta grave blessure. Puisse Aristote te garder en vie.

Je sais que tu peux beaucoup... Il y a ce certain Romuald de MachinTruc. dont je t'avais parlé dans une lettre précédente. Serait-il possible de faire quelque chose pour qu'il ne puisse pas remettre un pied en Anjou.

J'espère que votre enquête à son sujet avance bien.

Sois prudente,

Clélia


Puis une deuxième.

Citation:
Mon cher père,

le temps est long à attendre la fin de votre retraite.

Je prends la plume pour vous conter certaines inepties colportées en Anjou. Un certain Romu2b prétend être le fils de feue votre épouse, ainsi que le père de l'enfant qu'une de mes très proches amies porte.
Ravie d'avoir un demi-frère et qu'Ysabelot soit ainsi ma belle-soeur, je suis néanmoins navrée qu'il n'y ait eu qu'Alatariel pour se fendre de quelques courriers pour condamner cette idiotie supplémentaire.
Je vous demande donc d'en faire de même, afin de garder les biens d'Anthony et les miens, à l'abri d'une éventuelle nouvelle invention farfelue.

Je ne vous apprends pas que la liste dans laquelle je suis a retenu une majorité des suffrages. Je vous joins d'ailleurs un extrait de l'AAP à ce courrier.

Citation:
Elections au conseil du Duché d'Anjou : C.I.A. en tête, mais sans majorité

PARIS (AAP) - La liste Confédération Indépendantiste Angevine est arrivée en tête lors de l'élection au conseil de Duché d'Anjou, mais sans obtenir de majorité absolue. Elle devra donc constituer un gouvernement de coalition.

Répartition des suffrages exprimés :

1. "Confédération Indépendantiste Angevine" (C.I.A.) : 48.1%
2. "Haut Les Mains" (HLM) : 27.8%
3. "Pour un Renouveau de l'Anjou" (PRA) : 24.1%

La répartition des sièges au scrutin à la proportionnelle conduit à une nouvelle répartition des postes du conseil :

1 : Edern (C.I.A.)
2 : Clelia (C.I.A.)
3 : Leandre (C.I.A.)
4 : Regort (C.I.A.)
5 : Linon (C.I.A.)
6 : Brennus_de_reikrigen (HLM)
7 : Salebete (HLM)
8 : Globs (HLM)
9 : Charles_de_raveline (PRA)
10 : Shiwan (PRA)
11 : Ysabelot (PRA)
12 : Mmelamarquise (C.I.A.)

Les membres du conseil reconnaîtront le prochain Duc d'ici à deux jours. Ce dernier devra alors présenter ses hommages à son souverain, et nommer aux principales charges du Duché.


Or, visiblement, gouvernement de coalition il n'y aura pas, ou tout du moins difficilement. Je doute fort que les choses avancent si chacun pense que 50% des voix est suffisant pour se prétendre Duc. Ce n'est jamais que la moitié du verre, vide ou plein c'est selon le point de vue. Et cela doit être valable pour toutes les coalitions.

Vous n'ignorez pas, ou peut-être si vous ignorez, les sentiments qui me lient à une tête de liste ainsi que mon implication pour cette liste que vous n'aimez pas, pour ces idées que vous réfutez, pour cette vision de l'Anjou à laquelle vous n'adhérez pas.
Je connais votre défiance à l'égard de l'Anjou mais le respect que vous avez de mon engagement pour ce Duché et je vous remercie d'être passé avant mon arrivée poser vos questions à notre liste.

J'ai rencontré Cassandres. Nous devrions nous retrouver très prochainement au domaine.

D'ici là, je ne sais où en seront les tractations ducales.
Pour ma part, je me dois de respecter pour ce premier tour, une promesse que j'ai faite, à quelqu'un qui aujourd'hui a du démissionner, à mon grand regret. Je la connais et je sais qu'elle n'aura pas failli à sa promesse.

Espérant bientôt avoir de vos nouvelles, je vous souhaite une bonne fin de retraite,

Affectueusement,
Votre fille,
Clélia

















_________________
Vous êtes accusée d'avoir envoyé des chats à la mine dans votre folie de vouloir réduire la dette à tout prix. C'est l'heure d'aller manger et je n'ai pas le temps de lire votre dossier. Je vous condamne donc à mort.
See the RP information <<   <   1, 2, 3, 4, 5   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)