Alouqua
RP OUVERT , COHÉRENCE DE RIGUEUR
Trois mois avant , couvent aux abords de Pontarlier , à l'aube.
Debout au milieu de la pièce , les regards sur elle , dénués de douceur ou même d'empathie , attendant cette parole qui scellera son destin , la lueur matinale grise et sans chaleur de cette pièce du couvent basse de plafond , au nord de l'édifice.
Elle grelotte imperceptiblement , ayant déjà répété ce "non" plusieurs fois , alors que la mère supérieure lui dit et redit qu'elle sera perdue , que la vie la broiera de ses crocs d'acier , l'engloutira dans sa bouche de feu, et qu'elle brûlera à jamais .
- Sur Mathilde , une dernière fois , je vous demande de réfléchir du fond de votre âme ... mon amour de vous me dicte cette insistance , vous êtes une fille de dieu , rendez vous à lui , donnez à votre vie un sens lumineux , rendez lui cette vie qui lui appartient en tout point , à votre seigneur et maître , bienfaiteur et père.
Soeur Mathilde , ce nom qui n'était pas le sien, qu'on lui avait imposé puisque c'était l'usage d'abandonner tout ce qui faisait son identité, qu'elle n'avait plus ni parents , ni histoire , seulement ce .. sur Mathilde et cette robe de bure , quand même ses souvenirs s'estompaient à force de fatigue et de privations , de brimades et de messes auxquelles elle ne participaient que du bout de l'esprit.
Levant les yeux , encore , et encore , elle dit :
Non... Non.. Non... NON !!!!!!!!!!!!!! je ne veux pas prononcer ces vux !! et je ne suis plus sur Mathilde !! je suis Alouqua ! Alouqua !! Alouqua !!
Sa patience était à bout , la résistance de son corps aussi , les pieds bleuis de froid et la visage creusé de cernes , la voix presque hystérique et la respiration sifflante de colère , elle laissait maintenant libre court et ce sentiment de révolte que la perte de sa seule amie avait provoqué en elle ,Soeur Clarisse, amie dont le seul tord avait été une tendresse débordante , infinie , magnifique .
LA réaction de la mère supérieure fut presque aussi violente que la sienne , laissant les témoins de la scène transis de peur .
Dehors !! dehors !! femme perdue , vous ne voulez pas être sauvée , alors quittez cet endroit , immédiatement !
Et la voilà reconduite à sa cellule , le pas pressant des surs lui tenant les bras témoignant d'une peur de contagion , elle était maintenant pestiférée , et plus aucun sentiment de compassion ne se lisait dans leurs yeux.
Seules , ses surs d'infortune tentèrent de lui donner du réconfort , renvoyés manu militari dans leurs appartements par ordre de la mère qui suivait le cortège .
Dans les yeux de certaines elle lisait la peur , l'envie , la tendresse , le regret. Dans d'autres , la haine , le cruauté , l"étroitesse d'esprit infligée par la répétition abrutissante des tâches ordinairement confiées aux novices .
Dans sa cellule , on la déshabilla , sans prendre un instant gare à sa pudeur , on lui jeta un vêtement miteux et des chausses trop petites , qu'elle enfila sous leur regard froid , avant de l'emmener sans plus attendre vers la grande porte , l'aube blafarde écrasant tout de sa lumière métallique.
BAAAMMMMMMMMM!!!
La porte se ferme , et la route s'ouvre devant elle , sans un écu en poche , ne sachant tout simplement pas où aller , ces seuls mots en tête : mon père, je dois retrouver mon père!