Edward.
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Chapitre I ~ L'arrivée.
Octobre 1445 Non loin de Paris.
Enfin ! Enfin ils allaient atteindre la capitale du Royaume de France. Les voyageurs étaient épuisés, las d'un voyage mené tambour battant depuis Londres. Leur destination était proche mais le cavalier redoubla d'attention. Si leur périple s'était passé non sans mal, l'homme tenant les rennes savait qu'il ne devait pas échouer. L'échec lui était interdit à lui qui était censé protéger ce jeune garçon dont il ne savait rien. Sa mission était claire : Quitter l'Angleterre avec le garçon, se rendre à Paris, et le laisser aux soins des époux Marles-Paysac. Pourquoi une telle fuite ? On ne le lui avait pas précisé et il ne l'avait pas demandé, la somme offerte par les commanditaires de la mission suffisant amplement à endormir sa curiosité.
Le gamin niché entre les bras du cavalier s'éveilla. Il allait vers ses sept ans et ne savait pas ce qu'il faisait là. Le vent s'immisça entre ses cheveux de jais tandis que son regard sombre coula sur l'horizon. Ses mains frottèrent ses yeux pour mieux apprécier les formes de la capitale française qu'il voyait au loin.
Edward ne savait pas encore que c'était là qu'il devait vivre à présent. Qu'il ne pouvait retourner en Angleterre, qu'il ne pouvait revoir ses parents. Il ne voulait pas partir, et sur son visage s'affichait toujours une immense tristesse. Il venait de pleuvoir et ce qui le marqua surtout, outre ces nouveaux paysages, c'était le pétrichor, ou l'odeur de la terre après la pluie. Son cur se serra encore plus. Cette odeur, c'était la même que celle qui émanait des pluies londoniennes. De toutes les pluies en fait, mais cette odeur, qu'il aimait tellement chez lui, ici l'écurait.
Le cavalier donna un coup sur le flanc du cheval et les voyageurs reprirent leur avancée. Le petit anglais ne voulait plus y penser, il voulait rentrer. Il ferma ses yeux espérant qu'au moment de les rouvrir il reverrait sa maison, en vain. Ne pouvant pas fuir, il referma ses yeux et laissa couler les larmes, silencieusement. Les Wyatt ne pleuraient pas, mais à présent, cela n'avait plus d'importance.
Les minutes passèrent, les paysages aussi. Rapidement ils atteignirent les portes de la ville. Une fois entrés, les ruelles se succédèrent jusqu'à étourdir le gamin. Après avoir demandé son chemin à des passants, le cavalier s'arrêta devant une maison. Grande, petite, Edward n'arrivait pas à le savoir et s'en fichait. Il ne voulait surtout pas y aller. Cependant on ne lui laissa pas le choix, et l'homme qui l'accompagnait le fit descendre du cheval en le surveillant d'un il vif. Derrière la fenêtre, des gens s'activaient et quand la porte s'ouvrit, on les invita à entrer. Le cavalier et les gens s'exprimèrent dans une langue que ne comprenait pas le petit garçon, alors il se contenta de regarder les lieux. C'était beau, mais ça ne l'était pas autant que chez lui.
On lui parla, on lui sourit. Mais son expression resta définitivement triste, d'autant plus qu'il n'entendait rien à ce qu'on lui disait. Lorsque le cavalier finit par se diriger vers la porte, Edward courut vers lui, le suppliant de le ramener auprès de ses parents en s'agrippant à lui. Là encore, en vain. On le laissa là, l'abandonnant à son triste sort, sans presque un mot, dans le vide le plus total. Ses affaires étaient posées sur une table et un domestique vint les prendre pour les emmener ailleurs, mais le petit anglais s'y refusait. Malgré le désaccord de son époux, Gustave, Marie Marles-Paysac lui permit de récupérer un objet de son choix dans ses affaires avant que le domestique ne s'en aille avec. Edward n'avait pas grand chose, quelques vêtements, un petit cheval taillé dans une pièce de bois et enfin, un croquis représentant le blason de sa famille avec son symbole tout particulier : le feu. Le dessin pris, tout le reste de ses affaires disparut et l'enfant resta seul dans la pièce avec ses nouveaux parents.
Marie Marles-Paysac était une femme frêle aux cheveux blonds comme délavés. Elle semblait porter beaucoup d'affection pour son mari et respirait l'intelligence, quoi qu'elle s'effaçait aisément face à son époux. Gustave Marles-Paysac était quant à lui un homme à la carrure massive et à la barbe fournie. Sur son front les rides se creusaient et son regard laissait transparaitre un caractère intransigeant. Les Marles-Paysac étaient drapiers et avaient une clientèle plutôt fidèle. Si leur situation financière était loin d'être mauvaise, les affaires tendaient à devenir moins bonnes sans pour autant être inquiétantes, pour le moment.
Tous deux tâchèrent d'engager la conversation avec Edward mais ce dernier restait muet. Il ne pouvait rien dire car ils n'auraient rien compris et même s'il le pouvait, il n'aurait rien à leur raconter. Après quelques tentatives, toujours sans réponses, les époux en conclurent que l'enfant était trop fatigué pour leur parler. Marie l'accompagna alors dans ce qui allait être sa chambre et le prépara pour aller dormir. Quand il fut seul, blotti entre ses draps, il posa ses yeux noirs sur la fenêtre et se mit à espérer que cela n'allait pas durer et que bientôt, lui la petite Flamme caractérielle de la famille Wyatt, allait rentrer chez lui...
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