Quelques heures plus tôt ...
Oui mère, ne vous inquiétez pas, je vous ramène ça pour ce soir ! Je vais en ville pour porter les tissus commandés. Et je prends la carriole ! Une corvée de plus à faire ! Voilà que sa mère voulait aussi qu'elle apporte plusieurs sacs de farine. Comme si elle n'avait que ça à faire ? L'occasion n'était pas coutume d'aller à la grande ville et pour cela, Georgia avait revêtu une des toilettes de Neottie. Rousse comme elle, la jeune fille était resplendissante dans cette robe d'été légère. Elle avait demandé aux deux frères Gaston et Leon de l'accompagner pour porter les sacs. Pour les yeux de la belle jeune fille, ils auraient fait n'importe quoi !
Son amie Claudia l'accompagnait comme souvent quand elle se rendait vers la grande ville. L'occasion était trop belle de quitter leur campagne morose et de tenter de rencontrer le prince charmant, même si Georgia n'y croyait pas vraiment. Claudia la trouvait rabat joie quand elle l'empêchait de rêvasser, lui rappelant leur condition à toutes les deux. Alors son amie lui rappelait qu'elle n'était pas si mal lottie par rapport à elle et qu'à la vue de sa jolie robe et de son joli minoi, elle pouvait espérer rencontrer un jeune homme de bonne famille.
A cette idée, la rouquine finissait par sourire et se prendre au jeu. Elle adorait ça ! Surtout se prendre pour la chouchoute de sa mère. Une drôle de moue se dessina sur ses lèvres en se rappelant les réflexions de sa mère à ce sujet : "Tiens toi droite", "Regarde Neottie ce qu'elle est devenue !", "Tu pourrais essayer de lui ressembler !", "Aaaah Neottie, comme elle me manque..." Maudite mère ! Pourquoi avait il fallu que Georgia naisse après son départ ? Pourquoi fallait il qu'elle soit si généreuse avec ses belles toilettes envoyées en colis express. La jeune femme soupira. Comme d'habitude, ces sordides histoires ressortaient alors qu'elles étaient sensées partir s'amuser ! Comme elle en voulait à Claudia ! Elle finirait mégère à coup sûr !
Alors que la petite équipe était sur les routes et approchait enfin de la ville, ils s'arrêtèrent au petit relais pour s'abreuver. Puis tout se passa très vite. Alors qu'elle attendait dans la voiture que Claudia daigne arrêter de sussurer des mots doux au palefrenier, des bruits de coups et de l'agitation vint troubler ses pensées nauséeuses. Vu les secousses et les cris d'agonie, Georgia resta sans bouger. Peut-être prendraient ils les biens et s'en iraient ils ? Quand la porte s'entrouvra et que le visage affreux d'un brigand au regard pervers apparut, les pensées de la rouquine fusèrent dans tous les sens. Par instinct, elle prononça d'une voix vive et sûre :
Je suis la soeur de la Duchesse de Chênot ! Pitié, ne me tuez pas et vous aurez une forte récompense ! Pourquoi cette affirmation alors qu'elle ne l'avait même jamais vue ? Après tout, elle avait pris soin de sa famille, cette duchesse et sa mère l'admirait tellement ... elle pouvait bien venir débourser quelques écus pour la sauver, non ?
Un des hommes la tira hors de la voiture. Elle se laissa faire. Elle savait que plus on résistait à ce genre d'individus, plus ils étaient du genre à en rajouter et voir pire. Malgré les gestes déplacés du fameux Joseph, Georgia ne broncha pas. Elle venait de voir les cadavres de ses amis qui eux, n'avaient plus aucune chance de vivre. Voyant l'état de Claudia, elle ne put réprimer un "bien fait" intérieur car après tout, si elle en était là, c'était de sa faute, à batifoller avec n'importe qui et à trainer.
Plus tard, elle se retrouva dans la paille, malmenée mais en vie. Elle avait au moins gagné du temps. Elle espérait toutefois que la duchesse paierait et que tout rentrerait dans l'ordre très rapidement ...