Suzan
[ Les belles nuits font les beaux jours.* ]
Sale, elle l'était. Quiconque aurait pensé qu'elle n'était qu'une petite gueuse à qui il est préférable de fermer chaque porte, et ce, pour le bien de tous. Qui aurait voulu d'une souillon pareille ? Certainement pas des familles de bonne condition.
Mais affamée, elle ne l'était pas. Elle avait travaillé dur à la mine ces derniers jours afin d'assouvir les besoins pressants de son estomac. Pour sur, ce n'était pas les festins comme elle avait pu en faire en Angleterre. Terminé la viande et les sucreries à foison ; les fruits juteux n'étaient guère à l'ordre du jour. Une miche de pain suffisait, elle avait maigrit. Perdues les rondeurs délicates de l'enfance, perdues les joues fraiches et roses. Un corps de presque femme efflanqué, voilà ce qu'elle était.
Les chausses étaient usées et la robe s'apparentait davantage à des haillons. Pauvre Suzan..
Cela faisait un mois qu'elle avait fuit, un mois qu'elle marchait, ou presque. Elle avait pris le bateau et elle avait vomi dans le même bateau, malade comme un chien. Elle avait travaillé dur et elle ne pensait pas y survivre. Elle qui n'avait jamais abîmé ses mains blanches et délicates.. Si elle avait su, ne serait-elle pas restée au manoir, à la merci d'un père devenu alcoolique ? Mais il était trop tard pour faire demi tour. Le père ne se souvenait probablement plus d'elle, déjà.Elle ne devait pas regretter. Le regret c'est pour les faibles, lui disait-il, avant..
Avant..
Qu'aurait-elle fait pour revenir dans son passé ? Trois années, tout au plus.
La mère vivait encore, le père buvait raisonnablement. La famille était heureuse, la petite Suzan aussi. Le manoir ne désemplissait pas de belles robes, de riches bourgeois et de simples nobles.
Mais la mère était morte, le père ne s'en était jamais remis. La petite Suzan non plus.. Le père était devenu violent, la petite Suzan avait fuit.
Et ce soir là, elle se retrouvait seule devant les portes de Tours, là où elle pouvait trouver de l'aide, et peut être, une famille. Mais pour cela, elle devait être silencieuse, et se montrer digne.
Un garde, deux gardes, trois gardes, la ville était bien gardée.
'Soir d'moiselle. Vous savez que les frontières sont fermées ? J'peux voir le laisser-passer ?
Saleté de frontière.
La jeune angloise se tourna dos au garde afin de prendre son précieux laisser-passer qu'elle avait caché dans son décolleté. Sans un mot, elle le tendit avec un sourire fatigué sur les lèvres.
C'bon pour toi, t'peux circuler.
Et maintenant ? Livrée à elle même dans cette ville, il lui fallait un endroit où dormir.
* Eugène Scribe
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Sale, elle l'était. Quiconque aurait pensé qu'elle n'était qu'une petite gueuse à qui il est préférable de fermer chaque porte, et ce, pour le bien de tous. Qui aurait voulu d'une souillon pareille ? Certainement pas des familles de bonne condition.
Mais affamée, elle ne l'était pas. Elle avait travaillé dur à la mine ces derniers jours afin d'assouvir les besoins pressants de son estomac. Pour sur, ce n'était pas les festins comme elle avait pu en faire en Angleterre. Terminé la viande et les sucreries à foison ; les fruits juteux n'étaient guère à l'ordre du jour. Une miche de pain suffisait, elle avait maigrit. Perdues les rondeurs délicates de l'enfance, perdues les joues fraiches et roses. Un corps de presque femme efflanqué, voilà ce qu'elle était.
Les chausses étaient usées et la robe s'apparentait davantage à des haillons. Pauvre Suzan..
Cela faisait un mois qu'elle avait fuit, un mois qu'elle marchait, ou presque. Elle avait pris le bateau et elle avait vomi dans le même bateau, malade comme un chien. Elle avait travaillé dur et elle ne pensait pas y survivre. Elle qui n'avait jamais abîmé ses mains blanches et délicates.. Si elle avait su, ne serait-elle pas restée au manoir, à la merci d'un père devenu alcoolique ? Mais il était trop tard pour faire demi tour. Le père ne se souvenait probablement plus d'elle, déjà.Elle ne devait pas regretter. Le regret c'est pour les faibles, lui disait-il, avant..
Avant..
Qu'aurait-elle fait pour revenir dans son passé ? Trois années, tout au plus.
La mère vivait encore, le père buvait raisonnablement. La famille était heureuse, la petite Suzan aussi. Le manoir ne désemplissait pas de belles robes, de riches bourgeois et de simples nobles.
Mais la mère était morte, le père ne s'en était jamais remis. La petite Suzan non plus.. Le père était devenu violent, la petite Suzan avait fuit.
Et ce soir là, elle se retrouvait seule devant les portes de Tours, là où elle pouvait trouver de l'aide, et peut être, une famille. Mais pour cela, elle devait être silencieuse, et se montrer digne.
Un garde, deux gardes, trois gardes, la ville était bien gardée.
'Soir d'moiselle. Vous savez que les frontières sont fermées ? J'peux voir le laisser-passer ?
Saleté de frontière.
La jeune angloise se tourna dos au garde afin de prendre son précieux laisser-passer qu'elle avait caché dans son décolleté. Sans un mot, elle le tendit avec un sourire fatigué sur les lèvres.
C'bon pour toi, t'peux circuler.
Et maintenant ? Livrée à elle même dans cette ville, il lui fallait un endroit où dormir.
* Eugène Scribe
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