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[RP] Entretenons la déraison.

Finn.
[A des lieues de Montauban]


Les nuits à la belle étoile auxquelles le vagabond s'était astreint en s'éloignant de la cité des saules pesaient anormalement sur son moral. Les dernières semaines l'avaient vu se complaire dans un luxe qui n'était pas le sien et semblaient l'avoir marqué plus que de raison. Irrémédiablement imprégné d'exigences, sans êtres bourgeoises, tout au moins charnelles. De celles dont il s'était toujours soigneusement gardé.

A l'aurore de son périple, la caresse d'une gorge familière sous sa paume grossière se fit nécessité claire et distincte. Abrité derrière les portes d'une chapelle de campagne, à la timide lueur d'un cierge, l'Irlandais prit alors la plume.




    Citation:
    A la regrettée passagère de mes nuits,

    Me voilà hors de Guyenne, comme prévu. Mon excursion se déroulant par trop paisiblement, permets-moi de te conter à la place celle qui rythma ces derniers jours en ton giron.

    Le voyage fut long et éprouvant mais a finalement touché au but, pour mon plus grand plaisir.

    Je conserve encore de coriaces courbatures raflées lors de ce rude périple au sein de cette magnifique contrée inhabitée. Tu n'imagines pas mon soulagement lorsque l'aventure me poussa à en aborder les côtes sauvages puis à rallier le petit ruisseau bouillonnant de vie par-delà son sombre bosquet. Un trésor naturel auquel je m'abreuvai sans vergogne. Ainsi, je ne pus résister à y plonger entièrement. Pénétrer ses eaux claires fut pour moi source d'allégresse après avoir enduré la chaleur étouffante de cette terre de feu.
    Dans ma grande inconséquence, j'abusai de cette eau-de-vie, plus enivrante que toutes les liqueurs du monde. Grisé par cette folle étreinte sur ma peau, la fin du voyage me paraît floue. Cependant, l'arrivée fut à la hauteur de l'aller si l'on en croit la nostalgie qui m'habite en ce moment même.

    Vivement la prochaine traversée.

    F.


Prostré devant l'autel de ses vices, l'Irlandais héla son jeune compagnon d'infortune.

- « Gaetan! On y va. »
_________________
Gnia
[Montauban, dans le nid de la Salamandre]


Les nuits rafraichissaient-elles déjà ou bien était-ce cette chaleur à peine découverte qui déjà manquait ?
Si Agnès devait se fier au feu qui lui était monté aux joues - et pas qu'aux joues d'ailleurs - à la lecture de la missive qu'on venait de lui faire porter, visiblement le climat de cette fin d'été semblait rester clément.
Paupières closes sur lesquelles s'impriment quelques fugaces souvenirs réveillés par quelques lignes, elle se demande un instant quelle est la véritable nature de ce manque ravivé, avant de hausser les épaules.
A quoi bon chercher des raisons ?


Citation:
Capitaine de notre bateau ivre,

Dire que je n'ai pas ressenti une pointe de soulagement à savoir que, dans tes pérégrinations, tu conserves par devers toi le souvenir de nos navigations incertaines, serait mentir.
J'ai pensé, dans le grand pessimisme qui est le mien, que tu saurai trouver des contrées plus accueillantes à visiter, d'autres ports aux promesses enchanteresses où t'amarrer, tant je suis bien consciente qu'il en existe de bien moins sauvages et accessibles que ce que j'ai à offrir.

Puisses-tu alors te hâter dans ton excursion, tes pas te portant à la mesure de ton imagination.
Car vois-tu, je ne saurai éternellement rester sur notre dernière escale lorsque je sais, qu'une fois encore embarquée, passagère clandestine sur ce bateau au cap inconnu, tu sauras nous mener à bon port.
Jusqu'au suivant.

A.


Un dernier sourire étrange flottant sur les lèvres, elle s'arrache à ses licencieuses pensées.
Il est bien des choses qui peuvent réchauffer des nuits glacées.
Suffit de les trouver et d'en abuser.

_________________
Finn.
[Encore plus loin, toujours plus loin]


A la faveur d'une escale méritée, l'Irlandais délassaient ses vieilles cannes endolories par des jours de marche intensive en pleine brousse. Un pâturage clairsemé dans lequel paissaient diverses créatures de la vie champêtre. Le malt à portée de main fit ressurgir les souvenirs impérissables d'une autre faiblesse, tout aussi dramatiquement essentielle. Voire davantage. L'esprit embrumé se remémora ces heures heureuses avec autant de clarté que le permettait l'ambre qui s'écoulait abondamment dans ses veines. Des sombres errances auxquelles le bougre se prêtait dans les appartements de la Salamandre aux conciliabules se tenant dans son bureau des « Mammes Vermeilles ». Les échanges que la Saint Just entretenait avec l'homme, revêtaient à la fois plaisir de chair et délice de parole. Une fusion des genres qui avait accouché d'une complicité naturelle s'était instaurée entre ceux que nombre de détails divisaient. Pour ce faire, il avait dû déroger à certains fondements que sa personnalité avait forgés au gré de son existence, avec l'aide appliquée d'une sirène enchanteresse et foncièrement honnête dans sa démarche. Ces principes, sans s'être jamais érigés en règles incontournables, refirent surface au moment où l'ivresse se diluait dans l'absence de l'être désiré.

Assaillis dans des eaux troubles, le regard obscurci de l'Irlandais se porta sur une jeune femelle réclamant pitance de la terre sur laquelle il s'était négligemment établi. La brebis à la toison brunâtre - à moins qu'il ne la veuille ainsi - plongea sa candeur ovine dans le reflet perturbé de notre homme, comme pour l'accroître encore davantage. Bête sournoise, elle le provoquait, il en était convaincu. Comme la Saint Just, toutes les mêmes. Enfin presque...
La réponse ne tarda pas à se faire sentir pour la pauvre bête, arrachée sans ménagement à son déjeuner par les mains sèches de l'Irlandais. La laine dressée en boucles serrées sous ses doigts filandreux ne manqua pas de raviver l'écho amer d'une crinière semblable, quand l'instant suivant la comparaison lui fut insupportable. Il lui fallait plus, et vite.

Etroitement arrimé dans la chair moite de la créature, il succomba à sa volonté de la heurter de plein fouet à ses fantaisies impudiques...

    Ô Dieu omnipotent, bénis cet animal, être ruminant qui fait partie de cette Terre comme nous les êtres vilains. Bénis-le lui, ainsi ses fruits et sa chair, afin qu'il puisse porter nourriture en abondance.
    Ame... en...

… Un râle sourd vînt parachever le dérèglement de ses sens, tandis que la proie gémissante échappait à sa prise.


[Le soir venu]




Citation:
Tes hanches dévouées me manquent.

Mon optimisme s'était accordé à ton pessimisme, hélas, ils se fourvoyaient tous deux. La vérité est ailleurs.(*)
Je partage ta détresse depuis que les murs de la cité ont disparu de mon horizon. Nul être ne comble le mien comme tu sais t'y appliquer. Cela ne fait plus aucun doute.

Au grand damne de nos volontés, ma route se poursuit et mon retour n'est pas à l'ordre du jour. Il se peut que je ne puisse pas venir te prêter main forte dans ta lutte, ce que je déplore. S'il est une chose que j'étais certains de pouvoir te fournir sans faillir, c'était bien celle-ci. Et s'il est vrai que ma présence t'apporte réconfort, comme tu l'as dit une nuit, alors sache qu'il t'est acquis. Et ce, même si elle n'est pas garantie par le contact de mes mains sur ta peau. Je saurai t'offrir l'oreille bieveillante que tu as connu jusqu'ici.

Tâche de rester en vie.

F.


* X-Files
_________________
Gnia
[Escale dans l'errance, la Teste de Buch, port de pêche]


Depuis Agen, rien de ce qu'elle avait fait ou entrepris ne semblait avoir de sens ou de logique. Résultats probables d'un esprit trop sollicité ou perturbé.
Il y avait eu l'échauffourée bordelaise et la retraite forcée en Périgord, le dernier endroit sur terre où elle avait envie passer ne serait-ce qu'un jour. Puis de nouveau la pampa guyennoise, les chemins, le vide, le silence, l'errance autour de La Teste sans se résoudre à y entrer.
Brouiller les pistes, s'embrouiller soi-même.


Enfin, le retour à la civilisation et, comme à chaque fois qu'il lui est donné de contempler la masse liquide de l'océan, cette fixation, cette attirance mâtinée de peur viscérale pour l'eau grise, palpitante de vie et porteuse de mort.
C'est une étrange mélancolie qui l'étreint alors que cette escale au calme devrait lui apporter une pointe de sérénité. Mais que vaut la sérénité face à l'action, mis à part de laisser trop de place à la réflexion ?



Citation:
J'ai erré depuis la Cité des Saules jusqu'à l'océan, et c'est à présent le petit port de La Teste de Buch qui se fait le réceptacle d'une attente qui met mon esprit à rude épreuve.
J'oscille à présent de jour comme de nuit entre bouffée d'espoirs insufflés par quelques bonnes nouvelles et sombres pensées qui sont autant de marches vers l'abattement.
Rien qui ne soit finalement autre chose que l'expression de mon caractère changeant.
Rien qui ne puisse être partiellement apaisé par une présence qui se fait absence.

Je ne crois pas que tu sois heureux alors d'être l'oreille bienveillante des errances de mon esprit sombre. Je ne fais guère que déplorer ton absence quand tu proposes de tenter d'y pallier.

J'aurai aimé pouvoir t'apporter de meilleures nouvelles.
Il en est toutefois probablement une qui te réjouira, c'est celle de savoir qu'à l'instant où j'ai couché ces quelques lignes baignées d'une nostalgie malvenue, j'étais encore en vie.
Et de retour dans le giron de l'Eglise Aristotélicienne.

A.

_________________
Finn.
[Autour d'un verre de floc]


Les évènements se précipitaient dans la petite vie paisible de l'Irlandais à tel point que les heures qu'il consacrait à la rédaction de ses missives à l'eau de rose se raréfiaient. Mais c'est pourtant là, attablé sur les plans commerciaux d'une municipalité gasconne qu'il entreprit de racheter son silence.



Citation:
Traîtresse,

Comment oses-tu m'abandonner sur le chemin du vice après m'avoir fait goûté aux mets de l'hérésie? Marraine, quelle mouche t'a piquée? On m'a dit un jour que la romaine était venimeuse. Ce à quoi je répondis « Les temps sont durs pour tout le monde ». Mais je m'égare.

J'espère que ton retour au sein de l'Eglise s'est fait sans heurt. T'auraient-ils ramené à la raison comme tu l'as fait avec moi? Si tel est le cas, permets-moi de te rappeler que le bain est une chose dont il ne faut point abuser. Leur vin n'égalera jamais le malt avec lequel j'ai eu la décence de te noyer.

De mon côté, les affaires avancent. Elles prolifèrent même. Quel beau pays que la Gascogne! As-tu déjà eu l'occasion d'y séjourner? Les paysans m'ont affublés moi et quelques associés de « faquins ». Leur dialecte m'échappe, à moins que ce ne soit mon françoys qui pèche, mais ce terme me reste abscons. Sans doute seras-tu à même de combler cette lacune. Quoiqu'il en soit, je l'ai bien pris. Je crois que ce peuple m'apprécie. La preuve, ils m'ont également qualifié de Guyennois.

En témoignage de ma réussite financière, tu trouveras ci-joint une ceinture finement brodée et ornée de jolis petits cailloux verts qui saura assurément te rappeler mon étreinte sur tes hanches.

Prends bien garde de continuer sur ta lancée, qu'une nouvelle crevasse sur ton profil n'aille pas effrayer davantage tes concitoyens. Quant à moi, la sillonner suffira à alléger ma peine.

PS: Tu remarqueras l'absence des cailloux vantés, il te faudra me revoir si tu désires compléter la panoplie.

F.


Le pigeon s'envola, la missive à la patte alors que l'Irlandais se prit à rêver avoir les ailes d'un canard.

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Gnia
[Il y a le ciel, les oiseaux et la mer... Le soleil, ça dépend des jours.]


"Vous êtes dans un petit port de pêche. C'est sympa, bucolique, mais le ponton ne permet l'amarrage que de quatre bateaux simultanément."

Certes mais qu'est ce qu'on s'y faisait chier en attendant qu'une brise marine apporte quelques bonnes nouvelles.
Et après des jours à se languir en regardant la mer et le ciel à s'en faire péter les yeux, tout se bouscula en une journée.

Et notamment quelques oiseaux qui ne se faisaient pas de mauvais augure malgré deux chants discordants.

Une mine grave accueillit celle d'Eusaias qui semblait accélérer brusquement le destin jusqu'à sceller leurs sorts.
Un franc éclat de rire ponctua la lecture de celle de l'Irlandais. Et même un sourire ravi. C'est dire.


Citation:
Faquin.

Probablement l'es-tu pour ceux que tu sembles déranger dans la quiétude de leur vie paisible et misérable de village.
Mais songes donc au fait qu'ils ne te voient que sous la forme sous laquelle tu leur apparais. Homme de peu de valeur, mal élevé, méprisable, impertinent.

Et j'espère bien que tu me réserves la primeur de ton autre facette qui tend à masquer cet aspect rustre pour révéler quelque caillou étincelant.
Quant bien même tu ne t'offres, tout comme tes présents, qu'à moitié.

Me crois-tu suffisamment vénale pour penser que je n'aimerai te revoir que pour lier sur mes hanches une ceinture qui soit plus éclatante ?
Fi de tes cailloux, c'est tes mains sur elles que je veux.

Toutefois, rassures-toi, j'apprécie le geste à sa mesure et t'en remercie sincèrement. Tout comme je ne peux nier que l'attention m'a touchée.

Et soit sans crainte, je ne t'abandonne pas à peine l'ascension vers l'hérésie qui est la nôtre entamée, j'escompte bien te mener jusqu'à son sommet, si tant qu'il existe, et ne surtout jamais en redescendre.
Toutefois, il nous faudra redoubler de vigilance dans nos escapades maquisardes car ce retour sur le chemin de la belle Vertu Aristotélicienne commande que je me plie à une échéance qui s'impose de nouveau avec force et qui ne souffre plus d'être reportée.
A ton retour, s'il tarde, je serai mariée.

Gardes toi bien des sots et des fats qui ne voient en toi qu'un faquin et ne te laisse pas happer par les sirènes d'un peuple qui fait mine de t'aimer.
Leurs charmantes attentions ne sauraient décemment égaler celles que je te réserves.
Les miennes ont au moins le mérite de la franchise.

A.

_________________
Finn.
[Bazas, l'ennui change de camp]


La dernière missive apporta son lot de bonnes nouvelles comme de mauvaises. Inutile de préciser dans quelle catégorie étaient relayées les épousailles prochaines. Peut-être aurait-il finalement souhaité qu'elle ne demeure au ban de l'Eglise. Elle avait par ailleurs évité les lames adverses et c'est bien tout ce qui lui importait, dans le fond.

Dans sa minuscule chambre d'auberge, les réflexions stériles cessèrent au profit de la plume.





Citation:
Comtesse,

Je prends bonne note note qu'à défaut de t'éteindre dans ta lutte, tu te condamnes d'une autre manière. Je t'en félicite bien qu'amèrement, tu t'en doutes, mais je ne puis prétexter la surprise.

Quant à moi, je suis de retour en Guyenne, les mains pleines de cailloux qui n'attendent que de se poser enfin sur tes hanches. Leur feras-tu cet honneur? Il te faudra vite te décider car en plus de se languir, elles ne tarderont pas à suivre le reste de ma modeste personne aux confins du royaume. Et ce très prochainement.

Il me tarde de poursuivre l'éducation à laquelle tu me promets tout comme d'atteindre les aspirations hérétiques que tu nourris à notre égard. Si tu es franches avec moi, sache que je ne te mène pas en bateau non plus, ce qui ne manque pas d'agacer mon tempérament général. Je tâcherai de faire route vers la destination de ton choix, sans renoncer aux aventures maritimes que je me permets de gager à mon tour. Nous aurons alors toute liberté d'écumer ces mers encore inexplorées avant que tu ne te promettes à un autre.

Ne chavire pas maintenant.

F.

Le vélin fut prestement plié et dirigé là où il pensait trouver sa destinataire, si Dieu le voulait bien.
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Gnia
[Après quelques escapades musclées, retour à La Teste]


Après deux nuits à aller observer la beauté des murs de Bordeaux sous la clarté lunaire, il avait été décidé d'aller se prélasser à nouveau à La Teste. Agnès n'avait pas imaginé y retourner à la tête d'une armée battant oriflamme breton et elle-même devenue toulousaine par la grâce de l'annexion.

Et au delà du plaisir de retrouver un grain de sel de baron breton qui occupait fort agréablement ses nuits en l'absence de bras plus désirés, elle eut également le plaisir de trouver missive qui laissait espérer que ses fameux bras tant désirés n'étaient plus aussi éloignés.


Citation:
A toi, Irlandais itinérant,

S'il te prenais l'envie, avant d'à nouveau t'évanouir dans la nature, de venir visiter un petit port de pêche répondant au nom étrange de La Teste de Buch, je crois que tu pourrai sans peine orner mes hanches de tes cailloux mais surtout de tes mains.

A défaut de découvrir une ville animée, tu pourras redécouvrir à l'envie une comtesse artésienne devenue toulousaine à la tête d'une armée bretonne.
Avoue que l'exotisme de la chose a de quoi susciter la curiosité.

Il faut bien se raccrocher à la nouveauté puisqu'il devient visible que ma lutte si elle n'est pas loin d'être perdue devient désespérée. Alors, oui, si tu viens à moi, peut-être pourras-tu influer, si ce n'est sur le cours tumultueux que semble prendre ma destinée, au moins sur mon esprit malmené et sa forte propension au pessimisme.

Car si je dois chavirer, je préfère encore que ce soit dans tes bras.

A.


Une fois la lettre partie vers la dernière destination connue où elle pourrait être lue, Agnès eut une petite moue.
Décidément, même son coeur semblait appeler une destinée tumultueuse de tout ses voeux.

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