Iban

[Dans une auberge de Dijon]
Les yeux embués et les mains encore engourdies par la moite chaleur des étreintes fébriles dont l’avait comblé cette nuit qu’il venait à peine d’achever, Etxegorry, nu encore, entrepris de rédiger cette lettre dont il avait trop longtemps retarder l’écriture.
Les yeux embués et les mains encore engourdies par la moite chaleur des étreintes fébriles dont l’avait comblé cette nuit qu’il venait à peine d’achever, Etxegorry, nu encore, entrepris de rédiger cette lettre dont il avait trop longtemps retarder l’écriture.
Citation:
Très chère et très estimée Comtesse,
Cela faisait sans doute longtemps que vous étiez sans nouvelle de votre humble serviteur mais je gage qu’étant donné l’attachement relatif que vous me portez, vous ne vous en êtes pas soucié outre mesure. Et c’est à bon droit. Des affaires, qui n’étaient que de peu d’importance eut égard votre grandeur, m’ont retenu quelques mois dans les cités bourguignonnes. Vous imaginez bien qu’un honnête homme comme je prétends m’efforcer de l’être se doit d’honorer les engagements qui l’obligent et vous me pardonnerez je l’espère cette escapade solitaire et imprévue. A présent que ces menues affaires sont réglées, me voila de retour vers notre chère Guyenne après laquelle je n’ai de cesse de me languir depuis que je suis arrivé en votre compagnie dans les mornes paysages du Nord.
Très chère et très estimée Comtesse,
Cela faisait sans doute longtemps que vous étiez sans nouvelle de votre humble serviteur mais je gage qu’étant donné l’attachement relatif que vous me portez, vous ne vous en êtes pas soucié outre mesure. Et c’est à bon droit. Des affaires, qui n’étaient que de peu d’importance eut égard votre grandeur, m’ont retenu quelques mois dans les cités bourguignonnes. Vous imaginez bien qu’un honnête homme comme je prétends m’efforcer de l’être se doit d’honorer les engagements qui l’obligent et vous me pardonnerez je l’espère cette escapade solitaire et imprévue. A présent que ces menues affaires sont réglées, me voila de retour vers notre chère Guyenne après laquelle je n’ai de cesse de me languir depuis que je suis arrivé en votre compagnie dans les mornes paysages du Nord.
Les bras langoureux de la catin rousse qu’il avait connue cette nuit-là vinrent se poser mollement sur ses épaules, l’invitant à laisser là son occupation studieuse pour s’abandonner encore à l’expertise de son corps ondulant. Peut être espérait-elle par ses caresses lui arracher les quelques deniers supplémentaires qu’il lui manquait sans doute pour éviter de vendre deux de ses dents ou quelques mèches de ses beaux cheveux afin de subvenir aux rigueurs de l’automne approchant. Stupide et insatiable : le mépris qu’elle lui inspirait ce matin n’avait d’égal que le désir ardent qu’il avait eu la veille de la posséder.
« Vas t’en ! » lui lança-t-il sèchement en l’écartant d’un brutal revers de bras. « Vas t’en te dis-je, déguerpis, sottarde ! Tu as eu ton argent, retourne de suite voir ta maquerelle, ou ma parole, tu lui reviendras trop laide pour plus séduire personne. »
Plus inquiète que vexée, la catin ramassa ses frusques et sortit sans se manifester davantage. Le Basque se concentra de nouveau sur sa missive.
Citation:
J’ai ouï parler des tristes évènements qui secouent notre bon duché et le risque d’opprobre et d’humiliation qu’ils vous font encourir. Je vous saurai gré de me mettre au courant de ce qu’il s’y passe exactement. L’on m’a évoqué tour à tour une excommunication et une destitution, et j’ose espérer qu’il ne s’agissait là que de billevesées comme le vulgaire se complaît tant à en conter. Soyez assurée de mon indéfectible soutien et de mon inébranlable dévotion envers votre noble personne. Les criminelles horreurs qui sont répandus par la piétaille sur votre compte jusqu’aux franges de la Bourgogne ne sauraient entamer le crédit et l’affection que je vous porte. Connaissant la ténacité de votre fierté, je m’attends bien à ce que vous négligiez mes velléités de secours. Néanmoins, vous n’ignorez point comme moi que, lorsque la situation devient critique au point qu’elle n’est plus supportable, la fierté peut dans ce cas extrême sortir indemne de la tempête quand bien même elle agréerait une aide humble et opportune. Si donc, ma lame ou mon verbe (ou tout autre chose) pouvait s’avérer d’un quelconque secours, sachez que vous pouvez compter sur la précision et l’acuité de l’une comme de l’autre.
Que pourrais-je en effet refuser à celle qui s’est montrée envers moi une des plus généreuses ?
Votre éternel obligé,
I. E.
J’ai ouï parler des tristes évènements qui secouent notre bon duché et le risque d’opprobre et d’humiliation qu’ils vous font encourir. Je vous saurai gré de me mettre au courant de ce qu’il s’y passe exactement. L’on m’a évoqué tour à tour une excommunication et une destitution, et j’ose espérer qu’il ne s’agissait là que de billevesées comme le vulgaire se complaît tant à en conter. Soyez assurée de mon indéfectible soutien et de mon inébranlable dévotion envers votre noble personne. Les criminelles horreurs qui sont répandus par la piétaille sur votre compte jusqu’aux franges de la Bourgogne ne sauraient entamer le crédit et l’affection que je vous porte. Connaissant la ténacité de votre fierté, je m’attends bien à ce que vous négligiez mes velléités de secours. Néanmoins, vous n’ignorez point comme moi que, lorsque la situation devient critique au point qu’elle n’est plus supportable, la fierté peut dans ce cas extrême sortir indemne de la tempête quand bien même elle agréerait une aide humble et opportune. Si donc, ma lame ou mon verbe (ou tout autre chose) pouvait s’avérer d’un quelconque secours, sachez que vous pouvez compter sur la précision et l’acuité de l’une comme de l’autre.
Que pourrais-je en effet refuser à celle qui s’est montrée envers moi une des plus généreuses ?
Votre éternel obligé,
I. E.
Satisfait, le Basque esquissa un sourire mauvais et cacheta sa lettre.
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