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[RP] Quatre pieds de peine incompressible.

Finn.
[Au sortir de la clandestinité]


A l'ombre des murs de la cité des saules, le soleil était contraint au retrait. L'Irlandais harnachait son minable baudet en toute discrétion pour un départ allant de pair. Il lâchait catin et troquet pour la richesse des routes. Certaines affaires méritent le déplacement, et celle-ci en faisait partie. Après ses péripéties parisiennes, Montauban fut le refuge accidentel du régicide aussi surement qu'elle était devenue un précieux foyer, allant jusqu'à proroger le délai imparti à sa sédentarité. Il ne lui était pas permis de s'encroûter davantage au sein de cette ville si singulièrement hétéroclite. Un lieu quitté trop tôt pour profiter du nid qu'il s'y était créé. Il fallut se faire une raison au moment de répartir les sacs de jute de part et d'autre de la monture, qui, guidée par la bride se dévoilait progressivement à la clarté matinale.

Tout en accompagnant d'une démarche chaloupée la progression de l'animal, l'Irlandais visualisait la route qu'il lui restait à parcourir. Lui qui pensait avoir atteindre les frontières du monde connu en venant s'échouer en Guyenne, voilà qu'on lui prouvait que l'on pouvait pousser le vice plus loin encore. Le Sud n'avait-il donc aucune limite? Si les saintes écritures lui avaient bien enseigné une chose, c'est qu'à descendre continuellement il finirait par regagner son île natale un jour. Échéance à repousser le plus tard possible. La France regorgeait de trésors qu'il lui restait à découvrir, sans parler des...


*CRAC*

… Ebranlé dans le cours de ses secrètes pensées, l'homme à la trentaine grisonnante opposa un regard suspicieux à l'importune présence. Quelqu'un ou quelque chose s'était dressé dans son dos. Le coup d'œil ne renseigna pas davantage. Juste une route déserte derrière, et libre devant. En profiter, et ne pas s'éterniser. La marche reprit, étouffée. Précaution qui mit en évidence un invisible tête-à-tête. La pogne trouva aussitôt le chemin de la dague rangée sous un pan de la bure qu'il arborait, guettant un éventuel débordement. Quelques pas plus avant, l'homme déserta brusquement la route et se réfugia dans les fourrées, abandonnant sa bête à son sort. Lorsqu'il réapparut plusieurs mètres derrière Calamité et son rôdeur, l'Irlandais s'exprima en ces termes:

- « Jusqu'où crois-tu aller comme ça? », fustigeant le presque inconnu de ses petits yeux sombres.
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Gaetan
Il a suivi.

Il ne sait pas pourquoi. Pas vraiment. Il l'a... senti.

Après des jours dans ce noir. Après le cadeau de Raphaelle. Après avoir réalisé.. qu'il avait manqué à ses devoirs mais au final à personne à part elle. A avoir réalisé qu'à elle il manquerait tout le temps et jamais, ils ne sont pas du même monde... Qu'il l'emporte avec elle. Qu'il est chez lui et ailleurs...

Il l'avait marqué. Indélébile comme sa face... Un homme handicapé, comme lui. Pire que lui. Un homme qui sans le connaitre était venu le sauver. Dont on pouvait encore lire sous les ongles noirs de suie les traces de la mine. Pour rien, pour lui. Un moins que rien.

Il voulait le suivre. Il sentait qu'il devait le suivre.

Il l'a fait. Dans l'ombre. Gaetan a toujours aimé se noyer dans les ombres. La nuit tous les chats sont gris, aucun n'est roux, aucun n'est manchot, aucun n'est lui. Juste gris. Il aime être gris. Et cette nuit, il Le suit. Se perdant dans l'ombre des arbres qui lorgnent le chemin de l'Irlandais dont il ne sait rien ou presque.

Dont il ne sait que le handicap, pour avoir lu sur son visage, à la lumière d'une torche balbutiante, un demi sourire quand il se voulait plein en voyant un squelette sortir de sa prison charbonneuse.

Il avait suffi de ça. Et du sentiment d'avoir déçu tout le reste. Il était là, roux, manchot, mort de faim et complètement perdu. Il était là, dans l'ombre d'un pin, à suivre un âne et son maître dont il ignorait tout. Juste par instinct.

Tel un animal.

Il flaire.

Il est repéré.

Merde...


Jusqu'où crois-tu aller comme ça?

Euh.

- Euh...
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Finn.
- « Mmh..? »

    V'là qu'il bégaie en plus.

Le sourcil se haussa. L'Irlandais fixa l'infirme un moment avant de rejoindre son âne avec nonchalance. Sa question restait sans réponse et le silence s'installa. Que venait-il faire là? Prétextant resserrer les sangles qui retenait ses affaires à la bête, l'Irlandais réfléchissait à une manière de se débarrasser de lui. Pressé par le temps, il finit par briser le mutisme de la scène.

- « Rentre chez toi, Manchot. », marmonna-t-il, renonçant à nourrir ses interrogations.

Il avait beau s'éloigner, les pas traînant du gamin reprirent de concert.

    Mais que veux-tu à la fin!

S'il l'avait libéré de l'éboulement de la mine montalbanaise, ce n'était que pour satisfaire un besoin fugace naît d'un estomac trop souvent lésé. Certainement pas pour se coltiner le gamin. Des cailles farcies ne valaient pas qu'on lui colle aux basques. La compagnie silencieuse de l'enfant eut tôt fait d'avoir raison des nerfs fragiles de l'Irlandais qui accéléra le pas. Voyageur solitaire, ça veut bien dire ce que ça veut dire.

A mesure que la distance qui les séparait s'allongeait, il sentit qu'il n'en finirait pas de cette manière avec lui. Finn se retourna alors face à Gaetan et le dévisagea avec une irritation dissimulant mal la curiosité que ce dernier développait chez lui. Un linge sortit alors de la fouille précipitée de ses sacoches de provisions.

- « Tiens, va-t-en maintenant. », lança-t-il, sans appel, à l'indésirable en même temps que ledit linge contenant quelques tranches de viande séchée.

L'immobilisme de l'infirme mettait à mal sa patience toute relative en pareille occasion. Parti fut pris d'attendre que ce dernier rebrousse chemin, même si cela lui coûtait.
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Gaetan
To be there, or to be there.

Gaetan n'a pas eu une enfance facile.

Ses parents l'ont détesté avant même sa naissance. Il était celui de trop, il était le roux, il était le freluquet. Même sa grande soeur aidait mieux que lui aux champs. Il posait trop de questions, il était trop indépendant, ses parents le haissaient, et il l'avait toujours su.

Il se souvenait encore du soir où il était revenu en sang après avoir perdu son bras. Du soir où plus que jamais, il aurait eu besoin d'un peu de soutien. Il avait été mis à la porte. En plus d'être roux, il était désormais manchot. L'ultime outrage.

Il n'avait pas pleuré. Il n'avait pas geint. Après avoir attendu quelques heures, il avait décidé de partir, trouver ailleurs ce qu'il n'aurait jamais dans cette masure forestière. Il avait débarqué à Montauban. Gouaille en gueule, questions en bouche, prêt à tout, mais surtout à apprendre. Il avait été servi.

Un peu trop. Il n'y aurait pas cru si on le lui avait dit. Il avait rencontré la Cheffe. Elle lui avait parlé comme à un adulte, elle lui avait appris plus en quelques semaines qu'il n'en avait su en 7 ou 8 ans, on ne sait pas bien.

Surtout, elle lui avait parlé de livres, de lecture.

Et puis il était allé à la mine. Il l'avait abandonnée, couvert par des mètres cube de charbon, il n'avait pas pu se présenter chez elle. Elle avait du penser qu'il était un ingrat, elle avait du croire qu'il s'en foutait. Lui de son côté s'en voulait de ne pas y être. Lui s'en voulait de ne pas assurer. Lui s'en voulait, pour Elle, pour Raphaelle aussi, pour ceux à qui il avait promis des choses, pour qui il avait l'habitude de trainer dans les parages.

Il n'avait pas besoin de mentor. Il n'avait pas besoin d'être recueilli. Il l'avait été.

En revanche, ce jour-là, sous la mine effondrée, il avait eu besoin d'être sauvé. Et aec Raphaelle, il y avait eu Finn.

Qui sait ce qu'il se passe dans la tête d'un enfant un peu bizarre ? Qui sait ce qui lui a traversé l'esprit ?

N'empêche qu'il est là. Qu'importent les rebuffades de l'Irlandais, Gaetan ne lache pas sa proie, il suit. A s'en faire saigner la plante des pieds. A s'en rendre ridicule. Il a tout perdu, ne craint plus rien.

Gaetan a honte. Terriblement. D'avoir failli à ses engagements. Finn est une voie de salut, lui qui ne sait rien de ça, lui qui n'attend rien de lui que le fait qu'il s'en aille. Gaetan ne lache pas. L'insulte ne modifie rien. L'éloignement non plus. Le dos tourné encore moins. Gaetan a fait son choix, et pire que l'âne, il est doté d'une tête de mule assez butée.

Le linge tombe à ses pieds. L'enfant à l'estomac mis à mal, aux gargouillements incessants, n'y jette pas un oeil de peur de perdre son objectif du regard. Qu'il disparaisse comme ses certitudes, comme ça, au détour d'un éboulement ou d'un chemin.

L'Irlandais s'arrête. Gaetan retient un soupir de soulagement... Les pieds torturent autant que la culpabilité.

De longues minutes, des heures peut-être, passent, sans bouger, à part l'âne qui se permet quelques apartés propres à sa race. Autour d'eux la nature continuait sa route éperdue, et l'herbe ondulait, menaçant d'attirer l'oeil impétueux d'un gamin qui fut curieux.

Il brise le silence. Soudain. Et de toute sa hauteur, relative, il lance à son sauveur.


- je dois apprendre à écrire.

C'est peu mais c'est beaucoup. Il doit. Parce que Matalena sait lire et qu'il doit lui dire. Il n'osera pas se présenter devant elle sans s'être excusé. S'il a une forte gueule, elle sert surtout de défense, et il sait ne pas pouvoir exprimer ce qu'il doit de vive voix. Il veut lui écrire. Finn doit savoir. Finn, dont il ignore encore le nom, est un Grand. Finn l'a sauvé. Finn est handicapé. Finn n'aime pas les gens. Finn est celui qu'il lui faut. L'instinct enfantin, on n'a qu'à l'appeler comme ça. Mais cet homme, il doit le suivre. Et il n'en démordra pas.
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Finn.
Ainsi sa langue avait été épargnée. L'aveu ne manqua pas de surprendre l'Irlandais qu'il laissa dubitatif et interdit. Il s'était inséré si abruptement dans le duel de caractère qui les opposait que son auteur s'y imposa de manière irréversible. Il devait apprendre à écrire. En voilà une nouvelle. Finn avait beau chercher, cela ressemblait plus à un prétexte. Et pourtant, l'enfant n'avait même pas daigné toucher à la viande. Les desseins de ce dernier lui échappaient clairement. Le cerner semblait peine perdue.

Sa propre enfance était lointaine, trop pour pouvoir se retrouver dans les méandres de l'esprit juvénile qui lui faisait face. Bien que les chemins empruntés par l'infirme furent déjà sans doute arpentés, le temps s'était rendu coupable de leur oubli, effaçant ses propres traces d'un parcours dont la découverte fut aussi brève qu'incomplète. Une enfance fugitive qui l'a mené là où il en est aujourd'hui. Tout comme Gaetan, il fut seul. Ou presque. Sans la relative bienveillance d'un homme, Finn serait resté l'ignare que sa condition lui prédestinait. Mais fallait-il qu'il soit cet homme à son tour? Le savoir doit se transmettre, mais l'Irlandais, loin d'être élitiste, souffrait d'avarice. Une indécrottable propension à s'attacher aux choses qu'il ne devrait posséder. Une comtesse, des bourses remplies de pièces de monnaie, quelques connaissances...

Mettant une nouvelle fois à l'épreuve l'opiniâtreté du misérable infirme, Finn poursuivit sa route, paisiblement. Quelques heures durant, il ne décrocha mot. Jusqu'au passage d'une auberge dans le paysage, à laquelle il s'arrêta, requérant du regard la présence à sa table de celui qui le suivait. Cette fois-ci, les provisions seraient épargnées et le déjeuner serait chaud. L'Irlandais prit place à l'écart du brouhaha de la salle principale, remarquant les œillades goguenardes à la vue de son infortuné compagnon. Il passa commande auprès de la tenancière lorsqu'elle afficha sa ronde bedaine à leur table, les deux gruaux d'avoine ne tardèrent pas en retour.

- « Que sais-tu faire? », réclama-t-il comme une réponse tardive à sa demande, bien qu'ambigüe sur ses intentions.
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