Elle n’avait jamais eu de certidudes et il en sera toujours ainsi jusqu’au bout de sa vie.
Cependant, Esta avait des convictions, parfois de simples convictions comme l’amitié…à la vie à la mort….même si ça marche qu’un temps, cela elle le savait aussi…
Chacun un jour allait prendre son propre chemin, et la distance des lieux et du temps sauront faire que les ponts se rompront.
Il est bon de cueillir ce qu’il y a à cueillir.
Il est sage de savoir que rien n’est éternel.
Elle avait aussi des convictions plus profondes comme être royaliste tout en soutenant les assemblées populaires qui pouvaient germer ici ou là en voulant se faire entendre.
Elle était aussi profondément croyante.
La réforme qu’elle avait épousé maintenant lui permettait de vivre sa foi pleinement car elle ne se reconnaissait pas dans cette Eglise Aristotélicienne intolérante et ivre de pouvoir.
Esta avait toujours aimé faire des grands écarts….royaliste sans pour autant aprouver la reyne, réformée dans un royaume où ceux-ci étaient pourchassés s’ils aspiraient à devenir quelque chose.
Les temps étaient troubles et Esta, la chope à la main, se laissait bercer par la musique, en remarquant un couple s’éclipser sur le balcon….
Visiblement il n’y avait pas qu’elle qui pratiquait le grand écart puisqu’une noble semblait pouvoir s’emmouracher d’un ancien brigand sans titre en quête de salut.
Et les autres continuent à danser et d’autres enfin partent….
Esta, elle, réfléchit….
Comment faire pour que les extrèmes se rejoignent ?
Comment faire pour que cessent les abus de pouvoir, du simple petit chef qui harcelent ses employés à celui qui porte à bout de bras le royaume pour le mettre à feu et à sang?
Comment faire pour que celui en robe qui sous couvert d’un pratique religieuse reconnue et envahissante n’ écrase plus celui qui ne courbe pas l’échine?
De plus en plus, Esta, qui avait toujours pensé qu’à force de persuasion, les mentalités changeraient, ne trouvait ce jour qu’une seule réponse , celle de l’affrontement.
Il était évident qu’aujourd’hui, l’air n’était plus à l’échange d’idées, au faux semblants mais à la force….
Esta ne servait pas la reyne qu’elle pensait folle.
Elle servait une idée de la royauté qui visiblement n’avait plus court.
Esta était huguenote et elle pensait à Montauban qu’elle savait en difficulté.
Esta, la chope à la main, regardait les ronds de jambes et l’insouciance de beaucoup.
Elle en souriait en coin car elle aimait cette insouciance….mais ses pensées la ramenaient toujours à ces questions qui la taraudaient de jour en jour un peu plus.
Saura t’elle un jour, avec d’autres, apporter sa petite pierre pour faire en sorte que de cette Guerre naissent les bourgeons d’une Paix durable ?
Décidément, cette fête ne lui donnait pas le cœur en joie car elle sentait la tâche immense.
Esta termina alors son godet.
La musique, les rires , les bavardages, les chuchotements faisaient comme un écho dans sa tête.
Elle pensa alors rejoindre sa chambre car il était tard….et c’est à cet instant que Thael lui tendit une chope tout en lui disant….
La fête bat son plein, on dirait. Esta prit la chope tendu, assez surprise, elle qui avait fini par sombrer dans ses pensées depuis maintenant un bon moment….
Oh Messire Thael, bonsoir….
Oui, en effet….il est bien étrange de pouvoir s’amuser en ces tristes temps….Mais la légèreté d’un soir peut aider à affronter les duretés de la vie. Ce n’est qu’une parenthèse pour certains, un jeu de miroir pour d’autres, une divine comédie en tout cas. Esta lève alors sa chope en souriant tout en regardant l’homme qu’elle ne connaissait que si peu.
Messire, souhaitons que nos actes ne soient pas vaines entreprises…..