Cymoril
Le soir tombait et les activités de la journée se terminaient sous leurs yeux alors quils entrent dans la capitale, juste à temps pour laisser leurs montures au repos contre quelques piécettes. Besace en bandoulière, la fourminonne désignée pour ouvrir la marche au travers de ce méandre parisien. On ferme les échoppes, on range les étals, les commerçants rentrent chez eux tandis que quelques charrettes quittent les places. Lair saturé par les effluves venant des échoppes des marchands dépices et autres apothicaires parvient presque à recouvrir lodeur nauséabonde des déchets dans les rues. Cà et là, les bêtes flânent, quelques cochons commencent à venir fouiller les tas de détritus, les chiens jouent avec les enfants.
Certains commerçants profitent des derniers rayons de soleil pour essayer de vendre encore leurs marchandises, les crieurs hélant dautant plus les passants empressés. Drapiers et tanneurs se succèdent le long de ruelles sinueuses. Autant de scénettes de vie ordinaires auxquelles ils ne prêtent guère attention.
A mesure quils pénètrent le cur de la capitale, plus les rues deviennent un enchevêtrement de tonnelles, voûtes basses, petits passages. Elle leur fait sans doute faire un détour ou deux, prenant soin déviter de sapprocher du quartier des Halles.
Etrange guide en bure et en armes qui sinue dans les ruelles où tombe peu à peu lobscurité, sefforçant de conserver ce masque neutre qui la caractérise, tandis que par endroit lodeur devient épouvantable, le milieu de la chaussée nétant plus quun amas dordures et de fange ; le pire étant les abords du quartier des bouchers où les eaux évacuent les déchets, à lendroit même où sabreuvent quelques bêtes épuisées qui viennent des fermes directement à labattoir.
Puis, peu à peu, les bruits de la ville séteignent les uns après les autres. Il ne reste que le chant triste du vent et lécho des sons provenant des tavernes. En levant le nez on voit les bougies séteindre aux fenêtres. Les gens honnêtes se hâtent de rentrer et de verrouiller leurs portes, alors que commencent à sortir les autres.
Et la ville prend un autre aspect.
Les sans avenir, les invisibles aux yeux de la plupart, ceux que le bourgeois affecte de ne pas voir. Il y a là les intermédiaires qui transformaient les marchandises volées, jeunesse du ruisseau en fanfreluches loqueteuses, venant se vendre ; filouteurs de bourgeois, voleurs à la tire. Vaste panel de vauriens. Tous rassemblés en cet espace quétait la Cour des Miracles, vivotant de brimborions, du commerce de faux mendiants Populace potentiellement hostile, de truandailles, prostituées, oisifs et voleurs
Des étoiles séniles tombe ce quil faut de lumière pour quils évoluent aussi sereinement quils puissent lenvisager en ce quartier misérable et inhospitalier. Le visage de la jeune femme se pare dun voile de gravité soucieuse. Sens complètement aux aguets depuis lentrée à la Cour La pâleur extrême de son teint semble contraster encore plus quà lordinaire avec le noir profond de sa longue chevelure où parfois passe quelque reflet bleuté sous les lueurs blafardes de la lune. Elle naime pas être là. Elle sait quelle ny a pas sa place. Elle sait aussi que des trois cest encore elle qui connait le mieux la capitale. Ses années de solitude sur les routes avaient été marquées de pauses parisiennes, lorsquelle trouvait refuge chez elle, et sétait mise en tête dexplorer les sous sols, de recueillir des données et des plans Elle avait ainsi pu rassembler suffisamment dinformations pour arriver à se diriger dans les quartiers quelle était amenée à fréquenter.
Un plissement de nez plus prononcé que les précédents, pour tenter encore de shabituer à la pestilence qui règne. Venelles de plus en plus étroites au sol boueux, maisons aux toits de chaume sale et au torchis qui seffrite et suinte dhumidité et moisissures. Lair empuanti fleure la crasse, lurine et les ordures Rien ny fait. Une à une, les ruelles senchainent dans un dédale sans fin, jusquà ce quelle marque une pause. Longuement le regard scrute lalentour, loreille tendue au moindre bruit suspect avant dextraire de sa besace torches et briquet. Silex battu, les flammes viennent donner de nouveaux reflets dansants aux murs sordides qui les entourent. Une torche après lautre, tendues à leur tour à ses compagnons, alors quelle plisse des yeux avant de reprendre la marche et de tourner au détour dun porche plus sombre encore. Sourire en esquisse en pensant au grand qui va râler de la hauteur de plafond, alors quelle senfonce dans lobscurité après sêtre assurée une nouvelle fois que personne ne les aurait suivi ni de près ni de loin.
Quelques mètres plus loin, une voûte, presque oubliée dans les profondeurs nocturnes de ce méandre infernal, ouvre sur un tunnel, pour peu que lon sen approche pour le découvrir. Elle marque une nouvelle pause.
Tenez moi ça
Flambeau et besace tendus respectivement au borgne et au grand alors quelle se défait rapidement de sa large bure qui risquerait dentraver ses mouvements au besoin. Apparaissant encore plus fine et petite dans sa tenue de spadassin, bottes et braies, pourpoint de cuir de belle facture laissant apparaître un col de chemise finement tissé, elle réajuste sa ceinture, replace lépée forgée sur mesure, plus courte et légère que la normale pour lil connaisseur et qui pend à son flanc droit, avant de récupérer sa besace pour y enfouir rapidement son vêtement de religieuse.
Ouvert dans le respect de la cohérence. Merci.
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