[ La Trémouille, le 24 de septembre - Après les combats, sur le champ de bataille. ]
Elle avait tout fouillé, tout retourné... Son coeur s'était accéléré à plusieurs reprises lorsqu'une chevelure brune apparaissait sur un brancard ou pire encore, sur une pile de cadavres. Mais rien n'y faisait, Khris demeurait introuvable.
Jackadaniels et Undomiel était restés non loin de là, arrachant les rares touffes d'herbes ayant survécu aux combats, dans une innocence déroutante. Comme si le combat des hommes leur semblait à des lieues de leur vie paisible.
Et pourtant, Ama avait pu voir la nuit précédente la déroute de la monture sombre sans son cavalier...
La déroute qu'elle ressentait à présent, les yeux sur une enième pile de corps, puis levant la tête, elle croisa le regarde de Jazon, un instant, laissant son âme à nu... Celle qui savait si bien cacher ses émotions avait laissé percer un instant la profonde tristesse et le désespoir qui emplissait son coeur en cet instant.
Elle en était là dans ses pensées lorsqu'une main se posa sur son épaule. Jazon l'avait rejointe.
On va le trouver, Ama ! Garde espoir....
Quelques mots, simples, mais venant d'une personne chère. Elle pensa alors à Khris. Ce désarroi ne ressemblait pas à la blonde, n'avait-elle pas confiance en les capacités de son homme? Et au fond d'elle, elle sentit qu'il était encore vivant. Oui, il était en vie quelque part, elle en était sûre. Comment avait-elle pu laisser s'échapper si facilement la flamme de l'espoir qui animait son corps, son âme entière? Cette flamme qui consumait déjà son père, ce feu qui ne s'éteint jamais et qui vous guide dans une existence? Elle fixa Jazon un instant, et une esquisse de sourire se dessina sur son visage.
Ils allaient le retrouver.
Ils reprirent les recherches ensemble, inlassablement, mais ne trouvèrent nulle trace du Mestre de camp.
Exténués, c'est résignés qu'ils rentrèrent au campement. Dans son esprit, la blonde se dit que Khris devait sûrement être quelque part entre de bonnes mains, et qu'elle aurait des nouvelles très bientôt... Cela lui permettait de tenir, d'aller de l'avant.
Mais quand elle se retrouva seule, devant sa tente, laissant Jazon et les autres vaquer à leurs occupation, c'est sans même prendre le temps d'avaler un morceau qu'elle s'allongea sur sa couche et sombra dans un sommeil agité, l'épuisement ayant eu raison d'elle.
[10 Lieues de la Trémouille, soir du 24 Septembre]
Lorsqu'Amaëlle ouvrit les yeux, la journée touchait à sa fin, le soleil baissait à l'horizon, il était l'heure de préparer les troupes. Elle enfila son uniforme qu'un soldat avait prit soin de passer à l'eau et faire sécher au coin du feu avant de le remettre près de sa tente. Certaines tâches de sang persistaient, mais dans l'ensemble, sa tenue était plutôt propre. Ses boucles blondes en cascade sur son dos pour le moment, elle sortit à l'air libre.
Près du feu de camp, quelques soldats discutaient, mais l'ambiance était plutôt pesante, beaucoup étaient tombés cette nuit là, des frères d'armes, des amis, de la famille...
La blonde alla s'installer avec eux, elle tenta d'avaler quelque chose, le champ de bataille le ventre vide, ce serait de la folie.
Mâchant sans faim, avalant sans conviction, mais elle savait ce qu'elle avait à faire. Elle se battrait corps et âme, ou que soit Khris, elle le vengerait, et elle prendrait la Trémouille aux cotés de ses frères d'armes.
Elle aiguisa son épée, noua ses cheveux d'un lien de cuir, réajusta son uniforme et prit soin de sa monture. Elle alla voir Jackdaniels, et prit soin de lui également puis lui murmura quelques mots, lui caressant le licol.
Là mon doux.
Elle posa sa tête sur celle de la bête.
Pour cette nuit, tu surveilleras le campement. J'espère que ton maître reviendra bientôt, il me manque à moi aussi tu sais...
Déposant un baiser sur le front de l'étalon, la blonde se dirigea vers Undomiel, et l'entraina à sa suite vers le départ...
[Nuit du 24 au 25 Septembre - La Trémouille]
Une nouvelle nuit de combat allait faire rage. Le souvenir cuisant des hommes tombés à Terre restait présent à leur esprit. C'est alors qu'Ama le remarqua... Sa mère... Elle n'était plus dans les rangs... Un hocquet de stupeur la prit, mais elle le cacha rapidement.
Elle devait n'être que blessée. Elle repensa à SPM, l'éternelle optimiste... Oui, sa mère allait bien, une femme sentait ses choses là...
Mais...
Elle chassa ses pensées.
Ce soir, elle était chef d'armée. Elle n'était pas Amaelle, la blondinette au coeur léger qui aimait taquiner ses frangins, ou manger des tartes aux pommes.
Ce soir, elle était le sénéchal Amaëlle, chef des bûcherons assoiffés, et devait se comporter comme tel.
Compartimenter, le secret de leur couple à elle et Khris... Khris...
La tête droite, bien en place sur sa monture aux cotés de ses frères d'armes, elle relaya l'ordre:
CHARGEEEEEEEEEEEZZZZZZZZZZZZZZ!!!!
S'en suivit un combat qui ne cessa qu'aux lueurs de l'aube lorsque les armées royalistes s'établirent à la Trémouille.
[b][Au matin du 25 Spetembre- LA TREMOUILLE][b]
Rituel habituel, Amaëlle fût ravie de constater que peu étaient tombés cette nuit là, mais celle qui manquait dans ses rangs comptait à ses yeux.
Une fois la place nettoyée elle se dirigea d'un pas rapide vers le campement, la fatigue commençant à la submerger. Laissant son cheval aux palefreniers, elle se dirigea vers sa tente.
C'est alors qu'elle l'aperçut.
Il avait été déposé sur sa couche en son absence. Depuis combien de temps? Elle n'aurait su le dire.
Sans perdre une minute de plus, elle se hâta d'attraper ce morceau de parchemin ensanglanté. Il n'était pas scellé, elle l'ouvrit, le coeur battant.
Elle reconnut immédiatement l'écriture de Khris, bien que très brouillonne. Son coeur se souleva de soulagement.
Citation:Mon amour,
J'ai une fois de plus failli. Je n'ai pas été capable de te protéger. Je t'ai vu te battre comme jamais. Je me souviens t'avoir vu galoper vers les remparts de La Trémouille après avoir terrassé un ennemi.
Je suis tombé, je suis meurtri.
D'où je t'écris, je ne puis le dire, ça ressemble à un hôpital de campagne. J'ai le bras gauche complètement endolori, j'ai l'impression que quelqu'un me tape constamment derrière la tête. Et...je crois que j'ai eu beaucoup de chance, je vais m'en tirer avec une belle cicatrice sur le torse.
Je prie Aristote pour qu'il ne te soit rien arrivé, j'ai bon espoir, on ne m'a pas signalé ta présence parmi les blessés rapatriés.
Je veux que tu sois rassurée, je souffre, mais je vais m'en tirer, j'espère que je serai bien soigné.
Soit forte ma chérie! Continue le combat, prend soin de nos hommes, dirige les comme tu as toujours su le faire jusqu'à présent.
Je t'aime. Je t'aime plus que tout. Ton image est ancrée en moi, c'est toi qui me donne toute cette force de ne pas sombrer définitivement.
Je vais vite revenir, te prendre dans mes bras et embrasser tout ton corps avec tout l'amour que je te porte.
Tu me manques.
Je t'aime, je t'aime, je t'aime.....
Rassurée, serrant le parchemin entre ses doigts, elle se mit en quête d'une plume et d'un parchemin.