--Moran
La silhouette sombre d'un cavalier approchait d'Autun. Une de ses clientes à l'atelier des Doigts d'Or, avait tout particulièrement attiré son attention. Leurs paroles avaient été aussi éloquentes que les gestes.
Si Moran n'était pas un homme à se faire remarquer par un trop plein de paroles, lorsqu'il ouvrait la bouche ses paroles allaient droit au but, bien que subtiles parfois. Le jeu avait été d'ailleurs distrayant entre la tatouée et lui. Aucun n'avouait tout-à-fait, tous deux s'entendant complètement.
Les demis-mots, les doubles sens, ou encore les phrases inachevées étaient des jouets dont le boiteux ne se privait jamais d'utiliser.
Parfois, le test échouait, l'interlocuteur ne saisissait pas les sens cachés et Moran laissait donc couler. Mais si au contraire, il obtenait réponse, il entrait immédiatement dans le jeu.. et c'est ce qu'il s'était produit.
C'est ainsi que l'atelier de la blonde Corleone avait été désigné comme lieu de rendez-vous, prétextant pour les oreilles curieuses, une séance de peinture dont il serait le sujet.
En réalité, le Lisreux n'avait pas particulièrement l'envie d'être peint, à moins que son corps devienne toile et les doigts féminins, pinceaux. Jamais il ne se privait du doux réconfort des bras d'une femme, tout comme jamais il n'octroyait l'exclusivité . Il y avait bien trop de bonnes raisons à en aimer plusieurs, et trop de mauvaises à n'en aimer qu'une seule.
Pour Rodrielle, deux motivations le poussaient à se rendre à Autun. D'abord l'officielle, celle d'un employé fidèle à son atelier qui veillait à satisfaire les clients jusque dans leur plus petits désirs afin d'être certain de les y voir revenir, et ainsi enrichir les bourses de la vénérée intendante.
Puis, la motivation officieuse, celle d'un homme tout simplement attiré par un caractère insolent, un corps fébrile et par un tatouage peu commun.
Citation:
5, allée des soupirs. Autun. Bourgogne.
Le vélin soigneusement gardé était déplié dans une de ses mains, les onyx se plissant pour vérifier l'adresse.
C'est ici qu'on lui avait demandé de se rendre. Le nom n'était d'ailleurs pas pour lui déplaire. Une nuit prometteuse s'annonçait, contrastant avec le calme pesant du village bourguignon.
D'un geste de bascule, une botte mit pied à terre, la seconde suivit et Moran attacha sa monture tout en observant les environs. Une maisonnette se détachait au clair de lune, mais aucun détail ne parvint au regard perçant du grand brun. La nuit était à présent bien tombée et l'homme s'empressait donc de prendre une bouteille de vin soigneusement enveloppée dans une sacoche et se dirigeait déjà vers la porte.
Il ne fallait pas perdre trop de temps inutile.. au petit jour il devrait reprendre la route.
Toc toc toc