Vidin
Une lettre de démission venait de lui arriver, il voulut y répondre mais il n'y avait rien à dire, juste à constater. La grande débandade allait commencer, la grande chasse aux sorcières aussi. D'autres suivront, beaucoup d'autres, pour avoir osé se soulever. Le silence se fit naturellement dans la chambre, le silence et la tristesse.
Ça ne pouvait finir qu'ainsi...
Il n'essayait même pas de se convaincre, de se dédouaner, de se déculpabiliser de quoi que ce soit, la Guyenne allait perdre des Hommes de talents, par dizaines. Lentement, il se leva et ouvrit grand une fenêtre, il faisait toujours aussi étonnamment bon, la chaleur de la guerre qui continue, différemment, autre part, insidieusement. Il eut soudain les tripes retournées en regardant linfinie nuit noirâtre, l'envie, le besoin d'écrire le prit soudainement. Il était comme pris de vertige, imaginant avec lucidité ou défaitisme l'onde de choc. Le pardon impossible, même pas envisageable des deux camps...
Comme dans un songe, il se posa sur la fenêtre. Les pieds à un angle, les jambes pliées. Les genoux en craquèrent, l'un puis l'autre. Le dos collé sur toute sa longueur sur le montant de la fenêtre, il était dans un équilibre précaire. Un équilibre dangereux depuis le premier étage. Il regarda la cour intérieure, vide, juste vide. Son dos commençait déjà à lui faire mal, le montant s'enfonçait dans ses vertèbres. Alors, tenant sa feuille sur un support, il se mit à écrire.
Il écrivit lentement le titre... La fuite, oui, une comparaison, un rapprochement. Un poème rapide, court, efficace, la machine s'emballa, fichue main qui n'allait pas assez vite ! Il fallait écrire les choses à la vitesse de la pensée, ne pas être limité physiquement, faire jaillir les mots, les enluminer, les illuminer, les libérer pour se libérer, pour s'apaiser, pour se reposer. Il avait une poussée d'écriture, une maladie incurable avec laquelle on peut vivre.
Il pivota, il lui semblait parfait ce poème, il descendit alors de la fenêtre. Il fallait le réécrire au propre... Il ne prit pas la peine de s'asseoir sur une chaise. Il signa et inspira très longuement, l'apaisement revenait. En descendant, il ne ressentait plus rien et il ouvrit la porte de la demeure de l'Impasse Rue Neuve, l'afficha aux yeux de tous ceux qui passeraient.
Il remonta et sombra ensuite dans un sommeil réparateur.
Fuyez...
Fuyez, Fuyez,
Jeunes fêtards
Fuyez, Fuyez,
Nobles vantards
La Guyenne se réduit,
Se purifie
La Guyenne samenuise,
Se ridiculise
Fuyez, Fuyez,
Naïfs fêtards,
Fuyez, fuyez,
Riches blafards,
Honneur et maintien,
Pour les uns,
Valeurs et révoltes,
Pour les autres
Fuyez, Fuyez,
Utopiques gagnants
Fuyez, Fuyez,
Malheureux perdants
Voilà bien trois mois,
Que la Guyenne ne brille pas
Vidin
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Ça ne pouvait finir qu'ainsi...
Il n'essayait même pas de se convaincre, de se dédouaner, de se déculpabiliser de quoi que ce soit, la Guyenne allait perdre des Hommes de talents, par dizaines. Lentement, il se leva et ouvrit grand une fenêtre, il faisait toujours aussi étonnamment bon, la chaleur de la guerre qui continue, différemment, autre part, insidieusement. Il eut soudain les tripes retournées en regardant linfinie nuit noirâtre, l'envie, le besoin d'écrire le prit soudainement. Il était comme pris de vertige, imaginant avec lucidité ou défaitisme l'onde de choc. Le pardon impossible, même pas envisageable des deux camps...
Comme dans un songe, il se posa sur la fenêtre. Les pieds à un angle, les jambes pliées. Les genoux en craquèrent, l'un puis l'autre. Le dos collé sur toute sa longueur sur le montant de la fenêtre, il était dans un équilibre précaire. Un équilibre dangereux depuis le premier étage. Il regarda la cour intérieure, vide, juste vide. Son dos commençait déjà à lui faire mal, le montant s'enfonçait dans ses vertèbres. Alors, tenant sa feuille sur un support, il se mit à écrire.
Il écrivit lentement le titre... La fuite, oui, une comparaison, un rapprochement. Un poème rapide, court, efficace, la machine s'emballa, fichue main qui n'allait pas assez vite ! Il fallait écrire les choses à la vitesse de la pensée, ne pas être limité physiquement, faire jaillir les mots, les enluminer, les illuminer, les libérer pour se libérer, pour s'apaiser, pour se reposer. Il avait une poussée d'écriture, une maladie incurable avec laquelle on peut vivre.
Il pivota, il lui semblait parfait ce poème, il descendit alors de la fenêtre. Il fallait le réécrire au propre... Il ne prit pas la peine de s'asseoir sur une chaise. Il signa et inspira très longuement, l'apaisement revenait. En descendant, il ne ressentait plus rien et il ouvrit la porte de la demeure de l'Impasse Rue Neuve, l'afficha aux yeux de tous ceux qui passeraient.
Il remonta et sombra ensuite dans un sommeil réparateur.
Fuyez...
Fuyez, Fuyez,
Jeunes fêtards
Fuyez, Fuyez,
Nobles vantards
La Guyenne se réduit,
Se purifie
La Guyenne samenuise,
Se ridiculise
Fuyez, Fuyez,
Naïfs fêtards,
Fuyez, fuyez,
Riches blafards,
Honneur et maintien,
Pour les uns,
Valeurs et révoltes,
Pour les autres
Fuyez, Fuyez,
Utopiques gagnants
Fuyez, Fuyez,
Malheureux perdants
Voilà bien trois mois,
Que la Guyenne ne brille pas
Vidin
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