--Desiree
[« On n'a pas un enfant comme on a un bouquet de roses. » Federico Garcia Lorca ]
Un répit. Une pause. Un peu dair par cette soirée brulante. Voilà ce quil fallait à la blonde. Avant de descendre à la recherche dun troisième client.
Assise face à sa coiffeuse, elle brossait ses cheveux dor pâle. Le temps de reprendre des forces.
Elle ne sépargnait pas, depuis son retour de lhorreur. Elle nétait pas une seule fois sortie du cocon rassurant de la Rose, et travaillait avec acharnement, acceptant tous les clients. Plus son ventre sarrondissait, plus leur degré de perversité augmentait. La plupart du temps. Oh, elle avait bien parfois du répit avec un qui serait plus intrigué quémoustillé par sa condition, ou un trop jeune qui aurait voulu sentrainer avec elle avant de savoir besogner leur grosse épouse. Mais la plupart du temps, elle avait droit au plus glauque. Peu lui importait. Plus cétait tordu, plus le client payait. Et plus le client payait, plus elle avait darguments pour que la Rouge la garde, et la nourrisse après la naissance, pendant les quelques semaines où elle ne pourrait travailler.
Encore nue dans son fauteuil, elle sefforçait de respirer calmement, pour calmer les crampes douloureuses de son ventre. Cela lui arrivait de plus en plus souvent, elle savait quelle soumettait son bébé à rude épreuve. Mais la naissance ne devrait avoir lieu que le mois suivant, aussi espérait-elle calmer la douleur avant de redescendre à la recherche de son détraqué suivant. Ce dernier client de la soirée pourrait difficilement battre le record de celui qui venait de la quitter, de toute façon. Besognée debout, cramponnée aux montants de son luxueux lit, ce dernier avait semblé prendre grand plaisir à sentir le liquide qui sétait écoulé entre ses jambes à un moment, redoublant de vigueur sous la souillure. De vigueur, et dendurance. Quil avait été long à se répandre entre ses cuisses ! Son ventre nen pouvait plus, perclus de crampes. Mais lhomme prenait ses gémissements de douleur pour du plaisir, et il lavait payé plus cher que prévu encore.
Il y avait longtemps quelle ne cherchait plus à comprendre ni expliquer la perversité de lêtre humain. Elle en avait fait son gagne pain, ces dernières semaines.
Il lui fallut encore de longues minutes pour comprendre. Les crampes ne sapaisaient pas, malgré ses efforts, sa concentration à de lentes respirations. Pire, elles augmentaient en fréquence et en amplitude. Ce nest quen faisant le rapprochement entre le liquide qui tâchait encore le parquet et les douleurs refusant de se calmer quelle comprit que ça avait commencé. Il y avait des heures, déjà, que ça avait commencé.
Brusquement langoisse lui serra la gorge, lui coupant le souffle et brisant le bel effort de ses inspirations pour contenir la douleur. Les ongles crispés sur laccoudoir du fauteuil, elle attendit que la crampe passe, et se leva péniblement. Elle ne pourrait pas descendre lescalier. Il ne fallait pas briser la joyeuse ambiance du salon de toutes les façons. Ni celles des chambrées. Son seul espoir résidait dans la présence dune des nombreuses petites mains de la maison close dans le couloir, à un moment où un autre. La porte entrebâillée, elle neut pas à attendre longtemps. Une porte ouverte signifiait en général quil y avait un lit à refaire dans lattente du client suivant.
Le bras de lenfant fut saisi, serré probablement trop fort alors quune contraction lui coupait à nouveau le souffle.
Toi. Trouve quelquun de disponible et envoie le moi. Vite.
Lenfant terrifiée par la blonde habituellement tyrannique senfuit sans demander son reste.
Il ne lui restait plus quà espérer que quelquun dans la maison serait libre et viendrait. La blondine, angoissée par linconnu qui soffrait brusquement à elle, priait pour que ce fut sa Mère. Leur Mère à tous. Elle, elle saurait surement.
La jeune catin seffondra dans le fauteuil le plus proche de la cheminée et serra les dents, étouffant une plainte. Il ne fallait pas quelle trouble la soirée. Une larme perla à son il. Seule, elle ny arriverait pas. Cétait certain.
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