[RP ouvert] Tranche de vie

Pardon… Pardon…

Mes deux mains se lèvent, tenant fermement le petit poignard qui lui sous la pleine lune. La scène semble tirée d’un cauchemar. Je suis couverte de sang et Lysandre me regarde. J’aurais aimé détourner les yeux mais je n’y arrive pas. Comme si quitter ses iris lui ferait croire que je me défile et que je n’irais pas jusqu’au bout. Je dois le faire, pour lui… Moi j’ai tout à y perdre, et j’ai déjà tout perdu. Après son départ, il ne me restera rien. Rien que ma haine et mon dégout de la vie. Peut-être alors plongerai-je cette arme dans mon propre cœur, mêlant nos deux sangs et nos destins…

Mes mains tombent. Le poignard bien affuté s’enfonce en Lysandre comme dans du beurre et il sursaute. Ses yeux se révulsent et j’arrache la lame de son cœur. Je la jette quelque part et me penche, encadrant son visage de mes mains. Son regard semble se vider et il entrouvre les lèvres.

Tremblante je les attrape avec les miennes pour avaler son dernier souffle.

Laisse-moi au moins cela de toi…

« Et elle embrassa ses lèvres froides jusqu’à ce que son cœur devienne pierre… »



Shirine se réveille en sursaut. Un juron s'échappe d'entre ses lèvres et elle s'assoit difficilement, enfonçant son visage dans ses mains fines. Encore ce cauchemar... Elle a demandé à Brunehault de quoi l'aider à dormir, si même pendant ces moments elle ne peut être tranquille... A quoi bon?

Elle avait pourtant réussi à chasser un peu ces mauvais souvenirs. Depuis qu'elle était revenue à Genève pour avouer à Gillan qu'elle voulait bien être à lui, l'angoisse et les troubles du sommeil avaient refait leur apparition. Comme une alarme, un avertissement: ne pas se lier à quelqu'un, ne plus aimer pour ne plus souffrir.

La rouquine se lève, passe une main dans ses cheveux pour les remettre un peu en place et attrape son sac de voyage pour descendre à la rivière. Elle avait quitté Annecy la veille et il ne lui restait plus beaucoup de chemin avant d'arriver à Genève...
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Elle sent la terre moelleuse sous ses pieds. L'avantage de l'abri des arbres et de la proximité de l'eau. Tout en marchant, elle lève le nez et observe le ciel entre les feuillages. Partie dans la matinée, elle avait fait une pause en début d'après-midi laissant le sommeil l'emporter. Elle avait beaucoup dormi... Les graines miracles de Brunehault! Ce qui lui vaudrait un nouvel arrêt à la nuit tombée, elle ne serait jamais arrivée avant en ville.

Brusquement, la rivière, plutôt gros ruisseau, fait irruption dans son champ de vision. Le courant n'est pas fort et le bruit pas trop assourdissant a quelque chose d'apaisant. Elle pose son sac et s'agenouille sur la berge avant de s'asperger le visage. Quelques oiseaux chantent dans les arbres alentours. Shirine s'immobilise et observe son reflet. S'il était possible d'arracher ses souvenirs pour les jeter au feu, elle rêverait de le faire. En retrouvant son père, elle avait retrouvé un peu d'elle. En découvrant la Réforme, elle avait comblé un des grands vides de sa vie. En reconnaissant éprouver quelque chose pour Gillan, elle avait fait un pas en avant et brisé une des chaînes qui la retenait encore loin du bonheur. Non sans répercutions puisque les cauchemars sur Lysandre étaient revenus alors même qu'elle avait réussi à s'en débarrasser.

Chassant ses pensées d'un mouvement de la tête, la Sicaire se relève et reprend la route. Espérant arriver avant la nuit noire à l'auberge située quelques lieux avant Genève.
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[Sur les routes]

Erwann bailla, complètement courbaturé. Faire le pied de grue devant les remparts de Genève, suivre les ordres contradictoires des SA et subir l'incompétence crasse de certains de ses officiers avaient de quoi usé physiquement et mentalement le plus résistant des hommes. Erwann qui avait servi auprès de Davor connaissait les armées professionnelles, les ordres clairs et les objectifs fixés.
Autant dire que la Croisade à Genève fut un fiasco total... même si certains persistaient à ne pas le reconnaître.

Bref, à présent, c'était derrière. Erwann chevauchait pour rattraper le groupe de sa cousine. Il devait se dépêcher car la nuit n'allait pas tarder à tomber. Mais son canasson semblait ne pas vouloir aller plus vite. La fatigue devait être transmissible. Il grogna, pesta, l’éperonna, mais rien n'y fait. Erwann soupira et se convainc qu'il lui fallait trouver une auberge. Mais y en aurait-il une dans les parages ? Vu que les Croisés avaient quasiment tout brûlé en Helvétie.

Mais son scepticisme fut rapidement balayé. Aristote avait du entendre ses prières étant donné qu'une auberge pointait le bout de son nez. Il se dirigea vers la bâtisse sans se hâter et s’arrêta enfin devant. Il remarqua une grange sur le coté et mena son cheval jusque-là. Il descendit de sa monture, donna un écu à un jeune homme qui semblait s'ennuyer, en lui demandant de s'occuper de son cheval et voulut passer la porte de l'auberge. Mais avant d'y rentrer, un point un peu plus loin attira son attention. Il lui semblait qu'une femme s'approchait de la dite-auberge

Eh beh... il n'y a que des gens sur la route sur cette terre...

Il haussa les épaules et pénétra dans l'antre de l'alcool et du repos. La salle était moyenne. Des tables, des chaises, une grande cheminée, un comptoir, un aubergiste et quelques clients. Classique. Il y avait même un ménestrel qui chantait la défaite des Croisés. Erwann eut un sourire et se dirigea vers l'aubergiste.

Noz vat l'ami ! Combien pour une bière, un repas et une chambre pour la nuit ?

L'aubergiste le dévisagea quelque peu. Surement l'emploi du breton. Il lâcha un "45 écus" mais sembla s'adoucir quelque peu.

Ça me convient parfaitement... veuillez me préparer tout cela, je vais m'installer.

Les mauvaises habitudes d'Erwann remontaient parfois à la surface. Etre un Breton, de famille noble et surtout un Bleizhmorgan donnaient un caractère... caractériel. Il quitta le comptoir et se s'attabla dans un coin, ne faisant pas attention aux discussions et se relaxa tranquillement.
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Le soleil commence à descendre dangereusement à l'horizon lorsque Shirine atteint l'auberge. Elle a pressé le pas exprès pour ne pas marcher de nuit. Seule, elle préfère éviter les ennuis.

Elle pousse alors la porte d'entrée et s'engouffre dans la salle. Le ménestrel essaye de rendre l'ambiance joyeuse, sans remporter un franc succès. Toutefois, les conversations vont bon train. Shirine s'accoude au comptoir, sans se rendre compte que sa manche relevée exhibe à la vue du tavernier la marque au fer rouge en forme de tête de lion qu'elle a sur son avant bras.

Le plat du jour et une chope de bière, siouplait!

Elle lui adresse à peine un regard, préférant chercher des yeux où s'assoir. L'aubergiste grogne et lui sert sa chope et son assiette. Elle le paye, prend son repas et jette son dévolue sur la seule table occupée d'une seule personne. Elle s'assoit lourdement sur le banc et commence à savourer son diner, observant du coin de l'œil son voisin...
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Erwann mit ses pieds sur la table, bourra une vieille pipe et l'alluma. Il tira dessus et relâcha la fumée dans la salle. Le Breton prenait ses aises. Il observait paresseusement les personnes présentes, quand la porte de l'auberge s'ouvrit une nouvelle fois. Une créature rousse, entra dans la salle et se dirigea vers le tavernier. Erwann retira ses pieds de la table, mais pencha sa chaise en arrière, jusqu'à ce qu'elle touche le mur et détacha son regard. Mais une ou deux minutes plus tard, la dite rousse s'attabla avec lui, écuelle et chope en main.
Erwann ouvrit grand les yeux et grogna. Apparemment c'était un sport national en Helvétie de partager la table d'inconnus. Il y avait eu droit plusieurs fois à Genève. Il baissa la capuche sur son front et tira une nouvelle fois sur sa pipe. Il libéra la fumée au dessus de lui, de façon à ce qu'elle n'atteigne pas la rousse et il fut attiré par l'avant bras de la jeune femme. Elle exhibait fièrement son appartenance au Lion de Judas. Erwann eut un rictus sur le visage. Le Très-Haut s'amusait d'un rien quelques fois.

Il resta silencieux, jusqu'à ce que l'aubergiste apporte ce qu'il avait commandé en râlant en italien qu'il n'avait pas à servir à table. Erwann haussa les épaules, ne comprenant pas cette langue chantante et rapprocha de lui la chope et l'assiette. Du lard, du fromage, une poire et une belle miche de pain trônaient dans l'assiette. Son estomac cria son impatience. Il prit la miche, la brisa et se coupa un morceau de fromage. En face de lui, l'inconnue mangeait silencieusement, non sans jeter des coups d'oeils discrets sur lui. Il avala sa première bouchée, puis dit d'un ton neutre :

Je ne savais pas que les hérétiques se baladaient comme ça vu le nombre de croisés qui traînent encore dans les parages.

Il sourit et déchira un morceau de lard avec les dents. Il avait volontairement utilisé le terme d'hérétique. En général, il préférait le terme "Réformé". Mais il avait envie de provoquer doucement.

Shirine tique en entendant les paroles en italien de l'aubergiste. Pourtant, elle ne bouge pas pour ne rien montrer. Ses origines italiennes lui avaient laissé des traces de cette langue qu'elle avait surement parlée étant petite. Mais les souvenirs restaient vagues.

La rousse espère finir son repas tranquille et aller se coucher pour enfin rentrer chez elle demain. Elle est pressée et à la fois angoissée de retrouver Gillan. Il lui manque, elle aime être avec lui, malgré tout cette peur d'être enchaînée la hante toujours.

Et lorsque son voisin de table lui adresse la parole, elle daigne à peine relever les yeux pour le regarder. Elle sourit, songeant que nombreux étaient ceux qui aimaient à faire les malins dans ce genre de cas et le regrettaient bien vite...

Les croisés ne m'ont jamais fait peur. Et encore moins depuis qu'ils se sont pris la raclée du siècle...

Elle ricane doucement et finit son assiette.
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Finalement, elle avait enfin daigné parler et elle avait enfin cessé de le dévisager discrètement. Erwann écouta les derniers mots et expira bruyamment du nez, retenant un rire. Le plus amusant était sans doute le ricanement de la rousse.
Un sourire s'afficha sur le visage d'Erwann et il avala sa bouchée avant de répondre.

Oui, c'est normal qu'ils se soient pris une raclée... Les officiers tous plus crétins les uns que les autres, les hommes en soutane qui cherchaient pour eux-même leur gloire personnelle plutôt que l'appel du Très-Haut.

Il s’arrêta de parler quelques instants, se remémorant ce fiasco. Il se souvenait de chaque moment. De chaque parole. De chaque coup de gueule qu'il avait poussé avec d'autres pour critiquer une stratégie illogique. Il se rappelait de la bêtise de Namay qui voulait jouer au fier. Tout ce qu'il avait gagné, c'était un massacre, comme à l'époque ou les chevaliers français avaient tenté de charger les archers anglais. Une boucherie. Mais les stratèges français en général et les royalistes en particulier étaient des branles. Incapables, hautains, limités.
Il sortit de ses pensées et reprit

Sans doute un signe ? Peut-être que la Réforme est un appel du Très-Haut pour pousser les Hommes à se dresser contre l'Eglise dévoyée, des prêtres défroqués et des puissants déchaînés.

Dites moi, pourquoi croyez vous à la Réforme ?
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