Lunedor
[Hostel Malemort]
Un après-midi semblable à un millier d'autres. Peut-être un peu frais pour la saison. Mais qu'importe quand on dispose d'épais murs de pierre pour s'en protéger? L'heure était donc à l'insouciance. Ce genre d'insouciance dont on a conscience qu'une fois qu'elle s'est envolée, à la faveur des ans, sournoisement, ou brutalement quand la vie se rapelle à vous par l'une des chausse-trappes dont elle a le secret.
Mais n'anticipons pas.
Notre héroïne se trouvait à ce moment de l'existence où on se veut déjà femme mais où l'on est bien souvent encore qu'une enfant (c'est un secret entre vous et moi, si mon héroïne en entend parler je vais encore avoir sa mère sur le dos parce qu'elle aura fait un caprice - l'héroïne pas sa mère voyons, à son âge on sait se tenir, enfin il paraît). Donc, notre héroïne. Lunedor (je vois que tout le monde suit, ça fait plaisir). on l'avait aperçue un peu plus tôt en cuisine, demandant qu'on lui confie un cruchon d'alcool de prune réclamé par sa gouvernante, dame Jehanne.
Quelques murmures avaient accompagné sa sortie des communs. C'est-y pas malheureux de donner un tel exemple à la jeune demoiselle? Déjà qu'avec Sa Grandeur..enfin, Elle au moins faisait pas faire ses commissions alcoolisées par la pauvre petiote.
Nous aurions également pu monter sur nos grands chevaux et jouer les Pères la Morale, si nous n'avions pas connu le fin mot de l'histoire de la prune et de la gouvernante. Faisant preuve d'une fourberie chaque jour un peu plus prononcée, la "pauvre petiote" avait usé de ce prétexte pour qu'on lui confie de la prune sans trop de commentaires. Elle se doutait bien que mentionner sa gouvernante ferait son petit effet... Un petit sourire mesquin aux lèvres, elle était allée se réfugier dans sa chambre.
Elle n'avait pas oublié les bonnes résolutions prises quelques jours auparavant. Ce qu'elle faisait là en était une conséquence directe. La fondation sur laquelle bâtir son édifice. Assise sur un tabouret, elle tenait le lourd cruchon à deux mains et respirait profondément les effluves d'alcool. Oui, le goût allait être horrible, mais il le fallait.
Elle avait raison. C'était réellement horrible. Elle en prit une grande gorgée avant d'écarter le le goulot de son menton. Sa gorge la brûlait atrocement. Elle avait l'impression qu'elle allait rendre son repas du midi sur le champ tant son ventre faisait de bonds.
Elle s'essuya la bouche avec la manche de sa robe et respira profondément. Une vraie Malemort aime la prune. Elle voulait être une digne représentante de sa famille, elle boirait donc jusqu'à ce qu'elle l'aime cette damnée prune.
Malgré toutes ces belles résolutions, il lui fallut mobiliser toute sa volonté pour retourner à son cruchon. Elle regretta de ne pouvoir se boucher le nez pendant qu'elle buvait. Des larmes coulaient doucement alors qu'elle se forçait à boire une quatrième fois du feu liquide. Son ventre gargouillait et un goût de bile lui remontait parfois en un rot sonore. Un étrange bourdonnement atténuait sourdement les bruits familiers de l'hostel.
Ne pas réfléchir. Boire. C'est chipé donc c'est bon.* Elle but. Encore. Et encore. Elle s'accrochait à son cruchon comme si c'était le seul élément stable de sa vie.
Et de fait, ça l'était.
Il semblait en effet que le tabouret sur lequel elle était assise avait décider de danser la gigue, ce que personne ne pourrait lui reprocher n'est-ce pas? Afin d'être plus libre de ses mouvements, il s'efforça de désarçonner sa cavalière, ce qui ne lui prit guère de temps. Cruchon et Lune' se retrouvèrent donc à terre tandis que le siège allait vivre sa vie de tabouret libre et sans entraves.
Hélas! Trois fois hélas! Voilà nos deux amants du jour séparés!
Cruche? Cruchon? Cruchette? Où es-tu?
Las, ses appels restèrent sans réponse.
Viens voir maman! Viens me voir! Viens mon petit!
Elle éclata d'un rire sonore. Voir! Un joli mot que celui-là! Voir. Voir. Voir. V...
C'était venu sans prévenir.
A plat ventre dans le vomi et la prune, Lune' n'en essayait pas moins de retrouver son gentil cruchon.
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Un après-midi semblable à un millier d'autres. Peut-être un peu frais pour la saison. Mais qu'importe quand on dispose d'épais murs de pierre pour s'en protéger? L'heure était donc à l'insouciance. Ce genre d'insouciance dont on a conscience qu'une fois qu'elle s'est envolée, à la faveur des ans, sournoisement, ou brutalement quand la vie se rapelle à vous par l'une des chausse-trappes dont elle a le secret.
Mais n'anticipons pas.
Notre héroïne se trouvait à ce moment de l'existence où on se veut déjà femme mais où l'on est bien souvent encore qu'une enfant (c'est un secret entre vous et moi, si mon héroïne en entend parler je vais encore avoir sa mère sur le dos parce qu'elle aura fait un caprice - l'héroïne pas sa mère voyons, à son âge on sait se tenir, enfin il paraît). Donc, notre héroïne. Lunedor (je vois que tout le monde suit, ça fait plaisir). on l'avait aperçue un peu plus tôt en cuisine, demandant qu'on lui confie un cruchon d'alcool de prune réclamé par sa gouvernante, dame Jehanne.
Quelques murmures avaient accompagné sa sortie des communs. C'est-y pas malheureux de donner un tel exemple à la jeune demoiselle? Déjà qu'avec Sa Grandeur..enfin, Elle au moins faisait pas faire ses commissions alcoolisées par la pauvre petiote.
Nous aurions également pu monter sur nos grands chevaux et jouer les Pères la Morale, si nous n'avions pas connu le fin mot de l'histoire de la prune et de la gouvernante. Faisant preuve d'une fourberie chaque jour un peu plus prononcée, la "pauvre petiote" avait usé de ce prétexte pour qu'on lui confie de la prune sans trop de commentaires. Elle se doutait bien que mentionner sa gouvernante ferait son petit effet... Un petit sourire mesquin aux lèvres, elle était allée se réfugier dans sa chambre.
Elle n'avait pas oublié les bonnes résolutions prises quelques jours auparavant. Ce qu'elle faisait là en était une conséquence directe. La fondation sur laquelle bâtir son édifice. Assise sur un tabouret, elle tenait le lourd cruchon à deux mains et respirait profondément les effluves d'alcool. Oui, le goût allait être horrible, mais il le fallait.
Elle avait raison. C'était réellement horrible. Elle en prit une grande gorgée avant d'écarter le le goulot de son menton. Sa gorge la brûlait atrocement. Elle avait l'impression qu'elle allait rendre son repas du midi sur le champ tant son ventre faisait de bonds.
Elle s'essuya la bouche avec la manche de sa robe et respira profondément. Une vraie Malemort aime la prune. Elle voulait être une digne représentante de sa famille, elle boirait donc jusqu'à ce qu'elle l'aime cette damnée prune.
Malgré toutes ces belles résolutions, il lui fallut mobiliser toute sa volonté pour retourner à son cruchon. Elle regretta de ne pouvoir se boucher le nez pendant qu'elle buvait. Des larmes coulaient doucement alors qu'elle se forçait à boire une quatrième fois du feu liquide. Son ventre gargouillait et un goût de bile lui remontait parfois en un rot sonore. Un étrange bourdonnement atténuait sourdement les bruits familiers de l'hostel.
Ne pas réfléchir. Boire. C'est chipé donc c'est bon.* Elle but. Encore. Et encore. Elle s'accrochait à son cruchon comme si c'était le seul élément stable de sa vie.
Et de fait, ça l'était.
Il semblait en effet que le tabouret sur lequel elle était assise avait décider de danser la gigue, ce que personne ne pourrait lui reprocher n'est-ce pas? Afin d'être plus libre de ses mouvements, il s'efforça de désarçonner sa cavalière, ce qui ne lui prit guère de temps. Cruchon et Lune' se retrouvèrent donc à terre tandis que le siège allait vivre sa vie de tabouret libre et sans entraves.
Hélas! Trois fois hélas! Voilà nos deux amants du jour séparés!
Cruche? Cruchon? Cruchette? Où es-tu?
Las, ses appels restèrent sans réponse.
Viens voir maman! Viens me voir! Viens mon petit!
Elle éclata d'un rire sonore. Voir! Un joli mot que celui-là! Voir. Voir. Voir. V...
C'était venu sans prévenir.
A plat ventre dans le vomi et la prune, Lune' n'en essayait pas moins de retrouver son gentil cruchon.
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