Edern
Lever d'un rideau écarlate.
Premier acte...
Il est rentré avec la tranquillité des inconnus qu'on ignore, insoumis aux courants inquisiteurs des gardiens de la cité du fleuve. Le pavé a claqué avec espoir, effleuré du bout de ses pieds bottés de noir. Craint-il les semelles royales promises à grand renfort d'étendards ? La clameur des défenseurs les a dispersés au loin, trop près encore pour que quiconque puisse crier victoire. On entend des cris de guerre, naïfs et solitaires. Croyances et violences s'affrontent en rangs serrés au milieu d'un champ de bataille illusoire. Indifférent à la fin du monde, un duché se meurt, étouffé par le règne des non-dits et l'assentiment coupable de ses rares opposants.
Pardi ! La démence cherchait un logis, elle l'a trouvé.
Ithaque ?
Mieux...
Angers.
La capitale des éclopés fait pâle figure en ces temps d'envergure. Une poignée de soldats guette les allées et venues d'une foule dispersée, ternissant de lassitude son uniforme décousu. Même les murs demandent grâce à l'époque qui les éprouve à force de silence, espérant du juge un verdict sans appel. L'abcès des vieux ans ne demande plus qu'à crever... pour que naisse ailleurs, ici, un royaume de grotesque et d'épopées. Il accélère. Le coin d'une rue est passé. Un clignement, et la vision d'un palais s'impose dans un surprenant tourbillon de créneaux volants.
Château, mon beau château !
Dis-moi quel trône est le plus beau.
Les heures passent sans s'arrêter. Selle, cheval et étriers sont laissés au bon cur du marché. Débarrassé de ses jouets de cavalier blanc, il retrouve l'allure des marcheurs et la ligne qui est la leur. Il lui faut quitter la capitale et tâter des cases les plus brûlantes de l'échiquier... assurer la promotion d'un pion, guider ses actions. Instructions ont été données pour qu'un joli pli lui soit remis avant la surprise de son arrivée. Jouissance de l'imminence ! La compagnie des masures bourgeoises n'est déjà plus d'actualité. Le chemin siffle et serpente entre des branches menaçantes, frissonne aux cris étranges des hiboux, des chouettes, et fraie avec le mystère nocturne de la campagne angevine. Les eaux de la Loire coulent derrière lui sans précipitation. Une nuit de plus, mais sur une route dont les rêves ont fini par le hanter...
Saumur apparaît enfin, baignée de l'aube et de ses alluvions.
Il ralentit. Quelques cailloux, un jet de pierres à traverser. Les yeux bruns s'attardent aux alentours, tombent au sol, suivent la trace laissée par la déchéance armée d'une majesté d'arrogance. Que d'hommes, que d'hommes ! Témoins malheureux de la fin fracassante d'un cycle vicieux, ils n'ont pris garde au sol qu'ils ont foulé. Couchée, entaillée et violée, l'herbe se redresse lentement, s'aidant du souffle d'un automne affolé. La saison hésite, incertaine, effeuille anxieusement les arbres d'une parure devenue pourriture. Que faire de cette terre et des créatures qui y fourmillent ? Faut-il en balayer les cendres ou y planter de l'or ?
D'autres questions lui font comité alors qu'il s'avance vers les remparts et la plus proche de leurs percées.
Une voix rauque l'interpelle... comme prévu, l'entrée est gardée.
Eh ! Bouge plus. Tu viens d'où ?
L'ouest est pointé du doigt, sombre horizon que les premiers rayons de soleil lorgnent sans vergogne... trois mers et autant d'îles au bout de l'ongle incarnées. L'homme d'armes a-t-il assez voyagé, connu le tourment des flots pour ne piper mot à l'évocation de cette direction ? Il acquiesce d'un hochement de tête, comme fatigué du contrôle des identités, réalisant qu'on ne peut figer le mouvement.
Par contre... c'est quoi ton nom ?
Portes de la ville fixées du regard.
Maintenant, ouvrez-vous...
Le Fou.
Premier acte...
Il est rentré avec la tranquillité des inconnus qu'on ignore, insoumis aux courants inquisiteurs des gardiens de la cité du fleuve. Le pavé a claqué avec espoir, effleuré du bout de ses pieds bottés de noir. Craint-il les semelles royales promises à grand renfort d'étendards ? La clameur des défenseurs les a dispersés au loin, trop près encore pour que quiconque puisse crier victoire. On entend des cris de guerre, naïfs et solitaires. Croyances et violences s'affrontent en rangs serrés au milieu d'un champ de bataille illusoire. Indifférent à la fin du monde, un duché se meurt, étouffé par le règne des non-dits et l'assentiment coupable de ses rares opposants.
Pardi ! La démence cherchait un logis, elle l'a trouvé.
Ithaque ?
Mieux...
Angers.
La capitale des éclopés fait pâle figure en ces temps d'envergure. Une poignée de soldats guette les allées et venues d'une foule dispersée, ternissant de lassitude son uniforme décousu. Même les murs demandent grâce à l'époque qui les éprouve à force de silence, espérant du juge un verdict sans appel. L'abcès des vieux ans ne demande plus qu'à crever... pour que naisse ailleurs, ici, un royaume de grotesque et d'épopées. Il accélère. Le coin d'une rue est passé. Un clignement, et la vision d'un palais s'impose dans un surprenant tourbillon de créneaux volants.
Château, mon beau château !
Dis-moi quel trône est le plus beau.
Les heures passent sans s'arrêter. Selle, cheval et étriers sont laissés au bon cur du marché. Débarrassé de ses jouets de cavalier blanc, il retrouve l'allure des marcheurs et la ligne qui est la leur. Il lui faut quitter la capitale et tâter des cases les plus brûlantes de l'échiquier... assurer la promotion d'un pion, guider ses actions. Instructions ont été données pour qu'un joli pli lui soit remis avant la surprise de son arrivée. Jouissance de l'imminence ! La compagnie des masures bourgeoises n'est déjà plus d'actualité. Le chemin siffle et serpente entre des branches menaçantes, frissonne aux cris étranges des hiboux, des chouettes, et fraie avec le mystère nocturne de la campagne angevine. Les eaux de la Loire coulent derrière lui sans précipitation. Une nuit de plus, mais sur une route dont les rêves ont fini par le hanter...
Saumur apparaît enfin, baignée de l'aube et de ses alluvions.
Il ralentit. Quelques cailloux, un jet de pierres à traverser. Les yeux bruns s'attardent aux alentours, tombent au sol, suivent la trace laissée par la déchéance armée d'une majesté d'arrogance. Que d'hommes, que d'hommes ! Témoins malheureux de la fin fracassante d'un cycle vicieux, ils n'ont pris garde au sol qu'ils ont foulé. Couchée, entaillée et violée, l'herbe se redresse lentement, s'aidant du souffle d'un automne affolé. La saison hésite, incertaine, effeuille anxieusement les arbres d'une parure devenue pourriture. Que faire de cette terre et des créatures qui y fourmillent ? Faut-il en balayer les cendres ou y planter de l'or ?
D'autres questions lui font comité alors qu'il s'avance vers les remparts et la plus proche de leurs percées.
Une voix rauque l'interpelle... comme prévu, l'entrée est gardée.
Eh ! Bouge plus. Tu viens d'où ?
L'ouest est pointé du doigt, sombre horizon que les premiers rayons de soleil lorgnent sans vergogne... trois mers et autant d'îles au bout de l'ongle incarnées. L'homme d'armes a-t-il assez voyagé, connu le tourment des flots pour ne piper mot à l'évocation de cette direction ? Il acquiesce d'un hochement de tête, comme fatigué du contrôle des identités, réalisant qu'on ne peut figer le mouvement.
Par contre... c'est quoi ton nom ?
Portes de la ville fixées du regard.
Maintenant, ouvrez-vous...
Le Fou.