Matalena
Ce RP est ouvert à toute personne se trouvant dans le campement de l'armée "Venetario vel Nex!" ou alentours et souhaitant assister à une prêche réformée. Merci, bien entendu, de respecter les règles de la cohérence et de la politesse. Toute intervention à visée perturbatrice fera l'objet d'une demande de suppression.
Le jour posait sur le campement son éternel regard neutre, indifférent aux affaires des Hommes. Plutôt clément pour la saison, il entreprit de dispenser sur les corps fatigués, arrachés qui à sa tente pour les plus riches, qui à son lit de camp pour les plus indigents, lumière et chaleur malgré le mois d'octobre. Pas de tocsin dans cette armée disparate où se côtoyaient nobles et gueux, Ponantais, Guyennois, et bien d'autres encore. Un maelström de tenues, d'accents et dhabitus, concentré de vies et de vie en une solution des plus denses, riches d'échanges, de découvertes, et de ces évènements qui, même minimes, vous changent une existence.
Vous changent une personne.
Chacun pourtant s'était levé aux aurores, vaquant à ses occupations quotidiennes qui vous tirent d'un sommeil plus ou moins réparateur pour remettre en phase la chair et la pensée. Une gigantesque scène de famille où l'on ne voyait de droite et de gauche que préparations de repas, habits froissés que l'on superpose, toilettes sommaires autour de seaux de bois. Des mines sombres, préoccupées d'un avenir aux coloris douteux, des rires.
A l'aube pourtant, se tenait au loin la silhouette, toute de noire vêtue, de l'ascétique pasteur réformée répondant au nom trop bien porté de Matalena. Mata, pour les intimes et connaisseurs, peu nombreux fort heureusement. Elle avait choisit un terrain vague que rien ne différenciait des autres alentours. La même herbe coupée rase par les pieds innombrables qui l'avaient parcourue. La même terre dure et sèche où chacun pourrait s'asseoir sans trop se dégueulasser les nippes. L'un dans l'autre, ce lieu ne changeait pas trop de la clairière dans laquelle ses frères et surs de foi se retrouvaient depuis des lustres pour effectuer leurs Lectures et partager leurs croyances. Il est ceci de pratique avec un culte qui ne sembarrasse de contexte qu'on le peut pratiquer partout...
Avant de venir, la jeune femme avait pris la peine de sentièrement laver, ainsi que se doit pour faire montre du respect dû à un moment de prière. Et rien de plus : le partage de la pitance viendrait plus tard. Elle avait donc patienté, laissant le temps à d'autres moins insomniaques de parvenir jusqu'au lieu-dit et prendre place. De nombreuses têtes attendues, et très en attente de voir ce que le culte réformé avait à proposer, ce qu'elle même avait dans le ventre. Si une angoisse aurait pu être à craindre, un stress quelconque devant l'assemblée, il n'en était rien. C'est sereine que la petite brune s'était tenue là, soumise aux regards et aux jugements, ayant pour objectif de ne proposer que ce qu'elle avait dans la tête, dans le cur, et que chacun en tire ses propres conclusions.
Lorsque l'assemblée lui parut contenir les principaux éléments qui avaient affirmés leur présence ce jour, la pasteur les salua d'un signe de la tête, avant de commencer.
Frères, Surs, Compagnons et curieux
J'aurais pu aujourd'hui vous proposer une Lecture. Reprendre un de ces textes qui nous est cher, le citer ensemble, gardant nos pensées dans les secrets de nos êtres sans les partager plus avant... Et laissant à chacun la méditation et l'interprétation propre d'une parole sacrée.
Mais là n'est pas le choix que j'ai fais.
J'aurais pu également vous parler d'amour. Dapaisement. De ces mots qui nous sont chers et que l'on aimerait tant entendre dans ces moments de combats et de souffrance que nous gérons tous avec plus ou moins de difficultés. De ces notions qui font que ceux qui parmi vous ne connaissent point notre religion se plaisent à la penser accessible, agréable à lil comme à l'oreille en ce qu'elle prône une foi plus pure, plus libre, et peut-être un jour fassent le choix de rejoindre nos rangs.
Mais là n'est pas le choix que j'ai fais.
Non.
Aujourd'hui, je veux vous parler de guerre. D'affrontement. Car dans la réalité qui oppose lÉglise aristotélicienne romaine à lÉglise aristotélicienne réformée, il n'est point de délicats jeux d'illusions possibles, et point de répit.
Vendre du rêve aux ignorants, les dominer, se faire maîtres de leurs curs et de leurs esprits ne nécessite que deux choses : peur, et promesses. La peur de l'excommunication, d'un refus définitif de l'accès au paradis par la décision d'un seul homme de sang si l'on se mal conduit. Et qu'est-ce, que se conduire mal pour mériter cela ? Est-ce commettre le péché de chair avec un autre que sa femme ou son mari ? Non. Est-ce tuer ? Non plus. Voler ? Toujours point. En vérité, le plus simple moyen d'accéder à cette sentence, c'est se libérer du joug de lÉglise romaine et choisir une autre voie. Les promesses, se sont celles de l'absolution, le pardon accordé par ce même homme de sang qui, sous réserve de lui raconter toutes nos mauvaises actions, se verrait investit du pouvoir divin de nous laver de nos pêchés. Et comment accéder à ce pouvoir divin ? En devenant membre de lÉglise, soit en faisant des études. En somme, comme si apprendre des manuels donnait la possibilité d'user de la Grâce du Très Haut selon son bon plaisir.
Il en est beaucoup parmi nous qui, au cours de leur vie, ayant constatés les ravages d'une croyance aussi néfaste, se sont interrogés. Et s'interroger, ici, est déjà un péché. Car en s'interrogeant on commence de douter, et qu'à trop douter on en vient à penser vraiment, et librement. Et cela est inacceptable. Certains ne parviennent à franchir le pas. J'ose croire cependant que Deos veille à placer sur la route de chacun des opportunités, des personnes et des rencontres qui, à défaut de parcourir pour nous la route que chacun se doit de tracer par lui-même, nous offrent des indices, des clés, que l'on utilise ou non.
Elle s'accorda une pause de quelques instants, laissant les deux billes glacées de ses yeux noirs parcourir l'assistance, s'arrêtant sur certains visages comme pour leur adresser un message plus personnel qui n'aurait pas sa place ici. Une pensée particulière pour chacun. Leurs situations étaient, pour la plupart, bien connues d'elle.
En sus de se proclamer, donc, détenteurs de la Vérité Divine, certains usent bien volontiers de leurs prérogatives sur le territoire de France pour imposer leurs lois. Martyriser, condamner à l'exil, retirer de la politique celles et ceux qui ne conviennent point à leur parfait plan de soumission dictatoriale.
On me parle de paix, d'un amour universel possible entre nos deux croyances ? Je dis qu'il n'existe pas. Qu'il a déjà été foulé aux pieds par ceux là même qui se plaisent à déclarer félons et amateurs de violence les libres penseurs et réformés. Combien d'entre nous ont déjà souffert de mauvais traitements, de la méfiance malveillante, du mépris, jusqu'à même qu'on leur retire leur statut d'être humain ?
En cela, la neutralité ne saurait exister.
Faut-il accepter de les laisser dominer en Seigneurs et Maîtres, d'étouffer les voix de ceux qui veulent savoir, de ceux qui veulent comprendre autrement ?
Faut-il accepter de laisser nos égaux sous le joug de ces parjures, insultes à la face du Très Haut, pantomimes se prenant pour ses envoyés particuliers ?
Je crois qu'il faut combattre.
De nouveau, un temps.
J'aimerai conclure mon intervention par le rappel des fondements de notre foi. Ceux qui les connaissent et le souhaitent peuvent reprendre avec moi...
La jeune femme se redressa, campée sur ses jambes minces, et accola ses mains l'une à l'autre, bien à plats devant elle.
Dieu seul est le grand juge.
Nous croyons et confessons qu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui est une seule et simple essence spirituelle, éternelle, invisible, immuable, infinie, incompréhensible, ineffable, qui peut toutes choses, qui est toute sage, toute bonne, toute juste, et toute miséricordieuse.
Puis sa voix retomba, aussi légère qu'elle avait été forte... Retrouvant l'effacement qui était quotidiennement sien, quand la force avait coulé dans ses veines et sa voix alors qu'elle s'adressait à d'autres au sein de sa fonction.
Merci de m'avoir écoutée.
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