Ellya
En Guyenne, plus que dans n'importe quel autre duché, le pain est sacré. Il est préférable de culbuter la femme du voisin plutôt que de lui prendre le pain sous le nez. Gare aux fous qui oublieraient tout cela...
Sur les routes de cet intriguant duché voyageait l'Oblate Cistercienne. Elle avait pourtant longtemps hésité avant d'entreprendre ce périple.
Raison première: son maistre et époux lui avait formellement interdit de quitter leur demeure, par crainte d'abîmer de la sorte leur descendance.
Raison deuxième: en des temps aussi conflictuels, il était ardu de trouver un fiacre et la jeune Watelse ne maîtrisait en rien la montée de cheval -comme toute autre montée.
Raison troisième et non la moindre: la lettre qu'elle avait reçue et qui était à l'origine de tout cela était pour le moins obscure.
Citation:Du tribunal du Comté
Avis d'appel à témoignage dans le pr
Par la présente, le tribunal du Comté vous informe que vous avez été appelé à témoigner dans le cadre du procès pour trouble à l'ordre public de ERSINN .
Vous pouvez témoigner dès aujourd'hui, en vous rendant au Palais de Justice.
Dès aujourd'hui, dès aujourd'hui... Il y avait de la route jusqu'à Bordeaux, pourtant. Entre le message concis et les lettres avalées, il était difficile de saisir le pourquoi du comment. Ce n'était donc ni par devoir, ni par acquis de conscience qu'elle se rendait au tribunal. La curiosité seule agissait.
[Tribunal du duché]
Jamais, ô grand jamais, la nonnette n'avait mis les pieds dans un tel lieu. Et ce n'était pas pour lui déplaire. Une fois arrivée dans le bâtiment censé rendre justice, elle réalisa donc ne pas savoir à qui s'adresser ni où se rendre précisément.
Elle sauta donc sur le premier pequenot venu.
Adishatz mon brave, que le Très-Haut vous bénisse! Est-ce que vous...
Pauvre hère qui l'ignora de pied et en cap et continua son chemin. Dépitée, elle s'en alla donc chercher de l'aide ailleurs. Mais après plusieurs heures -selon sa conception du temps- passées à ne rien trouver, elle finit par revenir à la case départ et donner de la voix.
Par tous les saints, veut-on que je témoigne ou zut?_________________
Ersinn
Le procès suivait tranquillement son cours. L'accusation ridicule de l'adversité, lui reprochant de ne pas respecter le testament d'un hérétique en ayant acheté une dizaine de pains à 2 écus.. Sa défense.. Les divers témoignage.. Tout ça pour une banale histoire de pains !
Ersinn pourrait en rire ! Mais les circonstances ne s'y prêtait pas trop. Il fulminait encore intérieurement contre Sancte et sa stupide action de listage. Vouloir "rendre service" au pays qui, en fin de compte, le renie totalement. Bref, le lorrain ne rejetait pas la faute sur son ami Taiwen, mais plutôt sur cet imbécile d'excommunié.
Prendre cela avec humour n'était pas possible. Il avait collé un bâton dans les roues de la médisante et irrespectueuse mairesse de Marmande, et rien que pour cela, il pouvait s'autoriser à esquisser un léger sourire.
Narguer Lysope l'aurait, en temps normal, bien amusé, puisqu'Ersinn était presque sûr de sa victoire, grâce à sa collaboration son avocat, Maitre Philipus Aficus, qui l'avait grandement aidé dans cette affaire. Il lui avait assuré d'être gagnant sur le point de vue juridique, et Ersinn le croyait fermement, ne se sentant pas le moindre du monde comme un "voleur", comme se plaisait à le désigner Lysope.
Mais, l'absence d'un juge avait fini par lasser Ersinn, qui avait quitté la salle. Il avait un voyage à préparer, et sa femme à voir.
Dehors, l'air frais lui fit du bien, et il s'arrêta brusquement au milieu de la rue, fermant les yeux. Un soupire franchit ses lèvres, et il resta ainsi quelques instants avant de finalement se reprendre, et de poursuivre sa route.
Ersinn
Les rues de Bordeaux n'étaient pas très bondés, chose guère surprenante avec l'agitation qui régnait sur les remparts et au-delà.
Tant mieux..
Mais il n'eut même pas le temps d'affirmer que personne n'aurait le temps de l'importuner que, déjà, une femme agitait ses bras. Ou .. Non, elle portait quelque chose, que la distance ne permettait pas de distinguer clairement. Mystère..
Intrigué malgré sa fatigue, il s'approcha, d'un pas méfiant, jusqu'à ce qu'il remarque qu'il sagissait de la sacristine. Ellya... Ellya ?! Encore une fois, elle était parvenue à se métamorphoser. Impressionnant.
Ah, c'est vous, grommela-t-il, un sourire flottant néanmoins sur ses lèvres. Un court silence, puis.. Je suis content de vous voir, Ellya.
Pouffant brièvement, il poursuivit, avec enthousiasme :
Superbe prestation,tantôt, daunà, vraiment.. Vous m'avez épaté!
Le ton respirait la plaisanterie, et les yeux du lorrain étincelait.
Le fait de me voir dans le rang des accusés vous ferait-il bafouiller, ou hésiter ?
Suis-je à ce point.. "troublant" ?
Il s'esclaffa, brièvement, avant de lui sourire.
Il avait partiellement oublié ses soucis du moment, et ne cachait pas son éphémère bonne humeur. Il alla même jusqu'à embrasser Ellya sur une joue, toujours très souriant, la voyant rougir.
Sacré Uriel, il en sait des choses, n'est-ce pas ?
Lui décochant un clin dil, il posa enfin les yeux sur le tissu qu'elle portait. La déduction fut immédiate : le fameux cadeau de départ.
La curiosité d'Ersinn avait été, pour une fois, poussée à son maximum. Il s'efforça de cesser de fixer le tissu, et tourna plutôt les yeux vers Ellya. Sa grande joie avait disparu, mais il n'en était pas pour autant de mauvaise humeur.
Le retour à la réalité. Le rappel de son départ. Et... Un souvenir à emporter?
S'il ne s'agissait pas d'un cadeau empoisonné, on ne sait jamais, avec une sacristine.
L'ébauche d'un sourire se dessina sur ses lèvres. A cette idée, il réalisait qu'Ellya lui manquerait très certainement.
Ersinn
Surprise.
Ersinn considéra la bague, avec émerveillement.
Fascination. Immobile, il se contentait de toucher l'objet du regard..
Par Dieu. C'est bien loin de ce que je pouvais imaginer..
Il fut de suite pris d'un soupçon de remord. Peut-être que, finalement, elle méritait sa confiance.. Mais, une clochette intérieure sonnait en lui, le rappelant à l'ordre. Clignant des yeux, il secoua légèrement la tête. Qu'importe, le pardon est acquis.. Et c'est trop tard.
Quel présent, Ellya.. Je ne sais pas si je peux me permettre d'accepter ceci..
L'usage que j'en ferais me rendrait peut-être encore plus troublant..
Il esquissa un sourire allusif, mais s'avança d'un pas, pour s'emparer de l'anneau. Il le tourna dans tout les sens, pour rendre compte de sa qualité, avant de l'enfiler à l'index de la main gauche.
Ellya..
Ne trouvant pas ses mots, il dut détourner les yeux, pour mieux se concentrer.
J'accepte ce présent avec honneur. Mmh.. Il me surprend, effectivement, vous êtes décidément très perspicace..
Léger sourire.
L'on m'offre rarement quelque chose, comme vous pouvez vous en doutez. Si je reçois quelque chose, cela signifie que je le mérite vraiment. Est-ce vrai pourtant, ici ? Je ne saurais dire. Vous peut-être que si. Vous seriez capable d'expliquer tout et n'importe quoi, bornée comme vous êtes. Il n'y avait point d'animosité dans ses mots, mais juste du simple malice. Mais je crois bien que la réponse n'a aucune importance. Celle-là, du moins.
Il se pencha un peu plus en avant, accrochant son regard, les sourcils très légèrement froncés. Il poursuivit sur le ton du secret :
.. Je sais au final que vous méritez une certaine réponse. Une réponse qui, c'est certain, appellera de nombreuses autres questions.. Mais ça, c'est loin d'être une surprise..
Il lui sourit une nouvelle fois, presque attendri.
Puis, l'air grave, il continua dans sa lancée.
Ellya, vous vouliez savoir qui je suis.
Considérant cette bague, je me demande si vous n'avez pas tout compte fait découvert par vous-même.
Il agita sa main gauche, y dirigea son regard, et, lentement, fit jouer le mécanisme, révélant cette poudre pâle, dont il avait deviné la nature au premier coup d'oeil. Il s'abstint de lui demander comment elle se l'était procuré. Je ne sais rien de l'éducation de ces nonnes, songea-t-il.
Il releva les yeux, après avoir refermé la "cachette".