L'entrevue part en sucette. L'arrivée d'une certaine rousse dans une atmosphère disons... Tendue, n'avais pas arrangé la situation.
"Vous avez changer de département, vous nêtes plus au service dun roi nayant que de petite cible à vous mettre sous la dent ou quelques hommes en armures à abattre ici vous avez le talent pur à la cour des miracles."
Dit donc, il se prenait pas pour de la m*rde le basilisk. Trop sûr de lui à mon goût. J'ai bien envie de lui en causer, de ses cibles, à lui: des vieillards, des femmes, des enfants, des hommes sans défense. Facile de se dire bon bretteur façe à des gens sans défenses veules, faibles, non? Pour ma part, je n'aime pas tuer comme cela, comme à l'abattoir. Je le fais i on me l'ordonne, mais je n'aime pas ça.
Je n'aime pas tuer tout court, je n'y trouve nulle jouissance; je considère l'acte de tuer au combat comme le paysan fauche son blé: un métier, un gagen-pain, un acte journalier et quotidien, qu'on répète aussi souvent qu'il le faut, rien de plus. C'est mon quotidien, au même titre que d'affronter par ce biais la dame à la faux. Que puis-je rechercher par cette lutte sans fin contre celle qui m'emporteras? Je n'en sait rien moi-même: volonté d'aller au-devant de mon destin, moyen de vivre, tout simplement?
Mais, c'est vrai, ce petit vaniteux gonflé d'orgueil a raison: les Grands d'Espagne ne valent pas des fous sanguinaires comme cette rousse demeurée. Les Rois de Castille et d'Aragon ne le valent point, lui, drapé dans sa superbe de petit chef de bande. Les cavaliers maures, montant leurs petits chevaux arabes, qui se jettent sur vous en nués hurlantes, ne valent pas son épée. Des milliers d'hommes d'armes s'élançant les uns contres les autres dans le fracas du fer heurtant du fer ne valent pas une poignée de ses brigands hommes de main. Les charges de chevaliers, montés sur leurs énormes destriers bardés de fer, si nombreux et si lourds qu'ils font trembler le sol à une lieue, ne valent pas une de ses embuscade dans une ruelle sordide de la Cour. Les énormes armures de plates des chevaliers, sur lesquelles ricochent les traits et glissent les hallebardes, ne valent pas les pourpoints troués de ses sbires. Les salves de traits si épaisses qu'elle en obscurcisse la lumière du soleil ne valent point le dard d'un malheureux arbalétrier de la cour, c'est également bien connu.
Je me demande à qui j'ai affaire; les véritables meneurs, les chefs, ceux qui nous mènent, nous, mercenaires, jusquau bout du monde, les hommes pour qui nous nous jetteront sur nos épées s'il nous en donnaient lordre, ne sont pas de la même trempe que cet homme, qui me menace. Jamais un véritable meneur n'a besoin de menacer à plusieurs reprises un homme sous ses ordres, car il est censé faire régner la discipline par le respect que nous lui accordons; jamais il ne parlerait autant, car entre un vrai commandant et ses hommes, les paroles sont superflues: ils nous comprennent sans avoir besoin de mots. Je sais que les vrais tueurs, les hommes qui vont vous frapper, ne préviennent pas, pas comme cet homme: ils ne laissent aucune chance à leurs victimes, ils la poignarde sans mots dire. Je sais aussi que les véritables chefs, sont ceux qui savent comprendre leurs hommes, ceux qui connaissent nos angoisses, nos pensées, ceux qui comprennent notre métier, qui comprennent nos bravades, notre volonté de se jeter au-devant de la Mort, nos défis façe à celle qui nous emportera tous. Cet homme, bien qu'il soit sans doute bon combattant, n'est pas de cette trempe. Il n'en a pas le charisme, l'audace, l'expérience nécessaire pour mener ses hommes, pour ne pas leurs dire "En avant!" mais "suivez-moi!". Quand au talent pur qu'il évoque, j'en doute fort. Comme on dit, ce n'est pas le chien qui aboit qui vous mordras: je commence à le soupçonner fortement de cacher la faiblesse de son clan derrière un galimatias de paroles toutes plus creuses les unes que les autres.
Ce flot de paroles m'embrouille: les mercenaires sont bien souvent taciturnes, je ne fais pas exception . Du moins, je ne suis pas habitué à autant parler. De plus, je parle arabe, castillan, mais j'ai encore du mal avec la langue doïl, si différente du dialecte méditerranéen qui m'est si cher. J'ai l'habitude de prouver ma valeur plus par des actes que par des paroles.
Il continu son petit discours de bienvenue, si tant est que s'en est un; je me retient de lui demander si sa langue ne serait pas sa seule arme.
"Diego bienvenue dans la cour des grands.
Les choses sérieuses commencent à l'instant. "
La Cour des grands? Je me croyais à la Cour des Miracles ici, jamais entendu parler de la cour des grands!! Surtout qu'ici, je domine tout les autres présents de la tète et des épaules. Nan, blague à part, franchement sa cour des grands, c'est l'école du massacre de mendiants pour les nuls, si j'en juge sur ce que je sais.
Les choses sérieuses, un peu comme tuer des enfants, des femmes, des vieillards et des hommes faibles et désarmés? Si tel est le cas, je viens de bien plus haut alors, car dans ma "cour", à moi, on se bat hommes contre hommes, épée contre épée, et on n'affirme pas sa puissance sur de pauvres hères sans défenses.
Je sourit sarcastiquement. Je n'ai pus mempêcher de lui clouer le bec, à ce geai prétentieux et beau parleur; c'était vraiment trop tentant. Je me lève.
Pas besoin de m'accompagner, je saurais encore retrouver la porte.
Je suis sur mes gardes, j'ai pris auparavant l'assurance de vérifier discrètement que mon large coutelas est bien à ma portée, prêt à être tiré. Je sais ce que je risque dans cette cour où rôdent la lie de Paris, surtout après avoir provoqué le maître des lieux.