Ignatus
ZZzzZZzzZZzz.
Qu'il est beau le blond quand il ronfle, on dirait un bouton d'or qui rousse. Autant dire qu'il fouette, ça remugle à quinze pas, il a pas vu la couleur de l'eau depuis des lunes, même que brièvement la couleur du pain. C'est l'hiver qui arrive quand les feuilles se mettent à roussir, blondin n'en est plus au mitan de sa vie, c'est passé ça, maintenant il commence à attendre que ça finisse, il ronge les dernières miettes en guettant l'horizon qui se rapproche. Pas grasses les miettes, mais quand on vagabonde, faut pas s'attendre à mordre dans les pigeons, juste du rassis, parfois des postillons. Et dormir. Il a dégotté une ruine sur le bord d'un chemin d'Alençon, un tas de pierre qui ressemble à où les bergers allaient se réchauffer le fion après les sales nuits. Maintenant il n'y a plus de bergers, peut-être que c'étaient des faucheurs aussi, et puis la ruine n'est pas si au bord, elle est dans la fosse, on en voit à peine le toit. Blondin ronfle pas paisiblement dans son boyau de champ, il a fait des bêtises. Des bêtises qui tournent le cerveau.
Le diogène se réveille quand le merle arrête de chanter. Ce qui lui sert encore de tête se met en branle, la carne vient après, il se retrouve hors de sa ruine. S'il plissait ses billes il verrait au loin d'autres comme lui qui pressent le pas, mais il plisse pas Blondin, il regarde droit devant, bien rectiligne et bien con. Devant il a des poussières, et puis des herbes, et puis une ligne grise - ça c'est l'horizon. Alors, ça se rapproche ou ça se rapproche bien ? Il garde sa paire de noires sur la ligne, l'horizon s'est bien avancé depuis quelques jours, un peu plus vite que les autres fois, bien célère, preque pressé de lui arriver aux chausses qu'il croirait. Quelques mauvaises semaines dans l'Alençon, quelques bouchées, Blondin renifle. Il va falloir se dégourdir la voix maintenant, râclage de gosier et articulations de conneries, il se prépare, il prépare un poème, parce que c'est un poète, le roi des poètes, l'empereur de la rime des péquenauds. Le pire c'est qu'il y réfléchit, il y arrive encore. Il schlingue le rouge.
Il lui dit à l'horizon, qu'il peut venir, il lève pas les bras parce que c'est pas du théâtre, et parce qu'il n'y pense pas, mais il attend, viens l'horizon, zonzon, ramène-toi sur le chemin, aggrippe ma blondeur, mes mèches d'or pleines de galopards, et passe par-dessus, qu'on en finisse, puis va plus vite, marche mieux quoi, articule, fonce, survole, fais ton ange, Blondin est juste là, il irait pas se barrer il a déjà vu toute la Gaule sans regarder, effleuré des marcheuses sans les tâter, aimé sans le dire ou sans le savoir, même qu'il s'est amené près des terres d'Espagne, où il y a avait d'autres marcheuses encore, qu'il a pas regardé non plus ; il a foulé tellement de terre qu'elle s'est fourrée dans ses chevilles, et qu'elle s'est amassée jusqu'aux mollets, et puis jusqu'au nez maintenant, il respire mal. C'est peut-être le rouge aussi, le gars a dit qu'il cognait desfois, mais le vagabond pense que c'est la terre, même que la terre y en a partout et pas que sous les ongles, elle lui gratte sous le crâne. Et puis l'horizon s'amène finalement.
Deux heures plus tard Ignatus est près de sa ruine, il ronfle encore, mais cette fois-ci il décuve. C'est moche mais c'est toujours mieux, il a les paupières moins livides. La ligne est toujours grise mais toujours loin, et Blondin rêve de grenouilles et d'ingénieur, de l'ingénieur Pinaud qui a construit une immense grenouille mécanique, mais peut-être qu'on lui a moitié lu d'un livre quand il était petit, si tant est qu'il ait un jour été marmot. La grenouille finit par manger l'ingénieur Pinaud, mais c'est pas grave, c'est juste drôle, parce qu'il pousse des cris de femme pendant qu'elle l'ingère dans ses rouages. Il irait pas jusqu'à sourire, il est trop plongé dans son roupillon. Il entend même pas les bruits de pas qui se rapprochent un peu, et puis qui s'arrêtent à côté de sa tête. Non pas, il ronfle, et puis il se roule dans l'herbe en enfonçant le nez dans un bout de nippe jeune, ça sent meilleur dans le blanc que les remugles de pinard qui lui filent par les pores - après tout faudra bien que ça sorte.
Qu'il est beau le blond quand il ronfle, on dirait un bouton d'or qui rousse. Autant dire qu'il fouette, ça remugle à quinze pas, il a pas vu la couleur de l'eau depuis des lunes, même que brièvement la couleur du pain. C'est l'hiver qui arrive quand les feuilles se mettent à roussir, blondin n'en est plus au mitan de sa vie, c'est passé ça, maintenant il commence à attendre que ça finisse, il ronge les dernières miettes en guettant l'horizon qui se rapproche. Pas grasses les miettes, mais quand on vagabonde, faut pas s'attendre à mordre dans les pigeons, juste du rassis, parfois des postillons. Et dormir. Il a dégotté une ruine sur le bord d'un chemin d'Alençon, un tas de pierre qui ressemble à où les bergers allaient se réchauffer le fion après les sales nuits. Maintenant il n'y a plus de bergers, peut-être que c'étaient des faucheurs aussi, et puis la ruine n'est pas si au bord, elle est dans la fosse, on en voit à peine le toit. Blondin ronfle pas paisiblement dans son boyau de champ, il a fait des bêtises. Des bêtises qui tournent le cerveau.
Le diogène se réveille quand le merle arrête de chanter. Ce qui lui sert encore de tête se met en branle, la carne vient après, il se retrouve hors de sa ruine. S'il plissait ses billes il verrait au loin d'autres comme lui qui pressent le pas, mais il plisse pas Blondin, il regarde droit devant, bien rectiligne et bien con. Devant il a des poussières, et puis des herbes, et puis une ligne grise - ça c'est l'horizon. Alors, ça se rapproche ou ça se rapproche bien ? Il garde sa paire de noires sur la ligne, l'horizon s'est bien avancé depuis quelques jours, un peu plus vite que les autres fois, bien célère, preque pressé de lui arriver aux chausses qu'il croirait. Quelques mauvaises semaines dans l'Alençon, quelques bouchées, Blondin renifle. Il va falloir se dégourdir la voix maintenant, râclage de gosier et articulations de conneries, il se prépare, il prépare un poème, parce que c'est un poète, le roi des poètes, l'empereur de la rime des péquenauds. Le pire c'est qu'il y réfléchit, il y arrive encore. Il schlingue le rouge.
Il lui dit à l'horizon, qu'il peut venir, il lève pas les bras parce que c'est pas du théâtre, et parce qu'il n'y pense pas, mais il attend, viens l'horizon, zonzon, ramène-toi sur le chemin, aggrippe ma blondeur, mes mèches d'or pleines de galopards, et passe par-dessus, qu'on en finisse, puis va plus vite, marche mieux quoi, articule, fonce, survole, fais ton ange, Blondin est juste là, il irait pas se barrer il a déjà vu toute la Gaule sans regarder, effleuré des marcheuses sans les tâter, aimé sans le dire ou sans le savoir, même qu'il s'est amené près des terres d'Espagne, où il y a avait d'autres marcheuses encore, qu'il a pas regardé non plus ; il a foulé tellement de terre qu'elle s'est fourrée dans ses chevilles, et qu'elle s'est amassée jusqu'aux mollets, et puis jusqu'au nez maintenant, il respire mal. C'est peut-être le rouge aussi, le gars a dit qu'il cognait desfois, mais le vagabond pense que c'est la terre, même que la terre y en a partout et pas que sous les ongles, elle lui gratte sous le crâne. Et puis l'horizon s'amène finalement.
Deux heures plus tard Ignatus est près de sa ruine, il ronfle encore, mais cette fois-ci il décuve. C'est moche mais c'est toujours mieux, il a les paupières moins livides. La ligne est toujours grise mais toujours loin, et Blondin rêve de grenouilles et d'ingénieur, de l'ingénieur Pinaud qui a construit une immense grenouille mécanique, mais peut-être qu'on lui a moitié lu d'un livre quand il était petit, si tant est qu'il ait un jour été marmot. La grenouille finit par manger l'ingénieur Pinaud, mais c'est pas grave, c'est juste drôle, parce qu'il pousse des cris de femme pendant qu'elle l'ingère dans ses rouages. Il irait pas jusqu'à sourire, il est trop plongé dans son roupillon. Il entend même pas les bruits de pas qui se rapprochent un peu, et puis qui s'arrêtent à côté de sa tête. Non pas, il ronfle, et puis il se roule dans l'herbe en enfonçant le nez dans un bout de nippe jeune, ça sent meilleur dans le blanc que les remugles de pinard qui lui filent par les pores - après tout faudra bien que ça sorte.