Coccygrue
Un mince rayon de soleil vint chatouiller la paupière de Coccy. Elle ouvre un oeil puis le referme aussitôt. La lumière agresse sa rétine. S'habituant quelque peu au jour naissant, elle ouvre à demi ses mirettes. Une envie, une idée, un sourire.
Elle se retourne sur sa couche et regarde le p'tit Claude qui dort encore à poings fermés. Tant pis, l'idée est trop bonne.
Tout doucement elle s'approche de son oreille et lui susurre.
-'Tit Claude...h" 'tit Claude...réveille-toi, j't'emmène à la pêche.
Le fils de Anne se réveille instantanément et s'assoit brusquement sur sa couche.
- Pêcher ? Oui !!!
- Chuuuuuutttt ! Reprit-elle aussitôt ; ça dort encore là-haut. Ne les réveillons pas, allez habille-toi chaudement et en route.
Anne et Tristan ne bronchèrent pas. On entendait deux soufflets de forge se répondant, alternant les RRHAAAAAAAA...avec les RRHEEEEEEEE...signe évident d'un travail de nuit bien accompli.
Ils sortirent du chalet en catimini, Coccy s'empara d'une longue masse et ils trottèrent sur les étroits sentiers qui menaient au ruisseau de montagne caché sous les sapinières.
- Je vais t'apprendre comment pêcher la truite avec une masse mon neveu. Tu verras, c'est pas commun mais très efficace.
Ils marchèrent un long moment jusqu'à un grand saule surplombant l'eau et s'arrêtèrent. Se tapirent à plat ventre dans l'herbe humide et la jeune fille murmura à l'intention de Claude.
- Maintenant tu ne dis plus rien. Tu regardes. Tu te transformes en chat épiant un oiseau. Dis-toi que cette truite tu la désires furieusement...tu vois ce gros caillou qui émerge de l'eau ? Probablement une cache pour un beau poisson.
Se fondant dans les herbes, fait rarissime, ils eurent le privilège d'assister à la méticuleuse toilette d'une loutre et au feulement entre les hautes herbes d'un chat sauvage.
Coccy jeta un oeil sur le petit garçon et lui offrit un beau sourire.
- Dis-toi que tu n'es plus un simple pêcheur mais un être sauvage parmi d'autres. Te voici intégré dans le domaine naturel mon p'tit gars.
Ils avaient couvert une bonne lieue depuis le tout petit matin, puis une autre le long de la rivière ; à pas de loup, à quatre pattes, à plat ventre, griffés par les ronces, giflés par les branches.
Ah il fallait que ce soit elle ! La belle truite avec tout ce que cela représentait pour que ce dur chemin ne soit qu'une source de joie. Et puis voilà, au détour d'une sapinière, l'endroit. Le lieu où la pécore savait pertinemment que la fieffée ombrageuse, cette garce, se cachait là, attendant simplement qu'un vermisseau ou un insecte quelconque vienne se déposer tout tremblant dans sa gueule.
Elle sortit de sa besace une petite boîte contenant quelques vers qu'elle avait eu bien du mal à trouver tant la terre était gelée en cette saison.
Puis elle fit signe à l'enfant de la suivre en contournant largement la grosse pierre servant de refuge au poisson et se postèrent en amont de cette même pierre.
- Tiens claude, regarde le sens du courant...prends ces vers et jette-les au fil de l'eau dans le courant...voilà...c'est parfait...et maintenant chut !
Ils suivirent des yeux les mouvements des vers qui ondulaient et gigotaient inexorablement emportés par l'eau qui disparaissait sous le rocher.
- Elle est là ! A nous de jouer.
Reprenant chemin inverse, ils retrouvèrent leur place initiale, puis la jeune fille s'empara de la lourde masse. Trop lourde pour elle sans doute, mais sa ténacité et l'envie de faire plaisir au petit bonhomme eurent raison de sa faiblesse musculaire.
Elle entra dans l'eau glacée en aval du rocher, leva bien haut la masse au-dessus de sa tête...un grand HAN ! L'outil s'abat sur le caillou dans un bruit assourdissant se répercutant dans les monts jurassiens sous une gerbe d'écume.
Attendre que l'eau retrouve son calme...
- Regarde ! Claude ! Lavoilà !
Le bruit détonnant de l'outil sur la matière avait déclenché une onde de choc étourdissant le poiscaille. Une belle truite chatoyante, irisée de mille palettes remontait à la surface, inerte.
- Prends-là Claude, passe cette corde par les ouïes. Elle est à toi, et n'aie aucun regret pour l'animal mon neveu, parce-que si un jour tu revenais en ce monde sous la forme d'une truite plus petite que celle-ci, ce beau poisson te mangerais sans l'ombre d'un remords, car sous sa belle robe argentée se cache un coeur plus cruel que tous les autres. La truite mange les siens.
L'enfant s'empara de la truite, et poisson au poing dévala le sentier, heureux comme Baptiste pour rejoindre le chalet de ses parents sous les rires émus de Coccy la tata.
En chemin ils croisèrent Sylvanou le meunier sortant une langue tordue d'ébahissement entre deux chicots noirs...muet d'admiration.
Puis Verna...toujours aussi radieuse.
L'enfant fier de sa prise ne cessait de la brandir devant leurs yeux, puis tous quatre redescendirent vers le chalet.
Sylvanou prit le chemin de son moulin. Coccy accompagna Verna, n'omettant pas de la trousser gentiment au passage et de lui faire part de ses salutations amoureuses ; petite séance au passage pour lui expliquer la définition de l'amour qu'elle connaissait déjà par coeur et sur le bout de la langue, puis la pécore regagne le chalet de sa famille pour savourer la gloire de 'tit Claude.
Tous deux puent le poiscaille, ce qui prouvait qu'ils étaient sans doute mauvais semblable mais du moins bons pêcheurs.
Pour taquiner sa jolie soeur et son frangin, elle leur file un peu de gluance de truite sur les joues et leur murmure un "Bonjour !" plus que coquin.
Elle prit Petit Claude dans ses bras, l'entourant de son estime et de son affection éternelle.
- Tu seras vraiment quelqu'un de bien bonhomme...je suis fière de toi.
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Elle se retourne sur sa couche et regarde le p'tit Claude qui dort encore à poings fermés. Tant pis, l'idée est trop bonne.
Tout doucement elle s'approche de son oreille et lui susurre.
-'Tit Claude...h" 'tit Claude...réveille-toi, j't'emmène à la pêche.
Le fils de Anne se réveille instantanément et s'assoit brusquement sur sa couche.
- Pêcher ? Oui !!!
- Chuuuuuutttt ! Reprit-elle aussitôt ; ça dort encore là-haut. Ne les réveillons pas, allez habille-toi chaudement et en route.
Anne et Tristan ne bronchèrent pas. On entendait deux soufflets de forge se répondant, alternant les RRHAAAAAAAA...avec les RRHEEEEEEEE...signe évident d'un travail de nuit bien accompli.
Ils sortirent du chalet en catimini, Coccy s'empara d'une longue masse et ils trottèrent sur les étroits sentiers qui menaient au ruisseau de montagne caché sous les sapinières.
- Je vais t'apprendre comment pêcher la truite avec une masse mon neveu. Tu verras, c'est pas commun mais très efficace.
Ils marchèrent un long moment jusqu'à un grand saule surplombant l'eau et s'arrêtèrent. Se tapirent à plat ventre dans l'herbe humide et la jeune fille murmura à l'intention de Claude.
- Maintenant tu ne dis plus rien. Tu regardes. Tu te transformes en chat épiant un oiseau. Dis-toi que cette truite tu la désires furieusement...tu vois ce gros caillou qui émerge de l'eau ? Probablement une cache pour un beau poisson.
Se fondant dans les herbes, fait rarissime, ils eurent le privilège d'assister à la méticuleuse toilette d'une loutre et au feulement entre les hautes herbes d'un chat sauvage.
Coccy jeta un oeil sur le petit garçon et lui offrit un beau sourire.
- Dis-toi que tu n'es plus un simple pêcheur mais un être sauvage parmi d'autres. Te voici intégré dans le domaine naturel mon p'tit gars.
Ils avaient couvert une bonne lieue depuis le tout petit matin, puis une autre le long de la rivière ; à pas de loup, à quatre pattes, à plat ventre, griffés par les ronces, giflés par les branches.
Ah il fallait que ce soit elle ! La belle truite avec tout ce que cela représentait pour que ce dur chemin ne soit qu'une source de joie. Et puis voilà, au détour d'une sapinière, l'endroit. Le lieu où la pécore savait pertinemment que la fieffée ombrageuse, cette garce, se cachait là, attendant simplement qu'un vermisseau ou un insecte quelconque vienne se déposer tout tremblant dans sa gueule.
Elle sortit de sa besace une petite boîte contenant quelques vers qu'elle avait eu bien du mal à trouver tant la terre était gelée en cette saison.
Puis elle fit signe à l'enfant de la suivre en contournant largement la grosse pierre servant de refuge au poisson et se postèrent en amont de cette même pierre.
- Tiens claude, regarde le sens du courant...prends ces vers et jette-les au fil de l'eau dans le courant...voilà...c'est parfait...et maintenant chut !
Ils suivirent des yeux les mouvements des vers qui ondulaient et gigotaient inexorablement emportés par l'eau qui disparaissait sous le rocher.
- Elle est là ! A nous de jouer.
Reprenant chemin inverse, ils retrouvèrent leur place initiale, puis la jeune fille s'empara de la lourde masse. Trop lourde pour elle sans doute, mais sa ténacité et l'envie de faire plaisir au petit bonhomme eurent raison de sa faiblesse musculaire.
Elle entra dans l'eau glacée en aval du rocher, leva bien haut la masse au-dessus de sa tête...un grand HAN ! L'outil s'abat sur le caillou dans un bruit assourdissant se répercutant dans les monts jurassiens sous une gerbe d'écume.
Attendre que l'eau retrouve son calme...
- Regarde ! Claude ! Lavoilà !
Le bruit détonnant de l'outil sur la matière avait déclenché une onde de choc étourdissant le poiscaille. Une belle truite chatoyante, irisée de mille palettes remontait à la surface, inerte.
- Prends-là Claude, passe cette corde par les ouïes. Elle est à toi, et n'aie aucun regret pour l'animal mon neveu, parce-que si un jour tu revenais en ce monde sous la forme d'une truite plus petite que celle-ci, ce beau poisson te mangerais sans l'ombre d'un remords, car sous sa belle robe argentée se cache un coeur plus cruel que tous les autres. La truite mange les siens.
L'enfant s'empara de la truite, et poisson au poing dévala le sentier, heureux comme Baptiste pour rejoindre le chalet de ses parents sous les rires émus de Coccy la tata.
En chemin ils croisèrent Sylvanou le meunier sortant une langue tordue d'ébahissement entre deux chicots noirs...muet d'admiration.
Puis Verna...toujours aussi radieuse.
L'enfant fier de sa prise ne cessait de la brandir devant leurs yeux, puis tous quatre redescendirent vers le chalet.
Sylvanou prit le chemin de son moulin. Coccy accompagna Verna, n'omettant pas de la trousser gentiment au passage et de lui faire part de ses salutations amoureuses ; petite séance au passage pour lui expliquer la définition de l'amour qu'elle connaissait déjà par coeur et sur le bout de la langue, puis la pécore regagne le chalet de sa famille pour savourer la gloire de 'tit Claude.
Tous deux puent le poiscaille, ce qui prouvait qu'ils étaient sans doute mauvais semblable mais du moins bons pêcheurs.
Pour taquiner sa jolie soeur et son frangin, elle leur file un peu de gluance de truite sur les joues et leur murmure un "Bonjour !" plus que coquin.
Elle prit Petit Claude dans ses bras, l'entourant de son estime et de son affection éternelle.
- Tu seras vraiment quelqu'un de bien bonhomme...je suis fière de toi.
HRP : Cette petite partie de pêche est un souvenir de mon enfance , lorsque j'accompagnais mon grand-père le long des petits ruisseaux où ce brave homme exerçait une technique toute particulière de pêche : la pêche à la masse. Efficace je vous l'assure, et (ce qui n'est pas un luxe de nos jours) cent pour cent écologique, ni dégradation de bois, ni fil ni bouchons...
Cet homme d'une grande bonté et d'une extrême générosité a marqué mon existence. Ce que je sais je le lui dois, tant sur le plan spirituel, intellectuel et moral...je désirais simplement lui rendre cet hommage par ce post dans un topic qui également me tient à coeur.
Cet homme d'une grande bonté et d'une extrême générosité a marqué mon existence. Ce que je sais je le lui dois, tant sur le plan spirituel, intellectuel et moral...je désirais simplement lui rendre cet hommage par ce post dans un topic qui également me tient à coeur.
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