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Info:
Suite du périple de Kernos Rouvray à la recherche de Terwagne Méricourt, en terre berrichonne.

[RP] En quête d'espoir - Saison 2

Kernos
Résumé des épisodes précédents:

A la recherche de la femme qu'il aime, disparue des mois, Kernos Rouvray, noble dauphinois, chevauche sur les routes de France sur les traces de sa Dame. En quête d'espoir et de rédemption, il traverse le pays en proie à la guerre avec pour seule compagnie sa monture, ses doutes et ses espérances.

Parti depuis quatre mois de ses terres, il laisse derrière lui le Duché de Bourgogne où ses recherches l'ont conduit à une impasse, pour se rendre dans celui du Berry, terre où son amour vivait avant leur rencontre, habitée par les souvenirs et les fantômes de son ancienne vie et par le spectre, bien présent lui, de la guerre que se livrent l'Alliance du Ponant et les fidèles de la Couronne royale de France.

Franchissant la Loire, il ignore encore ce qu'il trouvera en Berry, ombres du passé ou bien le fil d'une lame...


Chevauché au milieu des fantômes de ton passée et de la campagne désolée

Un halo argenté flottait au sommet des eaux sombres, dansant, ondulant au rythme des clapotis qui résonnaient tout autour de lui, s'accordant avec le claquement régulier des sabots de Grayswandir sur les pavés, le bruissement de leurs souffles et le tintement du métal. Kernos leva les yeux quelques instants, abandonnant le reflet trouble pour contempler l'astre directement et sans intermédiaire trompeur. Pleine, lointaine, étincelante, la Lune était encore présente dans le ciel obscur, son règne ne s'achèverait que dans une pincée d'heures, et c'était ce qu'il avait escompté en abandonnant Cosne bien avant que les laudes ne soient chantées. Voyager de nuit était une arme à double tranchant qu'il fallait utiliser avec précaution: certes le voile des ténèbres vous rend plus difficile à repérer mais la réciproque est valable également, les ombres pouvant accueillir vos ennemis embusqués aussi bien que vous maquer... un risque à courir, mais le jeu en valait la chandelle pour traverser cette région occupée sans trop de dégâts et, dans le cas inverse, c'était une belle nuit pour mourir.

Une foulée de plus. Quelques toises encore et il aurait atteint l'autre rive. Une foulée de plus. Pas de feu de camp aux alentours, ni de torches à l'autre bout du pont, sans doute les armées tourangelles d'occupation préféraient assurer le contrôle des routes menant à Bourges, n'est-ce pas ce qu'ils avaient fait durant la dernière guerre berrichonne? Une foulée de plus. Peut être que la position de Sancerre, entre Domaine Royale et Bourgogne loyale, leur permettait cette liberté, les deux duchés voisins garantissant la stabilité de cette marche pendant que le Conseil de Régence s'occupait de celle du centre de la province. Une foulée encore. Le pont était presque franchi, dans quelques instants il serait sur le sol berrichon, et dans moins de deux heures à Sancerre si tout se passait sans anicroche. Encore une autre foulée. Par sécurité, il vérifia que son épée jouait librement dans son fourreau, même avec un laissé passer de la Régence, on lui avait conseillé d'être prudent, ce qu'il avait fait avant de quitter Cosne en amenuisant sa bourse pour se procurer un gambison neuf et une dague supplémentaire, pas de quoi faire face à une armée mais utile face aux brigands de grand chemin. Une foulée de plus...le sabot avant de Grayswandir résonna d'un son plus mat, ça y est: ils étaient en Berry.

Kernos tira légèrement sur les rênes et tendit l'oreille pour étudier le silence environnant. Pas d'autres bruissements que celui du vent glacial dans les hautes herbes, pas de cris d'alarmes, ni de cliquetis métalliques, pas de flèches s'abattant des cieux pour le clouer à sa monture... rien que le silence de la nature endormie. Le Rouvray se surprit à soupirer de soulagement. Il remit son palefroi au pas et poursuivit son chemin, mieux ne valait pas s'endormir sur ses lauriers, une cible mouvante est plus difficile à atteindre.

Il chevaucha ainsi sur plusieurs arpents. Observant les ténèbres environnantes dans l'espoir de ne rien y déceler d'anormal. Epiant le moindre bruit perçant le silence la main sur la poignée de son épée mais, rien ne se produisit. Tout n'était qu'ombres et quiétude. La voie était déserte et, mis à part le hululement d'une chouette, le ronflement d'un sanglier et les hurlements lointains de quelques prédateurs nocturnes, rien ne venait troubler son avancée. Ce n'était pas pour autant qu'il fallait baisser sa garde, Sancerre était encore loin devant lui et il n'avait emprunté cette route qu'une fois par le passé, de jour qui plus est. La vigilance s'imposait donc pour éviter de se perdre et/ou de tomber dans un traquenard.

Kernos resserra le col de sa cape, un vent glaciale s'était engouffré dans le val qu'il traversait, charriant avec lui quelques nuages qui vinrent voiler l'oeil d'argent. Les ombres s'allongèrent et dansèrent tout autour de lui, tandis que sa perception du monde et la route s'étendant devant lui rétrécissaient à mesure que les nuées se faisaient plus nombreuses à la noce. En quelques minutes, on y voyait comme dans le fondement d'un taureau, le monde n'était plus qu'un vaste brouillard ténébreux, sans haut ni bas, seul subsistaient lui et sa monture, ilot solitaire d'existence au sein du chaos. Le chemin n'existait qu'au moment où Grayswandir posait le sabot dessus, sitôt franchi, il disparaissait derrière eux comme englouti dans l'obscurité qui les suivait à la trace. C'était comme chevaucher à travers l'Ether ... l'Infini... le Néant ou l'Absolu (selon vos convictions du moment).

C'était l'année passée. Ils venaient de parcourir la Bourgogne main dans la main. Comme deux amants nouveaux pour qui le monde existe seulement pour accueillir leur amour. Partageant le même souffle, la même vie, faisant de deux corps et de deux âmes un même Tout, ils avaient laissé l'empreinte de leur passion dans chaque lit d'auberge qu'ils avaient rencontré, parfois sur le sol même de cette terre nourricière et étrangère qu'ils foulaient... La Création était à eux et ils l'emplissaient de leur "Nous", La peignaient à leurs couleurs, L'animaient de leur propre musique. C'était il y a plus d'un an, ils se tenaient tous les deux non loin d'ici, la Lune et le Chêne, Terwagne et Kernos, à la frontière jouxtant le Berry et la Bourgogne. Elle se tenait debout, la main dans la sienne, le visage contemplant les terres de son passé s'étendant face à eux. Si proche et à la fois si lointaine, perdue dans les fantômes anciens de son existence, dans les méandres de cette vie où lui n'existait pas encore, où un autre homme se tenait à sa place... Amour perdu, amour abandonné, vestige d'un conditionnel à jamais révolu... Ils étaient venus pour qu'elle puisse enfin tourner la page, pour fondre ses tourments passés en un présent et un avenir nouveau, plein de promesses et rien qu'à eux. Il fit un pas auprès d'elle, l'enveloppa de ses bras et lui murmura quelques mots ... Tomber... relever... Noyer... plonger... Ses yeux dans les siens, ses lèvres , son souffle et ses mots au creux de son oreille... Ut... La... S'envoler... Sa chaleur, son corps contre le sien, ses bras... Un nouvel horizon s'ouvrait à eux.

Des hommes, il y en avait eu dans sa vie avant qu'ils ne se rencontrent au coeur de l'hiver et de la nuit, dans cette auberge briançonnaise au fin fond des montagnes. Certains ne lui étaient pas inconnu, d'autres que des noms, des ombres sans visage et sans autre consistance que les mots qu'elle avait pu prononcer à leur sujet. Tous ces fantômes qui tournoyaient autour de lui, glissant à la surface des ténèbres. Figures blafardes et fugitives venant se rire de lui, le hanter, le tourmenter, le décourager... Etait-il devenu comme eux? Un souvenir parmi d'autres? Un de ces hommes en qui elle avait cru et qui l'avait abandonné? Etait-il devenu un de ces hommes qu'il avait maudit pour l'avoir brisé? Une source de larmes en plus pour elle?

Etait-ce la fatigue ou la tension engendrées par une vigilance prolongée, ou bien le fait d'errer au travers de l'Abîme enveloppé dans les vapeurs de leurs respirations? Kernos n'en avait pas conscience, mais son esprit s'était égaré dans la nuit, au milieu de ses souvenirs - dont une partie ne lui appartenait pas d'ailleurs- et de ses doutes. Le froid ambiant avait engourdi son corps et sa tête dodelinait au rythme lent du pas de son cheval sur la route droite, l'entraînant inexorablement dans les brumes du sommeil.

Ce n'est qu'une heure plus tard, quand les rayons du soleil naissant vinrent disperser les ombres, que les paupières du Rouvray s'ouvrirent pour découvrir les murailles de Sancerre qui se profilaient au loin, au sommet de leur promontoire.

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Kernos
La réalité est pareille au mauvais vin.

Quelle heure était-il?
La lumière filtrait à travers les fentes du bois obstruant la fenêtre, perçant la pénombre ambiante par un bouquet de rais pâles, il cligna des paupières plusieurs fois... Le décor lui apparaissait à l'horizontal. Le haut de ses bottes traînant au pied du lit non défait sur lequel il était étendu, un bureau sur lequel étaient jetées nonchalamment ses fontes, visions à moitié obstruée par l'angle de l'oreiller. Il se retourna sur lui-même, portant ses yeux sur le plafond lui faisant face.

Où était-il déjà?
Ah oui... le Berry... Sancerre... l'auberge où il s'était traîné, épuisé par sa chevauchée et l'esprit encore embrumé par les cauchemars de cette nuit, à moins que cela ne soit la précédente, il ignorait encore combien de temps il avait pu dormir. Il se revoyait commander une chambre à l'aubergiste, gravir les escaliers d'un pas lourd. Ses doigts s'étaient refermés sur le goulot d'une bouteille de Poire de Sancerre qu'il avait porté à ses lèvres pour tenter d'effacer les visages, de noyer les pensées qui lui étaient venues alors... Il se sentait lourd, vaseux. Ses membres étaient courbaturés et la faible clarté du jour lui brûlait les yeux.C'était peut être la gueule de bois. Il se souvint de s'être écroulé sur le matelas puis après... rien, le noir complet, immuable et silencieux, jusqu'à maintenant tout du moins. Il avait sombré dans un sommeil sans rêves, il en avait eu suffisamment sa dose dernièrement, entre ceux délirants de la fièvre et le dernier en date, un peu d'oubli était reposant.

Etait-ce le soleil qui l'avait tiré des brumes de son ivresse ensommeillée?
Non. Il avait le sentiment que c'était autre chose, mais il n'arrivait pas encore à mettre le doigt dessus. Kernos bailla et se redressa sur son séant pour se masser les tempes. Son crâne bourdonnait, il avait l'impression qu'une barre de fer lui traversait le front de part en part tandis que le sommeil se retirait lentement, vague après vague, pour le laisser échouer sur les rives de la réalité, naufragé tentant de rassembler ses souvenirs éparpillés ça et là autour de lui, comme les débris d'une épave. Il se rappelait sa montée vers la ville, le paysage morne sous le ciel pourpre, les vignes désertes qui couraient tout autour, se balançant au rythme du vent glacée qui s'engouffrait sous sa cape. Plus proche encore, le son des sabots de Grayswandir sur les pavés résonnant contre les façades et les murs... Il se rappela avoir noté que les murailles de Sancerre semblaient intactes et qu'il n'y avait pas de traces de campement à leurs pieds. Visiblement la ville n'avait pas connu ni siège ni combat dernièrement. Pourtant, le spectre de la guerre et de l'occupation se ressentait profondément à travers ses rues solitaires et désolées. Il avait été frappé par la différence avec la cité qu'il avait visité l'année précédente, Sancerre semblait aujourd'hui grise, austère, alors que la dernière fois... mais peut être était-ce la présence de Terwagne et son état d'esprit à ce moment qui avait peint la ville de couleurs qu'elle n'avait jamais possédé? Peut être un peu des deux.

Il posa ses pieds sur le sol, se leva tout en s'étirant et s'avança vers la fenêtre pour en avoir le coeur net. Dehors, le soleil blanc perçait à travers les nuages grisâtres, vu sa position l'office de sexte ne devrait pas tarder à sonner. Cela fit "tilt" immédiatement dans son esprit. Voilà ce qui avait perturbé son repos de plomb, pourquoi n'y avait-il pas songé plutôt? Sans doute les séquelles de l'alcool local et ses tourments récents, ajoutés au chaos de ses pensées y étaient pour quelque chose, masquant de leur cacophonie la simple et essentielle vérité: il avait faim. Une faim de loup qui lui faisait grogner les entrailles et lui emmêler les tripes... ce n'était donc pas les libations de la veille, il avait enregistré les manifestations de son estomac mais s'était embourbé dans l'interprétation de leurs origines.

Manger, pisser, dormir... Les trois besoins vitaux de l'Homme avec l'Amour. Si le quatrième était mis entre parenthèses pour l'heure, il lui restait les deux premiers à combler. Il alla donc se rincer le visage et enfiler ses bottes pour descendre dans la salle commune afin de s'occuper du premier. Au passage, il satisfit le deuxième dans un coin de la cour, avant de rejoindre la pièce principale où il commanda une bonne miche de pain, un pâté indigène, du ragout de mouton, quelques beugnons et un cruchon du cru local pour arroser le tout. Tout en entamant le pâté de son couteau, il se dit qu'il lui faudrait peut être se rendre à l'église pour prier, comme il l'avait promis dans sa lettre, pour les épousailles de Tenshikuroi. Après, il serait libre de parcourir les tavernes de la ville pour tenter de glaner quelques informations sur l'objet de sa quête et de son désir... Parce qu'une fois les trois besoins premiers rassasiés, le quatrième demeurait et celui-ci était hélas bien plus dur à étancher car, contrairement à ses comparses qui, une fois satisfaits, vous laissent en paix pour un bon moment, celui-ci, même une fois comblé, continuait à vous obséder le corps et l'âme.

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Clealan
Installé dans la plus animée des tavernes de Sancerre, il se retaurait avec appétit, les nuits étaient parfois longues sur les remparts, et malgré la besace préparée par sa Douce, il avait peur d'avoir grand faim, il commencait à peine son repas quand il remarqua attablé à deux tables plus loin un homme , il l'obersait , il mangeait seul lui aussi, attaquant une tranche de terrine, il fit un effort, pas très grand à vrai dire pour se rappeler où il avait vu cet homme là, et tout à coup ..mais oui c'était à Thauvenay!! Il se souvenait parfaitement, le retour de Terry, elle avait invité ceux qui le voulaient à un repas de retrouvailles pour son passage en Berry. Kernos..; oui c'était Kernos le compagnon de Terry!

Il se leva et s'approcha alors de la table qu'occupait celui-ci.



Bonsoir....Excusez moi...n'êtes vous pas Kernos?

Il préférait tout de même s'assurer que sa mémoire n'était pas défaillante, car elle lui jouait souvent de pendables tours.
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Ysabeau
Elle s'était assise à côté de son ami Clealan et d'Ary, fallait pas manquer une minute de leur présence à Sancerre à ces deux-là.
Quel plaisir de se retrouver, au Havre qui plus est, avec Vulcaine...
Et voilà que Cle s'approchait d'un convive, semblant le reconnaître...
Elle le regarda. Mais oui, son visage lui disait quelque chose ! Il était venu à son mariage, avec Terry.
A son tour elle s'approcha, un godet à la main.


Mais oui ! je vous reconnais ! Vous étiez avec Terry à mon mariage, au mois de mai dernier... Joli mois de mai, nous n'étions pas encore en guerre. Que nous vaut le plaisir de vous voir à Sancerre ? Terry est-elle avec vous ?
Bienvenue, acceptez ce godet de poire !


Elle posa le godet plein devant le jeune homme.
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Kernos
D'une rencontre impromptue autour d'un bon pâté... une pincée d'espoir ou un soupçon de jalousie?

La croûte craqua sous sa dent, laissant échapper un léger filet de jus de viande... Savoureux, parfumé, la farce était excellente, du porc très certainement, accompagné de quelques notes d'oeuf. Kernos avala le reste du pâté et s'empressa de couper une nouvelle tranche. Le vin non plus n'était pas en reste, beau à l'oeil et encore meilleur en bouche, il avait du caractère, pas étonnant qu'il fasse parti des crus les plus renommés de France. Sans être un fin gourmet, ni même un simple gourmand, le Rouvray aimait bien faire bonne chaire, et cette table faisait honneur au Berry.

Alors qu'il allait faire son affaire à la deuxième part, il se sentit comme observé... que diantre! Quoi de plus normal après tout? L'établissement avait sans aucun doute ses habitués parmi les autochtones, un étranger au milieu des visages connus suscite toujours la curiosité, voir la méfiance, ce qui se justifiait amplement vu la situation politique actuelle du Duché. Fallait-il s'en alarmer outre mesure? Certes non toutefois, des années passées au service d'une compagnie d'ordonnance vous inculquaient des réflexes de prudence élémentaire... question de survie. Voilà pourquoi, reposant son pâté sur le tranchoir, il prit son gobelet de vin et le porta à ses lèvres avec une nonchalance feinte pour étudier les lieux: mieux valait un excès de vigilance inutile, plutôt que de périr dans une rixe par inadvertance.

Il se tenait non loin de lui... une... deux, deux tables les séparaient. Un homme, aux cheveux blonds, attablé tout comme lui. Visiblement, il ne se cachait pas pour l'étudier, cela pouvait laisser supposer qu'il n'y avait pas de coup fourré dans l'air ou tout son contraire. Kernos glissa donc le plus naturellement sa main libre sous la table pour feindre se gratter la cuisse. A la vérité, ce fut sur le manche de sa dague que ses doigts se glissèrent au cas où, comme assurance vie si l'observateur observé avait des attentions à son égard dépassant la simple curiosité. Il fit couler une nouvelle gorgée de vin rouge dans sa bouche et c'est alors qu'un petit je ne sais quoi vint perturber le fil de ses pensées...Tudieu! C'est que les traits du bonhomme ne lui étaient pas inconnus, où donc avait-il bien pu le croiser? Lors de son arrivée en ville? C'était peu probable, les rues étaient désertes à ce moment et il ne se souvenait pas d'avoir vu quelqu'un en dehors de l'aubergiste...Où alors? En Bourgogne? En Lyonnais-Dauphiné?

L'homme se leva et s'avança vers lui. Kernos reposa son verre, jetant un coup d'oeil furtif à la table qu'il quittait, une femme s'y tenait également... Bon sang! Elle aussi lui disait quelque chose... serai-ce lors de sa dernière visite ici? Des amis de... pas le temps d'hésiter, le presque pas inconnu lui faisait face. On cause? On se cogne? On sourit et on reste poli... avec une sécurité à la ceinture tout de même.


Bonsoir....Excusez moi...n'êtes vous pas Kernos?

Clic! Un an plus tôt, dans la grand salle de Thauvenay, le ciel était légèrement couvert. Elle se tenait devant la fenêtre, lui la tenait contre lui... Il se souvenait du goût des deux baisers qu'elle avait déposé sur ses lèvres, de sa nuque qu'elle venait de dégager de sa main... Ils étaient alors rentrés, un homme blond précédée d'une dame qui l'avait qualifié de jeune homme... Kernos hocha la tête et laissa ses doigts glisser loin de la dague.

Oui, c'est bien moi. Et vous vous êtes Messire Cle... excusez-moi, la mémoire me fait défaut, je ne me souviens que du surnom que ces dames employaient ce jour là, j'espère que vous me pardonnerez.

Le Rouvray se leva et tendit la main, vernis de civilité pour contenir la question qui bouillait en lui: "Où est Terwagne, bon sang!!!?"... Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas goûté à la compagnie des Hommes, et bien que le désir ardent de retrouver sa Lune emplissait chaque goutte de son sang, le besoin de se rappeler qu'il était un Homme parmi les autres était également bien présent en lui. La Dame les rejoignit à son tour.

Mais oui ! je vous reconnais !

Cela commençait bien, comment avait-il pu ne pas reconnaître Ysabeau, l'une des meilleures amies berrichonnes de Terwagne? L'océan de ces petits tracas amoureux et existentiels certainement.

Vous étiez avec Terry à mon mariage, au mois de mai dernier...

Hon-hon, là par contre, cela filait en quenouille... Trop de choses en même temps, tant sur le plan organique que psychologique. Chaleur...Palpitations... Le sang bourdonnait à ses tempes... son coeur s'était figé ou plutôt resserré sur lui-même, comme une pierre, un bout de ferraille... c'était lourd, ça faisait mal: la jalousie, l'angoisse... Qui? Qui était avec elle? Qui était le porc immonde, le freluquet, le bougre, le... le ... le ... celui qui avait osé prendre sa place à ses côtés, l'homme comblé qui pouvait se gorger de sa présence, sentir sa chaleur, caresser sa peau, échanger des regards, des souffles et des mots avec elle. Peu importait au fond, il le tuerait s'il en avait l'occasion, par pur égoïsme... pour prendre sa place.

Mais il y avait autre chose aussi, un mince filet de lumière dans l'obscurité, un souffle léger, à peine une demi brise dans le désert... L'espoir, fou, dérisoire mais présent malgré tout: Terwagne était passée ici il y a quelques mois. Sa première piste sérieuse depuis qu'il avait quitté le Lyonnais-Dauphiné, il n'allait pas la gâcher ainsi. Ravalant donc ses soupçons, ses craintes et son amour propre, il s'inclina poliment devant la Dame, avec une certaine rigidité malgré tout.


Dame Ysabeau, c'est un plaisir de vous revoir mais, je dois hélas vous contredire car je ne suis pas revenu en Berry depuis l'année passée. Ce n'était donc pas moi qui était aux côtés de Terwagne pour vos épousailles, puisqu'elle avait déjà disparu sans laisser d'adresse à ce moment... C'est d'ailleurs la raison de ma présence ici, j'avais caressé l'espoir qu'elle se trouvait à Sancerre, ou du moins que ses amis savaient où je pourrais la retrouver.

Foutue impatience! Il en avait trop dit, trop vite et en avait oublié la politesse. C'était le moment de se rattraper aux branches.

Mais veuillez me pardonner et accepter mes félicitations, ainsi que mes voeux pour votre mariage. Je vous en prie, partager donc ma table, nous pourrions parler plus confortablement et c'est avec joie que je gouterez également au verre que vous m'avez proposé, Dame.


Il joignit la parole au geste en désignant de la main la tablée aux deux Berrichons.
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Clealan
Conscient de sa hardiesse, et il fut soulagé d'entendre Kernos lui répondre,

Citation:
Oui, c'est bien moi. Et vous vous êtes Messire Cle... excusez-moi, la mémoire me fait défaut, je ne me souviens que du surnom que ces dames employaient ce jour là, j'espère que vous me pardonnerez.


Il attrapa la main tendue en souriant et la serra chaleureusement,

Vous êtes tout pardonné et vraiment désolé de déranger vos agapes, je suis effectivement Cléalan, mais tout le monde m'appelle Clé!

Puis avec un sursaut il entendit Ysa,


Citation:
Vous étiez avec Terry à mon mariage, au mois de mai dernier...



Il vit le visage de Kernos prendre différentes couleurs, du rouge au blanc.
Après avoir présenté une chaise à Ysa , pris verres et pichet et s'être assis lui même à la table de Kernos acceptant avec plaisir l'invitation, il précisa



Humm Ysa, mon amie, tu te trompes je crois, Terry était seule à votre mariage, je m'en souviens car j'étais seul moi même, et rappelles toi Ana m'a servi de cavalière, nous étions bien amusés d'ailleurs, j'aurai volontiers invité Terry, mais elle est partie juste après le vin d'honneur, il me semble qu'elle avait marmonné qu'elle serait de bien piètre compagnie, qu'elle était de nouveau seule, et qu'elle voulait repartir en lyonnais, enfin oui je crois que c'est la destination qu'elle avait donnée! je n'ai pas eu vent d'une autre visite de sa part dans notre Berry, mais j'avais remarqué qu'elle était triste et j'en étais marri pour Elle.

Tout en parlant il avait servit du vin et prit un verre pour trinquer, il but une longue gorgée,

Ainsi voilà pourquoi Terry était si triste, elle ne vous voyait plus... malheureusement avec la guerre qui sévit beaucoup de nos amis sont éparpillés! Quelle misère!


Il s'aperçut soudain que son ange avait disparu..encore une blague de Saturnin il allait la lui faire payer au prix fort!
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Kernos
Je vais bien tout va bien...

On se ressaisit, on lâche la main, on sourit et on s'assoit. Soulagement relatif d'ailleurs, car ses jambes manquaient de faire lui défaut sous le coup de l'émotion violente qui s'était emparée de lui aux dires de la Dame Ysabeau. Il fit tout de même un effort pour ne pas s'écrouler sur le dossier comme un sac, mais ne put retenir un soupir quand son séant toucha sa destination... de toute manière il n'était plus à un faux pas près, et ce n'était pas lui qui avait piétiné le plat le premier en éclaboussant allégrement les convives, honneur au Dame!

Enfin bon, le sieur Cléalan semblait tout à fait disposé à tendre une serviette à tout le monde ainsi qu'à sortir quelques écus de sa bourse pour payer les pots cassés, et surtout - au bonheur!- de disposer d'une bien meilleure mémoire. Grande et profonde inspiration intérieur. On maîtrise l'ébullition, on desserre les dents et on évite de tapoter du pied ou de se dandiner sur son siège, on se tait et on écoute.


Humm Ysa, mon amie, tu te trompes je crois, Terry était seule à votre mariage,... soulagement, on se contient, on évite de danser sur la table de joie... je m'en souviens car j'étais seul moi même, et rappelles toi Ana m'a servi de cavalière, nous étions bien amusés d'ailleurs, j'aurai volontiers invité Terry, mais elle est partie juste après le vin d'honneur, il me semble qu'elle avait marmonné qu'elle serait de bien piètre compagnie, qu'elle était de nouveau seule, et qu'elle voulait repartir en lyonnais... haussement de sourcil, surprise, incrédulité, chuuuut! pas tout de suite..., enfin oui je crois que c'est la destination qu'elle avait donnée! je n'ai pas eu vent d'une autre visite de sa part dans notre Berry, mais j'avais remarqué qu'elle était triste et j'en étais marri pour Elle.

Les verres étaient pleins. Kernos imita Cléalan et en prit un, Bon Dieu! il en avait bien besoin. Tout en vidant lentement le liquide écarlate dans son gosier- un moyen comme un autre de s'empêcher de parler- il mit de l'ordre dans ce qu'il venait d'entendre. Terwagne s'était donc bien rendue à Sancerre, au mois de Mai, sans doute directement après avoir quitté le Lyonnais-Dauphiné. Sa certitude, devant ce récit, était qu'elle n'avait certainement pas fait demi-tour, il la connaissait trop pour savoir qu'elle ne reculait jamais une fois sa décision prise, sa lettre était sans équivoque, elle continuerait à avancer, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle s'essouffle et retombe... une Tempête, c'est comme ça. Restait à savoir quel vent elle avait suivi après Sancerre.

Le vin tournoyait légèrement dans son gobelet, Cléalan avait continuait à parler mais Kernos était trop pris dans ses pensées pour saisir ses mots au vol. Ils glissaient sur lui et autour, comme les vagues sur un rocher solitaire. Où était-elle allée après ce retour au Berry? Si elle suivait les routes de son passé, l'Orléanais avait du être la seconde étape, là où tout avait commencé, le premier acte de sa tragédie amoureuse qui s'était conclu à Sancerre dans les larmes et les flammes... Zeltraveller, le troubadour, l'errant, son premier amour immolé au sens propre comme figuré. Quoi que... Sancerre était la conclusion fumeuse de cette histoire, Montargis que le point de départ, avait-elle voulu un complet retour aux sources? Ou bien seulement là où sa vie d'errance avait pris fin pour mieux la retrouver? Trop de questions et d'hypothèses, trop de choses en tête, il avait besoin de calme pour faire le point.


... Quelle misère!


La réalité revient parfois de façon abrupte. Kernos reprit soudainement conscience du monde qui l'entourait, de l'auberge, du vin, de Ysabeau et de Cléalan... mais pas de ce que dernier venait de dire... quelques bribes tout au plus, une histoire de guerre, d'amitié, d'éparpillement. Il reposa son gobelet et déglutit.

La guerre est une plaie, avant tout pour les peuples, mais je suis mal placé pour en parler ou la juger, puisqu'elle a été mon gagne pain durant seize années. En tout cas, elle ne facilite pas mes recherches... Frontières fermées, troupes armées sur les routes... tant d'obstacles qui se placent sur mon chemins, en plus de la faim et du froid, les gens sont moins accueillant et les marchands plus rares en ces temps sanglants. Voilà pourquoi il est savoureux de pouvoir trouver bonne compagnie pour trinquer et parler, la chaleur humaine est devenue une denrée aussi rare que le pain.

Il releva son verre.

A l'Amitié! Qui demeure malgré tout!

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Ysabeau
Le visage d'Ysabeau prit une jolie couleur coquelicot... Norf de norf, elle avait parlé trop vite, heureusement que l'ami Clealan avait meilleure mémoire qu'elle, heureusement...
Elle s'excusa.


Je vous demande mille pardons messire Kernos. Je suis troublée voyez-vous, et il y avait tant de monde à mes noces que j'ai pu confondre... Mais Cle a raison, mon amie Terry était venue seule à Sancerre pour mes noces.
J'ai eu le plaisir de discuter avec elle en taverne la veille de la cérémonie, puis de la voir brièvement ensuite. Et je m'en souviens, oui, comme le dit Clealan elle est vite partie vers d'autres horizons.


Confuse et un peu honteuse, elle prit un verre et but. Elle observait le jeune homme, perdu dans ses pensées.
Ainsi Terry avait disparu... s'était envolée, comme le vent. Terry avait repris son errance...
Elle demanda à Kernos


Avez-vous essayé de.. lui écrire ? Parfois, en confiant une missive à un voyageur de passage, ou à un pigeon habile...
La vie est dure en ces temps troublés pour les voyageurs.
Oui, buvons à l'amitié ! Cela reste, malgré les malheurs...

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Kernos
Il y a des choses que l'on ne peut dire avec des mots, et ce que je voudrai lui dire ne peut être confier à des lettres figées... elles sont de bien trop pâles et infidèles reflets face à la vérité nue.

Il fit tournoyer légèrement le fond de son gobelet entre ses doigts, et se perdit quelques instants dans la contemplation de la surface agitée où les torches de la salle se reflétaient sur les ondulations écarlates. Il crut y voir deux prunelles sombres le contempler, il releva donc les yeux vers ceux de la Dame pour achever sa réponse, et repousser au loin la vague de mélancolie qui émergeait au fond de lui.

Je ne puis donc lui écrire, encore moins abandonner à un inconnu, ni à un volatile, la destinée de mes maux et de mes espoirs... Je me dois donc de la retrouver avant tout pour lui livrer mes sentiments, dussé-je y mettre dix ans ou traverser mille champs de batailles.

Un peu théâtral non? Avec le recul... mmoui. Enfin, cela aurait pu être pire s'il s'était levé, poing serré vers les cieux boisés pour invectiver les dieux païens laissant choir sa chaise au sol derrière lui et son élan lyrique. Ou bien, s'il avait brisé son gobelet entre sa poigne d'acier ou sur la table, aspergeant l'assistance à la fois de son restant de vin et de son débordement passionné et verbal . Certes, cela n'aurait pas manqué de panache mais, malgré son ardeur, Kernos était loin d'être un héros tragique ou épique de toute manière, juste un homme désespérément amoureux. Et même si ces deux sentiments - l'amour et le désespoir- conduisent à certains extrêmes, il ne franchirait pas ceux du pathétique... l'alcoolisme et la dépression étaient plus dans son tempérament à la rigueur.

Cependant, ce n'était ni vers l'un, ni vers l'autre de ses penchants naturels qu'il s'était tourné -sinon il ne serait pas là entrain de tailler le bout de gras avec les amis de sa compagne fugitive- mais vers ceux, au combien différents, de la résolution et de l'espoir. Sans doute sa rencontre avec Terwagne avait quelque peu changé sa façon d'être et ses convictions profondes.

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à notre table. La proposition de Dame Ysabeau n'avait certes pas convaincu Kernos néanmoins, elle avait fait germer une idée dans son esprit. Il faudrait encore quelques temps avant que la graine arrive à maturité, mais au moins elle était là, planté dans le terreau spirituel du Rouvray.


Toutefois, Dame, je vous remercie pour votre suggestion, elle m'inspire un projet qu'il me faudra mettre en oeuvre dès que j'aurai le loisir d'y réfléchir plus mûrement.

Il acheva enfin son fond de vin.

Sans doute ne tarderai je point à faire comme Terwagne. Je pense d'ailleurs que mon prochain horizon sera le Duché d'Orléans, Montargis pour être exact, j'aurai ainsi achevé le pèlerinage sur les routes de son passé et pourrai alors, si je ne trouve rien là-bas, me pencher sur les voies de son présent et de son devenir.

Kernos parcourut la table du regard: elle croulait sous les victuailles, que lui était-il passé par la tête pour commander tout cela? Il avait faim, oui, mais sa panse ne saurait contenir tout cela en une fois.

Que diriez-vous de partager mon repas? Je crains avoir eu les yeux plus gros que le ventre, il doit y avoir suffisamment pour contenter trois personnes sur cette table et je serai ravis de vous en faire profiter en guise de remerciement pour votre accueil et vos informations.
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Ysabeau
Ysabeau, les yeux brillants, observa les mets délectables que Kernos s'apprêtait à déguster

C'est volontiers que je partagerai votre repas messire. Manger seul, boire seul... Cela incite à la tristesse. Tandis que partager des mets délectables et des boissons capiteuses... Voilà qui met le coeur en joie !
Merci de votre invitation.


Elle appela la servante qui déposa une assiette devant elle. Et se servit.
Mangea avec plaisir, trinqua, à la lueur des bougies et du feu de cheminée.
Puis, tout à coup, pensa à une chose... Une chose que Terry lui avait dite...


C'est vraiment délicieux... Mais je pense à quelque chose. Il me semble, enfin je crois me souvenir, que Terry est présidente de la cour d'appel... si vous vous rendiez à Paris, au Palais de Justice, peut-être auriez-vous une chance de la rencontrer ?
Qu'en pensez-vous ?

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Kernos
Kernos hocha la tête en réponse aux primes propos de la Dame avant de retourner son attention sur son tranchoir. Manger, c'était le meilleur moyen qu'il avait trouvé pour gagner du temps afin de développer ses petites réflexions personnelles. On pouvait trouver pire comme passe-temps, surtout quand la boustifaille est délicieuse autant savoir joindre l'utile à l'agréable, et le Rouvray avait le sens du sacrifice.

Le pâté ayant été réduit au rang des bons souvenirs, ce fut autour du ragout d'entrer en scène pour faire les frais de l'humeur des convives: un nouvelle mise à mort nette et sans bavure en vue. Tout en piquant de la pointe de son couteau un morceau d'agneau, Kernos rédigea quelques notes dans son journal mental. Six mois s'étaient écoulés depuis que Terwagne était passée par ici et il ne fallait que deux jours de chevauchée pour se rendre à Montargis... peu de chance qu'elle y soit encore, à moins qu'elle ait décidé de s'y établir définitivement.

La viande était moelleuse, juteuse, fondante dans la bouche et sous la langue qu'elle arrosait de sa saveur légèrement relevée par quelques épices... un régal.

A la réflexion, c'était peu probable si elle avait choisi d'épouser une vie faite de vent et d'oubli car, dans le passé on s'y enterre or, elle n'aurait donc pas pu prendre la tangente en restant là-bas... Non, s'il avait bien compris sa Lune et le sens de ses pérégrinations, Sancerre, Montargis, tout cela n'était que des étapes emblématiques, des plaques commémoratives sur lesquelles elle était venue se recueillir avant un nouveau départ, vers une nouvelle fuite en avant.

Une gorgée de vin succéda à une nouvelle bouchée.

Vers quel vent s'était-elle laissée emporter ensuite? D'Orléans, on pouvait gagner l'Ouest du pays, mais celui-ci était le foyer du Ponant et de la révolte, même si elle avait pris ce chemin, lui ne le pourrait à cause de la guerre, tout comme le Nord... Restait donc la Champagne à l'Est et...


C'est vraiment délicieux... Mais je pense à quelque chose. Il me semble, enfin je crois me souvenir, que Terry est présidente de la cour d'appel... si vous vous rendiez à Paris, au Palais de Justice, peut-être auriez-vous une chance de la rencontrer ?
Qu'en pensez-vous ?


Parfois les grands esprits se rejoignent disait-on, mais si lui doutait de faire partie de cette élite, il n'avait aucun apriori à ce sujet concernant la Dame lui faisant face. Il déposa son couteau et vida sa bouche.

J'en étais parvenu à la même conclusion. Terwagne a toujours eu à coeur son office de Juge, Paris occupait une place importante dans sa vie. J'avais craint qu'elle n'ait quitté la Cour d'Appel suite à... Mais bon sang! Quel idiot je suis pour ne pas y avoir pensé avant!

Pour peu, il se serait giflé lui-même. Il avait trop présumé certainement. Dans son idée, si Terwagne avait décidé de trancher les liens de son ancienne vie, elle en aurait également fait de même avec la Justice royale. Si trouver quelqu'un qui souhaite disparaître dans la capitale du royaume relevait de l'aiguille dans la meule de foin, retrouver un officier royal dans son office était bien plus aisé.

Dame, je vous remercie de me donner un peu plus d'espoir encore. Si l'Orléans ne m'apporte rien de neuf, et bien j'irai sur l'Île de la Cité pour tenter de retrouver sa trace, cela m'évitera peut être de devoir fouiller la Champagne avec les Artésiens en armes qui y rodent parait-il.

Il leva son verre une énième fois.

Je crois que j'ai une dette envers vous à présent... mais je crains de ne pouvoir l'honorer avant un certains temps, du moins temps que je n'ai pas retrouvé Terwagne, car il me faut aller accomplir un voeux que j'ai fait et aller prier en votre église dès le repas terminé, puis il me faudra préparer de nouveau mes bagages pour reprendre la route au plus vite.
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Ysabeau
Ysabeau sourit, finit sa bouchée, s'essuya la bouche.

Vous ne me devez rien Kernos. Je suis heureuse d'avoir pu vous rendre service, et j'espère que vous retrouverez celle que vous aimez. Car vous devez l'aimer follement pour la chercher ainsi.
Je vous souhaite bon voyage, merci de m'avoir fait partager ce délicieux repas.


Elle s'interrompit pour boire une gorgée d'un vin délicieux qui coula dans sa gorge comme... Aristote en culottes de velours, et ajouta

N'hésitez pas à m'écrire, à me donner de vos nouvelles si le coeur et le temps vous en disent...
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Kernos
Kernos vida son verre d'un trait avant de le reposer. Un léger sourire flottait sur son visage.

Follement, c'est le mot. Je crois de toute manière qu'on ne peut aimer autrement une femme de sa trempe sans manquer de sincérité.

Le ragout avait fait son temps, l'heure était venu d'engloutir quelques beugnons. Il en prit un entre ses doigts, l'étudia quelques secondes avant de reprendre la parole.

Je vous écrirai dès que j'aurai des nouvelles de Terwagne, et si jamais vous en obtenez avant moi, je vous serai reconnaissant de bien vouloir m'écrire à votre tour.

Le Rouvray mordit dans le beignet et resta silencieux le temps de sa dégustation. Sans doute ne ferait-il pas aussi bon repas avant des lustres et n'aurait plus l'occasion de parler à quelqu'un, il ne savait même pas où il serait dans quelques jours: errant sur les routes encore, mort dans un fossé, dans les bras de sa belle... qui sais?

Merci de m'avoir tenu compagnie, ce fut un plaisir de vous revoir et j'espère qu'un jour, l'occasion se représentera en des temps moins sombres. Sur ce, je vais aller prier.

Il se leva, s'inclina et prit une autre friandise au passage.

Adieu, Dame, et encore merci.


Et il quitta la compagnie, la salle et l'auberge pour la ville, l'église... mais d'abord un petit détour vers la cour, encore une histoire de vessie et de besoins élémentaires de l'Homme.
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Kernos
"Choix et conscience sont une seule et même chose. "*

Le choix, encore et toujours le choix.

Agenouillé devant l'autel, Kernos priait tout en réfléchissant. Ses dévotions allaient vers le mariage de son vieil ami Tenshikuroi et de sa promise, une certaine Isys de Maledent. Prospérité, fertilité, bonheur, respect mutuel... et les autres choses habituelles pour apporter la bonne fortune sur l'alliance spirituelle et charnelle de deux êtres. Quand à ses pensées... le choix, toujours et encore le choix qui revenait sur le tapis.

Sa décision était pourtant prise de longue date, son dessein toujours ferme mais, une nouvelle donne venait d'entrer en jeu. Il l'avait appris juste après avoir renouer ses braies, en quittant l'auberge, un messager était venu lui apporter en main propre... et le tableau s'assombrit.

Honneur et devoir. Deux ombres de taille qui venaient planer sur sa quête, sur son destin et sa décision de retrouver Terwagne. Elles n'ébranlaient pas sa résolution en elle-même, ça personne ne le saurait, seule la mort y mettrait un terme et encore... Non, le problème était ailleurs.

Honneur et devoir. Deux choses auxquelles il ne pouvait se soustraire aisément, la mise était trop élevée et ne concernait pas que sa seule personne... cela aurait été simple sinon. Il y avait sa patrie, ses terres, son nom, mais surtout ses enfants, son passé et son avenir, l'homme qu'il avait été, ce qu'il avait pu accomplir... Bref, une part de lui-même.

Honneur et devoir de l'un, amour de l'autre... Il se signa et se redressa, il avait du mal à rester en place pour réfléchir, la chose était trop délicate. Tout en arpentant le déambulatoire, Kernos continuait à triturer son dilemme avec son bâton imaginaire, s'arrêtant de temps à autre pour contempler une statue ou approfondir une pensée.

Cela dura plusieurs minutes, il élargit ses errances morales et matérielles aux collatéraux puis à la nef. Répondre au devoir, c'était retarder leurs retrouvailles -si jamais elles avaient lieu un jour- et sa résolution, mais répondre à l'amour, s'était trahir ses serments, fouler au pied ses croyances, ce pourquoi il s'était battu pendant tant d'années...


Seigneur...

Oh oui... Terwagne le méritait... Mais serait-il capable de se renier lui-même? Elle ne le voudrait pas, elle ne l'accepterait pas, elle qui aimait les choses vraies, la sincérité, la vérité. Si jamais il la retrouvait, que penserait-elle d'un homme qui se serait perdu à ce point, menti à lui-même? Autant de dégoût que lui-même en se regardant d'un miroir, certainement.

Les chemins du devoir et de l'honneur sont aussi tortueux que ceux de l'amour, et lui était un marcheur égaré comme tant d'autres le tout, c'était de continuer d'avancer. Il s'assit sur un banc, se prit le visage entre les mains et soupira. Quelque soit son choix, il lui faudrait partir dès ce soir... bye bye Berry, bonjour la route! Restait juste à régler un point de détail... J'y vais ou j'y vais pas?

Devoir... honneur... amour...
Amour... devoir... honneur...
Honneur... amour... devoir...

Vieille litanie dissonante... et si tout les couplets pouvaient se mêler, se conjuguer en une seule mélodie? Les obligations auxquelles Kernos devait se soumettre, Terwagne les partageaient et si... Et si elle aussi devait retourner en Lyonnais-Dauphiné?

Il manqua de renverser le banc derrière lui. Voilà l'inspiration qu'il cherchait pour faire son choix. C'était du pile ou face, mais il fallait savoir tenter sa chance et prendre des risques. Le Rouvray quitta le sanctuaire, non sans s'être signé une dernière fois, tournant le dos à l'autel et à ce duché.



*Jean-Paul Sartre
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