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[RP] Corvée de noblesse

Armoria
Elle prit le temps de mirer son vin, de le humer, et enfin d'en boire une gorgée. Dame, un vin que Charlemagne lui-même avait salué, voilà qui se savoure ! Même quand c'est le vôtre.

Sadique, Armoria ? Naaaaaaaaan. Bon, d'accord, un peu.


Vous savez, jeune fille, lorsque l'on a un parcours comme le mien, l'une des premières choses que l'on apprend, c'est à ne rien laisser transparaître si le besoin l'exige... Se fier à mon apparence n'est pas forcément source fiable.

Enfin.

Une pause, le temps d'une nouvelle gorgée.

Enfin, disons que si la chose n'est pas forcément grave, elle peut être considérée comme sérieuse.
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Clemence.de.lepine
Un déclic.

Peut-être à cause de cette histoire de masque. Ou à cause de ce temps que la Princesse prenait avant de débuter chacune de ses réponses. Elle savourait. Le vin, le silence, l'embarras de ses vis-à-vis. Clémence ne la connaissait pas personnellement. Les rares échanges qu'elles avaient eus avaient toujours été cordiaux, et la plus jeune n'avait jamais manqué d'y intégrer cette touche de respect qu'elle vouait naturellement à ses aînés. Celle qu'elle voyait aux offices, aux cérémonies, celle qu'elle côtoyait parfois en public, c'était l'Altesse, le masque, et elle n'avait jamais cherché à percer au travers, elle n'avait jamais non plus été directement concernée par ses affectations. Aujourd'hui, c'était différent. Elle l'était. Et elle se demanda s'ils – si elle – n'était pas victime d'un jeu cynique mené par Armoria.

Car Armoria savait qu'elle savait, elle n'avait pas pu oublier cette lettre. Pourtant, Clémence avait pensé que cela avait été le cas. Jusqu'à maintenant. Alors, est-ce qu'elle se jouait d'elle ? Attendait-elle que l'un de ses invités réagisse, montre son impatience, dans cette situation dérangeante ? Est-ce qu'elle attendait de voir si Clémence parviendrait jusqu'au bout à mentir – et le mensonge était en soit un jeu, également. Ou n'y avait-il rien de pervers, derrière ces silences et ces questions innocentes – en apparence ? Pour ce qu'elle en savait, quand il s'agissait de masque, rien n'était fait au hasard.

Elle s'autorisa une gorgée de vin. Ses pensées virevoltaient en tous sens et alors qu'elle réfléchissait, son regard, toujours, restait rivé sur leur hôte. Pouvait-elle vraiment la laisser poursuivre, la laisser conclure, et feindre alors l'étonnement, l'indignation ? Cela serait étrange, cela serait inconfortable, et il n'était pas même sûr que la blonde Altesse ne la compromette ensuite.

Elle pensa à Blanche. Alors qu'elle l'avait évité, depuis qu'elle avait reçu ces quelques mots indifférents jetés sur un morceau de vélin. Mais brusquement, Blanche s'imposa à ses pensées, plutôt qu'elle ne voulut consciemment l'y mener. Son cœur, un instant, flancha, et elle porta une main à sa bouche, étouffant son murmure.


Mon Dieu.

Comment avait-elle su.

L'azur de ses yeux balaya la pièce et revint à la Princesse. Tout cela devait finir. Cette comédie devait finir. Elle battit des paupières.


Aimbaud... ? Fit-elle, mi-interrogative, mi-craintive. Elle tourna le chef dans sa direction. Elle ressemblait à une petite fille prise en faute, le visage fermé et presque maussade. Elle s'en rendit compte, sentit le tremblement de sa voix et le vacillement de son regard et raffermit son maintien, réajusta son timbre.

Il y a quelques mois, j'ai envoyé une lettre à Son Altesse. Je parlais de vous. Rien de désobligeant, rien de compromettant. J'y évoquais la possibilité d'une alliance.

Elle inspira, bloqua ses poumons...

Entre vous et moi.

... et expira.

Plus de jeu, plus d'angoisse, plus de raisons de redouter qu'à n'importe quel instant, la Princesse la trahisse. C'était dit, à demi mots, Aimbaud n'avait plus qu'à faire les déductions qu'il souhaitait. Ensuite, il crierait au scandale, pourrait l'insulter s'il le voulait, refuserait une idée aussi absurde, la détesterait un peu plus, et alors, elle serait libre de repartir.

Dernier regard pour Armoria, serein, détaché. Soulagé. C'était bien de ça dont vous vouliez parler, n'est-ce pas ?

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Armoria
Il y a des moments où il faut savoir se taire, tout simplement parce que cela vaut mieux. Armoria le savait. D'instinct. Et cet instinct la trompait rarement. Oh, ce n'était pas toujours chose facile ! Elle avait toujours en elle la vivacité de la sauvageonne qu'elle avait été, enfant. Dieu sait si dans sa vie elle avait dû se mordre l'intérieur de la joue pur interdire aux mots de sortir - et Dieu sait si elle avait souvent échoué à les retenir, bien que sachant au moment-même de les prononcer qu'il n'aurait surtout pas fallu.

Mais là, elle y était parvenue. Et le regard qu'elle lança à la jeune fille, une fois les mots fatidiques prononcés, était facile à interpréter : de l'encouragement, de la bienveillance, et quelque chose comme : "Bravo. C'était difficile, alors bravo".

Après quoi, en silence, toujours, elle regarda Aimbaud, attendant sa réaction.

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Aimbaud
Alliance.

Voilà. Un truc politique, stratégique. Un pacte entre des puissances ! Comme l'alliance du Ponant, pour mieux se foutre ensemble sur la gueule d'un ennemi redoutable. C'est bien ça, d'avoir des alliés. Si on est attaqué, on réplique plus fort. C'est un truc de guerrier, de grand capitaine d'armée. Tiens, le Chevalier du Chaos a de fidèles alliés, comme Robin, le hérault aux collants moulants qui l'aide, par la ruse, à éviscérer ses adversaires. C'est utile, une alliance. On discute autour d'une table, on met ses richesses en commun, on se serre les coudes. On est plus fort, plus beau, plus craint. On déchire plus. C'est bon ça ! Une alliance...

Alliance.

Anneau de mariage.

...

Qu'entendait Clémence de l'Épine exactement, par "alliance" ? Aimbaud se voilait la face en prenant le temps de se poser la questions. Hors, il était déjà arrivé à la déduction que le premier sens du mot s'effaçait doucement au profit du second... À 22 sur 25 et je retiens deux que je multiplie par le quotient du dernier quart — et d'après ses calculs — on était bel et bien en train de parler mariage.

Le regard s'agitant vers plusieurs directions, comme pour chercher une issue de secours (visiblement sous le joug d'un de ces tics nerveux qui avaient emprise sur lui dans les moments d'effroi), il se redressa sur son assise et essuya tant bien que mal ses paumes sur le velours de ses genoux. Quelqu'un était-il capable de lui expliquer pourquoi, dès que le mot "mariage" était évoqué, l'atmosphère devenait soudain épouvantablement pesante, au point de lui rafraîchir la nuque de sueur froide ? Non, personne ?

Le regard insistant de la Princesse n'arrangeait pas sa gêne.
Armoria de Mortain... La marieuse en chef... Elle qui n'avait eut de cesse depuis sa majorité de le prendre sous son aile et de lui ressasser le récit de ces fameuses épousailles qui devaient tant faire la fierté de son père, elle le regardait à présent avec un oeil de buse, et il se sentait là, soudain, un peu mulot.

Non mais elle était pas DINGUE, l'Épine, d'avoir prononcé le mot interdit ? Le mot banni, le mot de tous les cataclysmes ! "Mariage". Face à la Princesse. C'était comme de brailler "Attaque !" à un dogue enragé. Qu'est-ce qui lui était passé par la tête ? Est-ce qu'elle ne savait pas qu'elle était Clémence, et qu'il était Aimbaud ? Avait-elle oublié qu'ils étaient tous deux liés à Blanche, l'une par amitié, l'autre par amour ? N'était-elle pas un peu... suicidaire ?! Pyromane ? Kamikaze ! Criminelle contre l'humanité !
AAArgh. Que répondre, bon dieu, que répondre ?


GHnm...

Non ça, c'était pas très compréhensible... Il s'éclaircit la gorge en desserrant légèrement le premier bouton de son col.

Hum. Une alliance...

Voilà bon, ça elle l'avait déjà dit. Nervosité. Croisement de mains, craquement de phalanges. La réponse D : Jouer au con.

Et, hum, alors... Exactement... Quels en seraient les termes ?
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Clemence.de.lepine
Elle avait recueilli le regard d'Armoria avec reconnaissance et maintenant, elle observait Aimbaud avec une moue dubitative. Avait-il bien compris de quoi il était question ? Fallait-il qu'elle lui crie plusieurs fois à l'oreille le mot « mariage », pour qu'il sursaute et commence à tempêter ? Au lieu de cela, il parlait de « termes », comme s'il s'apprêtait déjà à négocier un contrat, peu importait lequel. Assurément, il était mal à l'aise. Il suffisait de le regarder pour le comprendre. Assurément, il savait fort bien ce qu'elle voulait signifier quand elle avait utilisé le mot « alliance ». Il ne pouvait être si bête.

Fatiguée, Clémence poussa un soupir et s'enfonça dans son siège, s'appuyant avec conviction contre le dossier. Elle se fichait de paraître aussi maussade quand lui-même ne se donnait pas même la peine d'affronter le véritable problème. Elle s'était attendue à un refus tout net, à un éclat de rire, au lieu de quoi il se préparait à discuter... tranquillement. Et d'ailleurs, à qui s'adressait la question ? A elle, ou à la Princesse ? Etant donné qu'elle l'avait provoquée, elle devait sûrement être celle qui fournirait la réponse.

La réponse à quoi ? A cette esquive stupide censée le faire passer pour l'idiot du village ?


Vous le savez très bien.

Rétorqua-t-elle d'une voix ferme. Elle avait les yeux fixés sur Armoria, parce qu'elle ne pouvait décemment les porter sur son voisin tout en parvenant à refréner son envie d'agripper sa manche et de le secouer de toutes ses maigres forces. Cela, au moins, aurait peut être pu le faire sortir de ses gonds une bonne fois pour toute. A défaut de manche, elle serraient ses doigts sur les accoudoirs, le visage buté, balançant doucement un pied leste au rythme des invectives qu'elle ne cessait de proférer à son encontre, en pensées.
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Aimbaud
Pourquoi ? Pourquooooi ? POURQUOOOOI ? Disaient les yeux d'Aimbaud, qu'il braquait en appel de fards dans la direction de l'Épine, tout en tentant de rester discret derrière la barrière de sa main, tandis qu'il se frottait euh... Tiens, le sourcil par exemple... histoire que la Princesse ne remarque pas le message codé. POURQUOI ? Allait-elle cracher le morceau, oui ou défection ! C'était quoi ce plan ? Malheureusement ses mimiques restaient sans réponse aucune, la Marquise préférant darder un regard fier bien droit devant elle... Il eut pu se trémousser en faisant une danse de la pluie, elle n'aurait pas même daigné lui jeter un coup d'oeil...

Exaspéré, le Josselinière fit retomber ses mains en paquet soudé et contrarié. Il croisa le regard de sa tutrice avant de répondre, tentant d'aborder le problème froidement.


Mais... C'est absurde. Je ne vois pas quel profit vous tireriez d'une telle "alliance"...
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Armoria
Pour le moment, elle faisait en sorte de se contenir. Gardant presque une immobilité de statue. Enfin, une statue qui boit un verre de vin avec délectation, quoi.

Elle sentait que le moment viendrait où elle aurait à arbitrer. Tiens, un peu comme cela arrivait parfois au conseil de feudataires, ou bien entre les alliés, dans les offices de la curia... On écoute, on écoute, on note quelque argument par ci ou par là, et quand le ton monte un peu, on intervient d'une voix apaisante, en faisant en sorte d'avancer dans le débat.

Ce n'était pas toujours un exercice facile. Ni chez les feudataires, ni aux offices, ni ici même.

Silence, donc. Et dégustation. Les yeux et les oreilles bien ouverts.

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Clemence.de.lepine
Allons donc, finalement il se décide à aborder le sujet, le vrai sujet. Absurde ? Elle ne peut que consentir. Quel profit ? Profit numéro un. Celui que toute femme recherche. Va-t-elle devoir s'expliquer elle-même, une nouvelle fois ? Elle croise à son tour le regard de la Princesse et y met toute l'intensité dont elle est capable, s'efforçant de ne pas cligner une seule fois des paupières. Le regard qui signifie « Auriez-vous l'amabilité de poursuivre la conversation à ma place ? ». Après tout, c'est elle qui les a mis dans cette situation embarrassante. Elle pourrait au moins intervenir, gronder, balancer une blague, n'importe quoi... Mais manifestement, il ne s'agit pas de sa priorité.

Au bout d'un moment, garder les yeux fixement ouverts, ça fatigue. On a la larme qui vient et on est bien obligé de battre des cils pour éviter la chute.


C'est absurde, oui. Elle se tourne vers Aimbaud. Elle s'apprête à dire quelque chose, lève une main impuissante, laisse retomber le bras et secoue la tête. C'était une idée, une vague idée. Que j'ai oubliée, sitôt la lettre envoyée. Je ne vous connaissais qu'à peine. Elle chasse une mèche qui vient lui chatouiller l'oreille et maudit la suivante qui a ajusté la coiffe le matin.

Enfin, Votre Altesse... Elle se lève d'une poussée des poignets et parle d'une voix presque indignée. Sans vouloir vous manquer de respect, et vous me connaissez assez pour savoir que je n'oserai pas... mais vous ne pouvez pas prendre ma demande sérieusement en considération. Il y a... je ne sais pas ! Il y a prescription, ou je ne sais quoi ! Vous ne le savez sans doute pas, mais il ne peut me supporter, et moi je n'y parviens que difficilement. A l'époque, je ne le savais pas. Il y avait des tas de choses que j'ignorais ou que je ne percevais qu'à peine...

Elle ne savait pas que Blanche pouvait l'aimer autant, parce qu'elle pensait que Blanche était assez raisonnable pour ne pas trop s'enticher d'un garçon à peine pubère, français de surcroît. Et elle ne connaissait pas non plus, apparemment, l'ampleur de la déraison de la Bretonne, ni la sienne, ni les divergences de caractère entre Aimbaud et elle, ni le sentiment de solitude que pouvaient provoquer l'opium et le vin mélangés ensemble...

Et alors qu'elle pense tout cela, elle se met également à songer combien Armoria aurait ri, si elle lui avait expliqué toutes ces raisons frivoles. Rien de matériel. Simplement de pauvres émotions de fillette imbécile. Ses bras retombent le long de ses flancs. Epuisée, elle pointe un doigt accusateur en direction d'Aimbaud.


Et il n'a que quinze ans !

Oui, et justement, faut-il te rappeler que dans quelques mois tu en auras vingt ? Faut-il te rappeler qu'il s'agissait de ta principale motivation pour l'écriture de cette fameuse lettre ?

Mais c'est sûr qu'avec ce genre d'argument, elle allait convaincre la Princesse...

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Armoria
Vous savez ce que c'est le principal inconvénient d'avoir un bras comme mort ? C'est qu'il faut faire des choix. Ainsi, dans ces circonstances, en temps normal, elle aurait levé la main gauche en signe d'apaisement, sans pour autant lâcher son verre.

Mais là... Le verre fut donc posé, et la main levée. Notez que d'un autre côté, ça vous donne, dans vos gestes, quelque chose de posé - comme le verre. Une sorte de majesté. Et comme elle faisait en sorte qu'on ne voie pas sa défaillance, les deux jeunes gens attribueraient sans doute à son âge - trente-deux ans, canonique, pour un garçon de quinze ans, pensez donc - cette toute nouvelle lenteur.


Ainsi sont les idées, damoiselle. Ce sont graines que l'on sème, quand bien même on les lance au vent. Parfois, elles se plaisent là où elles tombent, et y font racines.

Aimbaud, quels sont les intérêts en présence... Je vais donc devoir analyser tout cela d'une façon froide et détachée - que peut-être vous trouverez cynique - mais le fait est que les mariages de raison sont encore, et de loin, les plus solides, puisque l'amour, qui construit et détruit pareillement, ne s'en mêle point.

La main droite avait repris le verre : autant reprendre, donc, une gorgée.

D'un côté, nous avons un jeune garçon, bourguignon, issu d'un père Pair, ô combien méritant, mais absent de la chose publique. Il convient donc de redonner un peu de dorure à ce blason. De l'autre, nous avons une jeune fille champenoise, elle avait hésité sur le mot "jeune", pour mettre en avant que cette jeunesse était tout de même un peu blette pour une demoiselle, sans pour autant être impolie, issue d'une famille qui fut puissante et célèbre, mais ne l'est plus guère, et qui se retrouve fort seulette.

Le garçon gagne un rang plus élevé que celui auquel il peut prétendre par héritage, et la fille gagne une famille dynamique, voire turbulente, ainsi que la possibilité d'avoir un époux qu'à un moment au moins, elle a trouvé convenable - plutôt qu'un qui lui serait imposé par les circonstances et le temps qui passe.

Ah ben oui, un moment, il fallait le dire, hein.

Je dirais que chacun des deux partis y trouve son avantage.
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Aimbaud
Les arguments pleuvaient doucement, en fond sonore de voix féminines. Aimbaud, le regard fixe et la tête basse, semblait absorbé dans la contemplation d'un morceau de parchemin sur la table princière. En vérité il voyait bien plus loin...

Les yeux dans le vague, il visualisait un mariage lambda dans une grande chapelle parisienne, avec une immense foule aux regards larmoyants, et des chants grégoriens entonnés par des enfants de choeur dans un lancé de meute de colombes illuminées par des vitraux. Puis il pensa à tout autre chose.
À Lugh, son cheval, qui devait brouter de l'avoine à cette heure-ci. Il espéra qu'on ne lui avait pas rayé les étriers en le garant dans les écuries de Ménessaire. Puis il chassa l'idée et se reconcentra sur la vision de la chapelle et des colombes.

Il vit sa mère et son père au premier rang, avec des figures tellement ravies et baignées d'émotion qu'ils paraissaient limite flippants. Il vit sa soeur dans une montage de dentelles crêpées qui trépignait d'une joie incoercible frôlant l'hystérie. Et puis il essaya de voir Clémence de l'Épine qui marchait dans l'allée avec une longue traîne, mais la vision émit une sorte de court-circuit qui propulsa brusquement ses pensées vers autre chose...! AUTRE CHOSE ! Vite, Blanche.
Blanche voilà.

Il vit Blanche de Walsh Serrant dans une robe de lin coupée bretonne qui marchait dans l'allée de l'église, en roulant joliment des hanches, avec cette natte de cheveux blonds qui se déroulait contre son sein, avec ce petit air mutin sur la figure qui le désarçonnait tant quand elle daignait le lui faire. Il vit qu'elle approchait, et que sans raison, soudainement — cette traînée ! — elle se jetait dans les bras d'un parfait inconnu qui prenait sa place à l'autel ! AAAAARH. Il écarquilla les yeux.

Court-circuit.

Il pensa à ce qu'il avait mangé ce matin. Il vit une belle poire de saison, un godet de vin coupé, du pain frais tartiné de crème.

Il saliva.

Puis il se remit à visualiser le mariage. Il tenta une nouvelle fois de voir Clémence dans la robe de mariée. Cette fois-ci il la vit, et il tiqua sur son décolleté de dentelle blanche où paraissait cette poitrine maigre, à peine adolescente, franchement pas de quoi remplir les mains d'un honnête homme ! Mais bon passons... Il la vit, et il se vit époux. Il se vit marquis. Il se vit père de famille.
Il se vit barbu.

Il se voyait souvent barbu, comme son père, c'était une sorte de thème récurrent pour lui, un objectif dans la vie, un but à atteindre... Il se vit grand homme, quoi. C'était pas mal. Il repensa au corsage maigrelet. Boarf... Il repensa à son cheval. Puis il pensa à ce qu'il allait manger ce midi. Il sentit un méchant creux au niveau de son estomac.
Il pensa au mariage. Aux colombes, à son père immensément fier, à Yolanda surexcitée. Il chassa l'image.

Il pensa à ce qu'il allait manger ce midi. Au mariage. Au repas de midi. À son cheval. Il se mit à tiquer nerveusement, le regard toujours fixé dans le vague... Il pensa au mariage. Au mariage. Au mariage ! À ce qu'il allait manger ce... Mariage ! Il pensa à son... Mariage ! Il pensa... Mariage ! Il... Mariage ! Calme. Mariage. CAAAaaalme. Mariage. Tranquille, calme. Mariaaaaaaage ! Clémence. Ma-ri-a-ge ! Bo-bom BO-bom BO-Bom, BO-BOM. Mariage... Bo-BOM.

Il cligna des yeux et se redressa brusquement.


C'est d'accord.

Bo-BOM. BO-BOM. BO-BOM. Mariage. Vengeance... Trouille. Folie passagère. Suicide...! Saut dans le vide... Clémence ou une autre, au final... Qu'importait, puisque ce n'était pas Blanche. Puisque c'était ce que tout le monde voulait.
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Clemence.de.lepine
Elle en resta coite. Tout du long.

Les arguments de la Princesse ne manquaient pas de bon sens. Le mérite de l'âge : on acquiert sagesse et expérience et cela jamais Clémence ne l'aurait contesté. Pourtant, son esprit persistait à faire montre de pugnacité - ou de mauvaise foi - et s'obstinait intérieurement à réfuter, bornée dans ses idées, chacun de ces arguments. Elle ne cessait de hocher la tête en signe de dénégation, désorientée, s'efforçant de maintenir la tête froide et le regard solide. "Non, non, non" articulaient ses lèvres de façon muette. Elle aurait aimé plaquer ses mains contre ses oreilles, ne plus entendre cette voix féminine, si proche de la vérité et pourtant si loin de la sienne, celle qu'elle désirait.

Car ce qu'elle désirait, ce qu'elle avait toujours voulu, n'était-ce pas un de ces mâles viriles, protecteur et puissant, qu'elle aurait craint ou admiré, ou même haï, selon les jours ? Quelqu'un qui d'un seul claquement de langue lui aurait brisé net la voix et rabaissé le regard, de rage ou de frustration, mais soumise, alors. Un homme fait. Un homme comme son père. Car si Aimbaud, par dessus tout et sans qu'elle n'en sache rien, souhaitait ardemment se forger à l'image de son père à lui, elle-même n'avait désiré jusqu'alors qu'une seule et unique chose : trouver en son époux la poigne et le prestige de ce père qu'elle avait si peu connu et pourtant si longtemps porté aux nues.

Alors, Armoria pouvait bien lui louer les qualités de ce mariage et les avantages que chacun pourrait en retirer, il résidait un échec dans l'idée même d'y songer.

Et pourtant, où était-il, cet homme que sa mère lui avait promis ? Il se pouvait qu'elle l'ait, un jour, rencontré, mais drapée dans ses idéaux et son orgueil affecté, elle ne l'avait sans doute jamais remarqué.

Le dernier argument lui fit l'effet d'une claque et elle arrêta soudain son manège pour darder un regard interloqué en direction de la blonde Altesse. Imposé par le temps qui passe ? Ou comment mettre en mots ses propres pensées. Car à trop attendre, les années la prendraient de vitesse : les marques du temps assailliraient son visage et son corps et à défaut de se trouver un époux dans la force de l'âge elle hériterait d'un vieillard adipeux, incapable, peut-être, de lui fournir à l'heure une descendance convenable.

La réponse d'Aimbaud lui porta le coup de grâce. Elle crut que le monde se mettait à danser autour d'elle et tourner la tête dans la direction du jeune homme lui parut être un effort insoutenable. Lui ? Etre d'accord pour se marier avec elle ? Il devait y avoir quelque folie dans l'air qui les rendait tous aveugles et sourds. Elle se souvint de la réponse qu'elle fit à Yolanda, quand celle-ci lui avait demandé pourquoi son frère ne comprenait pas qu'il lui fallait trouver épouse. Parce qu'il ne raisonne pas avec son esprit, avait-elle dit. Ou quelque chose d'approchant. Et là, alors qu'il acceptait cette vague idée qu'elle avait eue il y avait, lui paraissait-il, des décennies, elle se demanda si ça n'était pas elle qui refusait de penser avec raison.


J'y consens... aussi.

Les mots étaient lâchés. Il y avait du regret, dans sa voix. Non pour la décision qu'elle venait de prendre. Mais parce qu'en décidant, enfin, d'agir concrètement pour la postérité de son sang, elle venait également, et sûrement, de perdre l'amitié la plus pure et la plus salvatrice qu'elle ait jamais vécue.
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