Aldraien
« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. » *
Troisième ou quatrième jour devant les remparts de Poitiers, on finit par sy perdre tant les journées à la guerre semblent être les mêmes. Le siège est bel et bien installé, les forces royalistes harcèlent chaque jour un peu plus les défenses de la Capitale Poitevine, les enfonçant à chaque nouvel assaut pour les forcer à sortir de leur trou.
Parmi les hommes et les femmes qui se battent, ils sont là, les Limousins. Une grosse dizaine dhommes et de femmes menés par un Capitaine et un Connétable nayant pas hésités à quitter leur Province pour mener la guerre là où elle avait lieu, malgré les grincements de dents qui avaient été provoqués au Conseil Comtal. Lengagement pour la Couronne est toujours passé avant tous les autres, avant elle-même surtout.
Elle savait que partir se battre en étant enceinte était pure folie, elle savait que les ennemis ne retiendraient pas leurs coups pour autant, elle savait quelle mettait deux vies en danger en faisant cela. Elle était partie malgré tout. Malgré les remontrances des personnes qui tenaient à elle.
Pourtant elle a su montrer quelle navait pas peur et que rien ne lempêchait de se battre aussi bien voir mieux que les autres. Le premier soir des combats, elle a mis à terre deux ennemis sans recevoir la moindre égratignure. Si elle avait pu être angoissée et tendue avant cette nuit, tout ou presque était dissipé après cette première victoire.
Le deuxième soir lavait vu gagner en puissance, son épée était passée au travers de trois Ponantais pour se nourrir de leur sang et sen imprégner. Cest quelle se serait presque crue immortelle, la rousse, à passer ainsi entre les lames ennemies sans jamais recevoir le moindre coup. Mais ne dit on pas que rien ne dure jamais ? Trop sûre delle, certainement, elle avait passé la journée à compter les dents et les oreilles quelle avait pu récupérer pour sa collection personnelle, ses soldats lui en fournissant dautres. Un Capitaine qui allaient porter de si beaux colliers divoire humain, ça donnait un petit quelque chose en plus qui finissait bien lallure de meneuse de la Carsenac. Enfin, elle gardait ces trophées bien au chaud dans une petite bourse de cuir pour le moment, elle soccuperait de les nettoyer et den faire un collier lorsque les remparts de Poitiers seraient tombés.
Le troisième soir se profilait devant eux, et comme à son habitude, la rousse sétait retirée dans sa tente pour lire quelques rapports, écrire quelques lettres et surtout, se préparer dans sa tête pour la nuit à venir. Cette fois, pas dangoisse à faire taire, elle est en confiance après le déroulement des nuits précédentes. Trop, peut-être, sûrement même. Elle est convaincue que cette nuit encore tout se passera bien. De toute façon certains de ses soldats ont été affectés à sa protection personnelle, il ne pouvait donc pas lui arriver quoi que ce soit.
Les cris commencent à retentir de part et dautre du campement, et la Carsenac sort son épée. Epée qui lui a été prêtée par Catherine en échange de la promesse de lui revenir en vie. Promesse bien risquée quand on ne sait jamais de quoi sera fait le lendemain, mais elle a promis malgré tout, pour se convaincre elle-même autant que pour convaincre la jeune femme. A son cou, la croix de Toulouse que la même demoiselle lui a confié, comme une protection dérisoire contre les attaques. Elle avait presque fini par croire que celui-ci fonctionnait réellement.
Le champ de bataille est là, tout proche, et elle le rejoint avec ses soldats. Les combats sont brouillons, on ne voit pas bien qui est qui, qui est avec qui, mais la rousse nest pas du genre à hésiter. Elle les a repéré, les Ponantais. Des mots dencouragement aux soldats qui la suivent, un rappel de leur devise, nulle défaite quand on se bat avec Honneur, cest ainsi quils se sont toujours battus, et cest ainsi quils se battront ce soir encore. Ils se dispersent, la Carsenac savance à travers les bruits de ferrailles, un de ses plus fidèles soldats juste derrière elle, celui-là même qui lui a promis de la protéger même au péril de sa vie.
Il ny a plus rien dans son esprit, hormis la nécessité de faire le plus de dégâts dans les rangs adverses, des hommes et des femmes comme eux au final, qui se battaient eux aussi pour une cause quils pensent juste. Premier échange, la rousse sen sort, une simple égratignure au bras gauche, rien de bien méchant, mais elle na pas réussi à mettre cet adversaire hors détat de combat, à se protéger ainsi. Elle voit son soldat à ses côtés, aux prises avec un autre homme, quelle est fière de lui à cet instant
Cependant le moment dinattention va lui coûter cher. Elle sent un mouvement dans son dos et se retourne vivement, épée prête à frapper limbécile qui aura osé se frotter à elle. Trop tard
Lépée sarrête nette, et tombe au sol, bientôt brisée par le sabot dune monture passant sur elle. Pour lheure, la Carsenac reste debout, les yeux écarquillées de voir son agresseur si proche. Elle la senti arriver trop tard. Du sang déjà séchappe de la bouche déformée par la douleur tandis que des deux mains, elle tient lépée qui vient de transpercer la protection de cuir quelle portait, pour aller se ficher directement dans son ventre légèrement arrondi. La lame na touché aucun organe, fort heureusement, mais elle a touché bien pire.
Lennemi arrache son épée, repart au combat comme si de rien nétait, comme sil ne venait pas de tuer. Comment lui en vouloir ? Navait elle pas elle-même agi exactement de la même manière, les jours précédents ?
Les mains tremblantes et poisseuses de son sang rejoignent la blessure dont sécoule le liquide de la vie, de sa vie, qui la quitte à petit feu. Elle sécroule sur le côté, les larmes et le sang venant se mêler à la terre et à la boue du champ de bataille.
- Capitaine !
Pas de réponse. Le néant, linstant présent qui na plus vraiment de consistance. Elle entend vaguement quon lappelle de loin. De très loin. Elle sent son ventre dont continue de sécouler le liquide carmin, elle sent la vie qui la quitte doucement, mais elle na plus mal. On la transporte, on la manipule, on essaie de la soigner.
La grossesse est découverte des médicastres, grossesse avortée par une lame infâme, grossesse quelle cachait encore aux yeux du monde pour préserver linnocence de ce petit être qui grandissait en son sein. Même sa famille nétait pas encore au courant, seule une poignée de personnes savaient. Cet enfant quelle se voyait déjà élever et chérir avec son futur époux nétait plus quun souvenir douloureux à présent. Elle avait promis de prendre soin de eux deux, et elle avait failli, encore. Pourquoi se réveiller à présent, elle avait perdu son petit.
Pourtant elle se souvient des heures qui suivent. Elle se souvient, délirante, avoir écris à Elisa, juste avant davoir sombré à nouveau. Elle se souvient des noms balancés au médicastre près delle alors quelle délirait complétement. Elle se souvient de la fièvre qui lui martèle les tempes et des douleurs qui lempêchent de bouger.
Puisque rien ne dure
* Brecht
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Troisième ou quatrième jour devant les remparts de Poitiers, on finit par sy perdre tant les journées à la guerre semblent être les mêmes. Le siège est bel et bien installé, les forces royalistes harcèlent chaque jour un peu plus les défenses de la Capitale Poitevine, les enfonçant à chaque nouvel assaut pour les forcer à sortir de leur trou.
Parmi les hommes et les femmes qui se battent, ils sont là, les Limousins. Une grosse dizaine dhommes et de femmes menés par un Capitaine et un Connétable nayant pas hésités à quitter leur Province pour mener la guerre là où elle avait lieu, malgré les grincements de dents qui avaient été provoqués au Conseil Comtal. Lengagement pour la Couronne est toujours passé avant tous les autres, avant elle-même surtout.
Elle savait que partir se battre en étant enceinte était pure folie, elle savait que les ennemis ne retiendraient pas leurs coups pour autant, elle savait quelle mettait deux vies en danger en faisant cela. Elle était partie malgré tout. Malgré les remontrances des personnes qui tenaient à elle.
Pourtant elle a su montrer quelle navait pas peur et que rien ne lempêchait de se battre aussi bien voir mieux que les autres. Le premier soir des combats, elle a mis à terre deux ennemis sans recevoir la moindre égratignure. Si elle avait pu être angoissée et tendue avant cette nuit, tout ou presque était dissipé après cette première victoire.
Le deuxième soir lavait vu gagner en puissance, son épée était passée au travers de trois Ponantais pour se nourrir de leur sang et sen imprégner. Cest quelle se serait presque crue immortelle, la rousse, à passer ainsi entre les lames ennemies sans jamais recevoir le moindre coup. Mais ne dit on pas que rien ne dure jamais ? Trop sûre delle, certainement, elle avait passé la journée à compter les dents et les oreilles quelle avait pu récupérer pour sa collection personnelle, ses soldats lui en fournissant dautres. Un Capitaine qui allaient porter de si beaux colliers divoire humain, ça donnait un petit quelque chose en plus qui finissait bien lallure de meneuse de la Carsenac. Enfin, elle gardait ces trophées bien au chaud dans une petite bourse de cuir pour le moment, elle soccuperait de les nettoyer et den faire un collier lorsque les remparts de Poitiers seraient tombés.
Le troisième soir se profilait devant eux, et comme à son habitude, la rousse sétait retirée dans sa tente pour lire quelques rapports, écrire quelques lettres et surtout, se préparer dans sa tête pour la nuit à venir. Cette fois, pas dangoisse à faire taire, elle est en confiance après le déroulement des nuits précédentes. Trop, peut-être, sûrement même. Elle est convaincue que cette nuit encore tout se passera bien. De toute façon certains de ses soldats ont été affectés à sa protection personnelle, il ne pouvait donc pas lui arriver quoi que ce soit.
Les cris commencent à retentir de part et dautre du campement, et la Carsenac sort son épée. Epée qui lui a été prêtée par Catherine en échange de la promesse de lui revenir en vie. Promesse bien risquée quand on ne sait jamais de quoi sera fait le lendemain, mais elle a promis malgré tout, pour se convaincre elle-même autant que pour convaincre la jeune femme. A son cou, la croix de Toulouse que la même demoiselle lui a confié, comme une protection dérisoire contre les attaques. Elle avait presque fini par croire que celui-ci fonctionnait réellement.
Le champ de bataille est là, tout proche, et elle le rejoint avec ses soldats. Les combats sont brouillons, on ne voit pas bien qui est qui, qui est avec qui, mais la rousse nest pas du genre à hésiter. Elle les a repéré, les Ponantais. Des mots dencouragement aux soldats qui la suivent, un rappel de leur devise, nulle défaite quand on se bat avec Honneur, cest ainsi quils se sont toujours battus, et cest ainsi quils se battront ce soir encore. Ils se dispersent, la Carsenac savance à travers les bruits de ferrailles, un de ses plus fidèles soldats juste derrière elle, celui-là même qui lui a promis de la protéger même au péril de sa vie.
Il ny a plus rien dans son esprit, hormis la nécessité de faire le plus de dégâts dans les rangs adverses, des hommes et des femmes comme eux au final, qui se battaient eux aussi pour une cause quils pensent juste. Premier échange, la rousse sen sort, une simple égratignure au bras gauche, rien de bien méchant, mais elle na pas réussi à mettre cet adversaire hors détat de combat, à se protéger ainsi. Elle voit son soldat à ses côtés, aux prises avec un autre homme, quelle est fière de lui à cet instant
Cependant le moment dinattention va lui coûter cher. Elle sent un mouvement dans son dos et se retourne vivement, épée prête à frapper limbécile qui aura osé se frotter à elle. Trop tard
Lépée sarrête nette, et tombe au sol, bientôt brisée par le sabot dune monture passant sur elle. Pour lheure, la Carsenac reste debout, les yeux écarquillées de voir son agresseur si proche. Elle la senti arriver trop tard. Du sang déjà séchappe de la bouche déformée par la douleur tandis que des deux mains, elle tient lépée qui vient de transpercer la protection de cuir quelle portait, pour aller se ficher directement dans son ventre légèrement arrondi. La lame na touché aucun organe, fort heureusement, mais elle a touché bien pire.
Lennemi arrache son épée, repart au combat comme si de rien nétait, comme sil ne venait pas de tuer. Comment lui en vouloir ? Navait elle pas elle-même agi exactement de la même manière, les jours précédents ?
Les mains tremblantes et poisseuses de son sang rejoignent la blessure dont sécoule le liquide de la vie, de sa vie, qui la quitte à petit feu. Elle sécroule sur le côté, les larmes et le sang venant se mêler à la terre et à la boue du champ de bataille.
- Capitaine !
Pas de réponse. Le néant, linstant présent qui na plus vraiment de consistance. Elle entend vaguement quon lappelle de loin. De très loin. Elle sent son ventre dont continue de sécouler le liquide carmin, elle sent la vie qui la quitte doucement, mais elle na plus mal. On la transporte, on la manipule, on essaie de la soigner.
La grossesse est découverte des médicastres, grossesse avortée par une lame infâme, grossesse quelle cachait encore aux yeux du monde pour préserver linnocence de ce petit être qui grandissait en son sein. Même sa famille nétait pas encore au courant, seule une poignée de personnes savaient. Cet enfant quelle se voyait déjà élever et chérir avec son futur époux nétait plus quun souvenir douloureux à présent. Elle avait promis de prendre soin de eux deux, et elle avait failli, encore. Pourquoi se réveiller à présent, elle avait perdu son petit.
Pourtant elle se souvient des heures qui suivent. Elle se souvient, délirante, avoir écris à Elisa, juste avant davoir sombré à nouveau. Elle se souvient des noms balancés au médicastre près delle alors quelle délirait complétement. Elle se souvient de la fièvre qui lui martèle les tempes et des douleurs qui lempêchent de bouger.
Puisque rien ne dure
* Brecht
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