--Cairn
Après la modeste victoire des troupes étrangères sous agrément Guyennois sur les forces Tolosano-Montalbanaises défendant la ville, il était évident que ces derniers n'allaient pas s'endormir sur leurs lauriers. Sur les remparts, alors que d'autres craignaient pour leur famille, le grand Cairn pouvait s'estimer satisfait d'être resté célibataire et de n'avoir jamais eu d'enfants à sa charge. Certes, aurait-il voulu mener une autre vie, Cairn n'en aurait sans doute pas eu la possibilité. Mais il n'avait de toute façon jamais ressenti l'envie de s'enchaîner contre un roc qui occasionnait autant de fragilités. En contrepartie, il payait le prix d'une certaine froideur qui occuperait son cur à jamais. Mais sa vie lui plaisait, et sa force physique faisait de l'obligation de travail quelque chose d'assez tranquille. Cela ne l'avait pas empêché d'accumuler quelques soucis de santé. Aussi cette nuit là, sur les murs, gobait-il quelques comprimés blancs, soi-disant thérapeutiques, sensés lui donner derechef ses dispositions ingambes d'autrefois. Mais cette nuit, il avait à choisir contre qui se battre, l'inquiétude qui lui donnait la migraine, ou les mots de l'honneur qui lui commandaient d'aller ferailler en contrebas, avec ceux qui défendaient la porte. Malheureusement, à l'heure de la lutte, il se retrouvait à diriger les quelques pièces d'artillerie de Montauban, qui ne vaudraient pas tripette face à pareil rassemblement. Sur les remparts, l'heure était à l'engourdissement, lorsqu'aux environs de minuit, une détonation tonna dans l'air, et la tête de son voisin vola en éclats. L'assaut venait de débuter.
Montalbanais ! Au nom de vos Gouverneurs ! Aux armes ! Si vous ne voulez pas crever comme lui, exécutez les ordres ou je vous abats moi-même ! Élevez les escarbilles, refroidissez l'affût ! Vous ! Crevez la gargousse, remplissez la lumière ! Versez la poudre. Deux doses. Refoulez ! Refoulez la poudre ! Rahhh, plus vite bande de lavettes ! Activez vous autrement que des Bazadais avant que la fumée ne masque l'ennemi ! Chargez le boulet ! Refoulez ! Ahhhh, le moulin de Sapiac brûle ! Pièce à 60° Sud-Sud-Est !
Ah, oui, et tiens toi, prends ce document, et cache-le à Ciutat Mosil. Sans te faire prendre. C'est encore ce qu'il nous reste de plus précieux en cette foutue ville.
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Cairn Little
Reformaté de la Foi.