Kernos
Seules errances d'amour Sont dignes d'un pardon*
Bourgogne... Il y a plus d'une année, c'était en homme comblé qu'il se tenait ici. Un homme nouveau, libre, amoureux, vivant, aux côté de celle qui avait redonné au monde une saveur, des couleurs... Terwagne. Aujourd'hui, c'était un homme usé, en proie au doute et solitaire qui arpentait la route reliant Lyon à Mâcon sur son cheval gris, à la poursuite d'un espoir, d'un parfum de giroflée que la poussière des chemins avait effacé depuis longtemps, d'un éclat de Lune depuis trop longtemps éclipsé... bref de la femme qui un an plutôt avait franchi avec lui les portes du Lyonnais-Dauphiné.
Autour de lui s'étendaient les champs où, jadis, ils s'étaient aimés la première fois au grand jour. Sur cette terre où personne ne les connaissait, ils n'avaient plus été des amants des ruelles sombres et des jardins endormis, plus eu à cacher leur passion, libres de crier leur amour à la face du monde, libres de se tenir la main, de mêler leurs lèvres et leurs souffles sans craindre les regards accusateurs, les insultes et les jugements, de n'être que deux amoureux anonymes, non l'adultère et sa maîtresse, juste eux-mêmes. Lors de ce voyage, ils avaient connu pour la première fois la sincérité à l'état pur, le partage plein et entier d'une vie qu'ils avaient croquer à pleines dents, en savourant le fruit sans retenu ni pudeur, sans faux semblants... Les masques étaient tombés, emportés au loin par le vent doux et chaud de la liberté qui avait soulevé leurs poitrines et embrassé leurs âmes. Mais le vent s'était épuisé pour se faire murmure lointain et fugitif, un murmure qu'il tentait désespérément de saisir et qui l'avait ramené jusqu'ici, dans le creuset d'un passé où naîtrait peut être l'avenir, à moins que celui-ci ne s'enfuit comme son présent.
Il fit faire halte à sa monture... c'était par ici, l'ombre d'un éclat de rire lui avait remis le souvenir du chemin en tête, Kernos fit prendre à son cheval un sentier courant à travers les blés. Ses cheveux noirs se soulevant comme volute de fumée déchirant le rideau de pluie venant s'écraser sur son épaule nue alors qu'elle galopait devant lui en souriant, surgissaient de sa mémoire pour le guider à travers la campagne mâconnaise. Il la reconnut aussitôt, branlante, misérable, plus ruinée encore que l'année dernière mais c'était bien elle la grange où ils s'étaient donnés l'un à l'autre pour la première fois en Bourgogne. Abri de fortune contre l'orage devenu nid d'amour d'une nuit, de la paille humide, un toit percé, cela leur avait paru un palais alors et aujourd'hui, c'était à la fois une étincelle et un crève-coeur pour le Rouvray.... le premier lieu saint de sa quête où il déposa une prière sur l'autel de cet amour enfui, sur les traces duquel il s'était jeté, comme on prend la croix.
La route était encore longue jusqu'à Mâcon, il ne pouvait s'attarder outre mesure, la paille avait de toute manière perdue l'odeur de Terwagne depuis bien longtemps, il se remit donc en selle.
*Miguel de Cervantes
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Bourgogne... Il y a plus d'une année, c'était en homme comblé qu'il se tenait ici. Un homme nouveau, libre, amoureux, vivant, aux côté de celle qui avait redonné au monde une saveur, des couleurs... Terwagne. Aujourd'hui, c'était un homme usé, en proie au doute et solitaire qui arpentait la route reliant Lyon à Mâcon sur son cheval gris, à la poursuite d'un espoir, d'un parfum de giroflée que la poussière des chemins avait effacé depuis longtemps, d'un éclat de Lune depuis trop longtemps éclipsé... bref de la femme qui un an plutôt avait franchi avec lui les portes du Lyonnais-Dauphiné.
Autour de lui s'étendaient les champs où, jadis, ils s'étaient aimés la première fois au grand jour. Sur cette terre où personne ne les connaissait, ils n'avaient plus été des amants des ruelles sombres et des jardins endormis, plus eu à cacher leur passion, libres de crier leur amour à la face du monde, libres de se tenir la main, de mêler leurs lèvres et leurs souffles sans craindre les regards accusateurs, les insultes et les jugements, de n'être que deux amoureux anonymes, non l'adultère et sa maîtresse, juste eux-mêmes. Lors de ce voyage, ils avaient connu pour la première fois la sincérité à l'état pur, le partage plein et entier d'une vie qu'ils avaient croquer à pleines dents, en savourant le fruit sans retenu ni pudeur, sans faux semblants... Les masques étaient tombés, emportés au loin par le vent doux et chaud de la liberté qui avait soulevé leurs poitrines et embrassé leurs âmes. Mais le vent s'était épuisé pour se faire murmure lointain et fugitif, un murmure qu'il tentait désespérément de saisir et qui l'avait ramené jusqu'ici, dans le creuset d'un passé où naîtrait peut être l'avenir, à moins que celui-ci ne s'enfuit comme son présent.
Il fit faire halte à sa monture... c'était par ici, l'ombre d'un éclat de rire lui avait remis le souvenir du chemin en tête, Kernos fit prendre à son cheval un sentier courant à travers les blés. Ses cheveux noirs se soulevant comme volute de fumée déchirant le rideau de pluie venant s'écraser sur son épaule nue alors qu'elle galopait devant lui en souriant, surgissaient de sa mémoire pour le guider à travers la campagne mâconnaise. Il la reconnut aussitôt, branlante, misérable, plus ruinée encore que l'année dernière mais c'était bien elle la grange où ils s'étaient donnés l'un à l'autre pour la première fois en Bourgogne. Abri de fortune contre l'orage devenu nid d'amour d'une nuit, de la paille humide, un toit percé, cela leur avait paru un palais alors et aujourd'hui, c'était à la fois une étincelle et un crève-coeur pour le Rouvray.... le premier lieu saint de sa quête où il déposa une prière sur l'autel de cet amour enfui, sur les traces duquel il s'était jeté, comme on prend la croix.
La route était encore longue jusqu'à Mâcon, il ne pouvait s'attarder outre mesure, la paille avait de toute manière perdue l'odeur de Terwagne depuis bien longtemps, il se remit donc en selle.
*Miguel de Cervantes
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