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[RP] En quête d'espoir

Kernos
Ysabeau a écrit:
Le visage d'Ysabeau prit une jolie couleur coquelicot... Norf de norf, elle avait parlé trop vite, heureusement que l'ami Clealan avait meilleure mémoire qu'elle, heureusement...
Elle s'excusa.


Je vous demande mille pardons messire Kernos. Je suis troublée voyez-vous, et il y avait tant de monde à mes noces que j'ai pu confondre... Mais Cle a raison, mon amie Terry était venue seule à Sancerre pour mes noces.
J'ai eu le plaisir de discuter avec elle en taverne la veille de la cérémonie, puis de la voir brièvement ensuite. Et je m'en souviens, oui, comme le dit Clealan elle est vite partie vers d'autres horizons.


Confuse et un peu honteuse, elle prit un verre et but. Elle observait le jeune homme, perdu dans ses pensées.
Ainsi Terry avait disparu... s'était envolée, comme le vent. Terry avait repris son errance...
Elle demanda à Kernos


Avez-vous essayé de.. lui écrire ? Parfois, en confiant une missive à un voyageur de passage, ou à un pigeon habile...
La vie est dure en ces temps troublés pour les voyageurs.
Oui, buvons à l'amitié ! Cela reste, malgré les malheurs...


Kernos
Il y a des choses que l'on ne peut dire avec des mots, et ce que je voudrai lui dire ne peut être confier à des lettres figées... elles sont de bien trop pâles et infidèles reflets face à la vérité nue.

Il fit tournoyer légèrement le fond de son gobelet entre ses doigts, et se perdit quelques instants dans la contemplation de la surface agitée où les torches de la salle se reflétaient sur les ondulations écarlates. Il crut y voir deux prunelles sombres le contempler, il releva donc les yeux vers ceux de la Dame pour achever sa réponse, et repousser au loin la vague de mélancolie qui émergeait au fond de lui.

Je ne puis donc lui écrire, encore moins abandonner à un inconnu, ni à un volatile, la destinée de mes maux et de mes espoirs... Je me dois donc de la retrouver avant tout pour lui livrer mes sentiments, dussé-je y mettre dix ans ou traverser mille champs de batailles.

Un peu théâtral non? Avec le recul... mmoui. Enfin, cela aurait pu être pire s'il s'était levé, poing serré vers les cieux boisés pour invectiver les dieux païens laissant choir sa chaise au sol derrière lui et son élan lyrique. Ou bien, s'il avait brisé son gobelet entre sa poigne d'acier ou sur la table, aspergeant l'assistance à la fois de son restant de vin et de son débordement passionné et verbal . Certes, cela n'aurait pas manqué de panache mais, malgré son ardeur, Kernos était loin d'être un héros tragique ou épique de toute manière, juste un homme désespérément amoureux. Et même si ces deux sentiments - l'amour et le désespoir- conduisent à certains extrêmes, il ne franchirait pas ceux du pathétique... l'alcoolisme et la dépression étaient plus dans son tempérament à la rigueur.

Cependant, ce n'était ni vers l'un, ni vers l'autre de ses penchants naturels qu'il s'était tourné -sinon il ne serait pas là entrain de tailler le bout de gras avec les amis de sa compagne fugitive- mais vers ceux, au combien différents, de la résolution et de l'espoir. Sans doute sa rencontre avec Terwagne avait quelque peu changé sa façon d'être et ses convictions profondes.

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à notre table. La proposition de Dame Ysabeau n'avait certes pas convaincu Kernos néanmoins, elle avait fait germer une idée dans son esprit. Il faudrait encore quelques temps avant que la graine arrive à maturité, mais au moins elle était là, planté dans le terreau spirituel du Rouvray.


Toutefois, Dame, je vous remercie pour votre suggestion, elle m'inspire un projet qu'il me faudra mettre en oeuvre dès que j'aurai le loisir d'y réfléchir plus mûrement.

Il acheva enfin son fond de vin.

Sans doute ne tarderai je point à faire comme Terwagne. Je pense d'ailleurs que mon prochain horizon sera le Duché d'Orléans, Montargis pour être exact, j'aurai ainsi achevé le pèlerinage sur les routes de son passé et pourrai alors, si je ne trouve rien là-bas, me pencher sur les voies de son présent et de son devenir.

Kernos parcourut la table du regard: elle croulait sous les victuailles, que lui était-il passé par la tête pour commander tout cela? Il avait faim, oui, mais sa panse ne saurait contenir tout cela en une fois.

Que diriez-vous de partager mon repas? Je crains avoir eu les yeux plus gros que le ventre, il doit y avoir suffisamment pour contenter trois personnes sur cette table et je serai ravis de vous en faire profiter en guise de remerciement pour votre accueil et vos informations.
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Kernos
Ysabeau a écrit:
Ysabeau, les yeux brillants, observa les mets délectables que Kernos s'apprêtait à déguster

C'est volontiers que je partagerai votre repas messire. Manger seul, boire seul... Cela incite à la tristesse. Tandis que partager des mets délectables et des boissons capiteuses... Voilà qui met le coeur en joie !
Merci de votre invitation.


Elle appela la servante qui déposa une assiette devant elle. Et se servit.
Mangea avec plaisir, trinqua, à la lueur des bougies et du feu de cheminée.
Puis, tout à coup, pensa à une chose... Une chose que Terry lui avait dite...


C'est vraiment délicieux... Mais je pense à quelque chose. Il me semble, enfin je crois me souvenir, que Terry est présidente de la cour d'appel... si vous vous rendiez à Paris, au Palais de Justice, peut-être auriez-vous une chance de la rencontrer ?
Qu'en pensez-vous ?


Kernos
Kernos hocha la tête en réponse aux primes propos de la Dame avant de retourner son attention sur son tranchoir. Manger, c'était le meilleur moyen qu'il avait trouvé pour gagner du temps afin de développer ses petites réflexions personnelles. On pouvait trouver pire comme passe-temps, surtout quand la boustifaille est délicieuse autant savoir joindre l'utile à l'agréable, et le Rouvray avait le sens du sacrifice.

Le pâté ayant été réduit au rang des bons souvenirs, ce fut autour du ragout d'entrer en scène pour faire les frais de l'humeur des convives: un nouvelle mise à mort nette et sans bavure en vue. Tout en piquant de la pointe de son couteau un morceau d'agneau, Kernos rédigea quelques notes dans son journal mental. Six mois s'étaient écoulés depuis que Terwagne était passée par ici et il ne fallait que deux jours de chevauchée pour se rendre à Montargis... peu de chance qu'elle y soit encore, à moins qu'elle ait décidé de s'y établir définitivement.

La viande était moelleuse, juteuse, fondante dans la bouche et sous la langue qu'elle arrosait de sa saveur légèrement relevée par quelques épices... un régal.

A la réflexion, c'était peu probable si elle avait choisi d'épouser une vie faite de vent et d'oubli car, dans le passé on s'y enterre or, elle n'aurait donc pas pu prendre la tangente en restant là-bas... Non, s'il avait bien compris sa Lune et le sens de ses pérégrinations, Sancerre, Montargis, tout cela n'était que des étapes emblématiques, des plaques commémoratives sur lesquelles elle était venue se recueillir avant un nouveau départ, vers une nouvelle fuite en avant.

Une gorgée de vin succéda à une nouvelle bouchée.

Vers quel vent s'était-elle laissée emporter ensuite? D'Orléans, on pouvait gagner l'Ouest du pays, mais celui-ci était le foyer du Ponant et de la révolte, même si elle avait pris ce chemin, lui ne le pourrait à cause de la guerre, tout comme le Nord... Restait donc la Champagne à l'Est et...


C'est vraiment délicieux... Mais je pense à quelque chose. Il me semble, enfin je crois me souvenir, que Terry est présidente de la cour d'appel... si vous vous rendiez à Paris, au Palais de Justice, peut-être auriez-vous une chance de la rencontrer ?
Qu'en pensez-vous ?


Parfois les grands esprits se rejoignent disait-on, mais si lui doutait de faire partie de cette élite, il n'avait aucun apriori à ce sujet concernant la Dame lui faisant face. Il déposa son couteau et vida sa bouche.

J'en étais parvenu à la même conclusion. Terwagne a toujours eu à coeur son office de Juge, Paris occupait une place importante dans sa vie. J'avais craint qu'elle n'ait quitté la Cour d'Appel suite à... Mais bon sang! Quel idiot je suis pour ne pas y avoir pensé avant!

Pour peu, il se serait giflé lui-même. Il avait trop présumé certainement. Dans son idée, si Terwagne avait décidé de trancher les liens de son ancienne vie, elle en aurait également fait de même avec la Justice royale. Si trouver quelqu'un qui souhaite disparaître dans la capitale du royaume relevait de l'aiguille dans la meule de foin, retrouver un officier royal dans son office était bien plus aisé.

Dame, je vous remercie de me donner un peu plus d'espoir encore. Si l'Orléans ne m'apporte rien de neuf, et bien j'irai sur l'Île de la Cité pour tenter de retrouver sa trace, cela m'évitera peut être de devoir fouiller la Champagne avec les Artésiens en armes qui y rodent parait-il.

Il leva son verre une énième fois.

Je crois que j'ai une dette envers vous à présent... mais je crains de ne pouvoir l'honorer avant un certains temps, du moins temps que je n'ai pas retrouvé Terwagne, car il me faut aller accomplir un voeux que j'ai fait et aller prier en votre église dès le repas terminé, puis il me faudra préparer de nouveau mes bagages pour reprendre la route au plus vite.
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Kernos
Ysabeau a écrit:
Ysabeau sourit, finit sa bouchée, s'essuya la bouche.

Vous ne me devez rien Kernos. Je suis heureuse d'avoir pu vous rendre service, et j'espère que vous retrouverez celle que vous aimez. Car vous devez l'aimer follement pour la chercher ainsi.
Je vous souhaite bon voyage, merci de m'avoir fait partager ce délicieux repas.


Elle s'interrompit pour boire une gorgée d'un vin délicieux qui coula dans sa gorge comme... Aristote en culottes de velours, et ajouta

N'hésitez pas à m'écrire, à me donner de vos nouvelles si le coeur et le temps vous en disent...

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Kernos
Kernos vida son verre d'un trait avant de le reposer. Un léger sourire flottait sur son visage.

Follement, c'est le mot. Je crois de toute manière qu'on ne peut aimer autrement une femme de sa trempe sans manquer de sincérité.

Le ragout avait fait son temps, l'heure était venu d'engloutir quelques beugnons. Il en prit un entre ses doigts, l'étudia quelques secondes avant de reprendre la parole.

Je vous écrirai dès que j'aurai des nouvelles de Terwagne, et si jamais vous en obtenez avant moi, je vous serai reconnaissant de bien vouloir m'écrire à votre tour.

Le Rouvray mordit dans le beignet et resta silencieux le temps de sa dégustation. Sans doute ne ferait-il pas aussi bon repas avant des lustres et n'aurait plus l'occasion de parler à quelqu'un, il ne savait même pas où il serait dans quelques jours: errant sur les routes encore, mort dans un fossé, dans les bras de sa belle... qui sais?

Merci de m'avoir tenu compagnie, ce fut un plaisir de vous revoir et j'espère qu'un jour, l'occasion se représentera en des temps moins sombres. Sur ce, je vais aller prier.

Il se leva, s'inclina et prit une autre friandise au passage.

Adieu, Dame, et encore merci.


Et il quitta la compagnie, la salle et l'auberge pour la ville, l'église... mais d'abord un petit détour vers la cour, encore une histoire de vessie et de besoins élémentaires de l'Homme.
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Kernos
"Choix et conscience sont une seule et même chose. "*

Le choix, encore et toujours le choix.

Agenouillé devant l'autel, Kernos priait tout en réfléchissant. Ses dévotions allaient vers le mariage de son vieil ami Tenshikuroi et de sa promise, une certaine Isys de Maledent. Prospérité, fertilité, bonheur, respect mutuel... et les autres choses habituelles pour apporter la bonne fortune sur l'alliance spirituelle et charnelle de deux êtres. Quand à ses pensées... le choix, toujours et encore le choix qui revenait sur le tapis.

Sa décision était pourtant prise de longue date, son dessein toujours ferme mais, une nouvelle donne venait d'entrer en jeu. Il l'avait appris juste après avoir renouer ses braies, en quittant l'auberge, un messager était venu lui apporter en main propre... et le tableau s'assombrit.

Honneur et devoir. Deux ombres de taille qui venaient planer sur sa quête, sur son destin et sa décision de retrouver Terwagne. Elles n'ébranlaient pas sa résolution en elle-même, ça personne ne le saurait, seule la mort y mettrait un terme et encore... Non, le problème était ailleurs.

Honneur et devoir. Deux choses auxquelles il ne pouvait se soustraire aisément, la mise était trop élevée et ne concernait pas que sa seule personne... cela aurait été simple sinon. Il y avait sa patrie, ses terres, son nom, mais surtout ses enfants, son passé et son avenir, l'homme qu'il avait été, ce qu'il avait pu accomplir... Bref, une part de lui-même.

Honneur et devoir de l'un, amour de l'autre... Il se signa et se redressa, il avait du mal à rester en place pour réfléchir, la chose était trop délicate. Tout en arpentant le déambulatoire, Kernos continuait à triturer son dilemme avec son bâton imaginaire, s'arrêtant de temps à autre pour contempler une statue ou approfondir une pensée.

Cela dura plusieurs minutes, il élargit ses errances morales et matérielles aux collatéraux puis à la nef. Répondre au devoir, c'était retarder leurs retrouvailles -si jamais elles avaient lieu un jour- et sa résolution, mais répondre à l'amour, s'était trahir ses serments, fouler au pied ses croyances, ce pourquoi il s'était battu pendant tant d'années...


Seigneur...

Oh oui... Terwagne le méritait... Mais serait-il capable de se renier lui-même? Elle ne le voudrait pas, elle ne l'accepterait pas, elle qui aimait les choses vraies, la sincérité, la vérité. Si jamais il la retrouvait, que penserait-elle d'un homme qui se serait perdu à ce point, menti à lui-même? Autant de dégoût que lui-même en se regardant d'un miroir, certainement.

Les chemins du devoir et de l'honneur sont aussi tortueux que ceux de l'amour, et lui était un marcheur égaré comme tant d'autres le tout, c'était de continuer d'avancer. Il s'assit sur un banc, se prit le visage entre les mains et soupira. Quelque soit son choix, il lui faudrait partir dès ce soir... bye bye Berry, bonjour la route! Restait juste à régler un point de détail... J'y vais ou j'y vais pas?

Devoir... honneur... amour...
Amour... devoir... honneur...
Honneur... amour... devoir...

Vieille litanie dissonante... et si tout les couplets pouvaient se mêler, se conjuguer en une seule mélodie? Les obligations auxquelles Kernos devait se soumettre, Terwagne les partageaient et si... Et si elle aussi devait retourner en Lyonnais-Dauphiné?

Il manqua de renverser le banc derrière lui. Voilà l'inspiration qu'il cherchait pour faire son choix. C'était du pile ou face, mais il fallait savoir tenter sa chance et prendre des risques. Le Rouvray quitta le sanctuaire, non sans s'être signé une dernière fois.

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Kernos
Interlude cavaleresque: Chevauche! Chevauche! Chevauche chair à canon!

Ciel d'ardoise sur terre de feu... Vision fugitive. Un dernier coup d'oeil en arrière vers les murailles de pierre qui s'éloignent avant de donner du talon. La vue se trouble, le vent se fait plus déchirant et les secousses plus fréquentes, le galop est lancé.Adieu Sancerre... Adieu Berry... la chevauchée recommence.

Pas de brouillard cette fois, ni de Lune ou d'apparitions cauchemardesques, il n'y a que la route, le soleil d'acier, le cavalier et sa monture soudés l'un à l'autre, centaure écumant, fumant et soufflant à l'unisson dans un tonnerre de fer, de cailloux et de poussière qu'ils jettent dans leur sillage. La ville n'est déjà plus qu'un lointain souvenir. Ils avancent. Point fixe dans le décor qui se dilue dans la vitesse, ne devenant qu'une peinture abstraite.

Le galop à cet avantage. Il dépouille tout jusqu'à l'essentiel sans s'encombrer de détails, de fioritures et de mignardises. Pas de place pour les pensées, les doutes ou le dialogue, il n'y a que la chevauchée. L'acte et à la volonté d'avancer encore et encore. Tout le reste derrière soi, le monde réduit à une unique chose: l'avancée, pure et simple, le présent absolu. Détournez votre attention une seule seconde de votre course, laissez vos pensées vagabonder ne serait-ce qu'une seconde et c'est l'ornière manquée, la chute éminente ou bien l'erreur et le détour.

Vigilance constante, malgré le froid et son souffle qui vous lacèrent la peau, votre épée qui vous martèle la cuisse et les flancs, les yeux rivés vers l'avant malgré la sueur, les larmes et le vent qui vous brûlent. Kernos n'est plus qu'obstination et effort à l'état brut. Il a oublié la douleur de ses muscles tendus, la morsure des éléments, la raideur de ses doigts accrochés fermement comme les serres d'un rapace aux rênes qui lui fouettent l'avant-bras, le filet poisseux qui court de sa joue à son oreille... est-ce du sang? Pas le temps, il vérifiera plus tard, lorsqu'ils seront en vue du pont enjambant la Loire pour se rendre en Bourgogne, quand ils ralentiront.

Les arpents défilent et se ressemblent tous, tunnel aux parois grisâtres et pourpres striées par l'ombre des arbres. Il veut en engloutir le plus avant de ménager sa monture, il veut gagner la frontière au plus vite, après ils se reposeront, avant d'être terrasser par la fatigue. Mais, pour l'heure, pas de sentiments, ils doivent chevaucher encore et encore, comme une bête aux abois qui court vers l'hallali... n'est-ce pas d'ailleurs ce qui l'attend? Etait-ce le calme avant la tempête? Le silence de son suzerain n'était-il pas le signe qu'on cherchait à le perdre quelque soit la voie qu'il emprunte? Baste! Pas de place pour cela ici, il pourra le constater par lui-même dans les jours prochains. Sa seule certitude serait qu'il n'y aurait pas de curée. Les veneurs ont au moins la courtoisie d'honorer le gibier mis à mort par leurs soins, ces gens là n'en avaient aucune, ils en feraient une charogne... Allez! Chevauche, galope et chevauche encore, ils ont besoin de chair à canon!

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Kernos
Interlude cavalresque: Allées et retours sur les chemins de l'incertitude

Impression de déjà vu, la même que ces derniers mois. Lui, juché sur sa selle, silhouette sèche et esseulée se détachant sur le ciel d'Automne, la route. Le froid, les remords, les pensées, tous les accessoires sont là, inchangés depuis le début. Encore une chevauchée... toujours la chevauchée, il se demande parfois si elle ne sera pas éternelle. Quoique...

En y repensant, c'était un formidable tête à queue qu'il venait d'effectuer. Galopant à bride abattue, baigné dans l'incertitude et sa propre sueur, affrontant les silences de son seigneur, résolu à offrir sa chaire au couperet du premier vide-gousset qui l'attendrait en route, il avait suffit d'une lettre... Une seule petite lettre, non... c'était plus que cela: une réponse, ce qu'il demandait simplement, quelque chose qui aurait mis à bat le mutisme qui le cernait, l'étouffait. Une réponse. Non de celui qui aurait légitimement du la lui donner, ce dernier semblait le dédaigner au plus au point, mais d'une autre, qui n'avait aucun lien, aucun devoir envers lui, aucun serment: la Bourgogne lui avait tendu la main.

Le Rouvray avait déjà franchi Cosne, et s'apprêtait à en faire de même avec Sémur quand la lettre de la Duchesse lui était parvenue. Tournant aussitôt bride, il avait abandonné la route du Lyonnais-Dauphiné pour regagner Cosne où on lui proposait plus que ce qu'il avait depuis des mois... Un feu... Il en sentait encore la chaleur, la carresse au fond de lui. Un léger brasier qui crépitait encore maintenant dans sa vieille carcasse, alors qu'il avançait à nouveau solitaire et au milieu des vents, effaçant quelque peu l'amertume de sa bouche et la froideur de son corps.

Kernos s'en souviendrait. Depuis combien de temps n'avait-il pas chevaucher en compagnie? Depuis combien de temps n'avait-il pas goûté à cette camaraderie franche et simple d'un campement? L'odeur de la paille et du purin se mêlant à celui du bois qui se consume, le musc des chevaux, le cuir, le fumet des pièces de viande qui grillent, celui du vin qui circule entre les tentes, les éclats de voix et de rire ça et là, le bruit des lames qu'on affute, l'odeur des hommes. Des mois durant, le regroupement de ses semblables et l'agitation des villes lui soulevaient le coeur et l'estomac. Il les avait fui comme on fuit un pesteux, de peur que son mal ne vienne se saisir de lui-même mais là, tout avait été différent. Etait-ce ce sentiment de fraternité temporaire qui nait des alliances de circonstances entre hommes d'armes, qui savent bien que demain c'est peut être à vos côtés qu'ils tomberont et partagent la même fortune? Il n'avait pas envie d'y réfléchir, il voulait juste ressentir encore un instant cette chaleur maintenant qu'il était de nouveau seul et Joinville bourguignonne.

Die... Valence... Vienne... Lyon... Mâcon... Chalon... Dijon... Sémur... Tonnerre... Cosne... Sancerre... Cosne... Sémur... Cosne... Tonnerre... Champagne... Joinville et à présent Langres pour redescendre vers le Lyonnais-Dauphiné, achever le détour auquel il était contraint pour repartir sur la voie de l'errance qu'il s'était tracé jusqu'à elle, son Incertitude, son Obsession, son Exil, sa Rédemption, ses Larmes, ses Cris, Son Dénouement... Terwagne. Pourquoi n'as-tu pas semé de grains derrière toi, cette fois, qu'il soit plus aisé de te retrouver sur les chemins et leurs pavés que tu as foulé?

Une aube de plus qui déchire les cieux abyssaux en une plaie béante. La veille, il a fait ses adieux à ses compagnons. Sa place est ailleurs, il n'a pas dormi à Joinville, préférant trancher tout d'un coup, c'est dans une grange isolée de la campagne environnante qu'il s'est installé pour envoyer une lettre au Prévôt de Champagne pour obtenir sauf-conduit et dormir. C'est dans cette même grange, allongé sur la paille qui s'éveille au bruit d'un grattement dans les combles. Un pigeon... Kernos s'étira et se frotta les yeux. N'était-ce point un rouleau à la patte du volatile? Il se redressa et délivra l'animal de son fardeau.

Sourire de Dame Fortune ou bien pied de nez du Destin? Le hasard était-il de la partie? Le Rouvray laissa retomber son bras tenant la lettre fraîchement lu. Aimelin de Millelieues... Oui, c'était bien celui auquel il pensait... Se pourrait-il que... Enflamme-toi, Espoir, avant que Doute et Jalousie ne commencent à brûler! Cela ne pouvait qu'être que ce Aimelin.

Sans prendre le temps de mettre ses bottes, il se précipita vers ses fontes pour en tirer son nécessaire d'écriture. Quelques minutes plus tard, palefroi sellé et bottes enfilés, debout sur le seuil de la grange, il regarda s'envoler le pigeon avec sa lettre au Connétable et son espérance.


Citation:
Kernos Rouvray, Baron de Mévouillon & Sire de Glandage,
Au Sire Aimelin de Millelieues, Connétable de Champagne, Sire d'Etampes sur Marne, salut & paix!


En premier lieu, je vous remercie pour votre autorisation de traverser votre Duché. Voilà pour ce qui est de l'officiel, à présent, passons au personnel.

Je n'ai qu'une question à vous poser, une simple question qui pour moi m'importe plus que tout le reste, sauf votre réponse. Savez-vous où se trouve Terwagne Méricourt en ce moment même?

Je sais que vous êtes son ami, que vous comptiez énormément à ses yeux et comment vous vous êtes rencontrés, aussi je vais être franc avec vous. J'aime Terwagne. Elle a disparu sans laisser ni trace, ni adresse, seulement une lettre et voilà six mois que je chevauche à sa recherche. J'ai traversé deux fois la Bourgogne, le Berry et si je n'étais pas convoqué au ban du Lyonnais-Dauphiné, je serai en Orléans, ou peut être plus loin encore dans l'espoir de trouver ne serait-ce qu'un soupçon d'indice sur le lieu où elle séjourne. Six mois que j'affronte le froid, la faim, mes doutes et les périls de la route dans ce royaume en guerre, abandonnant tout le reste juste pour entrevoir une étincelle, un rayon de Lune. Six mois d'errance et de perdition qui pourraient trouver leur dénouement - bon ou mauvais ce n'est pas à moi que cela appartient - sur un mot de vous.

Puisque vous êtes son ami, et que je gage que son bien être ou plutôt son existence-même compte à votre âme, je vous confie mes intentions en toute sincérité. J'ai une bague accrochée à mon cou depuis Lyon, que je compte lui offrir en même temps que ma vie, libre à elle de les accepter ou de les rejeter, l'une comme l'autre... quelque soit sa décision, je m'y plierai car je n'ai plus rien à perdre, sinon de ne plus jamais entendre la mélodie qui était notre et qui résonne dans chacun de mes souffles, mais au moins je saurai qu'elle est en vie, peut être heureuse, même sans Nous.

Je vous prie de bien considérer ce que je viens de vous révéler et vous supplie d'apporter réponse à l'homme usé qu'un seul espoir tient encore debout.

Je serai à Langres dans la matinée, j'y attendrai votre réponse.

Que le Très-Haut vous garde.

Faict à Joinville, le 4e jour du mois de décembre de l'an MCCCCLIX,



L'oiseau s'effaça sur l'horizon. Il mit le pied à l'étrier et s'élança vers la Champagne, vers sa destinée.
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Aimelin
[Château de Reims le 3 décembre]


La plume qui crissait sur les parchemins n’était pas celle habituelle qui laissait couler les mots destinés à ses amies ou à la blondinette. D’ailleurs, en songeant aux amies, il était peut être temps de leur donner des nouvelles. La plume qui s’appliquait était celle qui avait pour tâche de répondre aux demandes de LP et autorisations en tout genre qui arrivaient continuellement dans la boite du jeune Connétable, ou par erreur dans d’autres boites, mais qui finissaient de toute façon sur son bureau, avec un léger retard pour les dernières. Un dernier courrier remis par le prévôt et un petit haussement de sourcils en lisant le nom du demandeur… Kernos… Kernos… il était certain d’avoir entendu ce nom quelque part.

Sans lâcher la missive qu’il parcourut du regard il s’appuya contre le dossier du fauteuil, avant de lever les yeux vers la porte. Mais ce nom bien sûr, c’était l’homme qu’avait quitté Terwagne avant qu’elle ne parte sur les chemins. Sa main libre se porta sur sa joue, geste habituel du jeune homme tandis qu’il se remémorait les discussions avec son amie la Vicomtesse, laissant un sourire éclairer son visage avant de s’assombrir légèrement.

Depuis le dernier soir où elle était venue dans son bureau prendre les consignes et où avait suivi une discussion entre les deux jeunes gens, les mots de la jeune Présidente de la Cour d’Appel résonnaient dans sa tête tandis qu’il revoyait son visage fatigué et son sourire triste. Toute l’affection qu’il avait pour elle n’avait pas suffit à lui faire naitre son si joli sourire. Elle l’inquiétait et il se maudissait souvent de ne pouvoir lui donner ce qu’elle aurait voulu, et lui aussi sans doute, et tout deux vivaient leur tendre amitié avec toute la force de l’attachement qu’ils avaient l’un pour l’autre. Ce soir là, elle lui avait dit des paroles qui lui avaient fait peur et il avait tenté de la réconforter tout en se montrant faussement en colère. A son retour près d'Aliénor, il avait évoqué cette discussion et il lui avait fait part de son inquiétude. Alors il veillait dans l’ombre, comme l’on pouvait veiller sur quelqu’un de cher à qui l’on tenait comme à la prunelle de ses yeux.

Abandonnant ses pensées il se mit à rédiger la réponse.


Citation:
Reims le 3 décembre 1459

bonjour,

Suite à votre demande, LP vous est accordé pour voyager entre joinville et la Bourgogne en passant par la ville de Langres. Ce lp prend effet à compter du 4-12.
La fermeture des frontières n'autorise pas d'autres déplacements dans le Duché.

Cordialement

Aimelin de Millelieues
Seigneur d'Etampes sur Marne
Connétable de Champagne


Il appela le garde pour faire partir les documents. Pourquoi était il persuadé qu’il allait recevoir une réponse qui lui parlerait de Terry.


[Château de Reims le lendemain]

Des claquements de bottes sur les dallages du couloir, et si l’on remontait le long des braies couleur terre surmontées d’une chemise de lin plus claire, on arrivait sur le visage du jeune connétable, visage où il était bien difficile de deviner un sourire. Un geste énergique pour ouvrir la porte de son bureau avant de s’arrêter et regarder Ernest planté devant elle.
Le jeune soldat qui faisait parti de sa garde personnelle, n’en était pas moins malgré son problème d’élocution, un homme sur qui il pouvait compter, même si parfois la communication n’était pas des plus reposantes et mettait la patience du jeune ébouriffé à rude épreuve. Un soupir en allant vers un coffre de bois, pour en sortir un sac de toile, refuge de ses plantes et autres petites fioles.


- Ernest, prends ces plantes et va aux cuisines me faire préparer un pot de tisane avant que ma tête n’explose.

Un bref regard pendant qu’il s’éloignait avant de venir s’asseoir lourdement sur le fauteuil, le regard posé sur la pile de parchemins, en marmonnant d’une voix sèche.

- je vais lui faire passer l’envie d’aboyer moi à ce noble prétentieux qui pense être au-dessus de tous

Il resta quelques secondes à penser à son amie Ysa, connue en début d’été 55, en même temps que Magdeleine et Lily et poussa un nouveau soupir d’agacement avant de saisir le premier parchemin de la pile et de commencer à rédiger réponses aux différentes demandes, puis il s’attaqua à ses modes d’emploi afin de faciliter son travail et celui de ses douaniers. S’il était Seigneur, il n’avait pas abandonné pour autant sa façon d’être et lorsqu’il avait une fonction quelle qu’elle soit, il se faisait un point d’honneur à rédiger des notes claires afin de faciliter le travail de chacun et de son successeur. Et puis lorsque la Duchesse cherchait un renseignement, elle avait moins de mal à le trouver au milieu du fouilli qu’avaient mis les prédécesseurs dans le château.

Un sourire satisfait s’était affiché sur son visage à la relecture de son parchemin, lorsque le garde lui apporta le pot magique, accompagné de deux courriers, dont la réponse de ce Kernos, comme il s’en doutait. Lecture avant de lever les yeux et prendre la chope de liquide chaud que lui tendait le jeune soldat.


mmm.. qu’est ce que je vais bien pouvoir lui répondre moi.
Je n’ai pas envie de raconter sa vie. Et puis elle lui aurait écrit si elle en avait eu envie non ?


Bien sûr qu’il comprenait l’homme, et savait ce que l’on ressentait lorsque l’abandon était là, souvent sans vraiment d’explications, juste parce que c’était un fait, un besoin ou une évidence pour l’autre. Avait il le droit de lui dire où était Terwagne ? Peut être qu’elle lui en voudrait de parler de sa vie et il n’aimait pas le faire. Leurs discussions à Etampes revenaient sans cesse, leurs promesses. Elle avait confiance en lui et leurs confidences n’appartenaient qu’à eux.

Il soupira regardant un instant le ciel qui se chargeait doucement de ces nuages qui se font malin plaisir à déverser leur eau quand ce n’est pas leur neige. Où était elle ? elle devait se cloitrer dans l’attente de ce que le destin déciderait pour elle, et lui n’avait pas envie d’aller la déranger dans ce mur de silence qu’elle bâtissait autour d’elle pour se protéger. Non, il ne pouvait pas lui dire où elle se trouvait, du moins pas avant de l’avoir vue et de lui avoir parlé de cette lettre, chose qui n’allait pas être facile pour lui, même si le bonheur de la jeune femme était primordial à ses yeux. "Un jour je viendrai vers vous et je serais heureux de vous voir heureuse… " … serait il vraiment heureux.

Il jeta un œil sur Ernest et abandonna ses réflexions à haute voix pour prendre la plume
.


Citation:
Reims, le 5 décembre


Baron Kernos,

Je ne sais pourquoi j’attendais votre réponse et vous avoue ne savoir trop quoi vous dire. Toutefois je puis déjà vous rassurer sur le fait que Terwagne est en vie et qu’elle est quelque part en Champagne. Ne me demandez pas où, ce serait la trahir que de dire telle chose sans savoir si elle le souhaiterait.

Je sais ce que c’est que de chercher quelqu’un pendant des semaines et des mois, de sentir le vide tout autour, et le sol qui s’effondre lorsqu’au bout du voyage, il y a ce vide encore et toujours.

C’est pourquoi je vais essayer de la joindre afin de lui faire part de votre missive. Elle m’a bien sûr parlé de vous également, et vous ne vous trompez point en disant que nous sommes chers l'un à l'autre. C’est une jeune femme que j'aime sincèrement, et je veille sur elle du mieux que je le peux, lorsqu’elle m’en laisse l’occasion.

Mais j’ai bien trop de tendresse ou d’amour, appelez ce sentiment comme vous le voudrez, mais ne dit on pas que l'amitié est l'amour du coeur, et de respect pour elle, pour me permettre de dire ce que peut être elle souhaite taire. Je connais ses colères et ses tempêtes et ne veux en aucun cas les provoquer, comme je connais ses douleurs et ses doutes et ses rares sourires ou l’on devine tant de choses qui la blessent.

Mais je vous promets d’essayer de la trouver afin de lui porter votre pli.
La Bourgogne n’est pas bien loin, et nos frontières sont encore fermées, mais quoi qu’il en soit, soyez assuré que je vous écrirai aussitôt des nouvelles reçues, à moins qu’elle ne le fasse elle-même.

Qu’Aristote vous garde.



Aimelin de Millelieues
Seigneur d’Etampes sur Marne


Lecture et relecture, il n'avait pas de sceau, mais sa signature suffirait. Le courrier déposé sur la pile qu'il donna au garde avec moultes recommandations, il se leva et posa sa cape sur ses épaules, la mine soucieuse tout en crochetant le fermoir. Sa blondinette serait de bon conseil et bien qu'elle ne lui posait jamais de questions elle savait l'importance de la Vicomtesse pour lui, et chose qui l'étonnait, elles s'appréciaient toutes les deux. Un salut de la tête aux gardes et il s'éloigna dans le couloir, ne prêtant plus attention aux cris qui pourraient se faire entendre en passant devant certains bureaux. Il avait bien assez de choses en tête.
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Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
Kernos
Solitude, c'est à toi que je bois

La main levée vers les cieux d'ardoise, les doigts serrés autour d'un gobelet, Kernos trinquait. Dans le silence, noyé de solitude, la chair meurtrie par le froid, il trinquait.

Le Bergerac le réchauffait aussi peu que sa cape, mais ce n'était pas ce genre de chaleur qu'il recherchait, cela faisait trop longtemps qu'il n'écoutait plus les doléances de son corps. Non, c'était une autre chaleur qu'il espérait, vidant verre après verre comme d'autres grattent des allumettes, à la poursuite d'une étincelle de souvenir, d'une flammèche qui lui donnerait l'illusion de s'embraser à nouveau ne serait-ce que quelques secondes... lui redonner le sentiment éphémère d'être en vie.

Epuisé, il l'était au delà du possible. Fatigué de ses errances, fatigué de ses souffrances, de ses espérances avortées, mais surtout de son absence qu'il traînait en lui comme on traîne la phtisie. Elle le rongeait de l'intérieur, l'asséchait lentement et sûrement, n'épargnant rien, pas même le supplice de se voir dépérir à petit feu. C'était peut être ça le pire. Il avait conscience de sa déchéance, il la contemplait emporter chaque jour et chaque nuit un peu plus de lui-même.

Alors il trinquait avec les vents. Il trinquait à la grisaille, au déchirement et à l'exil. Il trinquait aux hivers et aux automnes qu'il avait connu, à ce primptemps éternel qui s'était enfui avec elle, arrachant les étoiles et éteignant toutes les teintes de ce monde. Il trinquait à sa lassitude, à son corps usé qu'il trimbalait avec lui, inutile et désolé sans la douce chaleur du sien. Il trinquait aux souvenirs, bons ou mauvais, il trinquait à son présent et à sa vieille amie: l'attente. L'attente d'une lettre, d'une réponse de ce Aimelin dont Terwagne lui avait parlé, de cette rencontre en salle d'audiences, d'un anneau... L'attente d'une nouvelle désillusion, d'un nouvel échec, comme en Berry, qui le rejetterait une fois encore sur des routes inconnues, sur des terres étrangères, jusqu' à ce que l'absence en ait fini avec lui.

Il soupira, entre deux gorgées. Le vin était bon, mais les saveurs ne l'atteignaient plus, elles aussi s'étaient envolées aujourd'hui. Sans doute était-ce cela le vide dont elle lui avait parlé autrefois. La torpeur de l'existence même dont il ressentait les prémices... à moins que cela ne soit le froid dans lequel il baignait, assis dans la cour de l'auberge où il faisait étape en dans l'attente de cette réponse. Et elle arriva bientôt, sous la forme d'un coursier.

Kernos baissa son bras et déposa son verre - vide - à ses côtés. Ses doigts effleurèrent la missive sans l'ouvrir, fermant les yeux un instant pour endiguer le flot de questions qui se bousculait dans son crâne. Soyez sages, mon impatience et ma déception, vous le saurez bientôt, comme moi. Ses paupières s'ouvrirent et il déroula le parchemin. Il lut.

Combien de temps s'écoula autour de lui? Les lieux étaient plus sombres, l'air plus mordant. Il ne savait pas, il ne savait plus. Tout était flou... Tout était mouillé... Il pleurait. C'était comme un barrage qui avit soudainement cédé, éclatant sous la violence du torrent qui déferlait en lui, emportant tout sur son passage, engloutissant les doutes, les souffrances, la fatigue, il noyait tout sur son passage pour ne laisser que les pleurs à la lecture de ces quelques mots "Terwagne est en vie et qu’elle est quelque part en Champagne". Kernos avait aussitôt fondu en larmes, sans comprendre, sans s'en rendre compte, comme il n'avait jamais pleuré de toute sa vie. Pas une fois depuis six mois il n'avait verser un sanglot, comme si son coeur était devenu trop aride pour en être capable... Six mois où sa vie était retenue en suspens, et voilà qu'elle se déverser soudainement en une seule fois, mêlant dans son cours tumulteux sa détresse, ses hurlements restés muets, sa rage, mais aussi son espoir, son amour, son envie... elle gonflait, gonflait en lui au point qu'il ne pouvait la contenir, elle le dépassait, le submerger, l'écraser de toute sa force et de sa hargne, sa propre vie.

Il avait envie de hurler, de se rouler par terre en martelant le sol de ses poings, de cogner dans les murs et les gens au point d'en saigner. D'arracher ses vêtements, de griffer cette peau qui le démangeait, de dépecer sa chaire trop étroite pour se contenir lui-même, et de courir, courir encore et encore, jusqu'à ne plus avoir de souffle, jusqu'à l'écorchure, jusqu'à s'écrouler, terrasser par l'épuisement et sa propre folie. Il voulait vivre la brûlure à nouveau. Fendre les cieux pour contempler à nouveau la lumière jusqu'à ce qu'elle le consume entièrement. Se laisser emporter par la tempête, se fondre en elle à en être rassasier. Il voulait... Il voulait... Il voulait, tant de choses à la fois et en même temps, que cela dépassait sa propre compréhension. Sans doute avait il approché la folie quelques instants, là, assis seul sur ce banc de pierre, son corps secoué de tremblement, ses yeux baigné de larmes et sa main serrant frénétiquement ce petit bout de parchemin.

Kernos resta à pleurer peut être bien une heure ou deux, avant que le calme ne se refit en lui-même, du moins suffisamment pour se lever et aller griffonner, d'une main tremblante, quelques lignes qu'il confia à un chevaucheur.


Citation:
Kernos Rouvray,
A Aimelin de Millelieues, salut!


J'ai une dette envers vous... que je ne sais comment j'honorerai, mais je le ferai un jour... Merci.

Si la Champagne n'était pas terre royale, et que je ne souhaite pas nuir à Terwagne, sachez que peu m'importerait la fermeture de vos terres après ces longs mois d'abandon, loin d'elle. Mais voilà... Bien que je crève de devoir me plier à cet interdit, bien que toutes les fibres de mon corps me hurlent de faire demi-tour, je partirai ce soir pour le Lyonnais-Dauphiné pour répondre à mes obligations.

Dites lui que *plume hésitante, puis rature* non, ne lui dites rien... si, que je reviendrai pour... *nouvelle rature* Dites lui ce que vous voudrez, mais je reviendrai.

Merci.

Langres, le 6e jour de Décembre.


Le Lyonnais-Dauphiné... C'était comme avec une vilaine infection, mieux valait trancher vite et bien. Il essuya ses joues et sangla ses fontes... Bientôt, Terwagne, bientôt.
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