« Quand on croit quon a tout compris, en un clin doeil, tout change »
Allongée dans un lit, un vrai lit, elle se rappelait les évènements qui l'avait conduite ici, dans un désordre complet, total, un fatras de souvenirs sans cohérence temporelle.
Il y avait Ald', là dedans, parce qu'elle n'aurait jamais eu à monter sans elle, et que ça vie en aurait été différente, peut-être moins chaotique, plus lisse et plus plane. Dire qu'il y a si peu, elle la détestait encore, jusqu'à croire souhaiter sa mort.
Il y avait la remontée, depuis Chinon.. Quelques jours de pause, de grand air et de rires, il y en avait eu, de discussions, parce que l'autre Carsenac était peut-être une des seules personnes qu'elle estimait connaître avec qui elle ne s'était jamais brouillée.
Il y avait la Touraine, la guerre, et des tas d'autres choses qui s'embrouillaient parfois.
Il y avait, en parlant des Carsenac, Bruenor, qu'elle hésitait à détester, mépriser, ou tout simplement ignorer.. Une solution sûrement plus simple mais c'était un Carsenac. Du vent. Aujourd'hui, c'était jour de fête, et si l'illusion d'espérer ne pas le voir n'avait pas duré, elle avait encore celle de ne pas le cotoyer de près.
Enfin.. Jour de fête. Elle avait beau avoir promis à Aldraien qu'elle accorderait sa chance au marié, elle avait déjà une dent contre ce Prince de France, tout bâtard qu'il soit.
Mais déjà, avant, c'est par haine du breton, Aymeric, qu'elle s'était violemment brouillée avec la rousse. Elle pensait avoir appris, pensait pouvoir éviter de retomber dans les mêmes erreurs, et parfois, au détour d'un croisement, elle sentait comme un accès de panique, en songeant au mariage.
Tout comme elle avait angoissé, tout de même, sur la route, sur l'idée même de ce qu'elle allait mettre, sur l'idée même de la réaction d'Ald', lorsqu'elles se reverraient pour la première fois depuis des mois, comme elle avait angoissé à se demander si elle pourrait la revoir avant le mariage, ou si elle devrait se contenter de la voir de loin.
Prenant appui sur le bras droit, elle se releva, assise, et se souvint au passage qu'elle même ne sortait pas indemne de ces derniers temps. Les coups l'avaient cueillie aussi, la presque femme - parce qu'elle n'avait encore que quatorze ans, et pratiquement aucune éducation - et elle en gardait deux cicatrices, à l'épaule droite où une lame avait enfoncé son armure, et à la cuisse du même bord. Etrangement, alors qu'au départ, elle s'attendait à devoir passer plus de temps sur sa cuisse que sur l'articulation, celle ci la lançait encore quand la jambe avait déjà tout récupéré.
Elle se sentait vaseuse, nauséeuse, presque, et l'impression de n'avoir dormi que trop peu et à la fois trop longtemps lui collait au corps, à défaut de lui marquer les yeux. Encore que... Elle n'avait pas vérifié.
Muser dans sa chambre un peu grande pour elle seule, en recherche d'un bro d'eau, faire un brin de toilette, rien que de très classique, pour ne pas avoir à poser les yeux sur la robe.
Première fois qu'elle en mettrait une.
Rien que l'entrevoir lui rappelait qu'au final, elle avait vu la future mariée pas plus tard que la veille, et qu'elle en était réchappée avec le coeur lourd et apaisé à la fois, et une robe d'Aldraien, rouge, qui avait fini ajustée à la taille de la Blanche, qui s'était même entraînée à la passer seule, avant d'en finir avec sa journée.
Ne cherchez pas à savoir comment, ni pourquoi, et allez vois quelqu'un de mieux informé sur ce cadeau à tendance "poison". Aldraien, peut-être ?
Un poison parce que la robe était des plus simples au final, une robe typique de la Capitaine du Limousin. Et que la Flamande qui en avait hérité, elle, n'avait pas pensé à un certain nombre de détails.
Elle même allait se sentir ridicule dedans.
Elle n'avait pas prévu la question de la fermeture.
Elle avait les cheveux courts, aussi courts que ceux d'un jeune garçon, et ça n'allait pas l'aider à se fondre dans la masse.
Elle ne possédait pas un seul bijou à y rajouter.
Tant pis. A défaut de.. Son croc ? Non, elle n'était pas là bas pour la sécurité. Et puis c'était un cadeau, mais celui ci, d'une personne qui n'avait pas la couronne, ni les Carsenacs, et encore moins les ordres royaux dans son coeur. Un croc, parce qu'il venait d'un loup, même s'il avait plus le poil d'un renard.
Pourtant, la dague de l'Ysengrin fut lacée autour de sa cuisse, inaccessible, mais bien là, se rappelant à elle au poins d'être dérangeante.
La robe passée, elle en était aux questions de finitions.. Anecdotiques, évidemment. Du genre, comment éviter de finir avec le tout autour des chevilles si on ne l'aidait pas à fermer le .. Le truc, voilà, le truc... Quand Sinda vint lui sauver la mise.. Et sans doute la journée, et la vie.
Une brillante idée, de l'avis de la môme.
Et d'ailleurs, évidemment qu'elle était désarmée.. Quelle idée. Vous auriez pensé à ça vous ?
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Et l'instant suivant (à t + dt très exactement), les trouverait dans la foule grouillante, le trio venu du Sud, à pagayer dans la foule.
Absolument, Paris est une ville immense, grouillante, puante, qui ferait trembler l'inculte qu'est Kasia, de trouille, à chaque nouveau pas, si la fierté ne lui retenais pas chaque tressaillement, et si un air béat et idiot ne s'imprimait pas sur son visage au fur et à mesure qu'elle découvrait ces quartiers qu'ils traversaient.
La cité. Notre Dame, son parvis.
Et un peu plus loin, l'ex-Palais Royal, longtemps avant Nebisa, longtemps avant même Levan le Troisième, au milieu duquel trônait, indiscernable encore, la Sainte Chapelle, joyau de lumière et de vitrail.
Si elle était restée muette devant la pierre, elle risquait bien de se trouver aveugle et amorphe devant le verre.
[citation tirée d'un film, The End of the violence ]