[États d'âme.]
Après s'être assuré que le pare-étincelles était bien en place, Thomas souhaita une bonne nuit à Mary, avant de se retirer dans sa petite mais doulliette chambre.
Dans son étui à toilette, il prit un bâtonnet de Siwak (bois très tendre à fibres souples servant de brosse à dents), dont il faisait grand usage, matin et soir, en trempa l'extrémité dans un petite verre d'eau mentholée pour en assouplir les fibres, puis le frotta soigneusement sur ses dents, après quoi il se rinça la bouche avec le contenu du verre, finissant avec un léger gargarisme, après quoi il se déshabilla déposant soigneusement ses habits, bien pliés, sur le valet de chambre, avant de passer sa chemise de nuit, prendre un livre de sa petite bibliothèque, et de se mettre au lit.
Lisant à la lueur dansate de la chandelle, son esprit ne tarda pas, fruit de son imagination et de ses souvenirs, à s'envoler, revenir sur l'Artxoa Seaskan et sur l'histoire de sa famille et de sa vie.
il était né non pas dans une maison normale, mais dans une petite cellule monacale d'une abbaye Francisquaine perdue au millieu des montagnes pyrrénéennes.
Sa pauvre mère, issue d'une famille de haute noblesse basque, s'etait vue mariée contre son gré, pour l'unique intérèt de sa famille, à un grand noble de la région, un duc, alors qu'elle aimait un tout autre homme, un officier militaire, à la brillante carrière, mais hélas sans le moindre titre de noblesse.
Après dix ans d'une union qu'elle supportait de moins en moins, sans aucune descendance, elle finit par ouvrir son coeur au seul homme qu'elle avait toujours aimé, devenant sa maîtresse, alors qu'elle aurait tant voulu devenir son épouse...
Hélas, cette union de coeur, bien qu'illicite, avait finit par porter son fruit, un enfant allait naître en mai...
Enceinte de presque huit mois, ne pouvant plus cacher son ventre rond, elle se vit forcée à avouer à sa famille, qui, au lieu d'essayer de la comprendre, se sentant deshonorée, au lieu d'accepter dans la joie l'enfant à venir, enferma de force la jeune femme dans un couvent, l'abbaye pyrrénéenne en question, où elle accoucha finalement d'un beau garçon de huit livres, qu'elle nomma Thomas.
Lorsqu'ìl eut douze ans, sa mère lui conta son histoire et ses origines. Dès lors, Thomas eut une haine grandissante contre la noblesse et ses habitudes, caractère hautain, prenant les gens de haut, se pensant tous droit sortis de la cuisse de Jupiter, alors qu'ils n'étaient que simples humains, Fils de Dieu comme le plus simple des roturiers...
Thomas, de sa vie au sein d'un endroit de culte, mais aussi de Conaissance, acquit très vite une intarissable soif d'apprendre, de tout, sans but précis, seulement apprendre.
C'est ainsi que sa fringale mentale le poussait à étudier tant la théologie, que la botanique, l'herboristerie, la médecine, mais aussi les mathématiques, la géométrie, la physique, la chimie, la zoologie,les Arts Majeures, architecture, peinture, sculpture, l'art de fabriquer du fromage, ou de brasser la bière. Toute conaissance était bonne, pour lui.
En outre, l'abbaye, placée dans une vallée de passage obligé pour les pèlerins se dirigeant à Compostelle, il avait appris avec une grande facilité les langues étrangères, d'abord le latin et le Franc, ses deux langues maternelles, mais aussi l'Ibérique, le Germain, l'Anglois et l'Italique.
Alors qu'il était âgé de treize ans, sa mère mourut, de fièvre dirent les frères, mais lui savait que sa mère était morte de tristesse, sans pourtant jamais lui révéler le nom de son père.
Un an après, ne supportant plus qu'avec une grande difficulté l'endroit où il vivait, dont chaque recoin lui rappelait sa mère. Il en parla au père supérieur, qui lui donna sa bénédiction, et quitta définitivement un endroit qu'il avait tant aimé, jadis.
Après dix jours d'une route difficile, toujours vêtu de la robe de bure des Frères Franciscains, pour lui faciliter le transit sans un paseport, qu'il n'avait pas, se nourissant à peine des dons faits par des pèlerins croisés en chemin, roué de fatigue, sale comme un goret, et sans le moindre sol en poche, il arriva à Lourdes.
Sa première visite, le Très Haut guident certainement ses pas, fut pour l'église Sainte Béatrice, où il pria un long moment, et finissant par s'endormir à même le sol, épuisé.
Le lendemain, allant dire les Matines, premier office de la journée, le curé le trouva, ronflant sur le sol et sale comme un pou. Croyant d'abord à quelque brigand, il s'arma de sa crosse pastorale, quand il vit finalement la robe de bure Francisquaine...
Réveillant celui qu'il croyait un homme, il découvrit un adolescent maigre et affamé, aussitôt il le fit manger, lui prépara un bain, jeta ses haillons au feu, et lui donna une des soutanes d'un diacre, absent depuis fort longtemps, avant de l'emmener au domicile d'une famille de grands bourgeois du bourg,
La famille de la Roche Nouët étaient commerçants de bestiaux, et s'étaient enrichis grace à leur commerce. Ils n'avaient jamais pû avoir d'enfants légitimes, aussi quand Thomas arriva chez eux, après leur avoir raconté son histoire, celle de sa vie et de ses origines, ils l'adoptèrent sur le champ.
Avec eux, et grâce à leur fortune, Thomas agrandit encore ses connaissances, apprenant le grec, mais aussi l'art de la guerre et le combat à la rapière, créée à Tolède quarante ans auparavant, au bâton et à la dague, la trigonométrie, le savoir vivre et le protocole.
il put aussi voyager dans la plupart des villes capitales de l'europe, découvrant la Renaissance à Florence et Venise, apprenant le Grec, l'architecture classique et la mythologie à Athènes, redécouvrant l'architecture gothique à Cologne, réapprenant l'architecture romane en Auvergne, apprenant l'armurerie et la forge à Tolède et l'art Arabe à Grenade, apprenant l'Art du Trait, la taille des pierres et de la charpente à Paris.
Sa fringale d'apprendre, sa soif de connaître ne quittaient pas l'adolescent, plus l'homme qu'il devint, poussant toujours plus haut et plus loin ses conaissances.
En cours de route, un frère cadet, de trois ans plus jeune que lui, arriva au sein de sa famille adoptive, Denys, et Thomas commença peu à peu à deverser une partie de son savoir en lui.
Malheureusement, Denys avait un tempérament batailleur, et seul les combats et les rixes de taverne semblaient l'intéresser. C'est ainsi qu'il mourrut, à peine âgé de quinze ans, dans une sombre taverne, un couteau de boucher planté en pleine poitrine....
Thomas alors se trouvait à Paris, et ne put se rendre aux obseques.
En mille quatre cent cinquante et six, ses parents adoptifs partirent pour Aix les Bains, sur prescription médicale, pour soigner la goutte dont souffrait son père.
Alors qu'ils se trouvaient dans une auberge du Puy en Velay, en pleine nuit un incendie se déclara aux écuries de l'auberges, et prit rapidement dans l'auberge même, brûlant tant l'édifice que son contenu et ses habitants. Seuls ceux qui se trouvaient dans la salle d'auberge survêcurent, mais sa famille se trouvait en tran de dormir, dans leur chambre, périssant ainsi dans l'incendie.
Thomas se retrouva une fois de plus seul au monde, âgé de vingt et un an....
Il revint à Eauze, lieu où finalement sa famille s'était installée, et avec l'aide du notaire, il liquida les biens de ses parents adoptifs, dont il était à présent le seul héritier, conservant uniquement le manoir et ses jardins pour son usage personnel. Le solde, une fois placé à bon escient, lui rapporta une rente annuelle de presque dix mille écus par an.
Il était devenu un homme riche, mais toujours seul au monde...
En décembre 1458, un bal avait lieu à Auch, capitale du Comté, en honneur de l'anniversaire du comte régnant, Thomas n'était pas du tout décidé à s'y rendre, mais pressé par quelques amis, il s'y rendit, presque contre son gré.
Alors que le bal débutait, une paire d'yeux bleus d'azur, une opulente chevelure châtain clair et une superbe robe mauve attirèrent son attention. La porteuse de tous ces attributs dignes d'admiration était une ravissante jeune fille nommée Line, commingoise de vingt et deux ans, et aussi intelligente que ravissante.
Après quelques danses, ils passèrent le reste de la soirée à discuter, de tout et de rien, de leurs vies respectives, de leurs envies, de leurs projets.
Ce n'est que de retour à Eauze, quelques jours plus tard, que le jeune homme se rendit compte que quelque chose n'allait pas, qu'il lui était absolument impossible de se concentrer sur ses études, tant sont esprit était comme obnubilé par la jeune fille à la robe mauve. Il se vit obligé de se rendre à l'évidence: Pour la première fois de sa vie, il était amoureux jusqu'au tréfonds.
Aussitòt il sella son meilleur cheval, se vêtit bien chaudement, chargea les fontes de sa selle de nourriture suffisante pour les trois jours de route, et partit au galop par les chemins poudrés de neige.
Le froid était vif, le cheval fatigué, le cavalier ne se nourrissait qu'en selle, pour ne pas ralentir la marche. Au soir du troisiemme jour, il mit pied à terre sur la grand place de Saint Bertrand de Comminges, couvert de neige, barbu et affamé. Quant à son cheval, il se limita à s'écrouler sur le pavé, raide mort!
La première auberge que Thomas visita s'avéra la bonne, Line se trouvait là, avec certains de ses amis, ouvrant de grands yeux en le voyant arriver dans pareil état.
Dès qu'ils furent seuls, le jeune homme lui ouvrit son coeur, espérant anxieusement la réponse de la jeune fille, qui le projetterait soit dans un immense bonheur, si elle correspondait à ses sentiments, soit dans les tréfonds de la honte et de la désespération, si elle le rejetait.
Thomas dut attendre cette réponse là durant deux longs jours et deux longues nuits, se morfondantdans l'abîme du doute, oubliant de se nourrir et même de dormir. Ce n'est qu'à midi du troisiemme jours qu'il obtit des lèvres de la jeune fille la réponse: Il était correspondu, au delà même de tout espoir, lui disant qu'elle non plus, depuis le soir du bal, n'avait pû penser qu'à autre chose qu'à lui.
Thomas lui proposa de venir vivre à Eauze, avec le chaperon de son choix, pour que l'honneur soit sauf, où il mettrait à sa disposition et celle de son chaperon la villa des invités.
Ils passèrent la plus grande partie de l'hiver à Eauze, faisant ce que tous les amoureux du monde faisaient: semer le chaperon pour profiter, à l'écart de touts regards, de quelques baisers.
Au début du printemps, ils se virent obligés à annoncer leur mariage pour le premier dimanche de Juin, qui aurait lieu à l'église d'Auch, car peu ou prou, ils avaient fini par jeter leurs bonnets par dessus les moulins, et Line lui annonça qu'il serait bientôt père de famille.
Quinze jours avant la date prévue du mariage, alors que tout était déjà fin prêt, ils décidèrent de tromper leur impatience avec un petit voyage en direction de la mer, toujours en la compagnie du chaperon, aussi préparèrent ils une voiture de voyage, et ayant obtenu les documents nécéssaires, ils prirent la route de Mont de Marsans pour se rendre à Bayonne.
Hélas, depuis que Thomas avait fait la demande pour les documents , une révolte, accompagnée d'un pillage du castel de Mont de Marsans avait eu lieu, et c'est ainsi qu'arrivés à la frontière gasconne, au lieu de trouver les habituels doouannier et sentinelle, ils trouvèrent une armée, qui n'hésita pas à charger sur eux, tuant net le chaperon, et blessant grièvement Line et Thomas. Le seul rescappé fut le cocher, qui pût ramener tout le monde, y compris le corps sans vie du chaperon, à Eauze.
Thomas, qui était sans doute le plus capable des trois au combat, fût à nouveau capable de se lever du lit au bout de dix jours. Line, quant à elle, avait perdu son combat pour la vie, elle avait succombé deux jours après le combat, emmenant avec elle leur enfant dans la tombe, des suites de très graves blessures. Aussi, quand Thomas pût enfin quitter le lit, il apprit de la bouche du cocher, la mort de sa bien aimée et de l'enfant qu'elle portait, ainsi que celle du chaperon.
Aussitôt, il ferma définitivement la maison, la mit en vente, et partit sur les chemins, habité d'une haine chaque jour grandissante contre l'immense stupidité de la race humaine, aussi, voyageait il le plus souvent en dehors de tout chemin fréquenté, campant de temps à autre, pour se reposer, en pleine fôret, entouré d'animaux qu'il aimait et respectait depuis sa plus petite enfance.
C'est ainsi que, pressque trois mois après la mort de son aimée, il se trouvait à Lyon, recevant une lettre qui ne lui était pas destinée, mais à un certain Tridant...