Aniki
Près dun champ de bataille, une lame un peu trop convoitée. Un acte manqué
Un petit môme, pas plus haut que trois pommes mais, sans équivoques, plus nocif que trente hommes.
De drôles de combattants, aux murs étranges, balafrés, à la peau écaillée. Un déchainement de violence, pillage, fuite précipitée
Un voyage puis, face à Umi, une rencontre, fortuite, des corps meurtris, la nuit.
Dans les bas quartiers, une rixe, une entraide spontanée
puis, vint laccalmie
Les deux jeunes gens se connaissaient à peine et pourtant, sans forcément en être conscients, par les aléas de la vie, ils étaient déjà intimement liés.
Depuis lescarmouche avec Akire et ses hommes, dans leur quartier général, leur taux dadrénaline avait eu le temps de retomber et, cest à présent une harassante fatigue qui semparait deux, une fatigue affublée dune grande nervosité, un sentiment étrange ... Les blessures de Megu aussi, semblaient sêtre douloureusement réveillées. Le trajet sétait fait en silence, chacun semblant préoccupé par ses propres pensés ...
L'espèce d'hôtel où je suis est assez fiable... À toi de voir si tu veux y payer une chambre
Avait-elle dit plus tôt, sur la plage, entre deux vagues.
Au « Requin Vicieux ».
Certes, le nom n'avait rien de poétique mais lendroit paraissait plutôt propre pour un bouge du Cloaque. Aniki paya sa chambre, celle voisine de celle de la jeune femme, sans même la visiter ou négocier. Une chambre, cest une chambre, une paillasse, peut être une fenêtre sil était chanceux, puis des cloisons de papier de riz ... En revanche, il négocia âprement la bouteille de saké quil se procura en même temps, parvenant à en faire baisser le prix de moitié. Il exhiba ensuite son trophée, en souriant, le cur battant, dun air satisfait devant le regard encore soucieux la jolie Megu.
Dis Sama
Jtinvite !
Jcrois quon a bien mérité une ptite tasse pour sremettre de nos émotions, non ?
Aniki
Le bandage couvert de sang lui avait coupé le souffle. Il savait Megu blessée mais pas à ce point, lentaille semblait sétendre sur les trois quarts de son abdomen. Comment était-elle encore parvenue à se battre dans un tel état ?
Elle disparu dans sa chambre, lui, ouvra la porte de la sienne.
Finalement, il était en veine car, non seulement il y avait une fenêtre, mais en plus elle donnait directement sur Umi, la mer. Il pouvait sans mal deviner son murmure au loin.
Il déposa son sabre et son baluchon dans un coin puis sassit sur la paillasse pour retirer les deux wakizachis sanglés le long de ses tibias. Ce soir, contre les hommes du géant lézard, il les avait étrennés et, tout deux sétaient montrés plutôt efficaces. Il les aligna consciencieusement près de son sabre. Les armes ne seraient plus daucune utilité aujourdhui. Du moins, fallait-il lespérer.
Sur une petite étagère, il trouva deux tasses quil déposa sur le sol. Il remplit chacune delle à ras bord puis s'assit, en tailleur sur la paillasse. Il ne lui restait plus quà attendre son invitée ...
Aniki
Un verre
Aniki lui, en avait déjà sifflé deux durant cette attente qui lui avait paru interminable.
Il ouvrit la porte, tendant tout de suite son bras à son invitée.
Entre Megu, jvais taider à tassoir.
Il la soutenu du mieux quil pu jusquà la paillasse où il laida à sinstaller, puis prit place en face, en tailleur, à même le sol, avant de lui sourire dun air inquiet.
Dis, tes drôlement amochée
Jsavais pas qucétait si grave. Tes sûr que ça va aller ?
Il lui tendit une tasse, la fixant d'un regard complice.
Domo Arrigato Megusan
Rien ne tobligeait à te mouiller comme ça pour moi tout à lheure
Lors de laffrontement avec les lézards, plus tôt aux « Fières Raclures », la jeune femme sétait portée garant de lui, le tirant ainsi dune bien mauvaise posture. Il lui devait sûrement la vie, du moins, pour l'instant, une période de répit.
Nous sommes chanceux dêtre encore de cmonde ce soir ! Buvons à la vie ... À nous !
Kampai !
Aniki
Comme il était facile de le prévoir, la première tasse fut suivit dune deuxième, puis dune troisième. Les joues commencèrent tranquillement à rougir, les yeux à briller, les langues à se délier. Aniki se lança et posa la question qui, depuis un moment, sous son crâne, tournait en rond comme un squale affamé.
Dis Megu
Tu tsouviens, au camp, avant la bataille de Gifu
Tu mavais dis qutu comptais les rejoindre
Ten fais parti maintenant, des lézards ?
Du fond de son cur, il priait pour que la réponse soit non. Il narrivait pas admettre quelle fasse partie de cette horde de barbares qui n'hésitaient pas à sen prendre aux femmes de leur propre clan. Certes, ils étaient grands, larges et puissants, mais à ses yeux, en agissant de la sorte, ils ne demeuraient que des faibles et des lâches.
Et puis ce balafré ?
Cest qui au juste ?
Pourquoi il est intervenu en ta faveur ?
Ce nétait pas facile pour lui de débarquer ainsi de sa montagne natale. Il ne connaissait presque personne et les règles de la ville semblaient complètement lui échapper, tout comme les liens unissant toute cette faune de Kiyosu dailleurs, leurs motivations ... Il lui fallait absolument comprendre
Aniki
Elle semblait être gênée de parler ainsi delle-même. Au grand plaisir du jeune berger, le regard de défiance quelle lui adressa vint aussitôt le confirmer.
Il la toisa, un grand sourire aux lèvres, lair un peu moqueur.
Oh, tas une sur !
Dis ... Elle est aussi jolie que toi ?
Des questions, il en avait à la pèle. La jeune femme lintriguait, tout comme la ville, tout comme Oda. Et il avait la plus ravissante des guides pour tout lui apprendre et ainsi combler sa soif de connaissance alors ... Dailleurs, aussitôt après, il revint à un sujet plus sérieux, la faune locale
Et cfoutu géant, tu le connais ? Cest lui le chef des lézards ?
Dans la vie, il faut toujours se méfier des gens qui vous bombardent sans arrêt de questions. C'est souvent parcequ'il ne veulent surtout pas qu'on leur en pose ...
Aniki
Jolie, bien sûr quelle létait. Et elle le savait très bien cétait évident. Mais Aniki navait aucun intérêt à la flatter davantage. Il ne répondit pas, se contentant de remplir à nouveau les deux tasses.
Gifu, jmy suis installé il y a peu de temps. Enfin installé
Disons qujme suis approprié une vieille bicoque dans lDédale
Jusque là, je navais jamais vraiment quitté les flancs du mont Dainichigatake, dans les terres, à environ cinq jours de marche de la ville. Puis jy ai été obligé, y avait trop de filles qui me courraient après
Et toi, tu connais la montagne ?
Sous leffet de lalcool, ses yeux semblaient encore sétirer. Son buste et ses épaules commençaient à tanguer
Soudainement, le fait dévoquer ses origines et son enfance lui inspira une drôle didée et, dans sa tête, une image apparut, subrepticement mais assez clairement. Il éclata de rire. Il venait dimaginer les jeunes années de Megu, dans le Cloaque, et son apparition avait un faux air de Kuan, un Kuan juste un peu plus mignon avec des couettes, passant toujours son temps à terroriser les habitants en leur projetant diverses entrailles ou détritus dégoutants
Et toi Megu ?
Tas toujours vécu ici, dans lCloaque ?
Aniki
Oh ! Du dédale toi aussi !
Dans quel coin ? ... Dis, on va avoir du mal à échapper lun à lautre maintenant !
Au fond de lui le berger jubilait. Il avait perçu son petit froncement de sourcil quand il avait évoqué les filles des montagnes, comme un signe dagacement, peut être même une pointe de jalousie ... De plus, ils étaient voisins donc, quoi quil arrive ici, à Kiyosu, il aurait certainement dautres occasions de la voir, un jour ou lautre, au hasard dune des ruelles de Gifu.
Aniki resservit les deux tasses. La bouteille était déjà à moitié vide.
Il fixa Megu, un instant, se demandant si ses propres pupilles étaient devenues aussi pétillantes que les siennes. Il aimait quand elle le fixait ainsi, dun regard à la fois remplit de méfiance et de défiance. Dès leur première rencontre, quand il avait tenté de lui voler son sabre, il lavait remarqué linhabituelle intensité qui émanait de ces deux grands yeux noirs.
Dun geste approximatif, il lui tendit sa tasse puis se leva sur les genoux. Ensuite, du mieux quil pu malgré un sens de léquilibre diminué, il se traina jusquà la paillasse où il sinstalla tout près de Megu, assez près pour que leurs cuisses seffleurent, pour que leurs épaules se touchent
Dis Megu, tu trouves pas ça bizarre toutes ces coïncidences, cette rencontre aujourdhui sur la plage ?
Cest comme si tous les kamis, y compris Umi, sétaient arrangés pour quon srencontre
Aniki
Un large sourire illumina son visage.
Trop souvent aujourdhui
Comment ça trop souvent ?
Ten as déjà marre de mvoir ?
Bon cest vrai, la réaction de Megu nétait pas des plus encourageantes mais au moins, elle ne lavait pas encore rembarré et renvoyé sur son parquet. Aniki se baissa pour saisir sa tasse et la vider, lui aussi dun trait. Ensuite il se redressa, amplifiant volontairement le tangage de son buste dû à lalcool pour multiplier les contacts entre son épaule et celle de la jeune femme. Ils étaient à présent très proches. Il pouvait sentir la chaleur de son corps sur sa peau. Il pouvait aussi sentir son parfum
Tout deux étaient ivres et Megu ne semblait, ni vraiment mal à laise, ni totalement à laise. Lui, continuait son numéro de charme. Après une ou deux secondes dhésitation, il saisit sa main, délicatement, prenant soin de ne pas toucher les bandages, puis il demanda dune voix inquiète.
T'as de jolies mains
Tes blessures
Tes sûr que ça va ?