Actarius
Sous les remparts de Limoges, là où flotte le Phénix
Trois jours s'étaient écoulés depuis les sanglants combats qui avaient ravagé champs, fermes et demeures au-delà des remparts du nord. Le sol était sillonné encore des stigmates de l'affrontement, des quelques charniers s'échappaient, malgré la chaux, une odeur de mort, cendre, poussière et sang se mêlaient dans cette plaine décharnée. On était à des lieues de l'image glorieuse et héroïque de la guerre. Pourtant, surplombant ce morne spectacle, se tenait un roc, un colosse au regard fixe, indifférent à la seule notion de souffrance. Derrière ce visage sévère, sous l'oeil fier, se jouait une énième ode. Celle d'un amour particulier.
Oui, le Vicomte du Tournel aimait la guerre. Il aimait cette désolation, cet air méphitique dont chaque inspiration lui rappelait l'éphémère de la vie, la sublime fin par l'acier, celle-là même à laquelle son âme de guerrier intemporel aspirait. Là, où les doigts se pointaient et les voix indignées s'élevaient pour évoquer un gâchis, lui se recueillait silencieux sur les vestiges de ces honorables, tombés pour une juste cause. Mort, souffrance... Deux mots balancés sans cesse par des diplomates soucieux de prêter leur nom à un traité de paix, deux mots si naïfs, emprunts de mauvaise foi. Les batailles faisaient oublier la rudesse de ces temps, le malheur des milliers agonies, la terreur des fléaux, le ravage des famines, elles cristallisaient toutes les accusations. Une vérité subsistait néanmoins. Aucune autre entreprise humaine ne réunissait tant de personnes, tant de bannières et de bras, tant de passions, de folies, de courages, de couardises que la guerre. La quintessence même de l'être humain dans toutes ses forces et ses faiblesses. Plus de mensonges face à l'acier, juste l'implacable réalité. La guerre révélait, elle montrait sans fard. Pour le Phénix, il ne pouvait exister de plus pur miroir de l'âme.
Sans doute était-ce pour cette raison qu'il errait chaque jour sur ce champ de gloires, déjà passées; qu'il avait installé son propre campement sur un léger et onduleux caprice géographique, légèrement à l'écart de la cité de toiles des armées royalistes, suffisamment éloigné des charniers pour ne pas y être incommodé. De cette petite colline, sur laquelle flottait l'euphorique Phénix, s'ouvrait un panorama imprenable sur la plaine encore ensanglantée. Un horizon qui avait séduit et décidé le Pair à prendre quartier sur ce mamelon d'Arès.
Bras croisés dans le dos, Siennes égarés sur le morbide théâtre, l'homme attendait...
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Trois jours s'étaient écoulés depuis les sanglants combats qui avaient ravagé champs, fermes et demeures au-delà des remparts du nord. Le sol était sillonné encore des stigmates de l'affrontement, des quelques charniers s'échappaient, malgré la chaux, une odeur de mort, cendre, poussière et sang se mêlaient dans cette plaine décharnée. On était à des lieues de l'image glorieuse et héroïque de la guerre. Pourtant, surplombant ce morne spectacle, se tenait un roc, un colosse au regard fixe, indifférent à la seule notion de souffrance. Derrière ce visage sévère, sous l'oeil fier, se jouait une énième ode. Celle d'un amour particulier.
Oui, le Vicomte du Tournel aimait la guerre. Il aimait cette désolation, cet air méphitique dont chaque inspiration lui rappelait l'éphémère de la vie, la sublime fin par l'acier, celle-là même à laquelle son âme de guerrier intemporel aspirait. Là, où les doigts se pointaient et les voix indignées s'élevaient pour évoquer un gâchis, lui se recueillait silencieux sur les vestiges de ces honorables, tombés pour une juste cause. Mort, souffrance... Deux mots balancés sans cesse par des diplomates soucieux de prêter leur nom à un traité de paix, deux mots si naïfs, emprunts de mauvaise foi. Les batailles faisaient oublier la rudesse de ces temps, le malheur des milliers agonies, la terreur des fléaux, le ravage des famines, elles cristallisaient toutes les accusations. Une vérité subsistait néanmoins. Aucune autre entreprise humaine ne réunissait tant de personnes, tant de bannières et de bras, tant de passions, de folies, de courages, de couardises que la guerre. La quintessence même de l'être humain dans toutes ses forces et ses faiblesses. Plus de mensonges face à l'acier, juste l'implacable réalité. La guerre révélait, elle montrait sans fard. Pour le Phénix, il ne pouvait exister de plus pur miroir de l'âme.
Sans doute était-ce pour cette raison qu'il errait chaque jour sur ce champ de gloires, déjà passées; qu'il avait installé son propre campement sur un léger et onduleux caprice géographique, légèrement à l'écart de la cité de toiles des armées royalistes, suffisamment éloigné des charniers pour ne pas y être incommodé. De cette petite colline, sur laquelle flottait l'euphorique Phénix, s'ouvrait un panorama imprenable sur la plaine encore ensanglantée. Un horizon qui avait séduit et décidé le Pair à prendre quartier sur ce mamelon d'Arès.
Bras croisés dans le dos, Siennes égarés sur le morbide théâtre, l'homme attendait...
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