Saens
Figurez-vous une forêt, que des eaux traversent. Fait frisquet entre les sapins, songea le brun, avant de se dépiauter intégralement et de plonger dans une rivière. Un bain matutinal, dans un grand baquet. Après être avoir joyeusement frôlé l'hydrocution, la peau hérissée de frissons, sa virilité réduite à néant - le froid fait mauvais uvre même chez les plus coriaces - et les lèvres violettes, il barbota. Barbota, flemmard, simplement pour remuer bras et jambes et pour ne pas sombrer dans les profondeurs inquiétantes et vaseuses, surtout vaseuses, de ce presque-ru. C'était rude. C'était ravigotant. De barbotement en barbotation, il en vint à nager pour de bon et s'éloigna de la rive aller jouer les aventuriers dans les abysses aquatiques et leur taux de monstres marins. Saens, corsaire à poil du grand large, quand il ne faisait pas la guerre aux plantes uligineuses de la rive, s'attaquait loyalement aux brochet des bas-fonds. A coups de pied. Et vlan, et vlan.
Après avoir décroché la mâchoire à toute la faune de la rivière, assagi, il revint à la berge où toute génération spontanée de moucherons venait d'apparaître. Il s'en fichait. Fourbu qu'il était, avec trente lieues sur le dos, en chevauchée avec sa sauterelle brune de femme. Il laissa donc, dans sa grande mansuétude, la vie sauve aux moucherons, et s'ensevelit dans l'eau claire qui l'engloutit jusqu'à sa dernière mèche noire. Pendant un moment, n'eussent été ses nippes et sa besace échouées près d'un tronc, on ne vit plus trace humaine. Les arbres, des arbustes pour la plupart, encore naïfs, était penchés vers la rivière et formaient ainsi une allée étrange qui attendait on ne sait quel roi. Des buissons d'un beau vert sombre, autres sujets feuillus, se retenaient de bruire. On entendait parfois un oiseau voler impatiemment d'une branche à l'autre, mais c'était tout. La sylve se tenait coite. Le barbu, car il devait bien respirer lui aussi, refit surface.
Ses membres, jugeant à présent que l'eau est chaude et l'air glacial, esquissaient des mouvements lents et réguliers ; les nerfs qu'il avait en bouillie se relâchèrent. Saens leva le nez au ciel, entre les branchages de la futaie, fixant un soleil que la brume rendait laiteux. Il tendit le bras vers sa besace, drôle de sylphe un peu branque dans tout ce silence, et harponna une chiffe de linge blanc pour se sécher le visage et la nuque. Il allait bientôt s'extirper de là et retourner à Embrun, il connaissait déjà le reste. Chercher l'auberge où aurait pu descendre la brune, si jamais elle avait décidé de passer son matin sous des draps, l'y rejoindre énumérer leur bestiaire, le cas échéant, trouver un tronc large pour sommeiller en paix. Il a des cernes. Il reposa le linge déjà humide et une dernière fois, se laisse glisser dans l'eau, vigilant à ce que ne s'instigue pas une confrérie vengeresse des brochets, visant à lui becqueter les orteils.
_________________
Après avoir décroché la mâchoire à toute la faune de la rivière, assagi, il revint à la berge où toute génération spontanée de moucherons venait d'apparaître. Il s'en fichait. Fourbu qu'il était, avec trente lieues sur le dos, en chevauchée avec sa sauterelle brune de femme. Il laissa donc, dans sa grande mansuétude, la vie sauve aux moucherons, et s'ensevelit dans l'eau claire qui l'engloutit jusqu'à sa dernière mèche noire. Pendant un moment, n'eussent été ses nippes et sa besace échouées près d'un tronc, on ne vit plus trace humaine. Les arbres, des arbustes pour la plupart, encore naïfs, était penchés vers la rivière et formaient ainsi une allée étrange qui attendait on ne sait quel roi. Des buissons d'un beau vert sombre, autres sujets feuillus, se retenaient de bruire. On entendait parfois un oiseau voler impatiemment d'une branche à l'autre, mais c'était tout. La sylve se tenait coite. Le barbu, car il devait bien respirer lui aussi, refit surface.
Ses membres, jugeant à présent que l'eau est chaude et l'air glacial, esquissaient des mouvements lents et réguliers ; les nerfs qu'il avait en bouillie se relâchèrent. Saens leva le nez au ciel, entre les branchages de la futaie, fixant un soleil que la brume rendait laiteux. Il tendit le bras vers sa besace, drôle de sylphe un peu branque dans tout ce silence, et harponna une chiffe de linge blanc pour se sécher le visage et la nuque. Il allait bientôt s'extirper de là et retourner à Embrun, il connaissait déjà le reste. Chercher l'auberge où aurait pu descendre la brune, si jamais elle avait décidé de passer son matin sous des draps, l'y rejoindre énumérer leur bestiaire, le cas échéant, trouver un tronc large pour sommeiller en paix. Il a des cernes. Il reposa le linge déjà humide et une dernière fois, se laisse glisser dans l'eau, vigilant à ce que ne s'instigue pas une confrérie vengeresse des brochets, visant à lui becqueter les orteils.
_________________