Aimbaud
[Seigneurie de Saint-Robert - Limousin]
Au sommet de la tourelle nord du château de Saint-Robert, six hommes se tenaient alignés entre les créneaux du rempart. L'un d'eux n'avait pas seize ans, revêtait un riche manteau de pourpre et une toque de velours, et appuyait ses paumes sur la pierre qui le tenait hors de portée du vide avec un air fort déterminé. Derrière lui le vent faisait claquer le son des capes et d'une bannière à ses oreilles. Il braquait deux pupilles noires et sévères sur la plaine.
C'est elle là ?
Un des soldats approcha la tête du rempart en plissant légèrement les paupières.
Je ne sais, Seigneur. C'est une route assez empruntée.
La mine renfrognée d'Aimbaud s'accentua tandis qu'il se concentrait sur l'observation d'un nuage de poussière qui s'épandait, minuscule, entre les bocages qui cerclaient les plus lointaines bâtisses du village. Le jeune Bourguignon attendit que le convoi émerge d'entre les arbres, et d'en étudier les couleurs infimes, pour reprendre.
Si si c'est elle là.
Pas sûr, Seigneur. Pas sûr.
Si ce n'est elle, qu'est-ce qu'elle peut bien glander ? On avait dit dix heures.
La route est longue depuis Paris, et avec la guerre...
Ouais ouais ouais. Ah ! Voyez. L'oriflamme est vert. C'est elle.
Un intendant de noir vêtu, à la collerette et au bonnet blanc pressant contre sa poitrine un registre y alla de son grain de sel, pendant que toute la petite troupe de la tour descendait les marches en colimaçon pour retrouver le plancher des vaches.
Tout est fin prêt pour la venue de Sa Magnificence votre promise, messire.
C'est bien, Gontran. Qu'à son arrivée la garde se tienne dans la cour. Non, inutile de sonner du cor, cela ferait trop cérémonieux. Il faut que nous ayons l'air tous très détendus et d'excellente figure.
À ces mots les soldats dévoilèrent leur dentition déplorable dans un sourire forcé. C'était parfait. Il se postèrent suivant les ordres en rang contre les murs intérieurs de la citadelle, les gradés de prime abord, puis les suppléants, les troufions, les garçons d'armes et les pages. Aimbaud lui, se plaça au centre de la cour, bien campé sur ses jambes, un poing dans l'autre dans son dos, l'intendant derrière lui. On noterait sur son visage, la même mine satisfaite qu'il arborait lorsque, gamin, il achevait d'avoir bien aligné ses petits soldats de bois.
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Au sommet de la tourelle nord du château de Saint-Robert, six hommes se tenaient alignés entre les créneaux du rempart. L'un d'eux n'avait pas seize ans, revêtait un riche manteau de pourpre et une toque de velours, et appuyait ses paumes sur la pierre qui le tenait hors de portée du vide avec un air fort déterminé. Derrière lui le vent faisait claquer le son des capes et d'une bannière à ses oreilles. Il braquait deux pupilles noires et sévères sur la plaine.
C'est elle là ?
Un des soldats approcha la tête du rempart en plissant légèrement les paupières.
Je ne sais, Seigneur. C'est une route assez empruntée.
La mine renfrognée d'Aimbaud s'accentua tandis qu'il se concentrait sur l'observation d'un nuage de poussière qui s'épandait, minuscule, entre les bocages qui cerclaient les plus lointaines bâtisses du village. Le jeune Bourguignon attendit que le convoi émerge d'entre les arbres, et d'en étudier les couleurs infimes, pour reprendre.
Si si c'est elle là.
Pas sûr, Seigneur. Pas sûr.
Si ce n'est elle, qu'est-ce qu'elle peut bien glander ? On avait dit dix heures.
La route est longue depuis Paris, et avec la guerre...
Ouais ouais ouais. Ah ! Voyez. L'oriflamme est vert. C'est elle.
Un intendant de noir vêtu, à la collerette et au bonnet blanc pressant contre sa poitrine un registre y alla de son grain de sel, pendant que toute la petite troupe de la tour descendait les marches en colimaçon pour retrouver le plancher des vaches.
Tout est fin prêt pour la venue de Sa Magnificence votre promise, messire.
C'est bien, Gontran. Qu'à son arrivée la garde se tienne dans la cour. Non, inutile de sonner du cor, cela ferait trop cérémonieux. Il faut que nous ayons l'air tous très détendus et d'excellente figure.
À ces mots les soldats dévoilèrent leur dentition déplorable dans un sourire forcé. C'était parfait. Il se postèrent suivant les ordres en rang contre les murs intérieurs de la citadelle, les gradés de prime abord, puis les suppléants, les troufions, les garçons d'armes et les pages. Aimbaud lui, se plaça au centre de la cour, bien campé sur ses jambes, un poing dans l'autre dans son dos, l'intendant derrière lui. On noterait sur son visage, la même mine satisfaite qu'il arborait lorsque, gamin, il achevait d'avoir bien aligné ses petits soldats de bois.
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