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[RP]N'en déplaise à Dieu, ce n'est pas en lui que je crois

Desiree.
    [Oh ! Plaise à Dieu que tes yeux se posent sur moi]
    Zazie, Au diable nos adieux


Intérieur, jour.
Une chambre d’auberge, simple, mais confortable et propre.
La matinée à été passée à visiter des bâtisses. L’une a retenu plus particulièrement son attention, elle y retournera le lendemain, pour une seconde visite plus approfondie.
Il est fort probable que beaucoup d’or va disparaitre entre les mains du futur ancien propriétaire. Avoir pignon sur rue est un atout indiscutable pour ses futures activités.

Mais l’heure n’est ni au travail, ni à la réflexion.
A la prière, peut être. Ou à l'angoisse. Les retrouvailles n'ont pas été pénibles, parce que publiques. Qu'en serait-il de celles du jour, plus privées ?

L’enfant, baigné et vêtus de beaux habits, a été envoyé au marché avec le gardien qui le veille comme un ombre. Dans sa main, quelques écus pour des friandises.
A pied du feu ronflant, dans la chambre, le baquet d’eau fume encore, et une blonde sylphide y est immergée.


Ingrid, vous me préparerez la robe mauve que je viens d’acquérir à l’Atelier des Doigts d’Or. Celle par la maitre d’Atelier, la mauve avec un simple galon d’or.

La servante/nourrice/camériste de la catin ouvrit donc un luxueux coffre de cèdre pendant que sa maitresse finissait ses ablutions, et déplia avec soin la riche robe de soie sur le lit. Puis elle aida la blonde à se sécher et se vêtir des multiples épaisseurs de soie. Les bas furent tout d’abord noués avec grand soin, d’un ruban assorti à sa tenue. La chainse de lin fin vint recouvrir la chair de poule naissante sur sa peau diaphane. Une cotte beige, puis un surcot mauve et un bustier violet vinrent compléter la tenue. La cape de soit attendait sur le lit le départ de la blondine. Qui elle-même attendait son visiteur.

Assise dans un fauteuil, elle finissait de peigner ses cheveux d’or pâle, regardant par la fenêtre. Un geste de la main avait renvoyé la jeune camériste qui voulait tresser les mèches blondes.


C’est bon, Ingrid. Tu peux utiliser le bain avant de le vider. Laisse moi.

Un vague murmure suivi d’un bruissement de linge et d’éclaboussures lui indiquèrent que la servante ne s’était pas fait prier pour profiter de l’eau encore tiède du bain, qui valait toujours mieux que celle, glaciale, du broc au petit matin.

La catin, hautaine et froide, n’était pas connue pour maltraiter ses domestiques. Elle les frappait rarement, les payait régulièrement, et les gratifiait parfois de quelque largesse, comme la possibilité de se laver à l’eau chaude après que son fils et elle aient pu bénéficier de l’eau claire pour leurs propres ablutions. Gâcher n’était pas bien vu, chez Désirée.
Peu de gens savaient que cela était du à ses jeunes années, quand évadée d’un bordel elle avait gagné sa liberté au prix de nombreuses privations, avec les quelques autres fous dans son genre lors de l'ouverture du Boudoir des Sens à Paris.

Le peigne en argent fut reposé sur le meuble le plus proche, et les mains croisées sur son ventre trop plat. Elle attendait son visiteur. Elle priait, peut être. Mais pas Dieu. Dieu ne pouvait rien pour elle. Et si elle appréhendait les reproches qui certainement tomberaient nettement sur son coeur finalement fragile, elle appréhendait plus encore de le voir distant et froid.
Parce que c'était elle qui avait disparu de la circulation avec leur fils, sans jamais l'informer. Elle avait tiré le trait sans le lui demander. Elle avait cru agir au mieux, pour sauver l'enfant, pour qu'on ne la sépare pas de son bébé, elle avait renoncé à Lui. Et disparu dans Paris.

Elle priait. Mais pas Dieu. Et elle attendait maintenant son visiteur.
Si ce dernier réclamait son fils, elle le savait être au marché, où ils pourraient facilement le rejoindre. S’il ne le réclamait pas…

    Oh plaise à Dieu que tes yeux se posent sur moi

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© Victoria Frances et ?, création Atelier des doigts d'Or
Le passé de Désirée ? C'est au Boudoir des Sens
Thorvald_
[Résumé des épisodes précédents pour les lecteurs non assidus du furum secondaire : Thorvald, gardien et pourvoyeur de la Rose Pourpre, bordel réputé de la Cour des Miracles, tombe éperdument amoureux de Désirée, joyau de la concurrente Rose Noire. Au lieu de la leur dérober, il lui fait un enfant, Artur. Mais, par amour maternel, elle fuit Paris.
Huit années plus tard, Thorvald et Désirée se retrouvent à Genève. Lui, vit ici dans sa communauté. Elle, rêve d'y ouvrir un établissement.]


[Le lendemain]

L'invitation avait été faite de bon cœur, devant témoins et sans arrières pensées : faire visiter la ville aux nouveaux venus, c'était dans ses cordes. Même si cela l'obligeait à quitter la tiédeur de la maison de la lanterne aux lucioles et à rejoindre le brouhaha de Genève, c'était faisable oui. L'idée était naturelle, même.
Mais le lendemain, une fois la nuit passée, et la surprise de la rencontre digérée, mille questions venaient...

Que s'était-il passé depuis leur dernière entrevue à Paris, il y avait de cela ... combien ? huit années, déjà ?

De son côté, il savait bien ce qui s'était passé. Le chagrin qu'il avait fallu taire. La Rose Pourpre qu'il avait finalement quittée. Marseille. La descente aux enfers. Mais aux portes des enfers, on trouve parfois des anges, qui ne demandent qu'à être sauvés. Et qui vous sauvent. Des anges, des étoiles, des sirènes, des bergers, appelez ça comme vous voulez. Du baume au cœur. La vie qui reprend. Genève. Le Colosse d'Airain n'était plus le beau et jeune gardien de bordel de luxe d'autrefois. Il avait vieilli, ne courtisait plus la belle, et laissait la vie croître autour de lui, en fier et sage paternel. Sa femme lui avait donné un fils. Sa grande fille avait rejoint la petite communauté récemment. Des bonheurs simples. Avec un peu de mauve dans le gris, parfois, comme pour se rappeler à lui.

Mais de son destin à elle, il ne savait rien. Elle réapparaissait soudain mais il ignorait tout d'elle, finalement. Si ce n'est qu'ils s'étaient aimés, éperdument, bravant tous les interdits des bordaux parisiens, et qu'un matin on était venu lui annoncer que Désirée avait accouché d'un garçon.

Et aux traits du garçon, pensa Thorvald en marchant vers l'auberge, on ne pouvait douter qu'il était de lui.

La veille, il l'aurait bien serré dans ses bras, observé, porté sur ses épaules en faisant l'ogre pour le faire rire. Mais le géant n'avait pas osé. Les enfants ont peur des géants. Et puis il y avait Maureen, qui était déjà jalouse de Florian. Il fallait leur laisser le temps de s'apprivoiser.

Il poussa la porte de l'auberge.

Ici, pas de Geoffroi, ni de Baudoin. Pas de parfums sulfureux. Pourtant tout l'amenait des années en arrière. Il savait qu'il ne fallait pas, mais les souvenirs ressurgissaient malgré lui. Et s'il montait à l'étage...

Il faillit ressortir mais le propriétaire l'interpela.


Faites prévenir Désirée et Artur qu'ils sont attendus en bas. Dehors, même. Oui, j'attendrai dehors.

Non, il ne fallait pas rester enfermer avec elle. Aucune autre femme n'avait jamais fait tourner les sangs de Thorvald depuis qu'il avait rencontré Aubanne. On lui en aurait offert des tas, nues et lascives, qu'il n'aurait même pas daigné les regarder. Même "Chaton" n'avait été qu'un passe-temps platonique et amusant. Mais revoir Désirée, même sur le pas de la porte de sa chambre, c'était tenter le diable.

    Il plairait au diable que mes yeux sur toi se posent.

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Merci à ma tisseuse qui colore et renoue les fils de ma vie ... Vero.
Desiree.
Des coups sourds à la porte, une vois étouffée. On l’attend au dehors.
Avec un soupir, elle saisit la cape, la noue à ses épaules, saisit sa bourse de soie. De petites mules de soies sont enfilées sur les bas, des protections ajoutées aux fragiles chaussures.
Elle jeta un regard amusé à la servante qui barbotait.


Prends ton temps, j’ai à faire au dehors. Arrange toi pour que tout soit rangé quand je rentrerais.

La porte claqua – joyeusement ou lugubrement, nous le saurons bien assez vite – et la blondine dévala l’escalier vers le bas. C'est-à-dire qu’elle s’empressa de le descendre, un pied après l’autre, en prenant bien garde de ne pas s’entraver dans son superbe jupon de soie. Elle vivait bien plus couverte dorénavant, même s’il lui arrivait encore souvent de donner de sa personne – contre rémunération bien évidemment.
Sa main effleura sa gorge. Il y trônait un collier d’améthystes qui lui avaient été offerte pas loin de neuf ans plus tôt. Elle avait hésité. Elle hésitait encore. Elle arrangea la cape de manière à dissimuler un peu le collier. Elle ne voulait pas le porter de manière ostensible. Mais elle le portait chaque jour que le Très Haut faisait depuis qu’elle le possédait, elle ne voyait pas de raisons de le déposer dans son coffre à bijoux.

Au bas de l’escalier, elle prit le temps de lisser sa tenue, soigneusement. Le temps de refouler soigneusement les souvenirs qui affluaient, et d’ajouter avec les questions qui se bousculaient, rangeant tout ça dans un coin dans l’espoir de l’oublier vite.

Mais il était là. Il l’attendait.

Qu’était-il devenu depuis le jour où elle avait cessé d’être là où il pensait la trouver, immuablement ? Pourquoi avait-il déjà quitté Paris, quand enfin rassurée sur sa sécurité et celle de son enfant déjà bien grandi, elle avait osé envoyer quelqu’un aux Miracles ? Qu’avait-il fait ? Où était-il ? Avec qui ?
Elle n’avait vu que l’aboutissement de ces huit années. Un fils. Une femme qui acceptait l’ainée bâtarde. Accepterait-elle le second bâtard de son mari ? Allait-elle vouloir se l’accaparer ? Et lui, voudrait-il lui prendre son fils, pour la punir de l’en avoir privé ?
Qu’avait-il fait toutes ces années où elle se vendait, libre mais asservie au seul métier qu’elle connaissait, au seul qui lui permettait de vivre dans le luxe après les mois de vache enragée, le seul qui lui permettait de vêtir son fils de pourpoints de soie et de velours.

Femme publique. Femme…

Elle fit taire ses pensées une nouvelle fois.


Bonjour, Thorvald.

Voilà, ils y étaient.
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© Victoria Frances et ?, création Atelier des doigts d'Or
Le passé de Désirée ? C'est au Boudoir des Sens
Thorvald_
Il regardait les passants. Genève était si vivante, il devrait y venir plus souvent, se dit-il, sortir un peu de la maison de la lanterne aux lucioles où pourtant il vivait heureux, en harmonie, avec femme, enfants et amis. Il avait tout. Et le hasard mettait sur sa route une améthyste tombée des cieux.

Au son de sa voix, il se retourna et l'admira un instant, à la lumière du jour. A la lueur bleutée de l'hiver. L'assaillirent alors des souvenirs de son corps alangui et nu au jour de Paris, au jour de la Noire. Ils ne se voyaient jamais de nuit. Mondes à part, bien définis.
Mais ici, ils se verraient, de ci de là, un soir à la taverne, un matin au marché, au hasard des heures. Sans secret.
Sans amour.
Sans amour ?


Bonjour, Désirée.


Il sourit et veilla à rendre un peu de gaieté à sa voix et d'indifférence à son regard.

Artur n'est pas avec toi ?

Il chercha des yeux ce fils si longtemps caché. Puis offrit son bras à la mère. Mère... elle était passée du statut d'amante à celui de mère de son fils. Il devait désormais faire, à nouveau, le deuil de cet amour perdu. Et c'était d'autant plus douloureux qu'elle était là, cette fois, à portée de main.
A portée de désir.


Alors, que veux-tu voir... le marché, les rues, les demeures dignes de t'accueillir ? Puis je te mènerai sur les remparts, la vue est belle. Et de là-haut on aperçoit le champ de bataille du grand tournoi de Genève. Tu connais ?

Le colosse se voûta un peu. Ces banalités d'usage, dignes d'un accueil de tribun, à tout casser, sonnaient bien mal dans sa bouche. Il l'emporta par les rues, la protégeant de son ombre massive, épargnant à ses souliers délicats les flaques de boue, marchandant quelques fruits ou quelques rubans. Là, une belle maison pas encore close. Ici quelqu'un qui sait qui vend un immeuble plus loin. Et le soleil qui décline.
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Merci à ma tisseuse qui colore et renoue les fils de ma vie ... Vero.
Desiree.
Il… au marché. Il est au marché.

Elle saisit délicatement le bras offert et se laissa emporter. Emporter dans un tourbillon de souvenirs, la gorge serrée.
Il lui était pénible, physiquement pénible de rester neutre, calme, et enjouée, quand au marché elle se souvenait de la capiteuse odeur de rose et d’un autre marché, aux améthystes. Il était si difficile d’être si proche de lui et de ne pas se souvenir de la brûlure des peaux neuf ans plus tôt.

Mais elle donna le change, bonne professionnelle, et riait à propos, aux bon mots, savourait fruits et rubans, rues et ruelles, maisons pas encore closes et immeubles en vente.
Et son odeur.

De tout, c’était ce qui avait le plus changé chez lui. L’odeur sulfureuse de rose qui imprégnait ses vêtements et surtout sa peau.
Dieu ! Sa peau, qu’elle était proche !

Malgré elle elle crispa un peu ses doigts sur le bras fort.


Thorvald ?

Il se fait tard, merci pour la balade.
La nuit tombe, mon fils doit m’attendre.
Les lumières ont baissé, je n’ai pas vu le temps passer, je dois filer !
Le soir arrive, je ferais mieux de rentrer !
Si tard déjà ! Il faut que j’y aille !
C’était très gentil de me faire visiter la ville, mais je dois vraiment rentrer il fait presque nuit !


Est-il encore temps d’aller voir la vue des remparts ?

Il y avait mille phrases qu’il aurait été plus raisonnable de dire.
Le jour s’estompait. Artur devait déjà être rentré au chaud, et même avoir fini ses leçons du jour.
Et lui aussi, sa famille devait l’attendre. Sa fille, sa femme, et leur fils. Sa vie.
Il y avait mille raisons pour conclure l’entrevue.

Mais ils étaient déraisonnables depuis l’instant où elle ne l’avait pas fait payer, neuf ans plus tôt, parce qu’il avait allumé un brasier au creux de ses reins, parce qu’il était différent des clients, parce qu’il était venu pour elle et pas pour lui. Parce qu’il était revenu, pour elle et pour lui, pour des heures volées aux roses, pour du plaisir au cœur d’une prison dorée.
Leur relation était basée sur l’irraison.

Irraisonnante, donc, alors que le jour tombait, elle réclama la vue depuis les remparts comme neuf ans plus tôt elle réclamait le répit du plaisir assouvi, au creux de son oreille…

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© Victoria Frances et ?, création Atelier des doigts d'Or
Le passé de Désirée ? C'est au Boudoir des Sens
Thorvald_
[Genève, trois mois plus tard.]

Que s'était-il passé sur les remparts, trois mois plus tôt ? Rien. Ils avaient admiré la vue, sans doute. Peut-être lui avait-il appris le nom des quartiers, des places, des portes de la ville, des monts environnants. Puis, certainement, avaient-ils profité en silence de leurs retrouvailles. N'osant même se regarder de peur que le feu de leur yeux ne les consume. Ou un truc bien niais de ce genre. Dix ans plus tôt, il l'aurait culbutée dès l'hôtel et le feu n'aurait pas été qu'aux yeux mais aux draps.

Mais que voulez-vous, l'âge rend mélancolique et la paternité n'arrange rien. La maternité non plus d'ailleurs. Les responsabilités passent avant le langage du corps. Et puis, et puis... Thorvald était devenu fidèle, et sa compagne n'était pas une désirable maquerelle aux cheveux d'or. C'était une brindille solide et friable, comme l'ardoise. Sa sauveuse. Son aube. Aubanne.

Pourtant quand il sentait le parfum de Désirée, rien ni personne n'aurait pu empêcher les souvenirs qui affluaient à sa mémoire. Ils s'étaient aimés, follement, en secret. Jusqu'à ce qu'elle fuie Paris pour protéger leur fils, laissant sans nouvelles l'amant éploré. C'était il y a neuf ans. C'était avant Aubanne.

Et que pourrait-il lui donner encore aujourd'hui, d'autre que le secret ? Bafouer la confiance d'Aubanne pour ne pas même honorer Désirée comme elle le méritait ? Il joua au fond de sa poche avec le cadeau qu'il avait ramené pour Artur. Trois mois qu'ils ne s'étaient vus. Son fils avait dû changer. Désirée aussi. Peut-être leurs sentiments s'étaient-ils estompés. Il l'espérait autant qu'il le redoutait. Il poussa la porte du "Repos du Lion".


Bonsoir Désirée.
- Thorvald !
Oui, c'est bien moi !


Il ouvrit les bras, comme pour en faire la preuve. Lui, en chair et en os. Et les referma bien vite, se disant qu'elle y verrait peut-être une invitation à venir s'y réfugier. Invitation qui n'en était pas une. Et qu'elle refuserait. Et qu'il aurait l'air con.
Il s'installa. Elle apporta à boire. Ils trinquèrent.

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Merci à ma tisseuse qui colore et renoue les fils de ma vie ... Vero.
Desiree.
Il y a des moments dans la vie, votre cœur rate un battement, puis rattrape son retard en quelques fractions de secondes. Une impression de chute libre. Un grand vide trop vite empli. La chamade, quoi.
On était dans un de ces moments là.

L'instinct lui disait de se pendre à ce cou, de se blottir dans ces bras là. Mais trop tôt ils retombèrent, les protégeant tous les deux de folles pensées. Ou pas. Mais au moins de les formuler. Ou pas.
C'est con. On était partis sur l'idée de parler de la pluie et du beau temps, pour meubler, des enfants qui grandissent et des parents qui vieillissent... Mais de « tu n'a pas changé » à « tu es si beau », on en était arrivés à « je n'ai jamais cessé de t'aimer », et tous les remparts furent abolis. Surtout celui de la raison. C'est la raison qui aurait du les freiner. Non ? Ou bien la pensée de cette femme, celle à laquelle la blonde pensait souvent, cette femme qui rendait heureux celui qu'elle aimait, et qu'elle essayait d'apprécier, parce qu'elle voulait le bonheur du géant avant tout. C'est ce qu'elle croyait penser. C'est ce qu'elle jeta avec le reste quand une grosse main tira sur les lacets de sa robe. C'est ce qu'elle oblitéra totalement quand la voix mâle réclama une visite de ses appartements. Elle oui. Pas le fils qui parfois rejoignait sa mère au cœur de la nuit, après un mauvais rêve. Quelques balbutiements plus loin, il avait été conclu que la porte serait scellée, et que l'enfant pourrait toujours se rabattre sur la nourrice si d'aventure il se réveillait.


Viens...
Je viens.


Une main fine fut saisie par une grosse pogne, elle le guida à travers le premier étage, bruissant des rires des quelques catins encore au travail derrière les portes de leurs chambrines, jusqu'au second, où pour accéder à sa chambre, il fallait longer en silence la porte de celle du couple gardien-gouvernante, puis celle de ce fils qu'ils avaient eu ensemble.
Elle ouvrit, l'invita à entrer, referma, et s'adossa au panneau de bois, comme si elle craignait encore qu'il ne se défile, que la raison ne lui revienne. Qu'il fuie.
La pièce luisait de la tiédeur du feu. Aucune lampe n'était allumée, seules les flammes projetaient ombres et lumières sur le riche mobilier de la pièce. De nombreux coffres s'appuient aux murs, contenant les innombrables robes de soie de la maquerelle, un baquet de bois est poussé dans un coin, et un paravent replié s'y adosse. A l'opposé trône le lit, indécente invite aux souvenirs brûlants.


Voilà.

Voilà, et elle le dévorait des yeux, peinant à croire ce qu'ils lui montraient.
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© Victoria Frances et ?, création Atelier des doigts d'Or
Le passé de Désirée ? C'est au Boudoir des Sens
Thorvald_
Entre le moment où il prononça le mot "appartements" et l'instant où elle se plaqua dos à la porte de sa chambre, Thorvald ne se souvenait de rien. Lui aurait-on donné un coup sur la nuque (de griffes oui) et l'aurait-on traîné là à son insu ? (Mauvaise foi masculine, quand tu nous tiens.)

Seraient-ils revenus des années en arrière, quand ils étaient encore jeunes et beaux, à la parisienne Rose Noire ? Oui, c'était bien cela, ils avaient bu un philtre magique et étaient tombés dans une autre dimension. Une dimension arpentauresque. Du temps où ils n'avaient d'autre souci que de se cacher de leurs mères respectives, comme des ados frondeurs. A cela près qu'en fait de mères, c'était des maquerelles et que Thorvald couchait avec sa m... Par tous les démons !
Éclair de lucidité.
La Succube dans le rôle de Jocaste.
Bon bref, l'heure n'était pas à l'introspection douteuse mais plutôt à la réalité crue. Il était pris au piège. Emprunt d'un désir bien ostensible. Et ce geste de Désirée, de lui barrer la porte pour ne pas qu'il s'enfuie (ou pour ne pas qu'Artur entre), lui rappelait une autre scène déjà jouée. C'était son tour, le moment de sa réplique. Et qu'avait-il fait déjà ? Ah oui, il s'était ruée sur elle, l'avait déshabillée en mille soupirs amoureux et l'avait étendue sur la couche pour, lentement, longuement, faire taire l'ardeur de leur passion.
Mais ce jour-là, cela se passera-t-il ainsi ?

Comme les hommes sont lâches. Même le plus puissant des colosses s'abat devant la féminité nue. Fervent adorateur, il s'agenouille. Il confesserait n'importe quoi pourvu qu'elle le laisse entrer dans le cercle de ses fidèles. Et il y entre avec dévotion.
Il y entre même plusieurs fois. La raison n'est plus. L'adoration tient tout, de la tête à la queue. Et les bouches ne se quittent qu'en prières zélées. Et les peaux se brûlent d'aduler des cieux fiévreux. La révélation n'arrive qu'après de profonds sacrifices, de longues litanies. On frôle alors le fanatisme, cent fois, avant de tomber en pâmoison.
Non, vraiment, la religion, ya qu'ça d'vrai. Surtout en terres de culte libre.

Quelques braises encore étonnées éclairent le désastre des vêtements épars. Les corps sont repus. Thorvald ferme les yeux : ne pas dormir ici-ne pas dormir ici. On ne dort pas sur les lieux de cultes, surtout quand le petit enfant de chœur a pour habitude de venir sonner les cloches dès matines.

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Merci à ma tisseuse qui colore et renoue les fils de ma vie ... Vero.
Desiree.
Elle dit non comme on dit oui, elle dit oui comme on gémit « encore ». Elle serre les dents ou, mieux, les enfonce dans un oreiller tendre, sauvant une épaule mâle des marques de sa trahison au dernier instant.
C'est que neuf ans sans ferveur, ça vous décuple les sensations. Ça vous incite à accepter toutes les dévotions. Ça fait vibrer les émotions.
Comme la première fois qu'ils se sont embrassés dans la soie, elle pleure. De soulagement. Une perle d'argent, unique, de chaque coté.

Et elle se relève sur un coude, pour embrasser encore ces lèvres qui l'ont si bien dévorée.


Ne t'endors pas...

Ne t'endors pas Thorvald, tu as une autre femme à honorer. Une vie à retrouver. Du feu à oublier.
Mais surtout, surtout, ne t'endors pas, que dirais-je à notre fils s'il venait à te trouver ? Comment lui expliquer que sa mère préfère que tu trahisses ta femme plutôt que de ne plus l'aimer ? Comment expliquer que des miettes de bonheur, juste une fois, c'est toujours mieux que cette sécheresse de l'âme que toutes les dévotions aux autels de pierre ne suffiront à apaiser ? Comment expliquer qu'il est possible d'aimer de deux cotés ? Dieu ! Puisse cette fois là ne pas rester unique !

Les pensées voilent le regard gris, l'éclairent puis le voilent tour à tour, mais elle ne prend pas la peine de le cacher. Dès leur première rencontre, il a su y lire, du moins le croit-elle. Les blondes, ça sait être aussi niais que les géants bruns, c'est un fait.
Une main parcourt le ventre mâle, remonte vers le torse, caresse le cou, effleure le menton ou explore les ridules qui ornent le coin des yeux. Les siens ne sont pas si marqués, encore. Peut être n'a-t-elle pas assez ri. C'est la sévérité qui frappe par endroits son visage, quand elle est fatiguée.
Peut-être Thorvald est-il réellement plus vieux qu'elle. Ils étaient des enfants, pourtant, neuf ans auparavant.

Un sourire blond embrasse à nouveau la bouche du géant.


Ne t'endors pas...

Tu dois rentrer chez toi... ou revenir au creux de moi.

Gourmande ? Si peu... Si peu...
La raison revient, par instants. Elle sait qu'il faut qu'il parte. Elle a toujours su. Il fallait toujours qu'il parte, dès la fin de leurs ébats. Ils n'avaient jamais connu la langueur de l'endormissement. Elle l'avait toujours accepté sans protester. Elle n'avait jamais eu le choix. Et si cette fois elle était déliée du poids des roses, elle ne voyait pas plus de raisons de réclamer. Elle ne serait jamais la première. Elle s'en moquait. « Je n'ai jamais cessé de t'aimer ». Niaise, j'ai dit.

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© Victoria Frances et ?, création Atelier des doigts d'Or
Le passé de Désirée ? C'est au Boudoir des Sens
Thorvald_
Au-dessus de lui, deux beaux yeux gris où rôdent les ombres de l'incertitude.

Il passe un gros bras autour de sa taille, délicatement pour ne pas lui briser les côtes. Il la contemple et la devine, condamné à taire ses propres questions. A quoi cela servirait-il de promettre ce qu'il ne tiendra pas. Il n'a jamais su prendre de décision ; que se laisser porter par le destin, nonchalant, insolent presque, en apparence. La décision de quitter Aubanne est inconcevable. La décision de ne pas revenir voir Désirée est improbable. (C'est la mère de ton fils, tout de même, dit la voix mâle de la mauvaise foi). La décision de rester fidèle ne paraît envisageable qu'en restant fidèle aux deux. Peut-on aimer deux femmes ? S'apprécient-elles, au fait ? Non, si ses souvenirs sont bons. Pas plus que ça. A Paris, il était tranquille, les deux mondes ne se mélangeaient pas. Mais Genève est toute petite... T'es dans la merde mon gars. File !

Mais il la sent se serrer contre lui. Il a envie de cueillir sa bouche, de remettre ça. De la laisser dire la messe à nouveau. Cependant, des craquements de parquet mettent ses sens en alerte. Petits petons égarés ou départ d'un client ? S'il a toujours été lâche avec les femmes, il ne plaisante pas avec ses enfants. Artur ne doit pas le voir ici, dans cette chambre qui est un peu à lui, dans ce monde qu'il s'approprie lentement. En silence, il se rhabille et embrasse Désirée. Le couloir est vide : il sort.

Le froid de la rue ravive ses esprits. Que dira-t-il à Aubanne ?

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Merci à ma tisseuse qui colore et renoue les fils de ma vie ... Vero.
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