Desiree.
- [Oh ! Plaise à Dieu que tes yeux se posent sur moi]
Zazie, Au diable nos adieux
Intérieur, jour.
Une chambre dauberge, simple, mais confortable et propre.
La matinée à été passée à visiter des bâtisses. Lune a retenu plus particulièrement son attention, elle y retournera le lendemain, pour une seconde visite plus approfondie.
Il est fort probable que beaucoup dor va disparaitre entre les mains du futur ancien propriétaire. Avoir pignon sur rue est un atout indiscutable pour ses futures activités.
Mais lheure nest ni au travail, ni à la réflexion.
A la prière, peut être. Ou à l'angoisse. Les retrouvailles n'ont pas été pénibles, parce que publiques. Qu'en serait-il de celles du jour, plus privées ?
Lenfant, baigné et vêtus de beaux habits, a été envoyé au marché avec le gardien qui le veille comme un ombre. Dans sa main, quelques écus pour des friandises.
A pied du feu ronflant, dans la chambre, le baquet deau fume encore, et une blonde sylphide y est immergée.
Ingrid, vous me préparerez la robe mauve que je viens dacquérir à lAtelier des Doigts dOr. Celle par la maitre dAtelier, la mauve avec un simple galon dor.
La servante/nourrice/camériste de la catin ouvrit donc un luxueux coffre de cèdre pendant que sa maitresse finissait ses ablutions, et déplia avec soin la riche robe de soie sur le lit. Puis elle aida la blonde à se sécher et se vêtir des multiples épaisseurs de soie. Les bas furent tout dabord noués avec grand soin, dun ruban assorti à sa tenue. La chainse de lin fin vint recouvrir la chair de poule naissante sur sa peau diaphane. Une cotte beige, puis un surcot mauve et un bustier violet vinrent compléter la tenue. La cape de soit attendait sur le lit le départ de la blondine. Qui elle-même attendait son visiteur.
Assise dans un fauteuil, elle finissait de peigner ses cheveux dor pâle, regardant par la fenêtre. Un geste de la main avait renvoyé la jeune camériste qui voulait tresser les mèches blondes.
Cest bon, Ingrid. Tu peux utiliser le bain avant de le vider. Laisse moi.
Un vague murmure suivi dun bruissement de linge et déclaboussures lui indiquèrent que la servante ne sétait pas fait prier pour profiter de leau encore tiède du bain, qui valait toujours mieux que celle, glaciale, du broc au petit matin.
La catin, hautaine et froide, nétait pas connue pour maltraiter ses domestiques. Elle les frappait rarement, les payait régulièrement, et les gratifiait parfois de quelque largesse, comme la possibilité de se laver à leau chaude après que son fils et elle aient pu bénéficier de leau claire pour leurs propres ablutions. Gâcher nétait pas bien vu, chez Désirée.
Peu de gens savaient que cela était du à ses jeunes années, quand évadée dun bordel elle avait gagné sa liberté au prix de nombreuses privations, avec les quelques autres fous dans son genre lors de l'ouverture du Boudoir des Sens à Paris.
Le peigne en argent fut reposé sur le meuble le plus proche, et les mains croisées sur son ventre trop plat. Elle attendait son visiteur. Elle priait, peut être. Mais pas Dieu. Dieu ne pouvait rien pour elle. Et si elle appréhendait les reproches qui certainement tomberaient nettement sur son coeur finalement fragile, elle appréhendait plus encore de le voir distant et froid.
Parce que c'était elle qui avait disparu de la circulation avec leur fils, sans jamais l'informer. Elle avait tiré le trait sans le lui demander. Elle avait cru agir au mieux, pour sauver l'enfant, pour qu'on ne la sépare pas de son bébé, elle avait renoncé à Lui. Et disparu dans Paris.
Elle priait. Mais pas Dieu. Et elle attendait maintenant son visiteur.
Si ce dernier réclamait son fils, elle le savait être au marché, où ils pourraient facilement le rejoindre. Sil ne le réclamait pas
- Oh plaise à Dieu que tes yeux se posent sur moi
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© Victoria Frances et ?, création Atelier des doigts d'Or
Le passé de Désirée ? C'est au Boudoir des Sens