--La_femme_au_masque
Quel est ce va et vient? La dame connait bien l'endroit. Depuis plusieurs jours une drôle d'équipe a prit place dans ce quartier.
Elle épie à chaque fois que sa calèche passe devant cette maison. D'escapade en escapade elle fouine. Meubles, soieries,... L'équipement complet pour un décor de choix. La curiosité de la noble femme est piquée au vif.
Il faut dire que peu de choses animent sa petite vie. Un mari trop occupée par les autres décolletés. Une cage dorée. Une descendance qui ne vient pas, et pour cause, ils ont cesser d'essayer, depuis le temps. Elle ne voit plus que du dégout dans les yeux de celui qu'elle avait aimé autrefois. Aujourd'hui son coeur est vide, son existence sonne creux. Loin d'elle la rebelle qui eut enflammé mille fois l'humeur de son paternel.
Et puis la veille, une conversation surprise entre deux bonnes.
"Il parait qu'on va ouvrir un bordel! T'y crois toi!
- Ou ça Marie?
"Près d'ici! Oui oui, tout près !
-Nan di djou je préfère encore frotter le sol à la brosse de fer chaque jour.
"T'as raison Léonie, d'ailleurs, ne tardons pas à préparer le dîner.
Derrière la porte de la cuisine son sang ne fait pas un tour avant qu'elle n'ai fait le rapprochement. Un événement qui va sans doute bouleverser sa vie. Non, elle n'a jamais trompé son mari, à quoi bon quitter un homme fortuné avide de pouvoir pour un autre peut être encore plus avide. Au moins, le sien lui laisse une certaine liberté que ses amies n'ont pas toutes. Trop bête de prendre le risque de tout perdre.
Mais quand même... oui, il y a ce manque au creux de son ventre. Cette absence permanente. Ce vide. La tendresse, la chaleur... ses draps sont trop froids depuis qu'il découche a peu près toutes les nuits.
La solution s'impose à quelques rues à peine. Un signe du destin, oui, elle y croit. Tellement fort que quelques jours plus tard, quand elle actionne le lourd heurtoir de bronze, aucune hésitation dans sa main qui cogne lourdement.
Bien sûr, avant de grimper les marches de pierre, elle a prit la peine, discrète, d'enfiler un masque noir orné de pierre sombre. Ironie du sort, c'est son Louis qui lui a offert, bien des années plus tôt, pour leur premier bal masqué marital.
Pourquoi se voiler la face? Déjà, elle n'a jamais mis les pieds dans tel endroit. Se dissimuler en partie la rassure simplement. Ensuite, elle aime le mystère mais surtout, elle aime la façon dont ses yeux gris sont mis en valeurs lorsqu'ils sont sertis par le masque.
Il fait froid, elle se frotte les mains, puisse l'attente ne pas être longue...
--La_femme_au_masque
Rapidement un oeil traverse le judas et une voix féminine l'interpelle.
Bonsoir madame, que nous vaut le plaisir de votre visite?
Quelle étonnante question. Si son éducation ne lui avait pas permis de contrôler ses émotions en toutes circonstances, pour sûr elle aurait rougit. D'une voix basse elle s'empresse de répondre.
J'ai entendu dire que l'inauguration de votre.... -bordel- boudoir avait lieu ce soir.
"A son avis qu'est ce que je viens faire là?" Un haussement de cil imperceptible trahit son amusement. La porte s'entrouvre et une seconde femme lui adresse ses salutations dans ce qui lui semble être une invitation à entrer. Elle franchit donc la dernière marche et se poste dans l'entrée. Un coup d'oeil à la jeunette, un sourire qui veut dire "Ca va, je peux entrer?"puis elle patiente afin qu'on l'oriente. Rapidement ses yeux gris fouillent la salle: le bar à droite, un âtre crépitant pile en face, des sièges à l'allure accueillante et aux coussins d'apparence confortable. Par où commencer? L'ambiance est pour le moins chaleureuse, la décoration de goût, pas trop surchargée comme on en fait souvent l'erreur, bref, tout pour se mettre à l'aise. Tout ou presque. N'y a-t- il que des femmes? Son regard parcoure la salle à la recherche de gente masculine. Non pas qu'elle est pressé, au contraire la soirée est toute à elle... Mais justement, elle veut la savourer du début à la fin.
--La_femme_au_masque
[Salon: Fuis moi et je te suis. Suis moi et je t'attend...]
Soudain se dessine à la lueur des flammes, une ombre virile. Rapidement la dame détaille le courtisan qui s'incline à elle. La carrure est solide, nul doute possible, l'homme est robuste. Quelques secondes elle reste figée, un face à face distant. Puis la femme masquée consent à incliner la tête et tout en relevant les yeux sur lui, fige ses prunelles dans le regard de l'homme. Un frêle sourire s'étire sur ses lèvres. Tellement imperceptible qu'on peut penser l'avoir imaginer. Si il n'a pas comprit, il peut changer de métier.
L'attention de la cliente se reporte alors sur la jeune femme qui lui a ouvert la porte. Du menton elle désigne le bar.
Jeune fille, je compte sur vous pour me dénicher un précieux liquide qui saura éveiller mes sens ce soir..
Evitant soigneusement de regarder le courtisan de nouveau, elle se dirige à présent vers quelques fauteuils qui semblent lui tendre les bras. Le langage du corps est parfaitement maitrisé. Aucun signe ne laisse paraître le trouble que le courtisan à d'hors et déjà semé en elle. Dissimuler ses émotions, elle à bien apprit. Alors, sans se presser, domicile est élu dans un écrin de velours.
Sereine, elle attend qu'il vienne à sa rencontre. Non, à cet instant, elle n'a aucun remord quand à la soirée qui se profile à l'horizon. Il est temps de ne penser qu'à elle, rien qu'à elle. Depuis longtemps son mari agit ainsi. Si elle veut survivre dans ce monde surfait, il lui faut faire renaître la rebelle qu'elle a trop longtemps enfouit et rejeté. Au moins pour une nuit...
Kalan
[devant la porte]
Elle l'avait exaspéré, Aubanne.
Il en avait eu par-dessus la tête ! Et lui, parfait imbécile, s'était mis à lui raconter sa vie...
La jeune femme s'était alors mis en tête de lui révéler les élans de son coeur, en avait conclu qu'il était amoureux, quand il s'était évertué à lui démontrer le contraire.
Paris.
Dépité, contrarié, il était venu jusqu'ici assouvir sa soif de sexe sans lendemain, son désir de soumettre une fille prête à s'offrir sans complications.
Et là, au bout de la rue, une lanterne rouge au-dessus d'une porte ouverte comme une invite.
Un escalier de pierre qu'éclairent des torches. Les lieux ne payent guère de mine.
Et lui qui grimpe vivement vers la lumière, aimanté comme un papillon de nuit.
Aveuglé, un peu éméché, il heurte un pavé mal ajusté et étouffe un juron .
Mordiable ! Bord...
Il n'est pas en manque pourtant. Comment expliquer ce besoin qu'il a de se noyer dans une fille, blonde de préférence.
Les brunes, il les a trop fait souffrir...
Les blondes, c'est terrain vierge, fief inexploré, qu'il n'a pas encore malmenées, pas de cette façons du moins.
Ou une rousse... oui une rousse...
La maison n'a pas l'air bien grande, on y devine une atmosphère intime, le genre d'endroit pas trop huppé qui lui plait, où les femme sont simples et avenantes, sans complexes et sans artifices.
Le judas grillagé est ouvert, comme une invitation au plaisir.
Il donne un coup de botte avant d'apercevoir le petit heurtoir de bronze dont la délicatesse l'émeut, prémices de la féminité tapie derrière cette porte.
Il se retient de crier de sa voix rude :
Jouvencelles, puterelles, ribaudes, dames de petite vertu, qui que vous soyez, ouvrez !
Jharka
[Au hasard des rues de Paris]
A peine le pied posé sur le pied sur sol français, Jharka avait été effrayée.
Pourtant, elle en avait rêvé de son arrivée , pendant ces longs mois où Daubigny avait promis de la prendre sur son bateau.
Au travers des courriers qu'elle lui traduisait, elle avait essayé de comprendre ce conflit qui l'opposait au Limousin, de s'habituer à l'idée d'arriver en ennemie.
Mais le bateau était resté à quai.
De guerre lasse, elle s'était rendue à An Tinbhear Mor où elle avait patienté de longues semaines, seule et désemparée.
La tête lui avait tourné quand elle était arrivée enfin à Paris.
Jamais elle n'avait vu autant de monde!
Les hommes qui l'approchaient lui faisaient peur. Elle ne savait comment répondre à leurs avances. Elle en mourait d'envie pourtant, d'être serrée dans des bras, mais quelque chose en elle se refusait. Elle ignorait si pour prendre du plaisir, il fallait partager des sentiments.
Elle ne s'était pourtant pas posé cette question, le soir où Keenan l'avait prise avec brusquerie, presque par surprise.
Elle n'avait jamais oublié cette étreinte et quelque part, au creux de son ventre, quelque chose se creusait quand elle y pensait. Elle y pensait souvent.
Elle était passée et repassée dans cette rue...
En plein jour, la lumière était éteinte et on ne devinait pas ce qui se cachait derrière la porte. Mais cette nuit, une lanterne appelait le chaland , l'escalier était inondé de lumière et, tout en haut, elle le savait pour avoir en avoir déjà gravi les marches, il y avait un heurtoir et un petit judas.
Kalan
[Entrée au salon ]
Avant qu'il ait pu se saisir du heurtoir, la porte s'était ouverte.
Il n'a eu le temps que d'apercevoir un buste engageant.
Le nez dans le décolleté de la jouvencelle, il imagine qu'elle a dû lui susurrer un petit rituel d'accueil.
Mais déjà le sein offert reprend sa place tandis que la fille se redresse.
On m'appelle la rouquine, bienvenue au Boudoir...
Kalan retient le sourire qui se dessine sur ses lèvres.
Il s'aperçoit alors que la propriétaire des attributs qu'il a longuement détaillés est une superbe rousse.
Il embrasse la pièce du regard et il est un peu surpris. Ses bottes foulent un tapis moelleux. Des tentures ornent les murs. Un feu crépite doucement dans la cheminée.
Il avait oublié qu'un tel raffinement existait.
Il secoue la tête pour ne pas se laisser submerger par des souvenirs inopportuns...
Deux hommes, un blond et un brun sont debout, immobiles.
A droite, une jeune fille s'affaire au bar, tête baissée sur des bouteilles soigneusement alignées
Kalan fronce les sourcils. Non, pas une jeunette !
Mais il n'y a ici que la rouquine et cette gamine.
En détaillant mieux les lieux, il remarque une femme installée dans un fauteuil, un verre serré entre ses doigts délicats. C'est elle le centre d'attention des deux hommes!
Kalan reporte son attention sur la rousse puis se dirige vers le bar.
Eh bien, fillette, si tu m'servais un godet de bienvenue ?